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Date : 20110602

Dossier : IMM-4488-10

Référence : 2011 CF 636

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

Entre :

 

JIAN ZHONG WANG, QING CHEN, SIMON YAN WANG et JENNIFER WANG

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

Le ministre de la citoyenneté
et de l’
IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

        Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Les demandeurs sollicitent une ordonnance annulant la décision du 14 juin 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni la qualité de personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (la LIPR). La demande est présentée conformément au paragraphe 72(1) de la LIPR. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[2]               Les demandeurs adultes, M. Jian Zhong Wang et son épouse Mme Qing Chen (les demandeurs adultes), allèguent être des citoyens de la Chine. Ils allèguent également être des catholiques romains. Muni de documents frauduleux, le demandeur est arrivé aux États‑Unis (É.‑U.) le 9 janvier 1995. Il a présenté une demande d’asile aux É.‑U., mais celle-ci a été rejetée et le demandeur a fait l’objet d’une mesure d’interdiction de séjour. Il a ignoré la mesure d’interdiction de séjour et est demeuré aux É.‑U. Le demandeur a commencé à fréquenter une église catholique et a été baptisé par la suite. Il a également travaillé illégalement. Un ami l’a ultérieurement informé que l’un de ses parents avait obtenu l’asile au Canada après y avoir présenté une demande.   

 

[3]               La demanderesse est entrée aux É.‑U. en 2000, munie elle aussi de documents frauduleux. Les É.‑U. ont rejeté sa demande d’asile en 2001. Les demandeurs se sont néanmoins mariés à Boston, au Massachusetts, en octobre 2002. Ils ont fréquenté l’église catholique de Boston, mais la demanderesse n’a pas été baptisée. Les demandeurs mineurs ‑ les enfants des demandeurs ‑ sont nés en 2003 (le fils) et en 2006 (la fille) et ont été baptisés. Les enfants sont des citoyens des É.‑U.

 

[4]               Le demandeur est arrivé à Vancouver le 7 décembre 2008 et a présenté une demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention à Toronto, le 15 décembre 2008. La demanderesse et les demandeurs mineurs sont entrés au Canada à Fort Erie, le 19 janvier 2009 et ont présenté leur demande d’asile le même jour. Les demandes d’asile ont été réunies et la Commission les a rejetées le 14 juin 2010. La Commission a conclu que les questions déterminantes eu égard aux demandes d’asile concernaient la crédibilité des demandeurs adultes sur la question de leur identité et leur récit dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP), de même que le témoignage des deux demandeurs concernant leur appartenance à la religion catholique. La deuxième question dont la Commission était saisie concernait la crainte des demandeurs adultes de subir un avortement forcé ou une stérilisation forcée pour ne pas avoir respecté la politique chinoise en matière de planification familiale. L’élément déterminant concernant cet aspect de la demande d’asile était le lien entre la crainte subjective des demandeurs d’être exposés à la persécution et la situation objective relative aux politiques en matière de contrôle des naissances dans leur province natale du Fujian.

 

[5]               La Commission a conclu que [traduction] « le demandeur d’asile et la demandeure d’asile n’ont ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni la qualité de personnes à protéger […] [et] […] les deux demandeurs d’asile mineurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention puisqu’ils sont des citoyens des États‑Unis d’Amérique et ils n’ont donc aucun fondement crédible pour présenter une demande d’asile au Canada à l’encontre des États‑Unis ». De plus, la Commission a conclu que le témoignage et les documents que le demandeur a présentés à l’appui de sa demande n’ont pas permis d’établir qu’il était un ressortissant chinois.

 

[6]               En résumé, la Commission a conclu comme suit, aux paragraphes 51 et 52 :

[traduction]

Après avoir évalué tous les éléments de preuve disponibles, le tribunal conclut que les demandeurs d’asile n’ont pas fourni un témoignage ou des éléments de preuve crédibles à l’appui de leur demande d’asile. En ce qui concerne la demandeure d’asile, l’absence de documents et d’éléments de preuve acceptables de la demande d’asile qui aurait été présentée aux États‑Unis, de même que l’absence de témoignage crédible compromettent sa demande d’asile. Le demandeur d’asile n’a pas établi qu’il est un ressortissant chinois et un tel élément est indispensable à sa demande d’asile; le tribunal n’est pas tenu d’analyser plus en profondeur les allégations de ce demandeur d’asile, étant donné qu’au regard de l’article 106 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le fait que le demandeur d’asile soit un catholique pratiquant ou qu’il puisse être assujetti aux règles de la « politique de l’enfant unique » est sans importance.

