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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110421

Dossier : IMM-781-10

Référence : 2011 CF 488

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2011

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

ENTRE :

 

TROY ISAAC GLEN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch.  27 (la Loi), d’une décision rendue le 14 janvier 2010 par la Section d’appel de l’Immigration (la Commission) par laquelle la Commission a rejeté la demande d’appel du demandeur concernant la décision défavorable de l’agent des visas au sujet de la demande de parrainage conjugal du demandeur.

 

[2]               Le demandeur sollicite une ordonnance visant l’annulation de la décision de la Commission et le renvoi de l’affaire pour un nouvel examen devant une formation différente de la Commission.

 

Le contexte

 

[3]               Troy Isaac Glen (le demandeur) est un résident permanent du Canada âgé de trente ans, né en Guyane, qui a été parrainé par sa mère en 2000.

 

[4]               Le demandeur a commencé à fréquenter Allison Antoine, une citoyenne de Grenade, en 2002. Après avoir découvert qu’elle était enceinte, le demandeur soutient qu’il lui a demandé de l’épouser en mars 2004. Elle a par la suite donné naissance à leur fille le 30 juillet 2004. Le couple s’est marié le 4 juin 2005, dix jours avant que Mme Antoine soit renvoyée du pays suivant le refus d’une demande de statut de réfugié.

 

[5]               Le demandeur a déposé une demande de parrainage de son épouse, mais la demande a été rejetée le 10 juillet 2006.

 

[6]               Pendant qu’il attendait la décision d’appel de la Commission, le demandeur a rendu visite à son épouse en décembre 2006 et aussi en décembre 2007. À la suite de cette visite, son épouse a accouché d’une autre fille le 7 septembre 2007. Depuis que son épouse est à Grenade, le demandeur lui a régulièrement fait parvenir un soutien financier pour elle et ses filles.

 

[7]               Le demandeur est aussi le père d’un enfant né le 1er janvier 2005, qui est censément issu d’une unique relation sexuelle avec une voisine. Le montant de la pension alimentaire de cet enfant est saisi du salaire du demandeur. 

 

L’historique des procédures

 

[8]               Le demandeur multiplie les procédures relatives au parrainage de son épouse.

 

[9]               Le 10 juillet 2006, un agent des visas a conclu que le mariage du couple n’était pas authentique. L’agent était préoccupé par le fait que Mme Antoine ne connaissait pas assez bien son répondant. L’agent s’est inscrit en faux contre la date du mariage, car le couple s’est marié deux semaines avant que Mme Antoine ne soit déportée du Canada, la preuve de cohabitation est absente et la nature de la preuve documentaire étayant la relation n’est pas convaincante.

 

[10]           Le pourvoi en révision de la décision de l’agent des visas a été entendu par la Commission le 15 avril 2008. La Commission a accordé une importance considérable au fait que le couple a deux enfants ensemble. Cependant, la Commission n’a pas conclu que ce fait était suffisant pour acquitter le fardeau de prouver que le mariage est authentique. La Commission a déterminé que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement à aider Mme Antoine obtenir le statut de résidente permanente au Canada. La Commission a souligné les faits suivants : la preuve documentaire appuyant la prétention de cohabitation faisait défaut; la preuve de communication entre le couple était limitée; les voyages du demandeur ont été organisés seulement après que l’agent des visas ait exprimé au cours de l’entrevue de Mme Antoine des inquiétudes concernant le manque de visites; le demandeur a fait état d’un manque de connaissance de Mme Antoine; le demandeur a pu envoyer l’argent à Grenade [traduction] « pour toutes sortes de raisons »; il n’y a rien dans les notes d’immigration qui démontre que le demandeur a assisté à une seule des entrevues de Mme Antoine avec les agents d’immigration avant le renvoi de celle-ci; et le couple ne s’est marié que quelques jours avant le renvoi de Mme Antoine du Canada. La Commission n’était pas convaincue que le couple entretenait une relation engagée et exclusive, car le demandeur a eu un enfant avec une autre femme pendant qu’il était en relation avec Mme Antoine.

