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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110708

Dossier : T-1347-10

Référence : 2011 CF 838

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario) le 8 juillet 2011

EN PRÉSENCE de Madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

CLARIS CLARKE

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le ministre du Revenu national (le ministre) sollicite une ordonnance l’autorisant à retenir le montant d’un remboursement de 12 407,13 $ dû à la défenderesse (la contribuable) au titre de son année d’imposition 2009. La demande est fondée sur le paragraphe 164(1.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (15e suppl.), ch. 1 (la Loi), et n’est pas contestée.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande sera accueillie.

 

LE CRITÈRE

[3]               Le paragraphe 164(1.2) énonce que, lorsqu’un contribuable demande un remboursement par écrit, le ministre peut demander à la Cour l’autorisation de retenir le paiement, et le juge saisi de la demande rendra l’ordonnance « s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le fait de lui rembourser la somme [...] compromettrait le recouvrement de tout ou partie du montant d’une cotisation établie à son égard ».

 

[4]               La décision rendue dans Canada (National Revenue) v. Chabot, 2010 FC 574, 369 F.T.R. 98, semble être la seule qui concerne cette disposition. Dans cette affaire, le juge Edmond Blanchard en est arrivé aux conclusions suivantes, que je fais miennes :

[traduction]

 

À mon avis, lors de l’examen d’une demande fondée sur le paragraphe 164(1.2), il faut tenir compte du montant de la créance à recouvrer par rapport à celui du remboursement, de la capacité du contribuable de payer la dette ou de la régler d’une autre façon, de la valeur de l’actif net du contribuable et de la question de savoir si cet actif est suffisant pour payer la dette indépendamment du remboursement et s’il est disponible à cette fin. Lorsqu’il est établi que le contribuable est en mesure de rembourser la dette ou que son actif a une valeur suffisante à cette fin, le fait de rembourser le montant ne compromettrait pas le recouvrement de la créance. C’est dans le contexte de l’évaluation de la valeur nette du contribuable et de la capacité de celui-ci de payer la dette indépendamment du remboursement que la question du risque est examinée. Cet examen peut porter sur des facteurs comme le comportement peu orthodoxe du contribuable et la dilapidation des biens de celui-ci. Lorsqu’il appert de l’examen de ces facteurs qu’il existe des motifs raisonnables de croire, au vu de l’ensemble des circonstances, que le ministre n’aura pas accès au montant du remboursement pour le paiement de sa créance, s’il verse cette somme au contribuable, le recouvrement de celle-ci sera compromis aux fins du paragraphe 164(1.2) et une ordonnance conservatoire pourra être rendue conformément à cette disposition.

 

 

[5]               Je souscris également à la conclusion du juge Blanchard selon laquelle la norme de preuve des « motifs raisonnables » est inférieure au critère de la prépondérance des probabilités, mais exige néanmoins que le juge ait une croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison d’une preuve crédible.

 

LA PREUVE

[6]               La preuve est résumée dans un affidavit que Daniel Baker a signé le 13 septembre 2010 (l’affidavit). M. Baker est un agent de cas du Bureau des services fiscaux de Toronto-Nord et c’est lui qui s’occupe du dossier de la contribuable.

 

[7]               Il appert de l’affidavit que, dans ses déclarations de revenus pour les années 2003 à 2006, la contribuable a déduit des crédits d’impôt pour dons de bienfaisance. Cependant, dans les nouvelles cotisations établies à l’égard des années en question (les nouvelles cotisations), le ministre a refusé un montant de 261 153 $ des crédits réclamés. La contribuable s’est opposée aux nouvelles cotisations (les oppositions) et, dans une lettre datée du 13 juillet 2010, elle a demandé au ministre de lui payer le montant de 12 407,13 $ qui lui est dû à l’égard de sa déclaration de revenus de l’année 2009 (le remboursement). Le ministre a alors déposé la présente demande.