 

Le tribunal conclut qu’il n’existe aucune preuve significative pour étayer les allégations des demandeurs d’asile adultes concernant l’église catholique en Chine. Il conclut de plus que, selon la prépondérance des probabilités, la pénalité la plus importante à laquelle la demandeure d’asile serait vraisemblablement exposée en raison de la « politique de l’enfant unique » si elle choisissait de retourner en Chine avec ses enfants nés aux États‑Unis serait une amende plus élevée plutôt qu’un avortement forcé ou une stérilisation forcée.

 

 

[7]               Bien que la Commission renvoie à la crainte de persécution des deux demandeurs, la nationalité de la demanderesse – le seul motif prévu par la Convention qui devait être examiné à son égard ‑ a été établie.

 

Question en litige

[8]               L’avocat des demandeurs soutient que la Commission a commis une erreur de droit en rejetant sans se fonder sur la preuve les documents établissant que le demandeur est un ressortissant chinois.

 

[9]               Les demandeurs font également valoir que la Commission a commis une erreur de droit en analysant de façon très sélective la preuve documentaire objective en se livrant à de la pure conjecture lors de son examen de la politique chinoise de l’enfant unique.

 

La conclusion de la Commission selon laquelle l’identité du demandeur n’a pas été établie était-elle raisonnable?

 

[10]           La Commission a rejeté l’allégation du demandeur selon laquelle il était un ressortissant chinois. La Commission a conclu comme suit :

[traduction]

Le témoignage du demandeur d’asile et les documents produits à l’appui de sa demande n’établissent pas qu’il est un ressortissant chinois. Pour établir son identité, le demandeur d’asile a fourni une carte d’identité de résidant (CIR) originale, un document d’enregistrement du ménage (hukou) et un certificat de mariage.

 

En ce qui concerne l’évaluation des documents, l’article 106 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés dispose :

 

La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

 

L’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés dispose :

 

Le demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer.

 

Pour évaluer l’authenticité des documents du demandeur d’asile, le tribunal s’inspire de la décision Sertkaya dans laquelle la Cour fédérale affirme qu’il est loisible à la Commission de tenir compte de l’authenticité de la preuve documentaire et de la capacité du demandeur d’asile d’obtenir et d’utiliser des documents frauduleux. Le tribunal tient également compte de la décision Rasheed dans laquelle la Cour fédérale affirme le principe fondamental des règles de droit canadiennes portant que les documents étrangers (qu’ils établissent ou non l’identité d’un demandeur d’asile) apparemment délivrés par un fonctionnaire étranger compétent devraient être acceptés pour faire preuve de leur contenu, à moins que la Commission n’ait une bonne raison de douter de leur authenticité.

 

 

[11]           L’avocat des demandeurs fait valoir qu’un document qui est tenu pour officiel est présumé authentique à moins que la Commission puisse clairement justifier par des éléments de preuve l’existence d’un doute quant à l’authenticité du document et que, par conséquent, la Commission a commis une erreur en rejetant les pièces d’identité. La décision de la Commission repose toutefois sur l’exception à ce principe général. La Commission a fourni plusieurs raisons pour lesquelles l’authenticité et, par conséquent, la validité des pièces d’identité du demandeur devraient être mises en doute :

[traduction]

