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Cour fédérale

 

Federal Court



Date : 20110413

Dossier : T-235-09

Référence : 2011 CF 453

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 avril 2011

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

 

FIONA G. MCLEAN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Mme Fiona McLean (la demanderesse) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 12 janvier 2009 par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TACRA). Dans cette décision, le TACRA a rejeté la demande de la demanderesse visant l’obtention d’une pension d’invalidité supplémentaire, demande qui avait été présentée en application du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, S.R.C. 1985, ch. P‑6 (la Loi).

Le contexte

[2]               La demanderesse, une avocate, est membre de la Réserve des Forces armées canadiennes. Elle a acquis le statut de réserviste en 1987 et a continué de servir à ce titre. Au cours de son service, elle a subi des blessures pour lesquelles elle a demandé des prestations de pension en vertu de la Loi.

 

[3]               Dans une décision datée du 5 mars 2004, le ministère des Anciens combattants (le Ministère) a accordé à la demanderesse une pension d’invalidité partielle pour des douleurs lombaires mécaniques. Dans cette décision, on déclarait que les douleurs lombaires mécaniques étaient une affection ouvrant droit à pension, conformément au paragraphe 21(2) de la Loi. La pension d’invalidité de la demanderesse, qui a été évaluée à 5 %, a pris effet le 14 octobre 2003 en application du paragraphe 39(1) de la Loi.

 

[4]               Dans cette décision datée du 5 mars 2004 figurait également la déclaration suivante :

[traduction]

Le diagnostic de douleurs lombaires mécaniques a été consigné dans un examen médical daté du 8 juin 2001, et dans la déclaration de votre médecin en date du 4 décembre 2003 figure un diagnostic provisoire d’entorse lombaire/thoracique.

 

[5]               Dans une demande datée du 18 mars 2004, la demanderesse a réclamé une pension d’invalidité supplémentaire pour sa douleur au bas du dos et les problèmes connexes à la partie gauche du cou, les maux de tête, la limitation de l’amplitude du mouvement et les problèmes au niveau de son épaule gauche. Les troubles pour lesquels la demanderesse voulait obtenir une pension supplémentaire ont été décrits dans le « Résumé de la première demande » du Ministère de la façon suivante [traduction] : « Spasme des muscles intrascapulaires/sus‑scapulaires secondaire à des douleurs lombaires mécaniques »; « Spasme du trapèze secondaire à des douleurs lombaires mécaniques »; et « Spasme des muscles paravertébraux thoraciques secondaire à des douleurs lombaires mécaniques ».

 

[6]               Un arbitre des pensions au sein du Ministère a examiné la demande de pension de la demanderesse. Dans une décision datée du 11 mai 2006, la demande de pension pour invalidité supplémentaire de la demanderesse a été refusée au motif qu’ [traduction] « aucun diagnostic confirmé d’un problème de santé chronique n’avait été établi […] » [souligné dans l’original].

 

[7]               Dans sa lettre, l’arbitre des pensions a poursuivi en affirmant que le Ministère avait passé en revue les questionnaires médicaux datés du 9 février 2006. Ces questionnaires avaient été remplis par le Dr Peter Neary, un médecin traitant de la demanderesse, qui avait exprimé l’opinion selon laquelle les spasmes de la demanderesse étaient [traduction] « […] consécutifs au trouble lombaire ouvrant droit à pension […] ». Néanmoins, le Ministère n’était pas du même avis et a noté ce qui suit : [traduction] « […] les récentes publications médicales n’étayent aucun lien de cause à effet entre les spasmes musculaires allégués et les douleurs lombaires pour lesquelles vous recevez une pension. »

 

[8]               Le Ministère a conclu qu’aucun diagnostic confirmant une affection chronique n’avait été établi, et qu’en l’absence de preuve médicale pour attester un lien de causalité, aucune pension ne pouvait être accordée en application du paragraphe 21(5) de la Loi.

 

[9]               La demanderesse a demandé une révision ministérielle de la décision du 11 mai 2006. Par une lettre datée du 14 août 2007, on l’a informée qu’à la suite de sa révision, le Ministère avait confirmé la décision du 11 mai 2006. Dans le cadre de cette révision, le Ministère a accusé réception d’un rapport médical indépendant du Dr Richard Hu en date du 17 janvier 2007, rapport qui a été soumis en tant que nouvelle preuve. Toutefois, le Ministère n’a traité que brièvement du rapport médical, dans les termes suivants :

[traduction]

Le Ministère a tenu compte des autres données médicales présentées. C’est un constat médicalement accepté par le Ministère que les segments vertébraux, c.‑à‑d. les segments cervicaux, thoraciques et lombaires, ne contribuent pas aux modifications dégénératives ni aux spasmes qui surviennent à un autre étage que le leur. On ne considère pas qu’une modification quelconque de la posture ou de la démarche causée par votre douleur incapacitante au bas du dos soumette votre rachis thoracique ou cervical à un stress.

