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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110708

Dossier : T-1331-10

Référence : 2011 CF 837

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2011

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE
L’IMMIGRATION

 

demandeur

 

et

 

BEHZAD MEMAR-ZADEH

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INSTANCE

 

[1]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) interjette appel, en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi), d’une décision datée du 24 juin 2010 par laquelle un juge de la citoyenneté a conclu que le défendeur satisfaisait aux exigences relatives à l’attribution de la citoyenneté, conformément au paragraphe 5(1) de la Loi (la décision).

 

[2]               Le ministre demande que la décision soit annulée et que la demande de citoyenneté du défendeur soit rejetée.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, l’appel du ministre sera accueilli.

 

FAITS

 

[4]               Le défendeur, un citoyen de l’Iran né le 24 juillet 1965, a acquis le statut de résident permanent le 17 décembre 2000, lorsqu’il est arrivé au Canada en tant que membre de la catégorie des entrepreneurs.

 

[5]               Depuis son arrivée, il a travaillé comme agent des ventes auprès de trois fabricants de silos à grains au Manitoba, et il a généré des ventes de dizaines de millions de dollars. Cependant, sa première demande de citoyenneté a été refusée le 26 juin 2008 parce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence.

 

[6]               Le défendeur a présenté sa seconde demande de citoyenneté le 9 septembre 2008. Dans les quatre années précédant le dépôt de sa demande, il avait accumulé 572 jours de résidence au Canada et avait été absent pendant 888 jours.

 

[7]               Le 2 juillet 2009, le défendeur a présenté un questionnaire sur la résidence (le questionnaire) et a passé son examen écrit de citoyenneté, pour lequel il a obtenu une note parfaite.

 

[8]               Le défendeur a été interrogé par le juge de la citoyenneté le 28 mai 2010.

 

DÉCISION

 

[9]               Le 24 juin 2010, le juge de la citoyenneté a attribué la citoyenneté canadienne au défendeur. Il a appliqué la décision Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27, dans laquelle la juge Barbara Reed a conclu que le mot « résidence » signifie que le Canada doit être le pays dans lequel l’auteur de la demande de citoyenneté a centralisé son mode d’existence, et elle a ensuite énuméré les facteurs qu’il fallait prendre en considération (le critère Koo).

 

[10]           La décision a été écrite à la main sur un formulaire imprimé, intitulé [traduction] « Audience en matière de résidence – Synopsis d’approbation ». Ce document énumère les facteurs formulés dans le critère Koo sous la forme de questions à prendre en considération, et le juge de la citoyenneté a inscrit ses conclusions relatives à chacun de ces facteurs.

 

[11]           La troisième question est la suivante : [traduction] « La forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu’elle n’est qu’en visite?» Le juge de la citoyenneté y a répondu ce qui suit :

[traduction] Le client voyage pour affaires. Il possède deux habitations au Canada. Il n’en possède aucune à l’étranger. Il possède aussi une entreprise, qui l’amène à voyager. Il fournit également un service fort utile à des entreprises canadiennes situées au Manitoba en ouvrant un marché important auquel ces entreprises n’auraient habituellement pas accès. Revient au Canada chaque fois qu’il en a l’occasion.

 

 

[12]           La cinquième question est la suivante : [traduction] « L’absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire? » La réponse du juge de la citoyenneté est la suivante :

[traduction] Non. Parce que, vu la nature de son entreprise, les voyages à l’étranger se poursuivront vraisemblablement. Il entretient de solides relations avec des Canadiens présents au Canada et à l’étranger en raison de ses activités commerciales [témoignages d’entreprises canadiennes et de l’ambassade du Canada en Iran au dossier].

 

 

[13]           La sixième question est la suivante : [traduction] « Quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada? » La réponse du juge de la citoyenneté est la suivante :

[traduction] La qualité des attaches avec le Canada est excellente. Il entretient des relations avec des entreprises canadiennes, connaît bien les pratiques commerciales canadiennes, fréquente des Canadiens ici et à l’étranger et offre aux entreprises canadiennes des débouchés importants en ouvrant pour elles de nouveaux marchés. Il possède également une entreprise au Canada et deux habitations. Il ne possède aucune autre habitation ailleurs dans le monde. Les attaches qu’il a avec le Canada sont plus solides qu’avec n’importe quel autre endroit.