 

[11]           Le demandeur a porté la décision de la Commission en appel et le juge James O’Reilly a accordé le contrôle judiciaire dans la décision Glen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 479. Il a maintenu que le traitement de la preuve par la Commission était insuffisant et qu’il était par conséquent déraisonnable. Le juge O’Reilly a conclu que le demandeur avait essayé de répondre à plusieurs des inquiétudes de la Commission dans son témoignage, mais que ces explications n’avaient pas été considérées. En particulier, le demandeur a expliqué le manque de cohabitation et la courte durée des appels téléphoniques. Il a abordé la [traduction] « relation sans lendemain », qu’il a eue avec une autre femme, laquelle a produit un enfant. Le juge O’Reilly a déterminé que le demandeur avait présenté une preuve qui étayait sa relation continue avec Mme Antoine et qu’il n’y avait aucun fondement permettant à la Commission de suggérer que les deux relations étaient de même nature. Le juge O’Reilly a conclu que le refus de prendre en considération les explications du demandeur concernant plusieurs des questions et la mauvaise interprétation d’autres éléments de la preuve ont influé sur la raisonnabilité de la décision. Il a déterminé que bien qu’il fût loisible à la Commission de questionner la crédibilité des explications du demandeur, elle avait à tout le moins l’obligation de les considérer.

 

La décision de la Commission

 

[12]           La Commission a tenu une nouvelle audition en appel le 14 janvier 2010. Une fois de plus, la Commission a conclu que le mariage n’était pas de bonne foi et qu’il visait principalement l’obtention d’un statut ou d’un privilège en vertu de la Loi.

 

[13]           La Commission a été préoccupée par le manque de preuves additionnelles, autres que le témoignage du demandeur, démontrant une relation authentique entre juin 2002 et juin 2005. Il n’y avait pas de photos prises à l’époque et aucun témoin n’a été appelé pour confirmer la relation.

 

[14]           En réponse à cette préoccupation, le demandeur a soutenu que toutes les photos qu’il avait de la période où ils étaient ensemble au Canada ont été perdues par la poste lorsqu’il a tenté de les envoyer à l’agent des visas. Mme Antoine, cependant, a prétendu que ces photos ont été perdues durant le déménagement. La Commission conclut que cette contradiction soulève de sérieux doutes sur la preuve que ces deux personnes ont eu une relation à long terme.

 

[15]           En ce qui concerne le moment du mariage, la Commission s’est questionnée sur la raison expliquant pourquoi le demandeur a attendu si longtemps avant d’épouser Mme Antoine. Le demandeur soutient qu’il a demandé à Mme Antoine de l’épouser en mars 2004 et que leur fille est née en juillet 2004, mais le couple ne s’est marié qu’en juin 2005. La Commission a déterminé que les problèmes logistiques, tels que les coûts ou les lieux du mariage, n’ont pas pu constituer un empêchement, car ils se sont mariés au cours d’une petite cérémonie célébrée dans l’appartement de Mme Antoine. Au contraire, la Commission a conclu que les parties avaient retardé le mariage jusqu’à ce qu’ils soient certains que la demanderesse ne puisse rester au Canada, ce faisant, le mariage était connexe aux problèmes d’immigration auxquels était confrontée Mme Antoine.

 

[16]           La Commission a reconnu que le demandeur a volontairement et mensuellement fait parvenir de l’argent à Mme Antoine, mais elle n’a pas cru que cette preuve en elle-même démontrait un mariage authentique entre le demandeur et Mme Antoine.

 

[17]           La Commission a été fortement préoccupée par le fait que le demandeur est le père d’un enfant qu’il a eu avec une autre femme peu de temps après la naissance de son premier enfant avec Mme Antoine. À la suite d’un ordre de la cour, il doit verser à cet enfant une pension prélevée à même son salaire. Le demandeur a témoigné que l’enfant était le résultat d’une [traduction] « relation sans lendemain » et que Mme Antoine était au courant de la situation. La Commission a noté cependant qu’il n’avait pas présenté d’autres preuves, telles que le témoignage de son épouse ou l’ordre de la cour l’enjoignant de verser une pension alimentaire à l’enfant, pour étayer sa prétention quant à la nature de sa relation avec l’autre femme. La Commission a conclu que la preuve déposée par le demandeur manquait de crédibilité.

 

[18]           La Commission n’était pas non plus convaincue de la nature authentique du mariage du demandeur à cause de ses visites peu fréquentes à son épouse et ses enfants à Grenade. Au moment de l’audience de la Commission en novembre 2009, la dernière fois qu’il s’était rendu à Grenade était en janvier 2008. Le demandeur a témoigné qu’il n’y était pas retourné depuis, car il n’en avait pas les moyens. La Commission a estimé que s’il avait réellement une relation authentique, « il aurait fait tout en son possible » pour retourner à Grenade.

