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Date : 20110325

Dossier : IMM‑5032‑10

Référence : 2011 CF 368

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

Entre :

 

XIAO WEI GAO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

Le ministre de la citoyenneté

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

Motifs du jugement et jugement

 

I.          Contexte

 

[1]               La demanderesse, Mme Xiao Wei Gao, est une résidante permanente du Canada, originaire de la Chine. Son époux, M. Shu Jin Liang, réside actuellement en République populaire de Chine. En 2007, la demanderesse a présenté une demande de parrainage afin que M. Liang et la fille de celui‑ci viennent au Canada. Se fondant sur l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), l’agent des visas a rejeté la demande. Il n’était pas convaincu que le mariage entre la demanderesse et M. Liang était authentique et qu’il ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi).

 

[2]               La demanderesse a interjeté appel de cette décision devant la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI). Dans une décision datée du 11 août 2010, la SAI a rejeté l’appel.

 

[3]               La demanderesse sollicite l’annulation de la décision de la SAI au motif que cette dernière a commis une erreur dans le traitement de la preuve soumise à son attention.

 

II.        Régime législatif

 

[4]               En vertu des dispositions de la Loi et du Règlement, les résidents canadiens peuvent parrainer leur conjoint (et d’autres membres de la famille) pour venir au Canada en qualité de membre de la « catégorie du regroupement familial ». Cependant, l’article 4 du Règlement (en vigueur au moment de la demande de parrainage) dispose que l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, donc comme un membre de la catégorie du regroupement familial, si le mariage n’est pas authentique et qu’il vise principalement l’acquisition d’un statut d’immigrant. L’appréciation initiale de la relation qui unit le résident qui présente une demande de parrainage et son époux est faite par un agent des visas. Dans le cas où la demande est rejetée, le paragraphe 63(1) de la LIPR confère à celui qui l’a présentée un droit d’appel devant la SAI.

 

III.       Norme de contrôle

 

[5]               L’examen des demandes de résidence permanente au titre de la catégorie du regroupement familial, et de l’authenticité du mariage en particulier, soulève des questions mixtes de fait et de droit qui doivent être tranchées selon la norme de la décision raisonnable (voir Natt c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 238, 80 Imm LR (3d) 80, par. 12; Harris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 932, 84 Imm LR (2d) 245, par. 21 à 24). Selon cette norme, la cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 [Dunsmuir], par. 47).

 

IV.       Analyse

 

[6]               Dans l’affaire dont je suis saisie, la SAI a conclu que la relation entre la demanderesse et M. Liang : (1) n’était pas authentique; (2) visait principalement l’acquisition d’un statut sous le régime de la Loi.

 

[7]               La demanderesse soutient que la SAI a commis une erreur en tirant des conclusions déraisonnables et en estimant que le récit de la demanderesse comportait des contradictions qui n’existaient pas. Je ne suis pas d’accord.

 

[8]               Il est bien établi en droit qu’en appel, il incombe au demandeur de produire une preuve suffisante démontrant que le mariage est authentique (voir Nabin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 200, [2008] A.C.F. no 250 (QL), par. 7; Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1257, 214 FTR 245, par. 6).

 

[9]               À moins que la Cour ne soit convaincue que la SAI a fondé ses conclusions sur des considérations dénuées de pertinence ou n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants, elle ne devrait pas substituer son point de vue à celui de la SAI au sujet de la crédibilité, car une audience a été tenue et la SAI a eu l’avantage d’entendre les témoins (Strulovits c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 435, [2009] W.D.F.L. 4047, par. 40; Grewal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 960, [2003] A.C.F. n1223 (QL), par. 9).

 

[10]           En l’espèce, la SAI a conclu que la demanderesse n’avait pas témoigné d’une façon claire ou convaincante. Celle‑ci n’a pas été en mesure de fournir des réponses détaillées au cours de l’audience et ses réponses étaient parfois contradictoires. De plus, la SAI a conclu qu’une grande partie de la preuve en l’espèce, notamment la plupart des témoignages sur des éléments importants de leurs premières rencontres et de l’évolution générale de leur relation, manquait de force probante. La SAI a conclu que les éléments de preuve corroborants étaient insuffisants dans certains cas précis. À titre d’exemple, le témoignage de la demanderesse a soulevé les questions suivantes :

 

·                    aucune preuve crédible n’a été présentée pour expliquer comment leurs conversations téléphoniques avaient pu faire progresser leur relation, alors qu’il a été admis que M. Liang ne pouvait pas bien s’exprimer au téléphone;

 

·                    aucune preuve crédible n’a été présentée pour expliquer pourquoi la relation des parties ne progressait pas, d’autant plus qu’aucun effort raisonnable n’a été fait depuis le mariage pour trouver des moyens qui auraient permis à la demanderesse de se rendre plus facilement en Chine pour y visiter son mari;

 

·                    aucune preuve crédible n’a été présentée pour expliquer pourquoi l’épouse n’avait pas pris des mesures concrètes pour tenter d’intégrer M. Liang dans sa famille;

 

·                    la crédibilité de la demanderesse a été minée par le fait qu’elle pouvait apparemment joindre M. Liang à un numéro qu’il affirmait ne plus utiliser;

 

·                    le témoignage de la demanderesse était vague, contradictoire ou simplement dénué de sens.

 

[11]           Ces questions ont incité la SAI à conclure que le couple n’avait pas établi les bases de leur future vie commune comme le feraient des partenaires qui entretiennent des liens matrimoniaux authentiques.

