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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20110414

Dossier : T-1147-10

Référence : 2011 CF 416

Ottawa (Ontario), le 14 avril 2011

En présence de monsieur le juge Scott 

 

ENTRE :

 

 

RICHARD COSSETTE

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) du 18 mai 2010, siégeant en réexamen (le Comité d’appel siégeant en réexamen), constituée aux termes de l’article 4 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants, LC 1995, ch 18 (LTAC), dans laquelle il a refusé de réexaminer sa décision du 16 février 2010, de ne pas accorder la prestation réclamée par le demandeur.

I.          Les faits

[2]               Richard Cossette, le demandeur, est né le 7 octobre 1949 et a servi dans les Forces régulières de l’armée canadienne, du 23 janvier 1967 au 16 août 1978 et du 26 novembre 1981 au 12 juillet 1993. Le 7 avril 1992, l’atteinte discale lombaire du demandeur est reconnue comme étant conséquente à ses états de service dans les Forces armées. Le 1er novembre 2007, le demandeur subissait une intervention chirurgicale au Centre hospitalier de Trois-Rivières. Au cours de sa convalescence, soit vers le 30 novembre 2007, le demandeur aggrave sa condition en tentant de se déplacer dans son lit. Le 14 mai 2008, on investiguait le demandeur au moyen d’une résonnance magnétique.

 

[3]               Le 16 mai 2008, il dépose une demande de prestations d’invalidité aux termes de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, LC 2005, ch 21 (la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation), qui prévoit qu’ « est réputée être une blessure ou maladie liée au service, la blessure ou maladie qui, en tout ou en partie, est la conséquence d’une blessure ou maladie liée au service». Le 21 juillet 2008, un arbitre du Ministère des Anciens combattants refuse cette demande de prestations. Le 23 avril 2009, le demandeur se présente devant le Comité de révision, qui confirme la décision du 21 juillet 2008, au motif que :

 

Toutefois, vu les constatations du protocole d’imagerie médicale en date du 14 mai 2008, dans lequel on note des remaniements dégénératifs acromio-claviculaires, lesquels pourraient occasionner un syndrome d’accrochage; vu les autres constatations notées dans ce protocole, le Tribunal ne peut se prononcer sur la contribution de ces constatations à une prédisposition ou même à une causation [sic] dans le développement des affections à l’étude. À cet effet, une opinion d’un médecin orthopédiste pourrait clarifier la situation.

 

Le Tribunal confirme la décision ministérielle du 21 juillet 2008.

 

[4]               En réponse, le demandeur obtient une expertise médicale le 11 novembre 2009 du Dr Tremblay, chirurgien orthopédiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (l’Hôtel-Dieu de Montréal) et professeur agrégé à l’Université de Montréal. Le Dr Tremblay établit un lien entre les états de service militaire du demandeur et la condition de son épaule gauche. Il opine ainsi :

 

Si ce patient n’avait pas eu de chirurgie lombaire, il n’aurait probablement jamais développé de tendinite aiguë de l’épaule gauche. En conséquence donc, nous pouvons affirmer que le service militaire est responsable de la condition de l’épaule gauche de monsieur Cossette dans une proportion de 4/5, tenant compte qu’une coiffe des rotateurs est sujette à une dégénérescence naturelle. 

 

[5]               Le demandeur porte en appel la décision du Comité de révision devant le comité d’appel du Tribunal des anciens combattants du Canada (le comité d’appel) et dépose cette expertise au soutien de sa demande. Le Comité d’appel rejette la demande d’appel le 16 février 2010. Il détermine

qu’« aucun droit à une indemnité n’est accordé pour ces invalidités parce qu’elles ne sont pas consécutives à l’affection de la maladie lombaire qui ouvre droit à une pension » (Décision du Comité d’appel du 16 février 2010).

 

[6]               Dans sa décision, le Comité d’appel précise également que le demandeur a l’obligation de produire une preuve établissant un lien de causalité entre l’invalidité ou l’aggravation prétendue et les états de service militaire. Il considère que la preuve au dossier n’est pas suffisante pour démontrer que les états de service sont la cause principale de l’aggravation de l’invalidité du demandeur.

