Cour fédérale |
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Federal Court |
Toronto (Ontario), le 29 juin 2011
En présence de madame la juge Mactavish
ENTRE :
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] George Grosvenor demande le contrôle judiciaire d’une décision de Service Canada ayant conclu que M. Grosvenor n’avait pas établi qu’il avait obtenu un avis erroné concernant son droit à des prestations de la Sécurité de la vieillesse.
[2] Pour les motifs qui suivent, M. Grosvenor ne m’a pas persuadée que la décision était déraisonnable ou qu’il avait été traité de manière inéquitable lors du traitement de sa plainte. En conséquence, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
Le contexte
[3] Par lettre datée du 25 août 2004, Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a avisé M. Grosvenor que celui-ci serait peut-être admissible à des prestations au titre du Régime de pensions du Canada (le RPC) ou du régime de la Sécurité de la vieillesse (la SV). En même temps, des feuillets d’information sur les prestations du RPC et de la SV, expliquant les critères d’admissibilité à chaque type de prestation, ont été fournis à M. Grosvenor.
[4] La lettre avertissait M. Grosvenor que s’il remettait à plus tard sa demande de prestations, des modifications récentes à la loi pourraient avoir une incidence sur la durée de la période pour laquelle des prestations pourraient être payées rétroactivement.
[5] M. Grosvenor a demandé des prestations du RPC le 28 février 2005, et il a commencé à recevoir des prestations après avoir atteint l’âge de 65 ans en août 2005. Bien que M. Grosvenor ait prétendu, dans une lettre du 9 mai 2008, qu’il avait demandé ses prestations de la SV en même temps que ses prestations du RPC, selon ce que je comprends, M. Grosvenor reconnaît maintenant qu’en réalité, ce n’est qu’en 2007 qu’il a demandé des prestations de la SV. Le ministère a reçu sa demande de prestations de la SV le 27 avril 2007.
[6] Conformément aux règles relatives au paiement de prestations rétroactives, des prestations de la SV ont également été payées à M. Grosvenor pour les 11 mois précédant la date de réception de sa demande. M. Grosvenor n’a reçu aucune prestation de la SV pour la période comprise entre septembre 2005 et mai 2006.
[7] M. Grosvenor dit que, lorsqu’il a reçu la lettre du 25 août 2004 de DRHC, il s’est rendu au Centre Service Canada à Newmarket, en Ontario, pour obtenir un avis concernant ses droits aux prestations de la SV et du RPC. Il prétend qu’un agent lui a dit qu’il n’était pas admissible à la SV, parce qu’il travaillait encore. Sur la foi de cet avis erroné, M. Grosvenor n’a pas demandé de prestations de la SV à cette époque.
[8] M. Grosvenor a cherché par la suite à recouvrer des prestations de la SV pour la période comprise entre son 65e anniversaire et mai 2006 en vertu de l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9, qui est ainsi rédigé :
32. S’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser tout ou partie d’une prestation à laquelle elle avait droit par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative survenus dans le cadre de la présente loi, le ministre prend les mesures qu’il juge de nature à replacer l’intéressé dans la situation où il serait s’il n’y avait pas eu faute de l’administration.
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32. Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied a benefit, or a portion of a benefit, to which that person would have been entitled under this Act, the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.
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[9] Le ministère a mené une enquête au sujet de l’affaire, et M. Grosvenor a été invité à communiquer tous les renseignements qu’il estimait indiqués au soutien de sa prétention selon laquelle il avait obtenu un avis erroné. M. Grosvenor s’est prévalu de cette possibilité et a communiqué [TRADUCTION] « cinq livres » de documents, selon ses dires, en réponse à cette lettre. Bon nombre de ces documents se rapportent à un différend entre M. Grosvenor et l’Agence du revenu du Canada et semblent ne revêtir aucune pertinence au regard de la prétention de M. Grosvenor selon laquelle il a obtenu un avis erroné de Service Canada.
[10] Dans une décision datée du 1er novembre 2010, un délégué du ministre a conclu que M. Grosvenor n’avait produit aucun élément de preuve au soutien de sa prétention selon laquelle il avait obtenu en 2004 un avis erroné du Centre Service Canada de Newmarket, qui l’avait amené à faire tardivement sa demande de prestations de la SV. En conséquence, sa demande de prestations rétroactives impayées a été rejetée. C’est cette décision qui est l’objet du présent contrôle judiciaire.
La norme de contrôle
[11] Une conclusion quant à savoir si un avis erroné a été donné porte sur une question purement factuelle. En conséquence, je conviens avec le défendeur que la décision du délégué du ministre doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.
[12] Lorsqu’elle contrôle une décision d’après la norme de la raisonnabilité, la Cour doit prendre en considération la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, et l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59.
[13] Lorsqu’il se pose une question d’équité procédurale, la tâche de la Cour consiste à déterminer si le processus que le décideur a suivi correspond au degré d’équité qui est exigé, compte tenu de l’ensemble des circonstances : voir l’arrêt Khosa, au paragraphe 43.
Analyse
[14] M. Grosvenor a produit des renseignements additionnels, durant sa plaidoirie, concernant les circonstances entourant l’avis qu’il allègue avoir obtenu lors de sa visite au Centre Service Canada à Newmarket en 2004.
