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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110407

Dossier : IMM-4001-10

Référence : 2011 CF 429

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 7 avril 2011

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

ANGELO MANCUSO

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) rendue le 21 juin 2010, par laquelle l’appel d’Angelo Mancuso a été accueilli.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[3]               Le défendeur, un citoyen canadien, a épousé Mme Perla Massiel Urbaez Garcia (Perla), une citoyenne de la République dominicaine, le 25 avril 2008.

 

[4]               Le défendeur et Perla se sont rencontrés alors que le défendeur était en voyage en République dominicaine en 2007. Bien qu’ils se soient rencontrés la première fois en 2007, leur relation amoureuse a débuté en janvier 2008. Ils se sont fiancés en février 2008 et se sont mariés en avril 2008. Perla avait 19 ans et le défendeur avait presque 59 ans.

 

[5]               Le défendeur a présenté une demande pour parrainer Perla à titre de résidente permanente. Sa demande a été rejetée le 24 septembre 2009.

 

[6]               Le refus était motivé par le fait que Perla était une personne décrite à l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le RIPR) parce que son mariage au défendeur n’était pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

 

[7]               En appel, la SAI a conclu que la femme du défendeur l’avait épousé dans le but d’acquérir le statut de résidente permanente, mais a conclu que les époux étaient engagés dans la relation et, par conséquent, elle a accueilli l’appel.

 

[8]               La SAI s’est fondée sur les explications de Shari A. Stein de la SAI dans la décision Mann (Jagdeep Kaur Mann c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (TA-3-19094), le 5 août 2005), au paragraphe 13 :

L’article 4 comporte également un critère à deux volets et, le défaut de satisfaire à l’un ou l’autre des volets du critère permet d’accueillir l’appel. En ce qui concerne notamment le deuxième volet du critère, les intentions du demandeur revêtent encore une grande importance, parce que les avantages qu’il tire de l’immigration sont généralement plus grands que pour l’appelant. Toutefois, en ce qui concerne le premier volet, à savoir si le mariage est authentique, il y a égalité et chevauchement en ce qui concerne l’importance en droit des intentions de l’appelant et du demandeur. En faisant porter l’enquête juridique principalement sur la question générale de l’authenticité du mariage, le législateur voulait, à mon avis, s’éloigner de la vision restreinte et peut-être à court terme des intentions du demandeur au moment de son mariage. Il est maintenant possible de faire une évaluation plus globale. L’accent peut être mis sur les intentions des deux parties à la relation – comme il ressort de l’ensemble de la preuve présentée à l’audience de novo. […]

 

[9]               La SAI a déclaré qu’en l’espèce, il est évident qu’il était intéressant pour Perla d’avoir la possibilité de quitter la République dominicaine. Elle a même déclaré que Perla avait épousé le défendeur dans le but d’acquérir la résidence permanente et que « s’il avait été un citoyen de la République dominicaine diabétique dans la fin de la cinquantaine, elle ne lui aurait manifesté aucun intérêt » (paragraphe 9 de la décision).

 

[10]           Cependant, malgré ces conclusions, la SAI a noté que le couple avait tout de même une relation harmonieuse. La SAI a compris que M. Mancuso profitait de la compagnie d’une jeune partenaire attirante, alors que Perla profitait d’un degré de confort qu’elle n’aurait jamais connu autrement, étant la fille d’un journalier.

 

[11]           Le demandeur soutient que, bien que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de la SAI soit la norme de la raisonnabilité, l’application de l’article 4 du RIPR doit être interprétée en fonction de la décision correcte (Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 509, paragraphes 26 et 27).

 

[12]           En ce qui a trait au caractère adéquat ou suffisant des motifs, le défendeur soutient qu’il s’agit d’une question d’équité procédurale qui doit être contrôlée selon la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, paragraphe 43).

 

[13]           Mon analyse est principalement axée sur le caractère adéquat ou suffisant des motifs de la SAI; par conséquent, j’appliquerai la norme de la décision correcte.