 

[19]           Bien que le demandeur ait déposé d’importants relevés d’appels téléphoniques afin de démontrer sa communication avec son épouse, la Commission était préoccupée par le fait que les appels ne duraient habituellement qu’une minute. Le demandeur a témoigné qu’il appelait normalement pour vérifier si Mme Antoine était à la maison et qu’il la rappelait ensuite par l’entremise de cartes d’appel qui sont beaucoup plus économiques. Le demandeur n’a cependant pas fourni la preuve de ces cartes d’appel ou des relevés des numéros appelés au moyen de ces cartes. Conséquemment, la Commission a conclu que le défendeur avait manqué à expliquer adéquatement la raison de la brièveté des appels et de l’absence d’autre communication, hormis la lettre ou la carte occasionnelle.

 

[20]           Néanmoins, en ce qui concerne la Commission, « l’élément de preuve le plus révélateur » se situait dans la réponse à la question de l’avocat du ministre dans laquelle le demandeur déclare : [traduction] « je ne l’aurais pas mise enceinte [Mme Antoine] si je ne l’aimais pas ». L’avocat du ministre a fait remarquer qu’il a aussi rendu enceinte la mère de son autre enfant né en janvier 2005, mais le demandeur ne pouvait pas expliquer la différence de nature entre ces deux relations. La Commission a estimé que ce commentaire avait miné la prétention du demandeur selon laquelle le mariage était authentique.

 

[21]           Finalement, la Commission a remarqué que le demandeur n’a accompagné Mme Antoine à aucune de ses entrevues d’immigration précédant immédiatement son renvoi. La Commission se serait attendue à ce que, dans le contexte d’une relation authentique, le demandeur y ait assisté pour soutenir son épouse.

 

[22]           La Commission a conclu que, même si le fait que le couple a deux enfants ensemble est important, cette réalité ne permet pas de déterminer que le mariage est authentique. Le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau de présenter une preuve suffisante pour convaincre la cour.

 

Les questions en litige

 

[23]           Les questions sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La Commission a-t-elle suscité une crainte raisonnable de partialité?

            3.         Est-ce que la Commission a commis une erreur en concluant que le mariage du défendeur n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’obtention du statut de résident permanent?

 

Les observations écrites du demandeur

 

[24]           Le demandeur prétend que la Commission a suscité une crainte raisonnable de partialité et a manqué à agir de façon impartiale, à avoir un esprit ouvert ou à tenir une audience impartiale en acceptant en tant que preuve des documents déposés à l’appui du dernier contrôle judiciaire, notamment la transcription de l’audience précédente. Ces décisions ont été prises en dépit du fait que la première décision de la Commission a été renvoyée par la Cour fédérale pour considération erronée de la preuve.

 

[25]           Le demandeur soutient de plus que la Commission a erré sur plusieurs points en ne tenant pas compte de la décision du juge O’Reilly et en ne rectifiant pas les erreurs commises dans l’interprétation de la preuve. Ce faisant, le demandeur prétend que le grand nombre d’erreurs présentes dans la décision en a affecté l’issue.

 

[26]           En particulier, le demandeur est préoccupé par les conclusions de la Commission concernant les questions suivantes.

 

[27]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant à un manque de preuve démontrant la relation de juin 2002 à juin 2005. Le demandeur a inclus un affidavit sous serment expliquant la relation et les raisons au manque de preuve de la relation. La Commission avait le devoir d’analyser toute la preuve et d’expliquer pourquoi elle a préféré s’en tenir à d’autres documents. De plus, le fait qu’il n’a pas appelé de témoin pour corroborer sa relation ne doit pas constituer un coup fatal à son appel. La Commission ne possédait pas de motif véritable pour justifier le rejet des explications du demandeur qui se trouvaient dans son témoignage et dans ses affidavits, car il n’y avait pas de preuve contradictoire, les explications n’étaient pas improbables et elles étaient rationnelles et logiques.

 

[28]           Le demandeur fait valoir qu’il a expliqué adéquatement les facteurs influençant le moment du mariage et que d’avoir tiré une conclusion négative au sujet du moment choisi était une erreur. Il a aussi expliqué le manque de communication entre son épouse et lui.