 

[7]               Quant à la force probante de l’expertise du Dr Tremblay, le Tribunal tire les conclusions suivantes à la page 5 :

 

Le Tribunal constate que le Dr Tremblay n’a pas fourni suffisamment de motifs pour justifier sa conclusion. Les mots utilisés par le Dr Tremblay dans son expertise médicale sont extrêmement vagues et celui-ci ne fait qu’énoncer la possibilité d’un lien mais n’est pas concluante et est ouvert à l’interprétation du Tribunal qui diffère de celle de l’appelant. Le Tribunal note également que Dr Tremblay n’a pas d’autres éléments cités des évènements de l’appelant pour en venir à la conclusion au sujet de l’évènement qui aurait causé la blessure. Le Tribunal conclut que l’Expertise médicale du Dr Tremblay se fonde, en bonne partie, sur les renseignements de nature subjective fournis par l’appelant. Selon le Tribunal, celle-ci est donc seulement un avis subjectif ou une supposition de nature conjecturale.

 

Donc, le Tribunal conclut que l’opinion médicale du Dr Tremblay ne constitue pas une preuve crédible aux fins de l’octroi d’une indemnité d’invalidité en raison d’un manque de raisonnement et d’analyse sur la question de la causalité, en combinaison avec l’avis qu’énonce la possibilité avec prudence. L’opinion médicale constitue la simple possibilité d’une opinion favorable à l’appelant.

 

 

[8]               Le 19 avril 2010, le demandeur dépose une demande de réexamen aux termes de l’article 32 de la LTAC, devant le Comité d’appel siégeant en réexamen. Cette demande est accompagnée d’une soumission écrite et d’une lettre du Dr Tremblay, dont le contenu est le suivant :

(…) En effet, même si ce patient présentait, à l’imagerie, des changements dégénératifs acromio-claviculaires qui pouvaient causer un certain accrochage au niveau de l’épaule, ce patient n’avait jamais eu aucune limitation fonctionnelle ou aucun symptôme au niveau de l’épaule.

L’effort qu’il a fourni, avec le bras en élévation antérieure à plus de 90 degrés pour prendre la ridelle, est un effort qui est susceptible d’engendrer une déchirure aiguë sur une coiffe qui est légèrement dégénérée et, surtout, sur une coiffe qui peut être coincée de façon plus sévère à cause de l’arthrose acromio-claviculaire que présente ce patient.

Le mécanisme accidentel et l’apparence de la résonance magnétique militent en fonction d’accepter la relation entre la déchirure-capsulite de l’épaule gauche et l’évènement tel que décrit.

 

[9]               Dans sa décision du 18 mai 2010, le Comité d’appel siégeant en réexamen n’admet pas en preuve la lettre du Dr Tremblay. Il détermine que les critères de l’arrêt Mackay c Procureur Général du Canada [1997] ACF no 495 ne sont pas satisfaits. Il considère « que cette opinion aurait pu être présentée en appel et enfin, n’offre aucun élément pertinent qui pourrait influencer la décision précédente» (décision du 18 mai 2010). Il réitère aussi les motifs de la décision du Comité d’appel du 16 février 2010.

 

II.        Questions en litige

[10]           Cette demande de contrôle judiciaire soulève une question principale ainsi que deux sous-questions :

(1)         Le comité d’appel siégeant en réexamen a-t-il commis une erreur en refusant le réexamen de la décision du 16 février 2010?

(a)        Le comité d’appel siégeant en réexamen a-t-il erré en refusant d’admettre comme élément de preuve la lettre du 18 mars 2010 du Dr Tremblay?

(b)        Le comité d’appel siégeant en réexamen a-t-il erré en réitérant les motifs de la décision du 16 février 2010?

 

III.       Norme de contrôle applicable

[11]           La norme de contrôle applicable à la décision d’un comité d’appel du Tribunal des anciens combattants est la norme de la décision raisonnable, tel que le précisait le Juge Mosley dans l’arrêt Bullock c Canada (Procureur général) 2008 CF 1117, aux para 11 à 13:

Conformément à l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), lorsque la jurisprudence a déjà déterminé de manière satisfaisante le degré de retenue correspondant à une certaine catégorie de questions, on n'a pas besoin de procéder à ce qui est maintenant connu comme étant «l'analyse relative à la norme de contrôle»; voir MacDonald c. Canada (Procureur général), 2008 CF 796.

 

En général, les décisions du comité d'appel du TACRA ont été examinées selon la décision manifestement déraisonnable ou la décision raisonnable, selon la nature de la question en litige. Depuis l'arrêt Dunsmuir, la décision manifestement déraisonnable est disparue au profit d'une norme plus large, la raisonnabilité : Rioux c. Canada (Procureur général), 2008 CF 991.