 

[14]           Le demandeur soutient que la SAI a omis de fournir des motifs qui s’approchent du niveau adéquat décrit par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, au paragraphe 16 : 

[16] […]

a) L’objectif sur le plan du fond. Au moins de façon minimale, le fond de la décision doit être compris au même titre que la raison pour laquelle le décideur administratif a pris une telle décision.

 

b) L’objectif sur le plan de la procédure. Les parties doivent être en mesure de décider s’il convient ou non d’exercer leurs droits de demander le contrôle judiciaire de la décision à un tribunal de révision. Il s’agit d’un aspect de l’équité procédurale en droit administratif. Si les motifs sur lesquels repose la décision ne sont pas indiqués, les parties ne peuvent évaluer s’ils donnent ouverture au contrôle judiciaire.

 

c) L’objectif sur le plan de la responsabilité judiciaire. La décision et ses fondements doivent comporter suffisamment de renseignements pour permettre au tribunal de révision d’évaluer, valablement, si le décideur a satisfait aux normes minimales de la légalité. Ce rôle des tribunaux de révision est un aspect important de la règle de droit et doit être respecté : Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220; Dunsmuir, précité, paragraphes 27 à 31. Dans des cas où la norme de contrôle est celle de la raisonnabilité, le tribunal de révision doit évaluer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, paragraphe 47. Si le tribunal de révision n’a pas pu évaluer cet aspect parce que la décision comporte trop peu de renseignements, les motifs sont insuffisants : voir, p. ex., Association canadienne des radiodiffuseurs, précité, paragraphe 11.

 

d) L’objectif sur le plan de la « justification, de la transparence et de l’intelligibilité » : Dunsmuir, précité, paragraphe 47. Cet objectif chevauche dans une certaine mesure l’objectif sur le plan du fond. La décision est justifiée et intelligible lorsque son fondement est précisé et qu’il est compréhensible, rationnel et logique. La transparence fait référence à la capacité des observateurs à analyser et à comprendre la décision d’un décideur administratif et les motifs de sa décision. En l’espèce, les observateurs seraient les parties engagées dans l’affaire, les employés dont les postes sont en cause et les employés, employeurs, syndicats et entreprises qui pourraient se heurter à des problèmes semblables à l’avenir. La transparence ne se limite toutefois pas simplement aux observateurs qui ont un intérêt précis dans la décision. Le public en général a également un intérêt dans la transparence : en l’espèce, le Conseil est une institution publique gouvernementale et fait partie de notre structure de gouvernance démocratique.

 

[15]           Plus précisément, le demandeur soutient que les motifs de la SAI ne satisfont clairement pas à au moins deux des quatre objectifs visés : la « responsabilité judiciaire » et la « justification, la transparence et l’intelligibilité ». Il fait valoir que le défaut de traiter de certaines contradictions majeures et de facteurs importants, ainsi que le manque d’analyse appropriée de la preuve, montrent que les motifs de la SAI ne répondent pas à leurs objectifs.

 

[16]           Par conséquent, le demandeur soutient que la décision de la SAI est fondée sur des conclusions qui ont été tirées de façon abusive ou arbitraire et sans égard aux documents dont elle disposait et que, par conséquent, une interprétation raisonnable de la preuve ne corrobore pas la décision.

 

[17]           Le défendeur, quant à lui, souligne le fait que, bien que la SAI n’ait pas fourni de longs motifs détaillés, elle a fourni des motifs suffisants en fonction de la preuve et du témoignage qui servent de justification suffisante pour sa conclusion selon laquelle les parties ont une relation harmonieuse.

 

[18]           Après une analyse minutieuse de la preuve et des motifs de la SAI, je conclus que l’omission de traiter de plusieurs contradictions, notamment le moment auquel le couple s’est rencontré, le moment auquel ils se sont retrouvés en 2008, la durée de leur fréquentation, la question de savoir si le couple veut des enfants et l’authenticité du mariage, rend les motifs insuffisants et inadéquats.

 

[19]           L’intervention de la Cour est justifiée.

 

[20]           Les parties n’ont pas présenté de questions à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre tribunal pour nouvelle décision. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4001-10

 

INTITULÉ :                                       MCI c. ANGELO MANCUSO

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 avril 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Patricia Nobl

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Pina Mancuso

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

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