 

 

[10]           Conformément à l’article 84 de la Loi et à l’article 18 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la Loi sur le TACRA), la demanderesse a déposé auprès du TACRA une demande de réexamen de la décision relative à l’admissibilité. Dans une décision datée du 20 mars 2008, le TACRA a rejeté la demande de réexamen de la demanderesse et a confirmé la révision ministérielle du 14 août 2007.

 

[11]           Dans sa décision, le TACRA a formulé les observations préliminaires suivantes :

[traduction]

Une révision ministérielle en date du 14 août 2007 a confirmé la décision rendue le 11 mai 2006 par le Ministère, qui avait alors refusé d’accorder à la demanderesse un droit à pension fondé sur les affections alléguées aux termes du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions. Dans la décision qu’il a rendue à l’issue de sa révision, le Ministère a souligné que, malgré l’allégation de la demanderesse selon laquelle les spasmes dans le dos au niveau du rachis thoracique supérieur étaient dus aux douleurs lombaires pour lesquelles elle reçoit une pension, il considérait qu’un spasme était le symptôme d’une affection sous-jacente et que les récentes publications médicales n’étayaient aucun lien de cause à effet entre les spasmes musculaires allégués de la demanderesse et les douleurs lombaires pour lesquelles elle recevait une pension. Dans cette décision, le ministre a reconnu que la demanderesse avait présenté une opinion de son médecin indiquant que ses spasmes étaient consécutifs aux douleurs lombaires ouvrant droit à pension, et ne survenaient que lors d’accès de lombalgie.

 

 

La décision découlant de la révision ministérielle rendait également compte d’un rapport médical du Dr Richard Hu daté du 17 janvier 2007, et indiquait qu’il est médicalement accepté que les segments vertébraux, c.‑à‑d. les segments cervicaux, thoraciques et lombaires, ne contribuent pas aux modifications dégénératives ni aux spasmes qui surviennent à un autre étage que le leur, et qu’on ne considère pas qu’une modification de la posture ou de la démarche causée par la douleur incapacitante au bas du dos soumette le rachis thoracique ou cervical à un stress. La décision indiquait en outre qu’on n’avait confirmé aucun diagnostic d’un problème de santé chronique, et que les groupes musculaires concernés n’avaient pas été précisés.

 

[12]           Le TACRA a examiné les faits et pris acte de divers rapports médicaux, dont le rapport médical indépendant du Dr Hu. Le TACRA a cité des extraits de ce rapport, dont l’impression suivante du médecin au sujet des blessures de la demanderesse :

[traduction]

Le Comité de révision souligne que le Dr Richard Hu, dans son rapport du 17 janvier 2007, a présenté les observations qui suivent :

 

 

IMPRESSION

 

Ce que décrit Mme McLean correspond tout à fait à de la douleur provenant des structures mécaniques du bas du dos. Elle a une preuve documentaire sous forme de rayons X qui date de mai 1999 et qui atteste de la présence d’un spondylolisthésis et d’un défaut de l’isthme vertébral au niveau L5‑S1. Cette affection était probablement asymptomatique avant les efforts physiques accrus de Mme McLean en 1998, et les symptômes mécaniques et l’instabilité ont vraisemblablement commencé à se manifester en raison des efforts considérablement accrus imposés au rachis de Mme McLean.

 

En plus du spondylolisthésis, Mme McLean démontre des signes cliniques d’une scoliose thoraco‑lombaire. Elle a une scoliose thoracique droite et lombaire gauche relativement bien équilibrée. Bien qu’il y ait un équilibre sur le plan médical, on note une asymétrie évidente de la cage thoracique et de la musculature dans la région péri‑scapulaire et le haut du thorax […]

 

 

Dans le cas de Mme McLean, j’ai l’impression que les efforts et activités physiques auxquels elle se livre durant son entraînement militaire peuvent occasionner de la douleur au dos, qui était auparavant non douloureux. Le spondylolisthésis était présent depuis longtemps. Toutefois, je n’ai aucun moyen de déterminer catégoriquement le moment de l’apparition du spondylolisthésis.