 

[29]           Le demandeur soutient que la décision de la Commission ignore ce que le juge O’Reilly a maintenu, soit que rien ne donnait à penser qu’il envoyait de l’argent autrement que pour soutenir son épouse et ses enfants.

 

[30]           Le demandeur allègue que la conclusion relative à sa [traduction] « relation sans lendemain » ne tient pas compte des déclarations du juge O’Reilly selon lesquelles il n’existait pas de fondement laissant croire que les deux relations étaient de même nature.

 

[31]           Le demandeur prétend aussi qu’il était déraisonnable pour la Commission de conclure que les prétentions en matière de contraintes économiques du demandeur ne constituaient pas un motif suffisant pour justifier les rares visites à son épouse et ses enfants.

 

[32]           Le demandeur soutient que la Commission s’est fondée à tort sur des documents concernant la sœur de son épouse et non son épouse pour conclure qu’il n’avait pas soutenu celle-ci dans son processus d’immigration. L’affidavit du demandeur illustre clairement qu’il avait compris le statut d’immigration de son épouse et la possibilité de son renvoi au début de leur relation.

 

Les observations du défendeur

 

[33]           Le défendeur allègue que le demandeur n’a pas démontré qu’une personne bien informée, étudiant la question de façon réaliste et pratique, conclurait, selon toute vraisemblance, que le décideur n’a pas pris une décision juste, ce qui constitue le critère de crainte raisonnable de partialité tel que défini par la Cour suprême (voir Committee for Justice and Liberty et al c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, au paragraphe 394). Le demandeur n’a pas fourni d’exemples concrets pour appuyer sa prétention que la Commission était partiale.

 

[34]           Le défendeur soutient qu’aucune des erreurs soulevées par le demandeur n’offre de fondement à une demande de contrôle judiciaire défendable lorsqu’elles sont analysées individuellement ou dans leur ensemble.

 

[35]           Le défendeur soutient que la Commission n’a pas ignoré le témoignage du demandeur concernant sa communication avec son épouse, mais qu’il n’y avait pas d’autres preuves pour étayer leur relation avant le mariage. De plus, le demandeur a déposé des preuves contradictoires et il était raisonnable pour la Commission d’estimer que ces contradictions minaient la crédibilité du demandeur à cet égard.

 

[36]           Le défendeur allègue que les préoccupations de la Commission relatives au moment choisi pour le mariage du demandeur sont raisonnables et que le demandeur n’y a pas répondu de façon satisfaisante.

 

[37]           Le défendeur prétend que la conclusion de la Commission voulant que le soutien ne serve qu’à aider les enfants est raisonnable, en particulier si l’on tient compte du fait que le demandeur paie aussi une pension alimentaire à son enfant né d’une autre femme.

 

[38]           Le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour la Commission d’être préoccupée par la relation du demandeur avec une autre femme avec laquelle il a eu un enfant. Le demandeur n’a pas fourni une preuve autre que son propre témoignage et lorsque la crédibilité constitue une question, il n’est pas déraisonnable pour la Commission d’exiger des preuves corroborantes (voir Ortiz Juarez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 288, au paragraphe 7 et Adu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] ACF no 114).

 

[39]           Le défendeur a calculé que le demandeur avait suffisamment de fonds pour rendre visite à son épouse et ses enfants et qu’il était raisonnable pour la Commission de commenter que s’il s’agissait d’une relation authentique, il leur aurait rendu visite.

 

[40]           Finalement, le défendeur allègue qu’il appartient au demandeur de fournir la preuve qu’il communiquait avec son épouse. Son défaut de fournir une preuve convaincante expliquant la brièveté des appels téléphoniques et l’absence de courrier ou de courriel démontrait que les conclusions de la Commission voulant que ces faits illustrent un manque d’authenticité de la relation étaient raisonnables.

 

[41]           En conclusion, le défendeur souligne que la Commission est en droit d’émettre des conclusions en se fondant sur les éléments contradictoires de la preuve. La prétention du demandeur selon laquelle il est engagé dans un mariage authentique avec son épouse a été sérieusement minée par les contradictions et le manque de preuves corroborantes.

