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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110406

Dossier : IMM-4640-10

Référence : 2011 CF 422

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 avril 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

JIAN HUI WENG

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite un contrôle judiciaire concernant une décision de la Section de la protection des réfugiés, rendue le 9 juillet 2010, de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), selon laquelle le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi). Cette demande de contrôle judiciaire sera accueillie pour les raisons suivantes.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Chine. Il a allégué devant la Commission que sa femme et lui-même sont adeptes de la religion chrétienne et qu’ils sont recherchés par le Bureau de la sécurité publique (le BSP) pour cause de leur appartenance à une église clandestine. Le demandeur était absent lors de la descente que le Bureau aurait effectuée le 17 février 2008 à l’église, mais sa femme était présente. Elle a réussi à s’enfuir. Le demandeur et sa femme se sont alors réfugiés chez la tante de sa femme, et ont par la suite engagé un passeur afin de sortir de la Chine. Le demandeur est arrivé au Canada le 21 avril 2008 et a déposé une demande d’asile le 23 avril 2008. La demande a été rejetée le 9 juillet 2010. La Commission a conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. 

 

[3]               La Commission a conclu que les questions déterminantes étaient les suivantes : la crédibilité et la vraisemblance du témoignage du demandeur quant à son appartenance à une église clandestine et la poursuite des agents du BSP. La Commission a également conclu que le demandeur n’est pas un témoin crédible sur ce dernier point et n’est pas actuellement recherché en vertu d’un mandat d’arrestation venant du BSP pour cause d’appartenance à une église chrétienne clandestine en Chine. Enfin, la Commission a ajouté que le demandeur ne serait vraisemblablement pas persécuté dans la province du Fujian s’il y retournait et reprenait ses activités chrétiennes.

 

 

 

[4]               Le demandeur soulève les questions suivantes devant la Cour :

 

i)        Le tribunal a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en refusant, selon la prépondérance de la preuve, le fait que le demandeur appartient à une église clandestine et qu’il est recherché par le BSP en raison de ses activités reliées à une église chrétienne clandestine?

 

ii)       Le tribunal a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que le demandeur pouvait pratiquer ses activités religieuses chrétiennes dans n’importe quelle église de la province Fujian?

 

 

[5]               Si la Cour conclut que ces erreurs ont été commises, alors la question concerne la raisonnabilité de la décision : la décision appartient-elle aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 C.S.C. 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

 

L’appartenance du demandeur à une église clandestine

 

[6]               La Commission a tiré un certain nombre de conclusions au sujet de la crédibilité concernant le demandeur, fondées sur : a) des omissions importantes dans le FRP; b) l’omission de mentionner certains documents d’identité dans le FRP; c) l’ambiguïté de son témoignage quant à l’avis de saisie délivré par le BSP; d) le refuge du demandeur ainsi que les circonstances l’entourant; e) le fait d’avoir omis de mentionner la situation de sa fille dans son témoignage; f) le doute planant sur la vraisemblance du rôle du demandeur en tant que guetteur à l’église; g) l’absence de sommation émise par le BSP.

 

[7]               La Commission a tiré pas moins de sept conclusions défavorables au sujet de la crédibilité. Néanmoins, le demandeur maintient que la Commission s’est montrée [traduction] « excessivement zélée et/ou très critique en tirant les conclusions défavorables au sujet de sa crédibilité ». De plus, la Commission exprimé des réserves quant au fait que le demandeur ait jeté le blâme des omissions sur son « consultant » et quant à l’omission de certains faits lors de la première séance de l’audience.

 



L’omission de certains documents d’identité dans le FRP

 

[8]               Concernant ce point, l’avocat du demandeur soutient que les conclusions tirées par la Commission sur les omissions dans le FRP étaient fondées sur une évaluation excessivement pointilleuse du FRP.