 

En ce qui concerne la scoliose, j’estime probable qu’elle ait été présente dès l’adolescence, mais elle n’était pas de nature symptomatique.

 

D’après mon examen de la documentation et mon analyse de l’état de Mme McLean, les exigences physiques accrues de l’entraînement militaire de Mme McLean ont vraisemblablement été à l’origine du déclenchement et du développement de ces symptômes.

 

En ce qui a trait aux douleurs présentes ailleurs au rachis, par suite de lésions localisées à d’autres régions du rachis, elles se produisent de façon relativement fréquente. Il y a un chevauchement important des groupes musculaires dans tout le rachis entre leur origine et leurs insertions. Ainsi, des douleurs et des spasmes dans une certaine région du rachis peuvent se traduire par des douleurs et des spasmes dans d’autres régions du rachis.

 

Cette propagation de la douleur depuis la région lombaire gauche, accompagnée d’une modification diffuse de l’alignement telle que la scoliose causée par la douleur, peut ensuite se manifester sous forme de douleur accrue et être plus visible que chez une personne n’ayant aucune difformité rachidienne.

 

[13]           Le TACRA a interprété l’opinion du Dr Hu comme signifiant que la demanderesse souffrait de scoliose et de spondylolisthésis et [traduction] « […] probablement de douleurs qui se superposent en ce qui a trait aux douleurs lombaires mécaniques lui ouvrant droit à pension ». Néanmoins, le TACRA a conclu que la demanderesse n’avait pas établi de lien causal entre l’affection alléguée et les douleurs lombaires qui lui avaient déjà donné droit à pension. Par conséquent, le TACRA a rejeté la demande de réexamen présentée par la demanderesse en ce qui concerne la décision rendue au terme de la révision de l’admissibilité.

 

[14]           La demanderesse a interjeté appel devant le TACRA de la décision du comité de révision de l’admissibilité. Dans une décision datée du 12 janvier 2009, le TACRA a rejeté l’appel. Il a tranché que le droit à pension était refusé à la demanderesse pour les incapacités qu’elle avait citées, au motif qu’elles n’étaient pas [traduction] « consécutives aux douleurs lombaires pour lesquelles elle recevait une pension ».

 

[15]           Dans sa décision portant sur l’appel concernant le droit à pension, le TACRA a cité la législation applicable, à savoir la Loi sur les pensions et la Loi sur le TACRA, en soulignant que, pour établir le droit à pension, il lui fallait interpréter de façon large la législation pertinente.

 

[16]           Le TACRA a déterminé que la question dont il était saisi consistait à savoir si [traduction] « les affections alléguées [étaient], en tout ou en partie, consécutives à l’affection ouvrant droit à pension ». En l’espèce, les affections ouvrant droit à pension sont des douleurs lombaires mécaniques.

 

[17]           Le TACRA a conclu que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle avait droit à une pension supplémentaire, au motif que la preuve ne démontrait pas que les [traduction] « affections alléguées étaient consécutives à l’affection ouvrant droit à pension, soit les douleurs lombaires mécaniques ».

 

[18]           Le TACRA a fait mention du rapport médical indépendant du Dr Hu et a pris note du passage suivant, tiré de la page 8 de son rapport :

[traduction]

En outre, Mme McLean présente des symptômes mécaniques au niveau des muscles paravertébraux et péri‑scapulaires du rachis cervical, thoracique et lombaire qui sont liés à une augmentation du stress physique imposé à un rachis qui est atteint de scoliose et d’une maladie lombaire chronique, comme le spondylolisthésis, le trouble ouvrant droit à pension dans le cas présent.

 

[19]           Le TACRA a ensuite tiré la conclusion suivante :

[traduction]

Néanmoins, le trouble ouvrant droit à pension n’est pas le spondylolisthésis. En ce qui a trait au droit à pension réclamé au titre d’une conséquence, le trouble ouvrant droit à pension est plutôt les douleurs lombaires. Cela étant, le rapport médical du Dr Hu n’appuie pas la demande de pension à l’égard d’une affection consécutive.

 

Par conséquent, la décision rendue par le comité de révision en date du 20 mars 2008 est confirmée.

