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Date : 20110321

Dossier : IMM‑2641‑10

Référence : 2011 CF 345

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

 

MOYA MECKESHA CAMPBELL

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 10 mai 2010, par laquelle l’agent d’exécution D. Puzeris (l’agent d’exécution) a refusé la demande de reporter le renvoi de la demanderesse, en vertu de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIRP).

 

[2]               Compte tenu des motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

I.          Contexte

 

A.        Le contexte factuel

 

[3]               Moya Meckesha Campbell (la demanderesse) est arrivée pour la première fois au Canada en 2004 munie d’un visa d’étudiant. Le 18 novembre 2006, elle a demandé l’asile au motif qu’elle craignait d’être maltraitée par son ancien petit ami. Sa demande a été rejetée le 21 août 2007 lorsqu’elle avait été jugée non crédible. Elle a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision, mais l’autorisation de demander le contrôle judiciaire lui a été refusée le 28 janvier 2008.

 

[4]               Le 24 septembre 2007, elle a déposé une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH) et le 28 mai 2008, elle présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR); les deux demandes ont été rejetées en octobre 2008. Le 24 novembre 2008, la demanderesse a reçu instruction de se présenter en vue de son renvoi. Le 25 novembre 2008, elle a déposé des demandes de contrôle judiciaire de la décision CH et de la décision ERAR. Le 15 décembre 2008, il a été sursis à son renvoi en attendant l’issue de ces demandes. Le 8 avril 2009, elle s’est vu refuser l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision ERAR. Sa demande de contrôle judiciaire de la décision CH a été rejetée le 30 juin 2009.

 

[5]               La demanderesse a rencontré son époux après son arrivée au Canada. Ils se sont mariés en mai 2008. Le 14 mai 2008, elle a demandé la résidence permanente au titre de la catégorie des époux au Canada et a désigné son époux comme répondant.

 

[6]               Le 29 avril 2010, la demanderesse a reçu instruction de se présenter en vue de son renvoi, étant donné que ses demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire avaient été résolues et qu’il n’était plus sursis à son renvoi. L’exécution de la mesure de renvoi a été fixée au 14 mai 2010. Le 6 mai 2010, elle a demandé le report de son renvoi puisque sa demande de parrainage à titre de conjoint était toujours en instance. Sa demande a été rejetée le 10 mai 2010; ce rejet fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[7]               Le 14 mai 2010, le juge Yves de Montigny a accordé un sursis à l’exécution du renvoi de la demanderesse en attendant l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[8]               Le 19 août 2010, la demande de parrainage à titre de conjoint a été rejetée. La demanderesse a demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision (dossier IMM‑5288‑10).

 

B.         La décision contestée

 

[9]               L’agent d’exécution a souligné que la demande de parrainage était en instance depuis 24 mois, mais selon lui, la preuve était insuffisante pour conclure qu’une décision à cet égard était imminente. L’agent d’exécution a également conclu que la demanderesse n’avait pas droit à un report administratif du renvoi parce qu’elle était réputée prête au renvoi et qu’elle avait reçu un avis de convocation à une entrevue de renvoi avant le dépôt de sa demande de parrainage. L’agent d’exécution a souligné que la demanderesse n’avait pas fourni de nouveaux éléments de preuve de l’existence d’un risque et que le risque allégué avait été rejeté dans la demande d’asile et dans son ERAR. Enfin, l’agent d’exécution a pris en compte l’objectif de la politique de regroupement familial, mais il a conclu qu’un renvoi de la demanderesse ne donnerait pas nécessairement lieu à une séparation permanente de son époux.

 

II.         La question en litige

 

[10]           La demanderesse soutient que l’agent d’exécution a manqué à l’équité procédurale et que la décision est déraisonnable. Le défendeur soutient que, puisque la demande de parrainage à titre de conjoint présentée par la demanderesse a été rejetée, il n’existe pas de question actuelle que la Cour doit trancher.