 

Mes collègues, la juge Heneghan dans Lenzen c. Canada (Procureur général), 2008 CF 520, le juge Blanchard dans Pierre Dugré c. Canada (Procureur général), 2008 CF 682, et la juge Layden-Stevenson dans Rioux c. Canada (Procureur général), 2008 CF 991, ont conclu que la norme de contrôle applicable, dans le cas des décisions du comité d'appel du TACRA relatives aux réexamens, est la raisonnabilité. Sur la foi de cette jurisprudence, je suis convaincu qu'il est inutile que je procède à une analyse plus approfondie de la norme de contrôle.

 

[12]           L’arrêt Armstrong c Canada (Procureur général) 2010 CF 91, au para 33, a réitéré l’analyse de la norme de contrôle du Juge Mosley et confirmé l’application de la raisonnabilité à un refus de réexamen d’une décision d’un Comité d’appel. Il s’agissait plus précisément du refus d’admettre de nouveaux éléments de preuve, en l’occurrence, des lettres d’un expert médical, tout comme c’est le cas en l’espèce.

IV.       Analyse 

[13]           Le comité d’appel siégeant en réexamen a-t-il commis une erreur en refusant le réexamen de la décision du 16 février 2010?

[14]           Une maladie ou blessure qui est la conséquence d’une maladie ou blessure liée au service donne le droit à une indemnité aux termes du paragraphe 46 1) b) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation :

Consequential injury or disease

Blessure ou maladie réputée liée au service

 

46. (1) An injury or a disease is deemed to be a service-related injury or disease if the injury or disease is, in whole or in part, a consequence

of :

 

46. (1) Est réputée être une blessure ou maladie liée au service la blessure ou maladie qui, en tout ou en partie, est la conséquence :

 

(a) a service-related injury or disease;

a) d’une blessure ou maladie liée au service;

 

(b) a non-service-related injury or disease that was aggravated by service;

 

b) d’une blessure ou maladie non liée au service dont l’aggravation est due au service;

(c) an injury or a disease that is itself a consequence of an injury or a disease described in paragraph (a) or (b); or

 

c) d’une blessure ou maladie qui est elle-même la conséquence d’une blessure ou maladie visée par les alinéas a) ou b);

 

(d) an injury or a disease that is a consequence of an injury or a disease described in paragraph (c).

 

d) d’une blessure ou maladie qui est la conséquence d’une blessure ou maladie visée par l’alinéa c) Blessure ou maladie réputée liée au service.

 

Compensable fraction

 

Fraction indemnisable

(2) If a disability results from an injury or a disease that is deemed to be a service-related injury or disease, a disability award may be paid under subsection 45(1) only in respect of that fraction of the disability, measured in fifths, that represents the extent to which that injury or disease is a consequence of another

injury or disease that is, or is deemed to be, a service-related injury or disease.

(2) Pour l’application du paragraphe 45(1), si l’invalidité est causée par une blessure ou maladie réputée liée au service au titre du paragraphe (1), seule la fraction — calculée en cinquièmes — du degré d’invalidité qui représente la proportion de cette blessure ou maladie qui est la conséquence d’une autre blessure ou maladie liée au service ou réputée l’être, donne droit à une indemnité d’invalidité.

 

[15]           Aux termes de l’article 21 de la LTAC, le Comité de révision rend d’abord une décision. Cette décision peut ensuite faire l’objet d’un réexamen sous l’article 23 de cette même loi. Un demandeur peut se pourvoir en appel à l’encontre de cette décision ou de ce réexamen devant le Comité d’appel tel que le précise l’article 25 de la LTAC. L’article 29 de cette même loi confère au comité d’appel le pouvoir de confirmer, modifier ou d’infirmer la décision portée en appel ou de la renvoyer pour réexamen, complément d’enquête ou nouvelle audition.

 

[16]           L’article 32 de cette loi établit que le Comité d’appel peut réexaminer, sur requête, une décision qu’il a rendue, si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés, ou si la personne effectuant la requête allègue que la décision contenait des erreurs de fait ou de droit :

 

Nouvel examen

32. (1) Par dérogation à l’article 31, le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l’auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve

 

 

lui sont présentés.

Reconsideration of decisions

32. (1) Notwithstanding section 31, an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any

 

 

law or if new evidence is presented to the appeal panel.

 

(a)        Le comité d’appel siégeant en réexamen a-t-il erré en refusant d’admettre comme élément de preuve la lettre du 18 mars 2010 du Dr Tremblay?