 

Les arguments

(i) Les arguments de la demanderesse

[20]           La demanderesse a fait valoir que le TACRA avait commis plusieurs erreurs au moment de rendre sa décision. Bien qu’elle ait énuméré 13 problèmes distincts, ceux-ci peuvent être résumés en tant qu’omission, de la part du TACRA, de respecter la directive énoncée au paragraphe 5(3) de la Loi et à l’article 39 de la Loi sur le TACRA relativement aux conclusions à tirer en faveur du demandeur, de même qu’en tant que diverses omissions du TACRA d’examiner et d’apprécier des éléments de preuve probants et pertinents, y compris ceux provenant de ses conseillers médicaux.

 

(ii) Les arguments du défendeur

[21]           Le procureur général du Canada (le défendeur) a adopté la position selon laquelle le TACRA a rendu une décision raisonnable, compte tenu de la preuve dont il disposait.

 

Analyse et dispositif

[22]           La première question à examiner est la norme de contrôle applicable.

 

[23]           Dans la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a déterminé que les décisions administratives rendues par des décideurs désignés par la loi sont susceptibles de contrôle selon l’une des deux normes suivantes : celle de la raisonnabilité ou celle de la décision correcte. C’est la norme de la raisonnabilité qui s’appliquera aux conclusions de fait, aux conclusions relatives à la crédibilité et aux questions mixtes de fait et de droit; voir Dunsmuir, au paragraphe 53.

 

[24]           Dans la décision qu’elle a rendue dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a aussi fait observer que, lorsque la jurisprudence établit déjà la norme de contrôle à appliquer dans un cas particulier, cette norme peut être suivie. À cet égard, je me fonde sur le paragraphe 57.

 

[25]           La jurisprudence a déjà établi que, dans des cas concernant une évaluation de la preuve conformément à la Loi et à la Loi sur le TACRA, la norme applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable. Après le prononcé de la décision dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour fédérale a confirmé que les décisions du TACRA ayant trait à des questions de fait et à l’évaluation de la preuve devraient être examinées selon la norme de la raisonnabilité; voir Goldsworthy c. Canada (Procureur général), 2008 CF 380, et Dugré c. Canada (Procureur général), 2008 CF 682.

 

[26]           Dans la mesure où, en l’espèce, la demanderesse a invoqué des erreurs de droit commises par le TACRA relativement à l’application de l’article 39 de la Loi sur le TACRA et du paragraphe 5(3) de la Loi, dans Goldsworthy, au paragraphe 10, la Cour a formulé les observations suivantes :

Bien que le demandeur caractérise toutes les questions en litige comme étant des erreurs de droit, j’estime que la deuxième question en litige, portant sur l’appréciation de la preuve par le Tribunal, est une question qui dépend des faits et à laquelle la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable. La première et la troisième questions en litige sont des questions mixtes de fait et de droit. La première question en litige consiste essentiellement à savoir si, dans les circonstances de la présente affaire, le Tribunal était tenu, en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi, de requérir l’avis d’un expert médical. La troisième question en litige est de savoir si l’article 39 de la Loi a été appliqué correctement étant donné que le Tribunal avait conclu que la preuve du demandeur était crédible. À mon avis, puisque les aspects juridiques de ces questions découlent de la Loi et ne sont pas des questions qui touchent essentiellement l’administration de la justice, il y a lieu d’examiner ces questions en appliquant la décision raisonnable comme norme de contrôle (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 60).

 

 

[27]           Conformément à la jurisprudence applicable, je suis convaincue que la décision du TACRA dans la présente affaire est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité.

 

[28]           La demanderesse, en tant que membre de la Réserve des Forces armées canadiennes, a le droit de demander une pension aux termes de l’alinéa 21(2)a) de la Loi, qui stipule ceci :

Milice active non permanente ou armée de réserve en temps de paix

 

(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

 

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;

Service in militia or reserve army and in peace time

 

 

(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

 

 

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

 

[29]           Le régime de la Loi permet à une personne comme la demanderesse de présenter une demande de pension. La demande de pension est d’abord examinée par un délégué du ministre des Anciens combattants. Un demandeur insatisfait de la décision initiale pourra réclamer une révision ministérielle en vertu de l’article 82 de la Loi. C’est ce qui s’est produit en l’espèce.

 

[30]           Il est possible d’interjeter appel auprès du TACRA d’une décision négative rendue à l’issue de la révision ministérielle, aux termes de l’article 84 de la Loi et de l’article 18 de la Loi sur le TACRA. Les pouvoirs du TACRA saisi d’une demande de révision sont énumérés de la façon suivante à l’article 21 de la Loi sur le TACRA :

21. Le comité de révision peut soit confirmer, modifier ou infirmer la décision qu’on lui

demande de réviser, soit la renvoyer pour réexamen au ministre, soit déférer à ce dernier toute question non examinée par lui.