 

[11]           À mon avis, la seule question à trancher par la Cour est la suivante :

a)         La présente demande de contrôle judiciaire est‑elle théorique?

 

III.       Le caractère théorique du litige

 

[12]           L’arrêt de principe sur le droit en matière de litige théorique est Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, 57 DLR (4th) 231. Dans Borowski, la Cour suprême du Canada a adopté une analyse en deux étapes. En premier, il faut se demander s’il reste un litige actuel. Ensuite, il faut se demander si la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire même si elle est devenue théorique. Il existe trois facteurs dont un tribunal doit tenir compte lorsqu’il décide d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire et entendre une affaire théorique : la question de savoir si le litige conserve sa nature contradictoire, l’économie des ressources judiciaires et la question de savoir si les circonstances particulières de l’affaire justifient l’utilisation des ressources judiciaires limitées à la solution d’un litige théorique, et la séparation des pouvoirs et le rôle des tribunaux de création de règles de droit.

 

[13]           Notre Cour a appliqué l’analyse de l’arrêt Borowski, précité, dans Rahman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 137, 216 F.T.R. 263, où le protonotaire John A. Hargrave a résumé l’analyse de l’arrêt Borowski avant de conclure que la requête en bref de mandamus est devenue théorique lorsque M. Rahman a obtenu le statut de résident permanent.

 

IV.       Arguments et analyse

 

A.        La question en litige est théorique

 

[14]           La demanderesse conteste la décision au motif que l’agent d’exécution n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve, qu’il a fondé sa décision sur des renseignements périmés et inexacts, et qu’il a tiré une conclusion déraisonnable. Selon la demanderesse, l’agent d’exécution s’est fondé sur une estimation dépassée du moment où la demande de parrainage serait traitée, alors que la demanderesse avait présenté une estimation plus récente indiquant qu’une décision serait rendue dans environ quatre mois. La demanderesse soutient également que l’agent d’exécution n’a pas tenu compte du long retard dans le traitement de la demande imputable à l’arriéré des dossiers et non à la demanderesse. Enfin, la demanderesse affirme que la décision de l’agent d’exécution portant qu’elle n’avait pas droit à un report administratif du renvoi était déraisonnable parce que le dépôt de sa demande de parrainage était antérieur à son entrevue de renvoi.

 

[15]           Toutes ces questions sont théoriques puisque la demande de parrainage a été rejetée. Le défendeur cite l’arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 R.C.F. 311. Dans Baron, la Cour d’appel a répondu à la question certifiée suivante :

Lorsqu’un demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contestant un refus de reporter l’exécution d’une mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué sur une demande pendante de droit d’établissement […], et lorsqu’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est accordé de telle sorte que l’intéressé n’est pas renvoyé du Canada], le fait que la demande de droit d’établissement demeure pendante à la date où la Cour étudie la demande de contrôle judiciaire laisse‑t‑il subsister un « litige actuel » entre les parties, ou l’affaire est‑elle rendue théorique du seul fait que la date prévue du renvoi est passée?

 

[16]           En concluant qu’une date prévue de renvoi passée ne rendait pas théorique le contrôle judiciaire d’une décision relative au report d’un renvoi, la Cour d’appel a estimé que le litige entre les parties portait sur la décision sous‑jacente. La Cour a affirmé que, dans la mesure où la décision sous‑jacente était pendante, le litige demeurait actuel.

 

[17]           En l’espèce, la décision sous‑jacente portait sur la demande de parrainage. Cette demande n’est plus en instance. Il est clair qu’il n’y a aucun litige actuel et que la présente demande est théorique. Bien que la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire d’entendre une demande théorique, la présente demande ne saurait pas justifier l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

 

V.        Conclusion

 

[18]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et aucune ne se pose en l’espèce.

 

[19]           Compte tenu des conclusions qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑2641‑10

 

INTITULÉ :                                                   CAMPBELL c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 3 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   Le 21 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kareena Wilding

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stella Iriah Anaele

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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