 

[17]           Le demandeur prétend que les critères applicables à l’admissibilité d’un nouvel élément de preuve au stade du réexamen par un Comité d’appel du Tribunal et tels qu’élaborés dans l’arrêt MacKay c Procureur Général du Canada [1997] ACF no 495 [Mackay] ont été satisfaits. L’arrêt précise que la diligence raisonnable, la pertinence, la possibilité d’influer sur le résultat ainsi que le caractère plausible de l’élément de preuve doivent être considérés. Selon le demandeur, le Comité d’appel a donc erré en refusant de recevoir un nouvel élément de preuve.

 

[18]            Le demandeur soutient également que le critère de diligence est respecté puisque l’expertise du Dr Tremblay a été déposée le 11 novembre 2009 et que le Comité d’appel n’avait alors formulé aucun reproche à ce sujet. Dans ce contexte, la lettre du 18 mars 2010 ne doit pas être considérée comme un nouvel élément de preuve, mais plutôt comme une précision demandée à l’expert suite à la décision du 16 février 2010. Le demandeur soumet donc que le Comité d’appel siégeant en réexamen a appliqué le critère de la diligence raisonnable de manière trop rigide lorsqu’il a déterminé que « cette opinion aurait pu être présentée en appel ».

 

[19]           Le demandeur allègue également que le Comité d’appel a mal appliqué deux autres des critères, soit la pertinence de la preuve et son influence sur le résultat. Il n’était pas raisonnable pour lui de conclure que « cette opinion […] n’offre aucun élément pertinent qui pourrait influer sur la décision précédente ».

 

[20]           Toujours selon le demandeur, la lettre du Dr Tremblay était pertinente et susceptible d’influer sur le résultat puisque ce dernier y explique pourquoi il élimine l’hypothèse d’une déchirure dégénérative, ce qui rend extrêmement plausible le lien de causalité direct entre le mouvement inopportun du demandeur alité et la déchirure de sa coiffe. De plus, c’est le Comité d’appel lui-même qui avait indiqué, dans sa décision du 16 février 2010, qu’il aurait souhaité connaître des motifs plus détaillés du raisonnement du Dr Tremblay selon lequel il existait un lien entre l’incident de novembre 2007 et la condition de l’épaule gauche du demandeur.

 

[21]           Le demandeur soutient aussi que l’élément de preuve était plausible puisque, contrairement à ce que le Comité d’appel siégeant en réexamen affirme dans sa décision, sa lettre se base sur l’anamnèse de l’évènement, qui a été considérée crédible par le Comité de révision dans sa décision du 23 avril 2009. Dans son expertise, le Dr Tremblay prend aussi en considération les antécédents du demandeur (l’absence de limitations fonctionnelles avant l’incident) et les constatations de l’imagerie.

 

[22]           Le défendeur prétend pour sa part que la décision du Comité d’appel siégeant en réexamen était raisonnable. Le Comité d’appel a refusé la deuxième lettre du Dr Tremblay, non pas uniquement parce qu’elle ne satisfaisait pas aux critères de l’arrêt MacKay, supra, mais aussi, parce qu’il considérait que cette expertise aurait pu être déposée dès le moment de l’appel et qu’elle ne contenait aucun élément de preuve pertinent permettant de modifier la décision prise précédemment. Ainsi, peu importe que cet élément de preuve ait satisfait ou pas aux critères énoncés dans l’arrêt Mackay, la décision du comité n’aurait pas été différente. Le Comité d’appel ne considérait pas posséder un élément de preuve objectif quant aux évènements à l’origine de la déchirure de la coiffe de l’épaule gauche du demandeur. Il n’était aucunement dans l’obligation de recourir à une autre expertise médicale.

 

[23]           L’article 3 édicte que les dispositions de la LTAC doivent être interprétées de manière large et libérale :

Principe général

 

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

Construction

 

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligations of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

[24]           L’article 39 de cette même loi précise les règles d’interprétations applicables aux éléments de preuve présentés au Tribunal et conséquemment au Comité d’appel:

Règles régissant la preuve

 

Rules of evidence

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

39. In all proceedings under this Act, the Board shall:

 

 

 

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possibles à celui-ci;

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

[25]           Selon l’arrêt Mackay sur lequel le Comité se fonde, un nouvel élément de preuve sera accepté s’il satisfait aux critères suivants :

Toutefois, je suis convaincu que le rapport du Dr Murdoch constitue de "nouveaux éléments de preuve" aux fins de l'article 111. Le requérant a énoncé le critère applicable pour déterminer s'il s'agit de « nouveaux » éléments de preuve en citant l'arrêt Palmer et Palmer c. La Reine, [1980], 1 RCS 759, à la page 775 (ci-après Palmer) :

 

[...] Les principes suivants se dégagent :

(1)        On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de matière [sic] aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles; voir McMartin c La Reine, [1964] RCS 484.

