Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

 


Date : 20110623

Dossier : IMM-5825-10

Référence : 2011 CF 755

 

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2011

En présence de Monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENTRE :

 

ARASH LATIFI BENMARAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

          MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est appelée à procéder à un contrôle judiciaire portant essentiellement sur des conclusions en matière de crédibilité. Ces conclusions ont amené le membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) à refuser la demande d’asile du demandeur vu qu’il n’a pas été déclaré être un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Le demandeur affirme qu’en tant que journaliste en Iran il avait dénoncé le gouvernement, et qu’en conséquence il avait été sommé de comparaître en justice.

 

[2]               Les conclusions de la CISR sont fondées sur les éléments suivants en ce qui a trait au manque de crédibilité du demandeur dans le cadre de sa demande d’asile : 

a.       Le demandeur a présenté une demande d’asile au Royaume-Uni et elle a été refusée. La lettre produite à son soutien de sa demande indiquait que les motifs y étaient annexés. Ils n’ont pas été fournis et les explications du demandeur n’ont pas été jugées satisfaisantes. La CISR n’a pas cru que sa demande avait été refusée parce qu’il était entré muni d’un visa d’étudiant, pour être par la suite sommé de comparaître en devant un tribunal.

b.      La CISR croit que le demandeur a travaillé pour le compte de Soureh Cinema en qualité d’artiste en graphisme. Elle n'a pas cru qu’il faisait carrière en journalisme.

c.       Les renseignements concernant l’instruction du demandeur n’étaient pas cohérents avec tous les éléments de preuve documentaire produits. Les diplômes fournis indiquaient même la fréquentation d’une université dont il n’avait jamais été question. Les dates des études étaient également contradictoires.

d.      Les divergences dans les dates de fréquentation des diverses institutions n’ont pas été expliquées de façon satisfaisante. Par exemple, la CISR n’a pas cru qu’une école prendrait jusqu’à deux ans pour délivrer un relevé, à plus forte raison un relevé qui comporterait des dates différentes de fréquentation que celles alléguées.

e.       La preuve documentaire ne révèle aucun emploi à temps partiel auprès de Soureh Cinema avant juillet 2004. La lettre provenant de Soureh Cinema ne fait état que d’un emploi en tant qu’artiste en graphisme, non comme journaliste.

f.        Le demandeur n’a pas produit sa carte d’accréditation de journaliste, et cette omission n’a pas été expliquée de façon adéquate. La carte de presse fournie fait état du surnom du demandeur. La CISR a conclu qu’il pourrait aisément produire une version trafiquée de ces documents vu les connaissances en infographie qu’il a admis posséder.

g.       Aucune copie des articles allégués n’a été produite. Plus particulièrement, l’article dénonçant la disparition de deux journalistes n’a pas été fourni. Les descriptions du contenu de ces articles n’étaient pas adéquates.

h.       La CISR n’a pas cru que le demandeur pouvait soumettre un article directement par l’Internet, sans l’approbation d’un rédacteur en chef.

i.         En conséquence, comme il y avait des doutes quant à la crédibilité, la CISR a reproché au demandeur de n’avoir produit aucun élément de preuve extrinsèque.

 

[3]               Selon le demandeur, la CISR a violé la présomption de véracité reconnue aux revendicateurs d’asile tel qu’énoncée dans Maldonado c. Canada (Emploi et Immigration), [1980] 2 CF 302 (CAF). Des explications ont été fournies pour expliquer le défaut de présenter des documents, mais il est allégué que la CISR a omis de prendre en compte les explications concernant plusieurs aspects des inférences défavorables qu’elle avait tirées. L’importance des divergences quant aux dates a été minimisée, vu que le demandeur a fourni en fin de compte l’information juste. On reproche à la CISR son excès de zèle. Le demandeur reformule comme étant véridique sa version des faits, notamment en ce qui concerne son emploi. Il soutient qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce qu’il produise des exemplaires des articles rédigés vu qu’ils avaient été retirés de l’Internet par les autorités. Le demandeur déclare que la CISR a commis une erreur en ignorant ses explications. De plus, la CISR ne pouvait contester la validité de documents officiels puisque cette décision ne relevait pas de son domaine d’expertise.

 

[4]               Le défendeur soutient que ses conclusions en matière de crédibilité sont raisonnables. L’omission de fournir les motifs du rejet prononcé par le Royaume-Uni est déterminante, et elle justifie la CISR de tirer des inférences défavorables d’autres divergences et omissions puisque la crédibilité constituait une question centrale. Les conclusions de la CISR appartiennent aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit, et elles ne devraient pas être révisées.

