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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110707


Dossier : IMM-7428-10

Référence : 2011 CF 826

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

SHAFKAT GAZIEV

 

demandeur

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 26 (la Loi), relativement à la décision datée du 18 novembre 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[3]               Le demandeur est citoyen du Tadjikistan et craint que s’il retourne dans son pays on le persécutera du fait de ses opinions politiques.

 

[4]               Dans l’analyse de la Commission, les questions déterminantes étaient la crédibilité du demandeur et sa crainte subjective.

 

[5]               La Commission a conclu que le demandeur, même s’il avait servi de relais pour la transmission de documents politiques (des dépliants et des tracts), n’avait pas joué un rôle important dans les activités politiques du Parti progressiste (le Parti). Le Parti s’était vu refuser son enregistrement et son chef Rustan Faziev était mort en prison; il n’y avait donc aucune preuve que le Parti était encore actif et présentait un risque de taille pour les autorités. La Commission n’a donc pas été convaincue que le demandeur était une personne qui intéressait la police.

 

[6]               La norme de contrôle à appliquer dans les affaires de cette nature est la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9). Cela étant, la Cour n’interviendra que si elle conclut que la décision de la Commission n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[7]               Après avoir analysé avec soin les observations verbales et écrites des parties et étudié le dossier du tribunal, la Cour conclut qu’il est justifié d’intervenir en l’espèce.

 

[8]               Tout d’abord, la Commission a conclu que le demandeur n’avait pas été honnête dans son témoignage de vive voix. Cette affirmation (décision, au paragraphe 6) repose sur une contradiction alléguée entre l’une des réponses données par le demandeur (dossier du tribunal, à la page 170) et son récit dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP). La question de la Commission était la suivante : [traduction] « Savez-vous si un mandat d’arrestation a été lancé contre vous? ». Le demandeur avait répondu : [traduction] « Eh bien oui, il m’ont dit que le KGB avait posé des questions sur moi et ils voulaient en quelque sorte que je tombe entre ses mains. »

 

[9]               Plus loin sur la même page, le demandeur a expliqué que son père avait dû payer un pot‑de‑vin élevé pour obtenir sa libération et que c’était à ce moment qu’on avait dit à son père qu’il fallait que son fils quitte le pays parce que le KGB avait déjà posé des questions sur lui.

 

[10]           La Cour est d’avis que la réponse nuancée du demandeur ne peut pas être considérée comme une exagération visant à étayer les allégations faites dans sa demande d’asile, comme l’a conclu la Commission. Il n’y a pas de contradiction entre cette réponse et celle qui est écrite dans le FRP (dossier du demandeur, à la page 29).

 

[11]           Deuxièmement, la Commission a déclaré qu’étant donné que le demandeur n’était pas un membre très actif du Parti non enregistré et que le dirigeant de ce dernier était mort en prison, le demandeur ne s’exposait pas au risque de perdre la vie. En fait, le demandeur avait été arrêté et torturé parce que la police croyait qu’il était membre du Parti ou qu’il l’aidait. La Commission n’a pas fait référence aux conditions régnant dans le pays et n’a pas analysé la crainte qu’avait le demandeur d’être persécuté du fait de ses opinions politiques : Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.) (QL), 15 Imm. L.R. (2d) 199, au paragraphe 6).

 

[12]           Troisièmement, dans son exposé additionnel des arguments, le défendeur soutient que le demandeur n’a pas présenté sa demande en temps opportun. Il est vrai que, selon la transcription figurant dans le dossier du tribunal, la Commission a interrogé le demandeur sur ce point. La décision compte huit paragraphes et on n’y trouve pas de commentaires ou de conclusions sur le fait que le demandeur a tardé à déposer la présente demande d’asile au Canada. La Cour ne traitera donc pas de cet aspect.

 

[13]           Les parties n’ont pas présenté de questions à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE comme suit :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre commissaire pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7428-10

 

INTITULÉ :                                       SHAFKAT GAZIEV c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 7 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Clifford Luyt                                                                                           POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin                                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada                                                               POUR LE DÉFENDEUR

 

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