 

 

[14]           Le juge de la citoyenneté a conclu en disant, en partie, que le défendeur [traduction] « satisfait aux exigences en matière de résidence de la Loi. Il vit et travaille au Canada et voyage pour affaires ». Et, ajoute-t-il :

[traduction] Il contribue dans une large mesure au succès d’entreprises canadiennes en ouvrant des marchés auxquels ces dernières n’auraient habituellement pas accès. Ses attaches avec le Canada sont plus solides qu’avec n’importe quel autre endroit dans le monde. Ses habitudes de voyage se poursuivront vraisemblablement. En me fondant sur la décision Koo (Re), je suis convaincu qu’il satisfait aux exigences de la Loi en matière de résidence. Il a également obtenu une note de 100 % à son test écrit sur sa « connaissance » du Canada, ce qui montre aussi qu’il participe à la vie du Canada et qu’il a une connaissance approfondie du pays.

 

 

 

NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

 

[15]           Le ministre soutient que la question de savoir si le défendeur satisfait aux exigences en matière de résidence est une question mixte de fait et de droit, et donc susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. La décision citée la plus récente est Paez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 204, 165 A.C.W.S. (3d) 228.

 

[16]           Le défendeur convient que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité, et il invoque les arrêts Dunsmuir c. Canada (Nouveau-Brunswick), 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.

 

[17]           Je suis d’accord et je contrôlerai la décision en fonction de la norme de la raisonnabilité.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[18]           D’après le ministre, il ressort de la décision que le juge de la citoyenneté a mis exagérément l’accent sur les liens commerciaux du défendeur et qu’il n’a pas examiné de façon convenable si ce dernier avait centralisé son mode de vie au Canada.

 

ANALYSE

 

[19]           Pour examiner cette question, j’ai pris en compte les observations écrites des parties, les observations qu’elles ont faites à l’audience le 14 mars 2011, de même qu’une lettre datée du 15 mars 2011 et envoyée après l’audience par l’avocat du défendeur pour donner suite à des questions qui s’étaient posées à l’audience.

 

[20]           La famille immédiate du défendeur inclut son épouse et ses deux enfants : l’aîné est né en 1994, et la benjamine est née en 1999. À l’époque de l’entrevue, tous vivaient en Iran et les enfants étaient inscrits à l’école dans ce pays, qui est le lieu de domicile de la mère du défendeur et d’autres membres de sa famille.

 

[21]           Il ressort également du dossier que lorsque le défendeur se rendait en Iran pour affaires, il était toujours accompagné de son épouse et de ses enfants. Quand ils étaient au Canada, les enfants fréquentaient l’école ici et, quand ils étaient en Iran, c’est là qu’ils étudiaient. Cela signifie que le défendeur et sa famille ont vécu en Iran pendant plus de la moitié de la période applicable de quatre ans.

 

[22]           Enfin, même si le défendeur est propriétaire de condominiums à Vancouver, il n’y réside pas. D’après le questionnaire, la famille, quand elle se trouve au Canada, vit au sous-sol du domicile de l’associé en affaires du défendeur, à Toronto.

 

CONCLUSION

 

[23]           La décision est déraisonnable car elle omet de mentionner et d’évaluer les éléments de preuve selon lesquels [i] le défendeur n’a pas de lieu de domicile au Canada et [ii] il ne laisse pas sa famille au Canada quand il voyage.

 

[24]           Au vu des éléments de preuve fournis, le défendeur n’a pas établi qu’il a centralisé son mode de vie au Canada.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel est accueilli.

 

La décision attribuant la citoyenneté au défendeur est par la présente annulée.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1331-10

 

INTITULÉ :                                       MCI c. BEHZAD MEMAR-ZADEH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            La juge Simpson

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DEMANDEUR

Max Berger

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

Max Berger Professional Law Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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