 

[7] Il a été demandé au demandeur d’asile pourquoi il n’avait pas mentionné la photocopie de carte d’identité de résident, le permis de conduire, le certificat de mariage et le permis de soudeur dans son FRP, à la question 22. Le tribunal signale que le demandeur d’asile a déclaré avoir reçu ces documents en février 2009. Il a répondu qu’un « consultant » avait rempli le formulaire et que lui‑même n’en avait [traduction] « aucune idée, [qu’]ils ne [lui] ont pas dit » (ce qui avait été inscrit dans le formulaire). Le tribunal estime que cette explication est déraisonnable. Dans la mesure où l’identité du demandeur d’asile constitue une [traduction] « question » essentielle dans toute demande d’asile, l’absence de pièces d’identité de base, comme la carte d’identité de résident, le passeport ou l’extrait de naissance en l’espèce, fait en sorte que la production de renseignements sur l’identité est d’autant plus importante (le tribunal remarque en outre que le fait de recevoir ces documents avant l’audience aurait facilité la tâche à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qui aurait pu en vérifier l’authenticité). Je le répète, le demandeur d’asile a bénéficié de l’aide d’un conseil chevronné et a déclaré que le contenu du FRP était exact et complet. Le tribunal tire une conclusion défavorable du fait que le demandeur d’asile a omis, dans son FRP, des renseignements considérés comme essentiels en matière d’identification.

[Non souligné dans l’original.]

 

[9]               La conclusion défavorable tirée par la Commission au sujet de la crédibilité concernant ce point ne peut être prise en compte puisque le demandeur a déclaré, dans le récit de son FRP, le fait que sa carte d’identité de résident (CIR) avait été saisie. Le demandeur n’a pas mentionné la saisie de la CIR de sa femme dans le récit de son FRP. Ceci est une erreur qui ressort du dossier. Le demandeur a, en fait, mentionné cette saisie dans le récit de son FRP.

 

[10]           L’avocat du défendeur en convient, mais prétend que cela n’est qu’un point mineur dans la conclusion générale au sujet de la crédibilité. La Commission a tiré des conclusions sur toute une série d’aspects du récit du demandeur. Ce point n’est que mineur et n’est pas un élément principal de la demande d’asile ni des conclusions défavorables au sujet de la crédibilité tirées par la Commission.

 

[11]           Cependant, l’avocat du défendeur ajoute que la Commission n’a jamais nié que le demandeur ait affirmé dans le FRP que sa CIR avait été saisie. La Commission a tiré une conclusion défavorable parce que le demandeur avait omis de joindre plusieurs documents d’identité qu’il avait déjà en sa possession lorsqu’il a rempli le FRP. La Commission a jugé insatisfaisante l’explication du demandeur concernant le non-dépôt de documents importants avant l’audience. Le demandeur a affirmé que c’était de la faute de son consultant et qu’il ne savait pas qu’il devait remettre lesdits documents, c’est-à-dire des copies de sa carte CIR, son permis de conduire, son certificat de mariage, son permis de soudeur et l’avis de saisie de sa CIR. La Commission a fait remarquer que le demandeur savait qu’il pouvait apporter des modifications au FRP. La Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur n’avait pas produit plus tôt ces documents, alors que la réception de ces documents avant l’audience aurait facilité la tâche à la Commission, qui aurait eu plus de temps pour en vérifier l’authenticité.

 

 

 

 

Le témoignage concernant un avis de saisie délivré par le BSP

 

