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Date : 20110217

Dossier : IMM-1892-10

Référence : 2011 CF 194

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 février 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SCOTT

 

 

ENTRE :

 

ISIDRO BATISTA MARTINEZ PANEQUE ET SANDRA NIEVES ESTOPIAN

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée par Isidro Batista Martinez Paneque et Sandra Nieves Estopian (les « demandeurs ») en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la « LIPR »), visant la décision rendue par un membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la « Commission »).

 

[2]               Dans une décision datée du 22 mars 2010, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger suivant l’article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR. Les demandeurs ont affirmé craindre d’être persécutés par le gouvernement de Cuba à cause d’un incident qui a eu lieu en décembre 2007, et parce qu’ils ont prolongé leur séjour au-delà de ce qui était prescrit dans leurs visas de sortie cubains.

 

[3]               Les demandeurs demandent le contrôle judiciaire de cette décision.

 

I.          La décision contestée

[4]               Les demandeurs sont des citoyens de Cuba. Le demandeur était musicien à Cuba depuis 1972. En avril 2007, les demandeurs sont venus au Canada pendant plusieurs mois pour visiter leur fille. Pendant la visite, le demandeur a tenté d’organiser une tournée de concerts au Canada pour son groupe cubain. Malheureusement, son groupe n’a pas pu obtenir la permission de quitter Cuba pour la tournée. À son retour à Cuba, le demandeur était incapable de trouver du travail pour son groupe. 

 

[5]               En décembre 2007, le demandeur s’est adressé au directeur du Centre de musique, une organisation gouvernementale chargée de trouver du travail aux musiciens et de les payer.  Frustré parce que le directeur du Centre n’avait pas réussi à lui trouver du travail et qu’il ne pouvait pas expliquer de façon satisfaisante la raison pour laquelle il avait refusé la tournée au Canada, le demandeur a accusé le directeur et tous les représentants du gouvernement d’être des menteurs et de ne pas faire leur travail. Il a aussi remis en question le régime socialiste de Cuba. Le directeur a menacé de le dénoncer aux autorités pour ses commentaires et l’a assuré qu’il ne travaillerait plus comme musicien et qu’il serait emprisonné.

 

[6]               Le demandeur est retourné chez lui et a raconté l’incident à sa femme. Ils ont décidé de quitter le pays. Six semaines plus tard, le 12 février 2008, les demandeurs ont quitté Cuba au moyen des visas pour entrées multiples au Canada qu’ils avaient déjà. Ils ont demandé l’asile quelques semaines plus tard. Le demandeur craint que, s’il retourne à Cuba, il sera emprisonné pour ses commentaires contre les représentants du gouvernement. Les demandeurs craignent également qu’ils seront emprisonnés ou persécutés parce qu’ils sont restés à l’extérieur de Cuba au-delà des délais prescrits.

 

[7]               L’audience a eu lieu le 23 février 2010 et la décision de la Commission a été rendue le 22 mars 2010.

 

[8]               La première partie de l’analyse relative à l’article 96 faite par la Commission portait principalement sur l’absence d’un fondement objectif à la crainte du demandeur d’être persécuté à cause des commentaires qu’il a faits aux représentants du gouvernement.

 

[9]               La Commission a conclu qu’il existe des lois, ainsi que certains éléments de preuve qui indiquent que le demandeur pourrait être persécuté pour avoir critiqué le gouvernement, mais elle ne croit pas que cela se produirait en l’espèce puisque le demandeur est resté à Cuba pendant environ six (6) semaines après l’altercation sans aucun signe de persécution. De plus, la Commission a conclu qu’il a obtenu la permission du Centre de musique pour quitter Cuba. Si le directeur du Centre avait vraiment l’intention de le dénoncer, il l’aurait fait pendant ces six (6) semaines, ou à tout le moins il ne lui aurait pas accordé la permission de quitter le pays.

 

[10]           La Commission a aussi mentionné que Cuba refuse souvent d’accorder des permis de sortie aux personnes dont un proche a émigré illégalement (ce que la fille du demandeur a fait il y a plusieurs années). La Commission a fait remarquer que les demandeurs n’avaient subi aucun effet préjudiciable à la suite du départ de leur fille et qu’ils avaient, en fait, obtenu la permission de quitter le pays à deux reprises depuis l’émigration illégale de leur fille.

 

[11]           Leur autre fille est demeurée dans leur résidence à Cuba et elle n’a éprouvé aucune difficulté à la suite du départ de ses parents. Elle n’a pas été contactée à propos des critiques de son père contre le gouvernement, mais elle a reçu un appel des autorités de l’immigration, lesquelles lui ont demandé de retirer le nom de ses parents du registre des consommateurs, à défaut de quoi ils ne pourraient pas revenir à Cuba.