21. A review panel may

 

(a) affirm, vary or reverse the decision of the Minister being reviewed;

 

(b) refer any matter back to the Minister for reconsideration; or

 

(c) refer any matter not dealt with in the decision back to the Minister for a decision.

 

[31]           L’article 25 de la Loi sur le TACRA prévoit en ces termes un droit d’appel au TACRA :

25. Le demandeur qui n’est pas satisfait de la décision rendue en vertu des articles 21 ou 23 peut en appeler au Tribunal.

25. An applicant who is dissatisfied with a decision made under section 21 or 23 may appeal the decision to the Board.

 

[32]           L’article 29 de la Loi sur le TACRA, quant à lui, décrit comme suit le mandat du TACRA lorsqu’il entend un appel interjeté aux termes de l’article 25 :

29. (1) Le comité d’appel peut soit confirmer, modifier ou infirmer la décision portée en

appel, soit la renvoyer pour réexamen, complément d’enquête ou nouvelle audition à la personne ou au comité de révision qui l’a rendue, soit encore déférer à cette personne ou à ce comité toute question non examinée par eux.

 

 

 

 

 

 

Nouveau comité de révision

 

 

(2) Lorsqu’elle ne peut être renvoyée au comité de révision parce que ses membres ont cessé d’exercer leur charge par suite de démission ou pour tout autre motif, la décision peut être transmise au président afin qu’il constitue, conformément au paragraphe 19(1), un nouveau comité de révision pour étudier la question.

29. (1) An appeal panel may

 

(a) affirm, vary or reverse the decision being appealed;

 

(b) refer any matter back to the person or review panel that made the decision being appealed for reconsideration, re-hearing or further investigation; or

 

(c) refer any matter not dealt with in the decision back to that person or review panel for a decision.

 

Where matter cannot be referred to review panel

 

(2) Where the members of a review panel have ceased to hold office or for any other reason a matter cannot be referred to that review panel under paragraph (1)(b) or (c), the appeal panel may refer the matter to the Chairperson who shall establish a new review panel in accordance with subsection 19(1) to consider, hear, investigate or decide the matter, as the case may be.

 

[33]           En évaluant la preuve dont il est saisi, le TACRA doit s’appuyer sur la Loi, ainsi que sur la Loi sur le TACRA. Les articles 2 et 5 de la Loi prévoient ce qui suit :

Règle d’interprétation

 

2. Les dispositions de la présente loi s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

[…]

 

Ministre

 

5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale ou de leurs règlements, le ministre a tout pouvoir de décision en ce qui touche l’attribution, l’augmentation, la diminution, la suspension ou l’annulation de toute pension ou autre paiement prévu par la présente loi ainsi que le recouvrement de tout versement excédentaire.

 

Construction

 

2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

 

[…]

 

Powers of the Minister

 

5. (1) Subject to this Act and any other Act of Parliament and to the regulations made under this or any other Act of Parliament, the Minister has full power to decide on all matters and questions relating to the award, increase, decrease, suspension or cancellation of any pension or other payment under this Act and to the recovery of any overpayment that may have been made.

 

 

[34]           Les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA, qui sont pertinents à l’égard de l’appréciation de la preuve, sont formulés comme suit :

Principe général

 

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

 

[…]

 

Règles régissant la preuve

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

 

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

 

Construction

 

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

[…]

 

Rules of evidence

 

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

 

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

[35]           Selon diverses interprétations des articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA, une personne qui demande une prestation doit présenter suffisamment de preuves pour établir un lien de causalité entre la lésion ou l’invalidité dont elle souffre et sa période de service. Ces dispositions législatives ne dispensent pas la personne qui demande une pension d’invalidité en vertu de la Loi de l’obligation de produire des éléments de preuve suffisants pour répondre aux exigences relatives à l’octroi d’une telle pension. Je renvoie à cet égard aux décisions Hall c. Canada (Procureur général) (1998), 152 F.T.R. 58; conf. par (1999), 250 N.R. 93 (C.A.F.), Tonner c. Canada (1995), 94 F.T.R. 146; conf. par [1996] A.C.F. no 825 (C.A.F.) et MacKay c. Canada (Procureur général) (1997), 129 F.T.R. 286.

 

[36]           En l’espèce, le TACRA disposait de trois décisions rendues précédemment à l’égard de la demande de pension pour invalidité supplémentaire de la demanderesse, c’est-à-dire la décision du ministre telle que rendue par son délégué en date du 11 mai 2006; la décision faisant suite à la révision ministérielle datée du 14 août 2007; et la décision relative à l’admissibilité datée du 20 mars 2008.