 

Analyse et décision

 

[42]           La question en litige no 1

      Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence a défini la norme de contrôle applicable à une question soumise à la cour, la cour d’examen peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[43]           Les évaluations de demandes de résidence permanente sur le fondement de la catégorie du regroupement familial et de l’authenticité du mariage en particulier, soulèvent des questions mixtes de faits et de droit, et la norme de contrôle établie est la raisonnabilité (voir Natt c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 238, 80 Imm LR (3d) 80, au paragraphe 12).

 

[44]           Je voudrais d'abord traiter de la question 3.

 

[45]           La question en litige no 3

            Est-ce que la Commission a commis une erreur en concluant que le mariage du défendeur n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’obtention du statut de résident permanent?

            J’ai examiné la décision de la Commission selon laquelle le demandeur et Mme Antoine n’ont pas contracté un mariage authentique et que celui-ci ne visait que l’obtention d’un statut ou d’un privilège en vertu de la Loi. Je ne crois pas que la décision de la Commission était raisonnable pour les motifs suivants.

 

[46]           La Commission a déterminé que la décision du demandeur et de Mme Antoine de se marier juste avant qu’elle ne soit envoyée à Grenade a entraîné la conclusion voulant que le mariage fût motivé par les problèmes d’immigration de Mme Antoine. Toutefois, le demandeur avait expliqué à la Commission qu’il avait demandé à Mme Antoine de l’épouser et que les deux avaient organisé le mariage avant qu’elle ne reçoive son avis de renvoi et sa décision d’ERAR défavorable. J’estime que le traitement de cette explication par la Commission est fondé sur la spéculation selon laquelle le retard n’aurait pas pu être motivé par des problèmes financiers, car Mme Antoine a quitté son emploi après être tombée enceinte. Cependant, le demandeur a témoigné tout au long de l’audience qu’il connaissait des difficultés financières. Le fait que Mme Antoine ait quitté son emploi en raison de sa grossesse n’implique pas que le demandeur n’éprouvait pas des problèmes financiers.

 

[47]           De plus, la décision de la Commission semble indiquer que les versements de pension effectués par le demandeur à sa famille à Grenade n’ont pas nécessairement démontré un mariage authentique, car il a aussi payé une pension alimentaire en vertu d’une ordonnance de la cour à la mère de son enfant né à la suite de la [traduction] « relation sans lendemain ». Je ne conçois pas que l’on puisse établir une analogie entre les deux situations. Par exemple, les versements faits à l’épouse et aux enfants du demandeur à Grenade sont volontaires. En outre, je ne crois pas que la pension alimentaire issue d’une ordonnance de la cour puisse avoir une quelconque influence sur l’évaluation de l’authenticité du mariage du demandeur. Conséquemment, j’estime que cet aspect de la décision est déraisonnable.

 

[48]           Je ne suis pas d’accord qu’on puisse arriver à la conclusion que le mariage n’est pas valide sur l’unique fait que le demandeur a eu ce qu’il appelle une [traduction] « relation sans lendemain ». Selon moi, en me fondant sur les faits en l’espèce, les deux relations ne sont pas liées.

 

[49]           Je ne partage pas la préoccupation de la Commission selon laquelle le fait que le demandeur n’a pas effectué assez de visites à Grenade pour voir sa famille a d’une façon influé sur l’authenticité de son mariage, car le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas les moyens de voyager à Grenade compte tenu de ses diverses dépenses.

 

[50]           Pour les motifs précités, je conclus que la décision de la Commission est déraisonnable.

 

[51]           En raison de ma conclusion sur cette question, je n'ai pas à trancher les autres.

 

[52]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a souhaité proposer de question grave de portée générale aux fins de certification.


JUGEMENT

 

[53]           LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et que l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu'il rende une nouvelle décision.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice
ANNEXE

 

Les dispositions légales pertinentes

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

12.(1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

12.(1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common-law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

 

 

 

Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

4.1 Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne s’il s’est engagé dans une nouvelle relation conjugale avec cette personne après qu’un mariage antérieur ou une relation de conjoints de fait ou de partenaires conjugaux antérieure avec celle-ci a été dissous principalement en vue de lui permettre ou de permettre à un autre étranger ou au répondant d’acquérir un statut ou un privilège aux termes de la Loi.