 

[12]           Dans sa décision, et comme je l’ai dit plus haut, la SAI a donné des exemples où la preuve manquait de force probante et n’était pas plausible, et où les explications étaient insuffisantes. La Cour ne peut pas scruter à la loupe les conclusions d’invraisemblance, mais doit examiner la décision dans son ensemble (Lan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 169, [2010] A.C.F. no 202 (QL); Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 677, 84 Imm LR (3d) 112; Ikhuiwu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 35, [2008] A.C.F. no 35 (QL)). À mon avis, la décision de la SAI était raisonnable.

 

[13]           La demanderesse soutient que la SAI a mal interprété la preuve lorsqu’elle a conclu qu’elle et M. Liang ont fait des déclarations contradictoires. Après avoir lu la transcription de l’audience devant la SAI et le dossier documentaire, je suis convaincue que la SAI n’a pas commis d’erreur. À l’égard de chacune des conclusions qu’elle prétend erronées, la demanderesse ne fait qu’offrir une autre interprétation de la preuve soumise.

 

[14]           La demanderesse concentre la plus grande partie de son argumentation sur trois conclusions tirées par la Commission.

 

[15]           La première fausse contradiction porte sur la question de savoir si la demanderesse et M. Liang avaient déjà discuté de la possibilité de parrainer les parents de la demanderesse. Dans sa décision, la Commission a déclaré que les témoignages comportaient une contradiction. La demanderesse fait valoir que cette contradiction n’apparaît pas dans la transcription. Lorsqu’on leur a demandé s’ils avaient discuté de parrainage, la demanderesse et M. Liang ont tous deux répondu [traduction] « non ». Or, plus loin dans la transcription, M. Liang reconnaît avoir effectivement discuté avec la demanderesse de la prise en charge future des parents de celle‑ci. Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, il n’était pas déraisonnable de conclure que des propos portant sur une éventuelle prise en charge de ses parents contredisaient des propos dans lesquels on niait avoir discuté de la possibilité de les parrainer. La SAI a évidemment conclu qu’il était peu probable que, lors d’une discussion sur la prise en charge éventuelle des parents de la demanderesse, il n’ait pas été question de la possibilité de les parrainer, puisque ceux‑ci résident actuellement en Chine. La conclusion selon laquelle il y avait une contradiction est étayée par la transcription.

 

[16]           La deuxième conclusion erronée de la SAI porte sur la relation entre les parents de la demanderesse et M. Liang. Dans son témoignage, la demanderesse a déclaré : [traduction] « ma mère aime beaucoup mon mari ». Dans ses motifs, la SAI déclare que « M. Liang a contredit cette affirmation lorsqu’il a déclaré que le père et la sœur de Mme Gao l’aimaient bien, mais que sa mère l’aimait moins ». [Non souligné dans l’original] La demanderesse affirme que M. Liang n’a jamais dit cela. Il est vrai que M. Liang n’a jamais prononcé les mots exacts qui lui sont attribués. Cependant, à la question précise [traduction] « est‑ce que la mère, le père et la sœur vous aiment? », M. Liang a d’abord répondu que le père et la sœur l’aimaient bien. Ce n’est que sur l’insistance de l’avocat que M. Liang a répondu que [traduction] « tout le monde [m]’aime ». Je reconnais que la SAI a peut‑être interprété librement les propos de M. Liang. Néanmoins, le fait que dans sa réponse initiale il n’ait pas mentionné la mère et qu’il ait fini par répondre un peu tièdement [traduction] « tout le monde [m]’aime » pourrait sembler incompatible avec la prétention de la demanderesse selon laquelle sa mère aimait « beaucoup » M. Liang. En outre, il faut souligner qu’il ne s’agit que d’un exemple parmi plusieurs autres qui étayaient la conclusion générale de la SAI selon laquelle la demanderesse et M. Liang n’avaient pas démontré le type de liens avec les autres membres de la famille, notamment les parents, que l’on verrait habituellement dans un mariage authentique.

 

[17]           Enfin, la demanderesse fait valoir que le dossier n’appuie pas la conclusion de la SAI selon laquelle M. Liang est incapable de parler le mandarin. À cet égard, la SAI semble avoir utilisé le défaut de M. Liang de répondre à une question qui lui a été posée en mandarin à l’audience pour étayer la conclusion qu’il avait de la difficulté à communiquer avec la demanderesse. Après avoir examiné la transcription et l’affidavit de l’avocat qui a comparu devant la SAI, je suis convaincue que la SAI n’aurait pas dû conclure de cet échange que M. Liang était incapable de comprendre le mandarin. À l’audience, le passage d’une langue à une autre, soit du cantonais au mandarin, a eu lieu de façon abrupte et sans en aviser M. Liang. Son hésitation à répondre en mandarin était compréhensible dans les circonstances. Il existait néanmoins d’autres éléments de preuve concernant les difficultés de langue qui tendraient à étayer l’évaluation de la SAI voulant qu’il y avait des problèmes de communication entre la demanderesse et M. Liang. S’il s’agissait d’une erreur, elle n’a que peu importance en ce qui a trait à l’ensemble de la décision.

 

[18]           Je suis d’avis que, compte tenu de la preuve, toutes les conclusions de la SAI étaient légitimes. Ainsi, la décision dans son ensemble appartient aux issues raisonnables acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[19]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5032‑10

 

Intitulé :                                                   XIAO WEI GAO c.
Le ministre de la citoyenneté
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

Date de l’audience :                           Le 21 mars 2011

 

Motifs du jugement :                        la juge SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 25 mars 2011

 

 

Comparutions :

 

Lorne Waldman

 

Pour la demanderesse

 

Leila Jawando

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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