 

[8]               Lorsque la contribuable a sollicité le remboursement, elle n’a fourni aucun renseignement indiquant qu’elle serait en mesure de payer sa dette d’impôt en souffrance si les oppositions étaient rejetées. À la date de l’affidavit, elle devait un montant de 146 221,17 $ (la dette d’impôt) ainsi que les intérêts composés sur une base quotidienne.

 

[9]               À ce jour, la Direction générale des appels de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) examine les oppositions de la contribuable et a affecté le remboursement à la réduction de la somme due au titre des nouvelles cotisations.

 

[10]           Depuis 2006, la contribuable a continué à réclamer des crédits pour dons de bienfaisance. Ainsi, elle a réclamé des montants de 114 467 $ en 2007, de 103 322 $ en 2008 et de 74 773 $ en 2010. L’ARC vérifie actuellement les déclarations de revenus de 2007 et 2008 de la contribuable.

 

[11]           Le 9 août 2010, l’ARC a écrit à la contribuable pour lui demander des détails sur le revenu d’emploi qu’elle avait gagné en 2010, sur les sommes qu’elle avait dans son REER, sur ses placements et sur ses deux propriétés. Elle a également demandé à la contribuable de donner des précisions sur ses autres dettes et d’expliquer comment elle entendait payer sa dette d’impôt. La contribuable a refusé de répondre aux questions de l’ARC.

 

[12]           La présente demande est fondée sur les renseignements suivants :

(i)                  la contribuable est âgée de soixante-six ans;

(ii)                le revenu de la contribuable s’établissait à 149 228 $ en 2008 et la quasi-totalité de ce revenu provenait de l’emploi qu’elle exerçait;

(iii)               en 2009, le revenu de la contribuable a baissé à 123 671 $ et un montant de 53 796 $ seulement provenait de son emploi;

(iv)              en 2009, la contribuable a retiré un montant de 49 102 $ de son REER et a touché des sommes moins élevées d’autres sources, y compris l’emploi, la pension de vieillesse, l’assurance-emploi, les dividendes et l’indemnisation des accidents du travail;

(v)                au fil des années, la contribuable a versé un montant de 115 028 $ dans son REER et a retiré une somme totale de 133 984 $;

(vi)              la contribuable a accès à un montant total de 320 604 $ à même ses marges de crédit et cartes de crédit actives et doit actuellement une somme de 242 876 $ au total, ce qui lui laisse la capacité d’emprunter un autre montant de 77 728 $. Cependant, elle doit également une somme de 31 207 $ à l’égard d’un prêt obtenu de la Banque de Nouvelle‑Écosse;

(vii)             la contribuable est propriétaire de sa résidence personnelle et d’un bien locatif. Cependant, ces deux immeubles ont été hypothéqués jusqu’à concurrence du plein montant du prix d’achat lors de leur acquisition en 2006 et 2009 et la contribuable a refusé de dévoiler l’état de ses prêts hypothécaires;

(viii)           la contribuable possède un véhicule de l’année 2008 et la Banque de Nouvelle‑Écosse a enregistré un privilège au montant de 43 895 $. La contribuable a refusé de dévoiler l’état du prêt.

 

ANALYSE

[13]           La dette d’impôt s’élève à 146 221,17 $ et, d’après les renseignements disponibles, le revenu de la contribuable diminue et celle-ci ne semble pas avoir de biens qu’elle pourrait vendre ou utiliser pour obtenir des prêts selon un montant qui lui permettrait de rembourser sa dette d’impôt.

 

[14]           Dans ces circonstances, je crois légitimement qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le fait de verser le montant du remboursement à la contribuable compromettrait le recouvrement de la dette d’impôt.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que le ministre est autorisé par les présentes à retenir le montant du remboursement, conformément au paragraphe 164(1.2) de la Loi.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1347-10

 

INTITULÉ :                                       Le ministre du Revenu national c. Claris Clark

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 8 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kevin Dias

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

Claris Clark

Richmond Hill (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(EN SON PROPRE NOM)

 

 

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