Le demandeur d’asile a présenté une CIR originale [...] délivrée en 2001, à l’appui de son identité en tant que ressortissant de la République populaire de Chine. Il a déclaré que cette CIR était une carte d’identité de deuxième génération et qu’il avait auparavant remplacé une CIR. Une carte de deuxième génération a commencé à circuler dans la République populaire de Chine en 2004. La nouvelle carte d’identité lisible par ordinateur remplace la carte de première génération qui a été en circulation pendant plus de 20 ans. Le tribunal souligne que le demandeur d’asile ne possédait pas une CIR mais avait une version à 18 caractères de la CIR de première génération. En réponse à la question concernant ce qui était advenu de sa CIR antérieure à celle-ci, le demandeur d’asile a répondu qu’elle était chez lui en Chine. La preuve documentaire indique qu’une personne est tenue de remettre sa carte antérieure au BSP local et d’obtenir la nouvelle carte conformément aux règles du gouvernement chinois. En réponse à la question lui demandant comment il avait obtenu cette CIR en 2001, alors qu’il alléguait se trouver aux É.‑U., le demandeur d’asile a déclaré qu’il a envoyé une photo de lui à sa mère et que celle-ci a présenté une demande de CIR qu’elle lui a envoyée aux É.‑U. À la question de savoir quelle procédure sa mère avait suivie pour obtenir la carte, il a répondu qu’il ne lui avait pas demandé. Des éléments de preuve documentaire [renvoi omis] indiquent que les citoyens chinois doivent présenter une demande en personne au Bureau de la sécurité publique (BSP) pour obtenir une CIR. Le BSP prend une photographie du demandeur au moment de la présentation de la demande. Des frais sont exigés pour obtenir une nouvelle carte d’identité. Le demandeur d’asile a eu l’occasion de présenter des observations à ce sujet et il a indiqué qu’il avait obtenu la carte de la façon qu’il avait décrite. Dans ses observations, le conseil des demandeurs d’asile cite un passage d’un document du Home Office du R.‑U. qui fait état des procédures relatives au remplacement d’une carte d’identité perdue ou volée. Le tribunal souligne que la CIR que le demandeur d’asile aurait obtenue en 2001 était une nouvelle carte qui remplaçait une carte qui était sur le point d’expirer, non une carte perdue ou volée. La preuve documentaire actuelle décrit de façon assez précise les procédures de délivrance de nouvelles CIR.

 

Le tribunal tire une inférence défavorable concernant la crédibilité du demandeur d’asile, étant donné qu’il affirme catégoriquement qu’il a obtenu la CIR dont le tribunal est saisi en envoyant une photographie de lui à sa mère, qu’il ne s’est pas présenté en personne, qu’il a dû échanger sa CIR précédente au BSP local lors de la réception d’une nouvelle CIR et qu’il a déclaré que sa CIR était une carte de deuxième génération, ce qui était inexact.

 

 

[12]           Pour repousser ces conclusions, les demandeurs soutiennent que la Commission a erronément conclu qu’un ressortissant chinois ne pouvait pas obtenir une nouvelle CIR avec l’assistance d’un tiers et qu’il devait présenter une demande en personne. Les demandeurs renvoient à un rapport du Home Office du R.‑U., daté du 20 avril 2004, dans lequel il est indiqué qu’ [traduction] « une personne n’est pas tenue de se présenter en personne avec la photographie, un parent peut se présenter à sa place ». Comme l’a souligné la Commission, l’indication [traduction] « une personne n’est pas tenue de se présenter en personne avec la photographie, un parent peut se présenter à sa place » vise les CIR perdues. La distinction est importante parce que le demandeur affirme avoir remplacé une CIR expirée, non une CIR perdue. Cet élément de preuve ne permet pas d’étayer sa thèse.

 

[13]           Les demandeurs soutiennent en outre qu’aucun fondement probatoire ne permet de confirmer la conclusion de la Commission selon laquelle il est tout simplement impossible d’obtenir une CIR depuis l’étranger. Il y avait cependant un fondement probatoire sur lequel la Commission a appuyé sa conclusion. La Commission a clairement déclaré que [traduction] « des éléments de preuve documentaire indiquent que les citoyens chinois doivent présenter une demande en personne au Bureau de la sécurité publique (BSP) pour obtenir une CIR » et a renvoyé à la [traduction] « Pièce R/A-1, article 3.151, Demande d’information CHN43360.E » au soutien de cette conclusion.

 

[14]           Les demandeurs font valoir que la preuve documentaire n’était pas concluante concernant la délivrance d’une CIR ou le renouvellement d’une CIR et qu’il n’y avait rien de fondamentalement invraisemblable ou déraisonnable dans l’explication du demandeur indiquant que sa mère avait obtenu la nouvelle CIR pour lui. À mon avis, le rejet de cette explication par la Commission relevait de sa compétence pour tirer des conclusions quant à la crédibilité et rejeter l’explication comme étant invraisemblable. En l’espèce, l’explication était non seulement incompatible avec les documents d’information sur le pays concernant la façon d’obtenir des CIR, mais la Commission était fondée à rejeter l’explication au motif qu’elle était invraisemblable. Il était raisonnable que la Commission conclue que le gouvernement chinois ne délivrerait pas une pièce d’identité officielle d’une façon aussi relâchée que l’a affirmé le demandeur.