[8] Le demandeur d’asile a présenté un [traduction] « avis de saisie » qui a été remis à sa famille par le BSP. À la question de savoir quand il avait appris l’existence de ce document, il a répondu que l’avis avait été posté chez lui en Chine environ une semaine après que le BSP a fouillé sa maison et confisqué sa carte d’identité de résident (CIR) le 19 février 2008. Le tribunal a confirmé que le demandeur d’asile était au courant de l’avis quand il a préparé son FRP (2 mai 2008). Il a répondu par l’affirmative. Tenu d’expliquer pourquoi il n’était pas question de l’« avis de saisie » dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP, il a répondu qu’il [traduction] « ignorait ce qu’il devait fournir » (dans son FRP). Le tribunal rappelle que les instructions figurant sur le FRP exigent que l’exposé circonstancié contenu dans le FRP rapporte « dans l’ordre chronologique tous les événements importants et les raisons qui vous ont amené à demander l’asile au Canada. Énumérez les mesures prises contre vous et les membres de votre famille ainsi que contre des personnes se trouvant dans une situation semblable à la vôtre […]. » Le demandeur d’asile a déclaré par écrit et au début de l’audience que le contenu de son FRP est complet, véridique et exact. Il a aussi confirmé au début de l’audience que le contenu de son FRP lui avait été traduit de vive voix à nouveau. Un conseil chevronné l’a aidé, et il a modifié son FRP pour la dernière fois le jour de la première séance de son audience, ce qui signifie qu’il savait parfaitement qu’il pouvait procéder à des modifications avant l’audience. À la question de savoir pourquoi ce document avait été fourni à la Section de la protection des réfugiés le 29 avril 2010, soit juste avant l’audience concernant le statut de réfugié, le demandeur d’asile a affirmé ignorer pourquoi le document a été reçu si tardivement. Le tribunal observe que le demandeur d’asile a déclaré avoir reçu l’« avis de saisie » avec un paquet que lui avait fait parvenir sa mère en février 2009. Tenu d’indiquer s’il avait conservé ce paquet, le demandeur d’asile a répondu qu’il l’avait jeté. Le tribunal tire une conclusion défavorable du comportement du demandeur d’asile et de son témoignage, qui montrent qu’il accorde peu d’importance au fait de présenter dans les délais les documents à l’appui de sa demande d’asile, au fait de présenter de tels documents et à celui de mentionner l’« avis de saisie » dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP.

                        [Non souligné dans l’original.]

 

[9] Le tribunal a voulu savoir si le BSP avait confisqué la CIR de l’épouse de l’appelant. Il a répondu par l’affirmative. La question de savoir pourquoi il n’avait mentionné nulle part la [traduction] « saisie » de la CIR de son épouse, le demandeur a répondu que son épouse avait aussi reçu un « avis de saisie », mais qu’il n’avait pas cru ce détail important. Le demandeur d’asile s’est vu rappeler que son identité constituait un enjeu de cette demande d’asile et que toute information susceptible d’aider le tribunal avait son importance. Il a été invité à faire d’autres commentaires, mais il a refusé. Le tribunal tire de nouveau une conclusion défavorable du fait que, dans son témoignage, le demandeur d’asile semblait accorder peu d’importance à la présentation de tous les éléments de preuve se rapportant à sa demande d’asile.

[Non souligné dans l’original.]

 

[12]           De plus, la Commission n’avait pas de fondement valable pour rejeter les avis de saisie mis en preuve devant elle. Simplement rejeter les avis de saisie en se basant sur une déclaration se trouvant dans les documents sur le pays, selon laquelle des documents frauduleux étaient accessibles aux demandeurs d’asile, ne suffit pas.

 

 

Le refuge du demandeur et les circonstances l’entourant

 

[11] À la première séance, le tribunal a voulu savoir l’endroit où le demandeur d’asile et sa femme s’étaient cachés après la rafle alléguée dans leur maison-église clandestine. Le demandeur d’asile a répondu qu’ils s’étaient cachés chez une tante de sa femme. Le tribunal a voulu savoir si le demandeur d’asile avait été inquiété par la décision de se cacher chez une proche parente qu’ils fréquentaient activement et qui vivait dans la même ville qu’eux. Il a répondu que sa femme et lui n’avaient pu penser à un autre endroit et que sa femme avait déjà prêché l’Évangile à sa tante. Le tribunal lui a demandé précisément s’il y avait autre chose. Le demandeur d’asile a répondu que sa femme était proche de la tante et qu’elles se parlaient régulièrement.