 

[37]           La preuve médicale dont disposait le TACRA figurait dans le dossier du tribunal préparé par Kathleen Vent, conseillère juridique du TACRA. Les renseignements médicaux étaient composés des documents suivants :

i)          Rapport de Radiology Consultants Associated mentionnant un examen effectué le 28 novembre 2003;

ii)         Rapport daté du 1er avril 2004 et provenant de Terry Lumney, physiothérapeute à Advanced Massage & Associated Therapies;

iii)         Déclaration du médecin traitant : trouble musculo-squelettique et trouble au niveau de l’épaule gauche, selon l’examen effectué le 12 avril 2005;

iv)        Déclaration du médecin traitant : Troubles musculo-squelettiques au niveau du rachis cervical, selon l’examen effectué le 12 avril 2005;

v)         Déclaration du médecin traitant : Troubles musculo-squelettiques au niveau du rachis thoraco-lombaire et de l’articulation sacro-iliaque, selon l’examen effectué le 12 avril 2005;

vi)        Questionnaire médical : Troubles musculo-squelettiques au niveau des membres supérieurs et du thorax, selon l’examen effectué le 9 février 2006;

vii)        Questionnaire médical : Troubles musculo-squelettiques au niveau du rachis cervical, selon l’examen effectué le 9 février 2006;

viii)       Questionnaire médical : Troubles musculo-squelettiques au niveau du rachis thoraco‑lombaire, de l’articulation pelvienne et sacro-iliaque, selon l’examen effectué le 8 février 2006;

ix)        Rapport médical indépendant préparé par le Dr Richard W. Hu, chirurgien orthopédiste, daté du 17 janvier 2007;

x)         Rapport daté du 20 juin 2006, provenant du Bionomics Center et rédigé par le Dr Michael P. Sawa, chiropraticien habilité;

xi)        Lettre envoyée en mars 2008 au Dr Peter Neary par la demanderesse avec une confirmation du Dr Neary selon laquelle les troubles visés par la demande de pension pour invalidité supplémentaire de la demanderesse constituaient des affections chroniques.

 

[38]           Le TACRA a conclu que la preuve médicale n’établissait pas de lien de causalité entre les douleurs lombaires mécaniques de la demanderesse, pour lesquelles elle recevait une pension, et la scoliose et le spondylolisthésis. Il a mis l’importance sur une phrase du long rapport médical indépendant préparé par le Dr Hu, pour conclure que l’opinion médicale de celui-ci devrait être écartée, au motif qu’il avait qualifié le spondylolisthésis de [traduction] « trouble ouvrant droit à pension dans le cas présent ».

 

[39]           À l’évidence, il s’agit d’une erreur de la part du DHu, mais cela ne justifie pas l’apparent rejet en bloc de son rapport par le TACRA.

 

[40]           De fait, étant donné qu’il s’est attaché exclusivement au rapport du Dr Hu sans faire référence aux autres rapports médicaux, dont ceux du Dr Neary, le TACRA a effectivement omis de tenir compte de la preuve dont il était saisi.

 

[41]           Les rapports rédigés par le physiothérapeute Lumney, le Dr Neary et le chiropraticien, Dr Sawa, fournissaient des preuves à l’appui de la demande de la demanderesse. Ces rapports sont par ailleurs conformes à celui du Dr Hu. À mon avis, le TACRA aurait dû parler de ces rapports et préciser pour quels motifs il les rejetterait, si telle était son intention.

 

[42]           Compte tenu de la preuve médicale figurant dans le dossier du tribunal, des propres directives du Ministère ainsi que des présomptions législatives précisées tant dans la Loi que dans la Loi sur le TACRA, je suis convaincue que la décision faisant l’objet du présent contrôle ne satisfait pas à la norme de contrôle applicable.

 

[43]           En conséquence, la décision rendue par le TACRA en date du 12 janvier 2009 sera annulée, et l’affaire, renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur elle.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue par le TACRA en date du 12 janvier 2009 est annulée, et l’affaire, renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur elle. La demanderesse aura droit aux dépens taxés selon la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

 

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie-Marie Bissonnette, traductrice

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-235-09

 

INTITULÉ :                                       FIONA G. MCLEAN

                                                            c.

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JugE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 avril 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John C. Anderson

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jonathan Martin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dawe Law Office

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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