 

[15]           En ce qui concerne les documents eux-mêmes, l’avocat a fait valoir que pour éviter de tirer des conclusions défavorables à l’égard de la CIR, la Commission aurait pu demander à la GRC de faire une enquête concernant les documents. Cet argument ne peut être retenu. 

 

[16]           Premièrement, il incombe au demandeur d’établir son identité. Deuxièmement, la Commission n’a aucune obligation d’obtenir un rapport de la GRC lorsqu’il existe des éléments de preuve suffisants pour mettre en doute l’authenticité d’un document à première vue. Un argument semblable concernant le passeport du demandeur, c’est-à-dire que la Commission aurait dû communiquer avec l’ambassade de Chine à Washington D.C., pour confirmer l’authenticité du passeport, ne peut être retenu pour le même motif.

 

[17]           La Commission a également tiré plusieurs autres inférences défavorables à l’égard des démarches du demandeur visant à établir son identité :

[traduction]

Compte tenu de l’inférence défavorable ci‑dessus, le tribunal a des motifs de douter de l’authenticité de la CIR présentée par le demandeur d’asile. Le tribunal a examiné les documents sur la situation du pays concernant les CIR, plus particulièrement celles qui semblent être des cartes authentiques mais qui peuvent être obtenues de façon illégitime et a conclu qu’il « était relativement facile d’obtenir des cartes (d’identité de résidants) contrefaites et des documents frauduleux tels que des cartes d’identité de résidants. » La preuve documentaire indique ce qui suit :

 

Il est relativement facile de contrefaire une CIR de la première génération puisque celle-ci est faite de papier laminé; son prix de vente dans la rue serait de [traduction] « quelques centaines de yuans » […] En outre, comme ces cartes délivrées par les autorités provinciales ne comportaient pas de numéro de localisation à l’échelle nationale, il était difficile de détecter les fraudes. Selon le responsable du bureau de remplacement des cartes d’identité des résidants de deuxième génération au BSP, les CIR de première génération [traduction] « sont imprimées principalement selon les techniques de la réaction photochimique et de la lithographie, et peuvent donc être facilement forgées et imitées ». Le représentant a ajouté que le gouvernement avait rencontré de sérieux problèmes lorsque des CIR forgées avaient été utilisées pour commettre des crimes.

 

Selon l’information fournie à la Direction des recherches par un agent de programme de la Section des renseignements et de l’interception de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) en 1999,

 

[…] des fausses cartes et des cartes obtenues frauduleusement, mais fabriquées légitimement, peuvent être obtenues et sont en circulation, et [...] la possession d’une carte d’identité fabriquée légalement ne garantit pas que cette dernière a été obtenue légitimement.

 

On a demandé au demandeur d’asile d’expliquer pourquoi il n’a pas demandé un passeport et voyagé légalement aux États‑Unis en 1995. Il a répondu que son document d’enregistrement des ménages (hukou) ne lui permettait pas, en tant qu’agriculteur, d’aller à l’étranger. On lui a demandé de confirmer qu’il avait un hukou rural. Il a répondu par l’affirmative. On a demandé au demandeur d’asile de confirmer qu’il ne pouvait pas présenter de demande de passeport chinois et voyager à l’extérieur du pays. Il a répondu « oui » que cela était vrai. En réponse à la question lui demandant s’il avait présenté une demande pour voyager à l’extérieur du pays, le demandeur d’asile a répondu « oui ».