 

[12] Le demandeur d’asile a été prié de dire où se trouve sa femme actuellement (plus de deux ans plus tard). Il a répondu qu’elle vivait toujours chez la tante. Pendant la seconde séance, le tribunal a voulu savoir si, puisque sa femme vivait chez la tante depuis plus de deux ans, les gens ne risquaient pas de la remarquer et de devenir suspicieux. Le demandeur d’asile a répondu que la maison était isolée et qu’il y venait peu de visiteurs. Par la suite, le tribunal a voulu savoir si cette disposition des lieux paraissait importante au demandeur d’asile pour se cacher. Le demandeur d’asile a répondu par l’affirmative. À la question de savoir s’il s’agissait de la raison pour laquelle ils avaient choisi cette maison pour se cacher, il a répondu que oui, en partie. Tenu d’expliquer pourquoi il n’avait pas mentionné ces faits lors de la séance précédente, il a répondu qu’il n’avait pas tout dit. Le tribunal lui a demandé pourquoi, si cet élément avait joué dans son choix d’une cachette pour échapper au BSP, il ne l’avait pas mentionné dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP. Il a répondu que son consultant ne lui avait pas demandé de détails. Le tribunal estime que cette explication n’est pas raisonnable ou suffisante. Le récit du demandeur d’asile a sensiblement évolué au cours des deux séances, au point où le choix de la cachette a joué un rôle déterminant en permettant à la femme du demandeur d’asile de vivre clandestinement pendant plus de deux ans. Le tribunal tire une autre conclusion défavorable de l’évolution du témoignage du demandeur d’asile et de l’omission de détails importants dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP.

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]           À mon avis, la Commission s’est montrée excessivement zélée en considérant cette raison supplémentaire de choisir la maison de sa tante comme lieu pour se cacher comme étant une contradiction entre le récit de son FRP et son témoignage. Il est inexact de catégoriser cela comme étant une évolution du témoignage du demandeur; il s’agit plutôt un point supplémentaire, cohérent avec le témoignage antérieur. 

 

[14]           Cette question concerne très peu la demande d’asile et, à mon avis, lorsque prise seule, elle met aucunement la crédibilité du demandeur en doute. La preuve supplémentaire n’est pas incohérente avec le témoignage antérieur et ne peut être valablement considérée comme étant un embellissement ou un ajout stratégique inventé pour combler une lacune dans le récit .

 

Le fait d’omettre de mentionner la situation de sa fille

 

[13] Pendant la première séance de l’audience du demandeur d’asile, il lui a été demandé si le BSP avait menacé ou pénalisé des membres de sa famille et ses enfants en guise de représailles, en raison du fait que sa femme et lui ne s’étaient pas livrés. Des questions précises ont été posées au demandeur d’asile au sujet de restrictions exercées envers ses enfants à l’école. Il a répondu par la négative. À la deuxième séance, le tribunal a voulu confirmer ce renseignement et le demandeur d’asile a répondu que sa fille aînée, qui fréquente l’université, n’avait pas pu y retourner parce qu’il était considéré comme un criminel. Le tribunal a prié le demandeur d’asile de dire pourquoi il n’avait pas raconté ces faits plus tôt. Il a répondu que, à ses yeux, ils semblaient sans importance. Le tribunal lui a alors demandé si le fait d’interdire à une personne de poursuivre ses études lui paraissant important. Il a répondu par la négative, ajoutant que sa fille travaillait et qu’il n’était [traduction] « pas grave qu’elle n’étudie plus ». Le tribunal a voulu savoir pourquoi le demandeur d’asile n’avait pas inscrit ce renseignement dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP. Le demandeur d’asile a répondu que, à l’époque, l’interdiction n’avait pas encore eu lieu. Le tribunal lui a rappelé qu’il avait pu modifier des renseignements importants dans son FRP. Le tribunal a aussi rappelé au demandeur d’asile que les exigences touchant l’exposé circonstancié contenu dans le FRP précisent qu’il faut indiquer « les mesures prises contre vous et les membres de votre famille ». À la question de savoir pourquoi il n’avait pas mentionné, dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP, l’interdiction faite à sa fille quant aux études universitaires, il a répondu : [traduction] « Je ne trouvais pas important de le mentionner […] sans répercussions » (sur elle). Tenu d’indiquer s’il avait consulté son conseil avant l’audience, le demandeur d’asile a répondu l’avoir rencontré.

[Non souligné dans l’original.]

