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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110524

Dossier : IMM-3201-10

Référence : 2011 CF 606

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

 

JUAN JOSE BELTRAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Dans mes motifs initiaux de l’ordonnance (2011 CF 516), j’ai demandé à l’avocat de M. Beltran de rédiger pour ma signature un projet d’ordonnance donnant effet aux motifs, selon lesquels permettre que l’enquête soit poursuivie constituerait un abus de procédure. L’avocat du demandeur a présenté le projet, dont la forme et le fond ont été approuvés par l’avocat du ministre défendeur. L’ordonnance sera signée.

 

[2]               J’ai également accordé un délai au ministre pour qu’il propose une question grave de portée générale qui permettrait de présenter un appel devant la Cour d’appel fédérale. Le ministre a proposé deux questions. M. Beltran a affirmé qu’aucune des deux questions ne devrait être certifiée.

 

[3]               Les questions sont les suivantes :

a.       Est-ce qu’un arrêt de la procédure devant la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, lequel lie également l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) en plus de la Section de l’immigration, est une mesure appropriée lorsqu’un demandeur n’a pas d’abord contesté le renvoi effectué en application l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du rapport de l’ASFC?

b.      Pour décider si elle doit ordonner l'arrêt de la procédure d'enquête au motif que l'ASFC ne devrait pas être autorisée à s'adresser à la Section de l'immigration, la Cour a-t-elle la compétence pour examiner la preuve même que l'on entend présenter à la Section de l'immigration?

 

[4]               À mon avis, le but d’un contrôle judiciaire d'un rapport préparé en vertu de l’article 44 est de rectifier une situation bien différente de celle visée par un arrêt de la procédure. Un contrôle judiciaire cible la raisonnabilité (ou, dans certains cas, le caractère correct) d’une décision. Un arrêt de la procédure ne concerne en rien la raisonnabilité de la décision. Plutôt, son but est de faire cesser un abus de procédure. De plus, un arrêt de la procédure est basé sur un dossier différent, comme je l'ai expliqué aux paragraphes 31 et 32 de mes premiers motifs. Le ministre propose une procédure en deux étapes. Si l’autorisation n’était pas accordée ou si elle l’était et que le contrôle judiciaire fût rejeté, M. Beltran aurait toujours la responsabilité de demander un arrêt de la procédure au motif de l'abus de procédure. À mon avis, ajouter une telle étape compliquerait inutilement la procédure et créerait des frais additionnels pour les deux parties; des frais que M. Beltran pourrait ne pas être en mesure de supporter. Nous devons faciliter l’accès fondamental à la justice au moyen de procédures réduisant au minimum les frais et la complexité inutiles (Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62).

 

[5]               En ce qui concerne la seconde question, on pourrait très bien croire que le but de la démarche était d’examiner la preuve même. Cependant, le but était plutôt de savoir à quel point, le cas échéant, le passage du temps, soit l'inaction du ministre, nuisait à la défense de M. Beltran. J’ai traité de ce point aux paragraphes 39 et 40 de mes premiers motifs. Par conséquent, la deuxième question est sans mérite.

 

[6]               Une analyse des documents qui devaient être présentés à la Section de l’immigration a montré que les alliances entre les divers groupes de protestation au Salvador changeaient constamment. L’appartenance de M. Beltran aux LP‑28 n’a été que très brève. M. Beltran croyait que les LP‑28 ne faisaient pas partie du FMLN, mais plutôt du FDR; voir le paragraphe 44 des premiers motifs.

 

[7]               Il aurait été difficile, voire impossible, pour M. Beltran de se défendre de façon appropriée, vu le temps écoulé en raison de l'inaction du ministre.

 

[8]               Je suis d’accord avec l’avocat de M. Beltran lorsqu’il affirme que la présente affaire repose tout simplement sur des faits trop particuliers pour qu’elle soulève une question de portée générale.


ORDONNANCE

 

            LA COUR statue comme suit :

1.                  La Cour déclare que l’enquête contre le demandeur, basée sur le rapport préparé en vertu du paragraphe 44(1), signé le 18 février 2009, constitue un abus de procédure.

2.                  Il est interdit au ministre de rédiger tout autre rapport en vertu du paragraphe 44(1) contre le demandeur concernant une allégation d’interdiction de territoire fondée sur l’alinéa 34(1)f) en raison de son appartenance aux Ligas Populares 28 de Febrero (LP 28), sauf si le ministre obtient de nouveaux éléments de preuve crédibles et fiables relativement à l’appartenance du demandeur aux LP 28; éléments que le ministre n’aurait pas pu obtenir par ailleurs en ayant fait preuve de diligence, avant la date de la présente ordonnance.

3.                  Il est interdit à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié de poursuivre l’enquête contre le demandeur basée sur le rapport préparé en vertu du paragraphe 44(1), signé le 18 février 2009, et de commencer toute autre enquête basée sur un rapport préparé en vertu du paragraphe 44(1) concernant une allégation d’interdiction de territoire fondée sur l’alinéa 34(1)f) en raison de l’appartenance du demandeur aux LP-28; sauf si le ministre obtient de nouveaux éléments de preuve crédibles et fiables concernant son appartenance aux LP-28, éléments que le ministre n’aurait pas pu obtenir par ailleurs en ayant fait preuve de diligence, avant la date de la présente ordonnance.

 

 

 

“Sean Harrington”

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3201-10

 

INTITULÉ :                                       JUAN JOSE BELTRAN c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               17 MARS  2011

 

MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES

POUR L’ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                             LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS:                       LE 24 MAI 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexis Singer

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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