(2)        La déposition doit être pertinente, en ce sens qu'elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3)        La déposition doit être plausible, en ce sens qu'on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

(4)        elle doit être telle que si l'on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu'avec les  autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat

 

[26]           En l’espèce, la lettre du Dr Tremblay a été versée à titre de complément d’informations en réponse aux conclusions tirées par le Comité d’appel, le 16 février 2010, sur l’insuffisance des motifs et le caractère vague de l’expertise. Ce complément d’informations ne pouvait être versé avant que le demandeur ne prenne connaissance des reproches que le Comité d’appel adressait à son expert. Il était donc déraisonnable de conclure que la lettre déposée en soutien à la demande de réexamen ne satisfaisait pas au critère de la diligence raisonnable de l’arrêt Mackay, précité.

 

[27]           Il n’était pas non plus raisonnable pour le Comité d’appel siégeant en réexamen de considérer que cet élément ne répondait pas au critère de la pertinence de l’arrêt Mackay, précité. Cette lettre apportait une précision recherchée et essentielle sur un point décisif, puisque le refus d’accorder  la prestation demandée se fondait sur l’insuffisance d’éléments de preuve pour établir la connexité entre les états de service militaire et l’aggravation de l’invalidité du demandeur.

 

[28]           Il était permis au demandeur de croire que cet élément de preuve, si l’on y donnait foi, puisse avoir un impact sur le résultat de son appel puisqu’il répondait au doute soulevé par le Comité d’appel. En précisant que le demandeur n’avait jamais eu de limitations fonctionnelles à l’épaule gauche, et ce, malgré les changements dégénératifs acromio-claviculaires pouvant causer un certain accrochage au niveau de cette épaule, la lettre du Dr Tremblay dissipait tout doute. Il y avait donc lieu d’accepter le lien de causalité entre la blessure à cette épaule et l’incident du mois de novembre à l’origine de la réclamation du demandeur.

 

[29]           Le défendeur soutient qu’en plus du non-respect des critères de l’arrêt Mackay, le Comité d’appel siégeant en révision avait aussi noté que la lettre aurait pu être déposée au moment de l’appel et ne contenait pas d’éléments de preuve importants permettant de modifier la décision. Avec égards, je considère que cet argument n’est pas fondé puisque ces conclusions touchent également deux des critères de l’arrêt Mackay, soit celui de la diligence raisonnable et de la pertinence.

 

[30]           Le Tribunal des anciens combattants et son Comité d’appel doivent, aux termes de la LTAC applicable, traiter des questions concernant les éléments de preuve présentés par le demandeur « de façon large ». Pour cette raison et pour les motifs cités plus haut, je considère que la décision du Comité d’appel siégeant en réexamen de ne pas accepter la lettre du Dr Tremblay en tant que nouvelle preuve était déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire doit donc être accueillie. Ayant répondu par l’affirmative à la première sous-question, il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse de la demande.

 

[31]           Le demandeur a fait valoir que, dans certaines circonstances, la Cour pouvait donner des instructions précises au Tribunal des anciens combattants et lui ordonner de faire droit à l’indemnisation réclamée. Il cite la jurisprudence de cette Cour à cet effet et plus particulièrement, la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Turanskaya  v Canada (Minister of Citizenship & Immigration) 1997 [1995] ACF no 1776. La Cour ne considère pas qu’elle a devant elle un cas qui donne ouverture à ce que de telles instructions soient données.

 

[32]           Pour ces motifs, la demande de révision judiciaire est accueillie.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire.

 

2.         La décision du Comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) siégeant en réexamen datée du 18 mai 2010 de refuser de réexaminer la décision du 16 février 2010 est annulée.

 

3.         Le dossier est renvoyé pour nouvel examen devant une nouvelle formation du Comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) siégeant en réexamen, conformément aux présents motifs.

 

Le tout avec dépens.

 

 

« André F. Scott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1147-10

 

INTITULÉ :                                       RICHARD COSSETTE

 

                                                            c

                                                           

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark Phillips

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Pauline Leroux

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Borden Ladner Gervais, s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                                                                                                          

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