 

[14] Le tribunal a voulu savoir pourquoi le demandeur d’asile n’avait pas produit à l’audience, afin de favoriser sa cause, d’éléments de preuve concernant ces prétendus actes du BSP. Il a répondu qu’il ignorait comment obtenir de tels éléments de preuve. Le tribunal, je le note, avait prié le demandeur d’asile de se procurer d’autres documents pour favoriser sa cause, et le demandeur d’asile n’a eu aucune difficulté à les obtenir pendant les six semaines écoulées entre les deux séances. Le demandeur d’asile a disposé d’environ un an et demi avant la première séance de son audience concernant le statut de réfugié pour se procurer ce renseignement. Le tribunal estime que l’omission de renseignements essentiels dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP est inacceptable de la part du demandeur d’asile. Le tribunal estime aussi inacceptable son incapacité de répondre de manière honnête et franche à une question simple et précise lors de son premier témoignage de vive voix. En ajoutant ce renseignement par la suite, à un moment stratégique pendant son témoignage de vive voix, de manière à favoriser sa cause et non parce que sa mémoire lui avait auparavant fait défaut, mais bien parce qu’il ne trouvait pas cet élément « important », le demandeur agit de manière répréhensible. Ce comportement incite le tribunal à mettre en doute la capacité du demandeur à témoigner de manière crédible. Le tribunal tire une conclusion défavorable de son témoignage et de son comportement à cet égard qui mine la crédibilité du demandeur d’asile.

[Non souligné dans l’original.]

 

[15] En examinant l’effet cumulatif des omissions du demandeur d’asile dans son FRP, des conclusions défavorables qui en découlent et de l’ombre que jettent les incohérences de son témoignage sur sa crédibilité, le tribunal est porté à conclure que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile ne s’est pas montré crédible comme témoin.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[15]           Cette question concerne très peu la demande d’asile et, à mon avis, il paraît douteux qu’on puisse s’en servir comme fondement pour porter atteinte à la crédibilité du demandeur.

 

Le doute planant sur le rôle du demandeur en tant que guetteur pour l’église

 

[16] Le demandeur d’asile a indiqué dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP qu’il avait tenu le rôle de guetteur à son église clandestine. Le tribunal l’a prié de décrire ses activités les jours où il faisait le guet. Il a répondu que le guetteur arrive tôt, se place devant ou derrière et surveille les environs. Le tribunal a voulu savoir si le guetteur communique d’une quelconque manière avec les autres et s’il doit composer un numéro spécial. Le demandeur d’asile a répondu que le guetteur utilise un téléphone cellulaire. Comme le demandeur d’asile semblait incertain au sujet du rôle de guetteur, le tribunal lui a demandé si le guetteur changeait chaque fois. Il a répondu par l’affirmative, mais il n’a pas précisé que le [traduction] « chef » désignait le guetteur. À la question de savoir s’il était nécessaire de retourner dans l’église clandestine après le service, le demandeur d’asile a répondu par l’affirmative, mais sans ajouter que le prochain guetteur était désigné à ce moment. Le tribunal ne trouve pas raisonnable que le demandeur d’asile, qui a allégué être allé à la maison-église clandestine une fois par semaine pendant environ 18 mois et y avoir joué un rôle actif, c’est-à-dire celui de guetteur, ne puisse pas décrire aisément ce rôle sans qu’il ait besoin d’y être encouragé par des questions. C’est pourquoi le tribunal met en doute son rôle au sein d’une église chrétienne clandestine en Chine.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[16]           À mon avis, la transcription n’appuie pas les commentaires défavorables de la Commission à l’égard du témoignage du demandeur concernant son rôle de guetteur. Le demandeur a été capable de décrire aisément son rôle de guetteur et a fait preuve de bonne volonté en répondant spontanément à chaque question de la Commission concernant ses responsabilités de guetteur.

 

 

L’absence de sommation délivrée par le BSP

 

[17] Pendant la première séance, le demandeur d’asile a été prié de dire combien de fois en tout le BSP était allé chez lui les chercher, sa femme et lui. Il a répondu que le BSP était venu une dizaine de fois environ, la dernière remontant à cette année (2010). Le tribunal estime que le BSP devait être très intéressé par le demandeur d’asile et sa femme s’il persistait à aller chez lui.