 

117.(1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

 

a) son époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal;

 

 

b) ses enfants à charge;

 

 

c) ses parents;

 

 

d) les parents de l’un ou l’autre de ses parents;

 

e) [Abrogé, DORS/2005-61, art. 3]

 

f) s’ils sont âgés de moins de dix-huit ans, si leurs parents sont décédés et s’ils n’ont pas d’époux ni de conjoint de fait :

 

 

(i) les enfants de l’un ou l’autre des parents du répondant,

 

(ii) les enfants des enfants de l’un ou l’autre de ses parents,

 

(iii) les enfants de ses enfants;

 

 

g) la personne âgée de moins de dix-huit ans que le répondant veut adopter au Canada, si les conditions suivantes sont réunies :

 

(i) l’adoption ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi,

 

(ii) s’il s’agit d’une adoption internationale et que le pays où la personne réside et la province de destination sont parties à la Convention sur l’adoption, les autorités compétentes de ce pays et celles de cette province ont déclaré, par écrit, qu’elles estimaient que l’adoption était conforme à cette convention,

 

 

 

(iii) s’il s’agit d’une adoption internationale et que le pays où la personne réside ou la province de destination n’est pas partie à la Convention sur l’adoption :

 

 

(A) la personne a été placée en vue de son adoption dans ce pays ou peut par ailleurs y être légitimement adoptée et rien n’indique que l’adoption projetée a pour objet la traite de l’enfant ou la réalisation d’un gain indu au sens de cette convention,

 

 

 

(B) les autorités compétentes de la province de destination ont déclaré, par écrit, qu’elles ne s’opposaient pas à l’adoption;

 

 

h) tout autre membre de sa parenté, sans égard à son âge, à défaut d’époux, de conjoint de fait, de partenaire conjugal, d’enfant, de parents, de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de membre de sa famille qui est l’enfant d’un enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de parents de l’un ou l’autre de ses parents ou de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre des parents de l’un ou l’autre de ses parents, qui est :

 

(i) soit un citoyen canadien, un Indien ou un résident permanent,

 

(ii) soit une personne susceptible de voir sa demande d’entrée et de séjour au Canada à titre de résident permanent par ailleurs parrainée par le répondant.

 

4.1 For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the foreign national has begun a new conjugal relationship with that person after a previous marriage, common-law partnership or conjugal partnership with that person was dissolved primarily so that the foreign national, another foreign national or the sponsor could acquire any status or privilege under the Act.

 

 

117.(1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

 

 

(a) the sponsor's spouse, common-law partner or conjugal partner;

 

(b) a dependent child of the sponsor;

 

(c) the sponsor's mother or father;

 

(d) the mother or father of the sponsor's mother or father;

 

(e) [Repealed, SOR/2005-61, s. 3]

 

(f) a person whose parents are deceased, who is under 18 years of age, who is not a spouse or common-law partner and who is

 

(i) a child of the sponsor's mother or father,

 

(ii) a child of a child of the sponsor's mother or father, or

 

(iii) a child of the sponsor's child;

 

(g) a person under 18 years of age whom the sponsor intends to adopt in Canada if

 

 

 

(i) the adoption is not being entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act,

 

(ii) where the adoption is an international adoption and the country in which the person resides and their province of intended destination are parties to the Hague Convention on Adoption, the competent authority of the country and of the province have approved the adoption in writing as conforming to that Convention, and

 

(iii) where the adoption is an international adoption and either the country in which the person resides or the person's province of intended destination is not a party to the Hague Convention on Adoption

 

(A) the person has been placed for adoption in the country in which they reside or is otherwise legally available in that country for adoption and there is no evidence that the intended adoption is for the purpose of child trafficking or undue gain within the meaning of the Hague Convention on Adoption, and

 

(B) the competent authority of the person's province of intended destination has stated in writing that it does not object to the adoption; or

 

(h) a relative of the sponsor, regardless of age, if the sponsor does not have a spouse, a common-law partner, a conjugal partner, a child, a mother or father, a relative who is a child of that mother or father, a relative who is a child of a child of that mother or father, a mother or father of that mother or father or a relative who is a child of the mother or father of that mother or father

 

 

 

(i) who is a Canadian citizen, Indian or permanent resident, or

 

 

(ii) whose application to enter and remain in Canada as a permanent resident the sponsor may otherwise sponsor.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-781-10

 

INTITULÉ :                                       TROY ISAAC GLEN

 

                                                            - c. -

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 avril 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alesha A. Green

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nicole Rahaman

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Law Offices of Green & Willard

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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