 

Le tribunal a constaté que le demandeur d’asile avait un passeport chinois. En réponse à la question concernant le moment où il l’avait acquis, il a indiqué qu’il l’avait obtenu en 2006 alors qu’il aurait résidé aux États‑Unis. En réponse à une question concernant le processus qu’il avait suivi pour demander ce document, il a déclaré qu’il a rempli un formulaire à l’ambassade de Chine et qu’il a présenté son permis de conduire du Massachusetts. Des éléments de preuve documentaire tirés du site Web de l’ambassade de Chine à Washington indiquent que pour le renouvellement des passeports, les citoyens doivent remplir un formulaire de demande et présenter le passeport original, et présenter les pages comportant « une photographie et des renseignements personnels, des inscriptions ou des prolongations antérieures et des visas d’entrée aux États‑Unis », ainsi qu’une photographie de passeport répondant aux prescriptions de l’ambassade. Les titulaires de carte verte doivent également présenter la carte originale, ainsi qu’une photocopie de celle‑ci. Les demandes peuvent être présentées en personne ou par la poste. Dans son témoignage à l’audience, le demandeur d’asile a déclaré qu’il avait auparavant présenté une demande de passeport chinois, laquelle a été rejetée, qu’il n’avait donc pas de passeport expiré à renouveler, qu’il n’était pas titulaire d’une carte verte et qu’il était sans statut aux É.‑U. Il convient aussi de souligner que si le demandeur d’asile ne pouvait pas obtenir de passeport auparavant en Chine, comme il l’a allégué dans son témoignage, sa situation n’avait aucunement changé en 2006. En effet, il se trouvait aux É.‑U. sans statut valide et était illégalement absent du pays dont il disait avoir la nationalité. Le tribunal conclut qu’il s’agit d’une situation invraisemblable qui ne pourrait permettre à quiconque d’obtenir un passeport chinois légalement. [Non souligné dans l’original.]

 

Pour présenter une demande de nouveau passeport, la loi sur les passeports de la République populaire de Chine prévoit ce qui suit :

 

Article 5. Le citoyen qui a l’intention d’aller à l’étranger à des fins non officielles, par exemple pour y résider, rendre visite à des parents, étudier, travailler, voyager ou exercer des activités commerciales, se présente en personne pour demander un passeport ordinaire au service de contrôle des entrées et des sorties de l’organisme de sécurité publique relevant du gouvernement populaire au niveau du comté ou à un niveau supérieur de l’endroit où sa résidence est enregistrée.

 

Article 6. Le citoyen qui demande un passeport ordinaire présente sa carte d’identité de résidant, son livret d’enregistrement des ménages, des photos récentes avec la tête dénudée et les documents relatifs aux motifs de sa demande. Lorsqu’un fonctionnaire de l’État présente une demande de passeport ordinaire pour l’une des raisons précisées à l’article 5, il présente les documents d’attestation pertinents conformément aux règlements d’État applicables.

 

Le demandeur d’asile nie avoir présenté l’un des documents exigés selon les précisions données ci‑dessus pour obtenir un passeport chinois. Après avoir évalué le témoignage fourni à l’audience et compte tenu de l’absence d’explication raisonnable sur la façon dont le demandeur d’asile a obtenu sa CIR et son passeport chinois et de l’absence de preuve corroborante, le tribunal rejette son explication.

 

Après avoir évalué le témoignage du demandeur d’asile et l’ensemble de la preuve présentée à l’égard de la CIR et du passeport du demandeur d’asile, le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que la CIR et le passeport présentés au soutien de sa demande d’asile sont frauduleux et que le demandeur d’asile a fourni sciemment de fausses pièces d’identité. [Non souligné dans l’original.]

 

Le demandeur d’asile a également fourni un « acte de naissance notarié », daté du 27 juin 1996. Ce document aurait été signé et établi sous serment devant un notaire en Chine en utilisant une photographie du demandeur d’asile. Or, le demandeur d’asile a allégué qu’il était aux É.‑U. et non en Chine à la date de la signature du document. L’acte ne comporte aucune mention indiquant les documents utilisés pour établir « l’acte de naissance ». Comme nous l’avons vu ci-dessus, il est facile d’obtenir des documents frauduleux. Le tribunal a des motifs de douter de l’authenticité et de la validité de ce document et lui accorde peu de force probante.