[15] M. Grosvenor affirme maintenant que, lorsqu’il s’est rendu aux bureaux de Service Canada, la personne qui travaillait à la réception lui a dit qu’elle ne s’occupait pas de questions de SV. M. Grosvenor a ensuite été conduit dans le bureau administratif, où la personne qui travaillait là a fait un appel à Ottawa. M. Grosvenor dit qu’il a ensuite parlé au téléphone à une personne nommée « Elizabeth », et que c’est Elizabeth qui lui a donné l’avis erroné.
[16] Le délégué du ministre ne disposait pas de ces renseignements lorsqu’il a rendu sa décision le 1er novembre 2010. En outre, la plupart de ces renseignements ne figurent pas dans l’affidavit que M. Grosvenor a déposé au soutien de sa demande de contrôle judiciaire. Ainsi, ces renseignements ne constituent pas des éléments de preuve régulièrement présentés à la Cour.
[17] Comme je l’ai expliqué à M. Grosvenor au cours de l’audience, mon rôle dans le cadre d’une demande comme celle-ci ne consiste pas simplement à substituer ma propre décision à celle du délégué du ministre. En effet, ma tâche consiste plutôt à examiner le dossier dont disposait le délégué du ministre et à déterminer si, selon les renseignements dont ce dernier disposait, la décision était raisonnable.
[18] Après avoir soigneusement examiné le dossier, je suis convaincue que la décision du délégué du ministre était vraiment raisonnable.
[19] En arrivant à cette conclusion, je note ce qui suit :
1. Le feuillet d’information sur les prestations du RPC fourni à M. Grosvenor en août 2004 expliquait clairement que, pour être admissible à des prestations du RPC, le demandeur devait soit avoir cessé de travailler ou avoir des revenus mensuels inférieurs à un seuil précisé. Le feuillet d’information sur les prestations de la SV énumère les conditions d’admissibilité à des prestations et n’indiquait nulle part qu’un demandeur devait avoir cessé de travailler pour être admissible à des prestations de la SV.
2. L’enquête de DRHC au sujet de la plainte d’avis erroné de M. Grosvenor a révélé que le Centre Service Canada de Newmarket ne donnait pas de renseignements concernant les prestations de la SV en 2004. Le dossier dont disposait le délégué du ministre ne comporte rien qui tende à indiquer qu’on lui aurait dit à quelque moment que ce soit qu’en fait, M. Grosvenor avait reçu l’avis par téléphone d’une représentante de DRHC à Ottawa du nom d’Elizabeth.
3. Bien qu’une entrée n’eût pas nécessairement été créée, la visite de M. Grosvenor au Centre Service Canada de Newmarket en 2004 n’était consignée nulle part dans la base de données de DRHC.
[20] Il incombait à M. Grosvenor de convaincre le délégué du ministre qu’il avait obtenu des renseignements erronés au sujet de son droit à des prestations de la SV, et qu’il s’était fié à ces renseignements à son détriment. Le délégué du ministre a conclu que M. Grosvenor n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un avis erroné avait effectivement été donné. Compte tenu des éléments de preuve dont il disposait, il était raisonnablement loisible au délégué du ministre de tirer cette conclusion.
[21] Bien qu’il n’ait pas expressément soulevé la question au nom de l’équité, M. Grosvenor a laissé entendre pour la première fois, durant sa plaidoirie, que la lettre du 4 août 2010 qui l’invitait à communiquer des éléments de preuve au soutien de sa prétention selon laquelle on lui avait donné un avis erroné était trompeuse, puisque la lettre n’indiquait pas expressément que c’étaient des renseignements concernant l’avis erroné qui étaient recherchés. Après avoir examiné la lettre, je suis convaincue que celle-ci était claire et que M. Grosvenor avait eu une occasion équitable de produire tous les éléments de preuve qu’il pouvait vouloir communiquer au soutien de sa prétention selon laquelle il avait reçu des renseignements erronés.
[22] Avant de conclure, j’aimerais noter que je reconnais que M. Grosvenor est devenu très frustré en s’occupant de cette affaire au cours des sept dernières années. Je comprends cette frustration, surtout lorsque l’on considère que DRHC a mis quelque 27 mois à répondre à au moins une de ses lettres. Cependant, la sympathie à elle seule ne constitue pas un motif suffisant pour justifier d’accueillir la demande.
Les dépens
[23] Dans une affaire comme celle-ci, la partie qui succombe se verra habituellement ordonner de rembourser une partie des frais juridiques de la partie qui obtient gain de cause. L’avocat du défendeur a avisé la Cour que son client ne demandait pas de dépens dans la présente affaire, et il n’y aura aucune adjudication de dépens.
L’intitulé
[24] L’avocat du défendeur soutient que le procureur général du Canada est le défendeur approprié dans la présente affaire. M. Grosvenor n’a aucune objection à ce que l’intitulé soit modifié de manière à tenir compte de ce qui précède, et l’intitulé sera modifié en conséquence.
Conclusion
[25] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée sans frais.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais;
2. l’intitulé est modifié de manière à substituer le procureur général du Canada au « ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences ».
« Anne Mactavish »
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
Juriste-traducteur et traducteur-conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2061-10
INTITULÉ : ALLAN GEORGE GROSVENOR c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 juin 2011
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LA JUGE MACTAVISH
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 29 juin 2011
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)
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Martin Kreuser |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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POUR LE DEMANDEUR
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MYLES J. KIRVAN Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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