 

Analyse

[5]               L’appréciation de la crédibilité du demandeur par la CISR est une question de fait. Ainsi, elle doit être examinée par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Byaje c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 90; Singh Nijjer c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1259). Il est bien établi que la Cour doit apprécier si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, et qu’elle doit faire preuve de retenue à l’égard de la CISR en ce qui concerne ses conclusions en matière de crédibilité, pourvu qu’elles soient raisonnables, qu’elles s’appuient sur la preuve présentée et qu’elles n’omettent pas des éléments importants de la preuve. De plus, l’appréciation de la crédibilité d’un demandeur peut s’appuyer sur une absence de preuve corroborante (Alonso c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 683).

 

[6]               Dans le cas présent, les préoccupations de la CISR en matière de crédibilité reposaient sur trois éléments déterminants centraux. Les conclusions de la CISR à l’égard de ces éléments sont raisonnables.

 

[7]               Premièrement, l’omission du demandeur de fournir les motifs du rejet de sa demande d’asile au Royaume-Uni a été questionnée. Il n’était pas raisonnable de la part de la CISR d’exiger la corroboration sous forme de documents de sa demande d’asile rejeté, particulièrement étant donné que les motifs s’étendaient, semble-t-il, sur 25 pages et que le demandeur n’a seulement formulé que des commentaires superficiels sur leur teneur. À la lumière des préoccupations en matière de crédibilité soulevées sur plusieurs aspects du présent cas, il était raisonnable pour la CISR de tirer une conclusion défavorable de ce fait (voir Byaje, précité, et Sinnathamby c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 A.C.F. 473 (CF)). La CISR aurait même pu être justifiée de fouiller davantage la question sur ce point, car il apparaît curieux que le demandeur puisse avoir la lettre concernant la décision défavorable en sa possession, mais non pas ses motifs.

 

[8]               Deuxièmement, le demandeur n’a pas pu produire les articles qu’il aurait écrits. Bien que cette omission puisse ne pas avoir été fatale, la CISR n’était pas convaincue de la description, ou de l’absence de description, du contenu des articles. Elle a plutôt tiré une inférence défavorable à la fois de l’omission de les produire et de celle d’élaborer de façon significative sur leur teneur. Les efforts déployés par le demandeur pour trouver les documents n’ont pas été jugés suffisants, ni les explications fournies. Il est bien établi que l’absence de preuve documentaire corroborante est pertinente lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité, et rien n’indique, dans le présent cas, que l’appréciation de la CISR n’appartenait pas aux conclusions acceptables qui auraient pu être tirées. 

 

[9]               Les préoccupations quant à la crédibilité se sont davantage aggravées de par le manque de crédibilité du demandeur en ce qui concerne son prétendu travail de journaliste. Il avait omis d’indiquer du travail à temps partiel avec Soureh Cinema. Sa propre preuve documentaire n’étayait pas son allégation de travail à temps partiel. Il y avait des divergences dans les dates de son emploi comme journaliste, et même dans celle à laquelle il a écrit son premier article. De plus, la preuve documentaire qui a finalement été produite quant à ses études contredit les dates indiquées dans les renseignements fournis. L’explication concernant les délais pour obtenir les diplômes n’est pas raisonnable. Il est indéniable qu’il puisse y avoir des délais, mais ceux-ci ne devraient pas en toute vraisemblance conduire à la confirmation de dates d’inscription différentes. Il était raisonnable pour la CISR de soulever des reproches à l’égard de ces faits dans le cadre de son appréciation de la crédibilité du demandeur.

 

[10]           Une lecture de la transcription permet encore plus de constater la pertinence de ces conclusions défavorables quant à la crédibilité.

 

[11]           La CISR a omis de mentionner la validité des sommations délivrées au demandeur. Elle a mis en doute la valeur probante du mandat d’arrêt. Cependant, comme la CISR n’a pas cru que le demandeur était journaliste, sa décision d’accorder peu de poids à ce mandat d’arrêt était raisonnable. Le fait de ne pas avoir fait référence aux sommations n’est pas déterminant, car la conclusion aurait probablement été la même. Cette position est conforme à la présomption de validité des documents étrangers mise en relief dans la décision Ramalingam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [1998] A.C.F. no 10 (CF 1re inst.). En effet, la décision de la CISR portant sur le mandat d’arrêt est différente de celle rendue dans l’affaire Azziz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 663, car les documents en cause ne sont pas des documents relatifs à l’état civil, et ils peuvent être distingués de ceux dont il était question dans Azziz.

 

[12]           Lorsqu’on la considère dans son ensemble, la décision rendue par la CISR est raisonnable : elle a pris en compte l’aspect contradictoire et l’insuffisance de la preuve documentaire; elle s’est fondée sur son expertise en tant que juge des faits; et elle a tiré des conclusions raisonnables quant à la crédibilité.

 

[13]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée et aucune n’a été suggérée par les parties.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5825-10

 

INTITULÉ :                                       ARASH LATIFI BENMARAN c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Viken Artinian

 

POUR LE DEMANDEUR

Mme Gretchen Timmins

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Allen & Associates

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.