 

Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, les observations, ainsi que les documents, les dispositions et la jurisprudence pertinents, le tribunal conclut que le demandeur d’asile n’a pas présenté suffisamment de documents et d’éléments de preuve crédibles pour établir qu’il est un ressortissant de la République populaire de Chine, pas plus qu’il n’a su donner d’explication satisfaisante sur les raisons pour lesquelles ils n’ont pas été fournis. Le demandeur d’asile n’a pas répondu aux exigences de l’article 106 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et de l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés et il a fourni sciemment des faux documents. En conséquence, le tribunal conclut que le demandeur d’asile n’est pas un témoin crédible. Compte tenu de l’ampleur des faux renseignements concernant la CIR nationale et de son passeport, la crédibilité de l’ensemble du récit du demandeur d’asile est sérieusement mise en doute. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[18]           Là encore, et contrairement à la prétention des demandeurs, la Commission n’était pas obligée d’obtenir des rapports d’experts ou une confirmation de l’authenticité de la CIR, du passeport et de l’acte de naissance notarié. Les pièces d’identité telles quelles, ainsi que leur provenance et leur incompatibilité avec les rapports sur la situation du pays, constituaient un fondement suffisant sur lequel reposaient les conclusions de la Commission quant à l’absence de crédibilité relativement à l’explication offerte et à l’authenticité des documents. Une fois que la Commission eut conclu que le demandeur n’avait pas établi son identité, il n’était pas nécessaire que celle-ci analyse la preuve plus en profondeur. Compte tenu de la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n’avait pas établi son identité, il devenait inutile pour la Commission d’analyser l’allégation de persécution religieuse du demandeur. 

 

[19]           La Commission s’est ensuite penchée sur la demande d’asile de la demanderesse. Contrairement au demandeur, les éléments de preuve qu’elle a présentés ont établi son identité et sa citoyenneté. Tout au long de ses motifs, la Commission renvoie cependant à la demande d’asile des demandeurs et ses conclusions sont rédigées au pluriel. Bien que cela suscite une certaine confusion dans le contexte de sa conclusion selon laquelle le demandeur n’a pas établi son identité, cette confusion est sans importance aux fins de l’analyse juridique et il n’est pas possible de dire que cela donne lieu à une erreur. Au mieux, il s’agit d’un deuxième motif, quoique inutile, pour rejeter la demande d’asile du demandeur. Le raisonnement à cet égard constitue toutefois le fondement en vertu duquel la Commission a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, dont elle avait accepté l’identité et la nationalité. Par conséquent, il exige un examen plus approfondi.

 

[20]           La preuve dont la Commission était saisie concernant la liberté religieuse en Chine n’est pas uniforme. Il y avait assurément suffisamment d’éléments de preuve crédibles permettant à la Commission de conclure qu’il existait dans le Fujian, la province natale de la demanderesse, un faible risque de persécution pour les catholiques. La Commission connaissait l’existence d’éléments de preuve contraires, qu’elle a rejetés après en avoir examiné à la fois la teneur et la provenance :

[traduction]

Ces éléments amènent le tribunal à conclure que les demandeurs d’asile sont libres de choisir de pratiquer dans la congrégation catholique de leur choix. Le tribunal a choisi de s’appuyer sur la preuve documentaire parce qu’elle provient de diverses sources indépendantes dignes de confiance, dont on pourrait raisonnablement s’attendre qu’elles soient informées à propos de la situation des catholiques dans le Fujian. La preuve documentaire est considérée comme étant fiable, probante, une information détaillée, de façon à fournir au tribunal une compréhension approfondie de la situation de l’Église catholique dans la province du Fujian.

 

 

[21]           La Commission était fondée à soupeser les éléments de preuve contradictoires et d’en arriver à une opinion, pourvu qu’elle le fasse d’une manière équitable du point de vue du fond et de la procédure. Je conclus que c’est ce qu’elle a fait. Il ne suffit pas que les demandeurs renvoient à des éléments de preuve qui vont dans le sens contraire. La Cour n’interviendra que dans le cas où la conclusion tirée est déraisonnable, compte tenu du poids de la preuve ou compte tenu d’un élément important et précis de la preuve (Velinova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 268).

 

[22]           À cet égard, le raisonnement du juge James Russell dans Yang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1274, est tout à fait pertinent. Dans cette affaire, le juge Russell a rejeté la prétention présentée en l’espèce, indiquant qu’il n’était pas déraisonnable de conclure que s’il y avait des arrestations dans la province du Fujian (la même province qu’en l’espèce), elles auraient été rapportées. Les conclusions de la Commission ont été maintenues et l’inférence n’a pas été considérée comme une hypothèse.