 

[…]

 

Prié d’indiquer si un mandat ou une sommation le visant avait été déposé, il a répondu par la négative. Le tribunal a observé que le BSP semblait avoir un intérêt limité et ne pas faire d’efforts réels pour trouver le demandeur d’asile et sa femme et a donné au demandeur d’asile l’occasion de répondre à cette remarque. Il a répondu qu’il n’avait [traduction] « aucune idée de la manière dont procède le BSP ». Le tribunal souligne que, selon les documents sur la situation au pays, la police remet ou montre généralement aux membres de la famille une sommation lorsqu’elle souhaite qu’une personne se présente au poste. En outre, la sommation est un document essentiel à la délivrance d’un mandat d’arrestation dans l’éventualité où la personne recherchée ne répond pas à la sommation. Bien que cette politique ne soit pas toujours appliquée, il est raisonnable de croire qu’une sommation aurait été préparée pour le demandeur d’asile, puisqu’il a témoigné que le BSP était allé le chercher chez lui à dix reprises.

[Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Le tribunal tire une conclusion défavorable de l’absence de sommation et du témoignage du demandeur d’asile au sujet du comportement du BSP alors que ses agents les recherchaient, sa femme et lui.

 

 

[17]           À mon avis, le témoignage du demandeur fait clairement partie de l’ensemble des issues possibles et il est cohérent avec les éléments de preuve dont la Commission était saisie concernant la situation dans le pays et les pratiques inconstantes du BSP. La Commission a fait une erreur de droit en tirant une conclusion d’invraisemblance ici. C’est, dans le contexte de la présente affaire, une erreur de droit que de conjecturer sur les processus mentaux et sur l’efficacité des autorités chinoises. Dans Liu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 135, la Cour fédérale a affirmé :

 

[…] même si la Commission était en droit de noter que le BSP laissait parfois des assignations à comparaître à la famille de suspect, le fait qu’aucune assignation à comparaître n’a été laissée à la famille de Mme Liu n’étaye pas une conclusion selon laquelle elle n’était pas recherchée. Selon la preuve dont disposait la Commission, les pratiques du BSP n’étaient pas uniformes.

 

[18]           Les conclusions au sujet de la crédibilité relèvent de la compétence de la Commission et méritent qu’on fasse preuve de retenue. Ce n’est pas le rôle de la Cour de rationaliser ou de réévaluer le témoignage. La Cour n’a pas pu observer ni les témoins ni le rythme de leur témoignage. Dans le cas présent, toutefois, se trouve un bon nombre de conclusions défavorables au sujet de la crédibilité sur des points accessoires, de peu d’importance pour la demande d’asile même et au sujet desquels les contradictions ou déviations sont, tout au plus, marginales. 

 

[19]           La crédibilité est souvent fondée sur de petites questions, desquelles découle le résultat de soit renforcer soit miner la crédibilité. Dans la présente affaire, les contradictions sont de peu d’importance et concernent des questions secondaires. De plus, en ce qui concerne la CIR, la Commission a tiré une conclusion défavorable alors qu’il est admis qu’elle ne pouvait le faire. Sur ce point, qui n’est pas accessoire, la Commission a commis une erreur.

 

[20]           Pour ces motifs, la demande sera accueillie et l’affaire sera renvoyée pour réexamen à un tribunal de la Commission différemment constitué. La question concernant les conclusions tirées par la Commission au sujet de la nature du risque auquel le demandeur a fait face n’a pas besoin d’être abordée.

 

[21]           Aucune question n’est proposée pour certification et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR statue comme suit : la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal de la Commission différemment constitué. La question concernant les conclusions tirées par la Commission au sujet de la nature du risque auquel le demandeur a fait face n’a pas besoin d’être abordée. Aucune question n’est proposée pour certification, et la Cour conclut que l’affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4640-10

 

INTITULÉ :                                       JIAN HUI WENG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 avril 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark Rosenblatt

POUR LE DEMANDEUR

 

Jelena Urosevic

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mark Rosenblatt
Avocat
Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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