 

[23]           Chaque affaire est unique et comporte une preuve unique. Je fais mien le commentaire du juge Russel Zinn dans la décision Yu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 310, selon lequel la prudence est de mise lorsqu’on applique les conclusions au sujet d’un pays d’une décision de la Cour à une autre décision. Toutefois en l’espèce, il existait une preuve en vertu de laquelle la Commission pouvait raisonnablement conclure que le risque de persécution ne satisfaisait pas au critère juridique.

 

[24]           Il reste toutefois une préoccupation concernant la conclusion sur la question de savoir si la demanderesse peut pratiquer sa foi dans les églises catholiques [traduction] « patriotiques » de Chine. La demanderesse soutient que les églises catholiques approuvées par l’État ne sont pas de véritables églises de la foi catholique.

 

[25]           En résumé, la demanderesse soulève l’objection que les conclusions de la Commission exigent dans les faits qu’elle pratique sa foi dans l’église catholique officielle de Chine, qu’elle ne considère pas comme une véritable église catholique. La Commission a examiné cet argument avec soin et sa conclusion selon laquelle les principes de base de la foi catholique demeureraient les mêmes et qu’il était loisible à la demanderesse de les accepter, était étayée par la preuve et était raisonnable. La Commission a conclu que le Vatican et Beijing étaient réconciliés, que les prêtres et les évêques reconnaissaient publiquement leur nomination et que les membres approuvés par le Vatican dans l’église officielle reconnaissent et acceptent l’autorité spirituelle du Vatican.

 

[26]           La demanderesse soutient que la décision de la Commission est viciée, car dans les faits elle la force à changer de foi. Il s’agit d’une mauvaise interprétation de la décision de la Commission selon laquelle la demanderesse pouvait pratiquer sa foi au sein de l’église approuvée. Outre la question de l’avortement, la demanderesse n’a pas précisé les aspects de sa pratique ou les croyances – autre que la preuve par ouï-dire témoignant que l’église prêche l’amour du pays et du parti communiste ‑ qui lui étaient fondamentalement inacceptables et incompatibles avec la doctrine de l’église de sorte qu’elle était tenue de changer sa foi.

 

[27]           Un dogme particulier de la foi incompatible avec la politique de l’État est celui de l’avortement. La demanderesse désire avoir plus d’enfants et allègue que la politique de l’enfant unique de la Chine l’empêcherait d’avoir d’autres enfants, ce qui l’amènerait à faire usage de contraceptifs ou à subir un avortement, qui contreviennent tous deux à sa foi. À cet égard, la Commission était saisie de deux rapports indiquant que la politique ne s’appliquait pas aux enfants nés à l’étranger et que même si elle s’appliquait, une amende était la conséquence d’une violation plutôt qu’un avortement. Ces [traduction] « frais d’indemnisation sociale », qui sont une sanction pécuniaire, ne peuvent pas en tant que loi d’application générale constituer un fondement pour la persécution dans ces circonstances.

 

[28]           La demanderesse fait également valoir que la Commission a tiré des inférences hypothétiques et indéfendables en concluant qu’il existait un faible risque qu’elle soit exposée à la persécution en s’appuyant sur l’absence de rapports d’arrestations ou d’incidents de persécution. Cet argument ne peut être retenu en l’espèce, comme il ne l’a pas été dans d’autres décisions (Yang et Yu, précitées). La Commission était saisie d’éléments de preuve provenant de nombreuses sources crédibles lui permettant de conclure que le risque de persécution ne satisfaisait pas au critère prévu par la Convention.

 

[29]           Enfin, la conclusion selon laquelle il n’existe pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient exposés à la persécution s’ils retournaient en Chine est raisonnable suivant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9.

 

[30]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par la présente rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée et aucune n’est soulevée.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4488-10

 

Intitulé :                                                   JIAN ZHONG WANG, QING CHEN, SIMON YAN WANG et JENNIFER WANG c. Le ministre de la citoyenneté et de l’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 mars 2011

 

Motifs du jugement

et jugement :                                          le juge RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 2 juin 2011

 

 

 

Comparutions :

 

Robert I. Blanshay

POUR LES DEMANDEURS

 

Manuel Mendelzon

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert I. Blanshay

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

 

 

 

 

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