 

[12]           La Commission a aussi souligné que la demanderesse ne connaît aucun problème à l’exception de ceux de son mari.

 

[13]           Par conséquent, la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs ne risquaient pas sérieusement d’être persécutés. 

 

[14]           La deuxième partie de l’analyse relative à l’article 96 faite par la Commission portait sur la possibilité que les demandeurs soient punis pour être demeurés à l’extérieur de Cuba au-delà du délai prescrit, chose qui, selon eux, allait se produire à leur retour à Cuba.

 

[15]           La Commission ne disposait d’aucune preuve convaincante selon laquelle les demandeurs seraient punis pour être restés au Canada pendant une période plus longue que celle qui est considérée comme acceptable, sauf la loi cubaine d’application générale qui, en fait, punit les personnes qui restent à l’étranger trop longtemps.

 

[16]           La Commission a examiné une preuve documentaire indiquant que les émigrants qui demeurent à l’extérieur de Cuba trop longtemps perdent leurs droits de résidence s’ils n’obtiennent pas la permission de retourner à Cuba avant d’y remettre les pieds. Sans permis de résidence à l’étranger, un émigré ne peut pas retourner à Cuba sans un permis spécial de rentrée.

 

[17]           La Commission a toutefois indiqué que l’article 215 du code criminel cubain prévoit que ceux qui entrent à Cuba sans remplir les formalités de rentrée risquent un (1) à trois (3) ans d’emprisonnement.

 

[18]           La Commission a souligné la contradiction entre ces règles. En résumé, elle a reconnu qu’il y avait des conséquences à revenir sans permission et que les demandeurs risquaient de perdre leurs droits de résidence s’ils le faisaient.

 

[19]           Malgré tout, la Commission a conclu qu’il devait y avoir un moyen d’obtenir la permission spéciale de retourner à Cuba, même si le processus n’est pas transparent. Elle a affirmé que s’ils retournaient chez eux sans permission et étaient punis, ils seraient punis seulement en vertu d’une loi d’application générale que la Commission considère comme étant une loi de nature criminelle plutôt que comme de la persécution. La Commission a donc conclu que les demandeurs ne craignaient pas avec raison d’être persécutés, qu’ils n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention et que leurs demandes présentées en vertu de l’article 96 étaient rejetées.

 

[20]           La Commission a ensuite procédé à l’évaluation des demandes présentées en vertu de l’article 97 et a affirmé que la question déterminante dans l’analyse serait alors de savoir si le risque auquel étaient exposés les demandeurs était une loi d’application générale. La Commission a souligné que l’alinéa 97(1)(iii) de la LIPR prévoit qu’une personne exposée à un risque n’est pas une personne à protéger si ce risque résulte de sanctions légitimes, sauf si elles sont infligées au mépris des normes internationales. 

 

[21]           La Commission a rejeté l’argument des demandeurs selon lequel la peine d’emprisonnement à laquelle ils faisaient face s’ils retournaient à Cuba sans permission violerait les normes internationales parce qu’elle était d’avis que la preuve n’étayait pas une telle conclusion.

 

[22]           La Commission a rejeté l’argument des demandeurs selon lequel la loi qui interdit leur retour à Cuba viole les normes internationales parce qu’elle était d’avis que la preuve objective ne démontrait pas qu’ils ne pouvaient pas retourner à Cuba, même s’ils devaient compléter le processus administratif pour y arriver.

 

[23]           Enfin, il a été soutenu que les conditions dans les prisons cubaines sont tellement dures que l’emprisonnement constitue une peine ou un traitement cruel et inusité. La Commission reconnaît que les conditions dans les prisons cubaines sont dures et désagréables. Elle a toutefois conclu qu’il n’y avait aucune preuve convaincante que ces conditions violaient les normes internationales.

 

[24]           La Commission a fait remarquer que les demandeurs risquent d’être punis pour avoir violé les lois d’application générale de Cuba et a conclu qu’il n’y avait pas de preuve de risque de torture. Par conséquent, la Commission a rejeté leurs demandes présentées en vertu de l’article 97.

 

II.         La législation pertinente

[25]           Voici les dispositions de la Loi qui s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

III.       Questions en litige

[26]           Les demandeurs ont soulevé cinq questions, lesquelles peuvent être traitées comme deux questions distinctes :

a.       La Commission a-t-elle commis une erreur en évaluant la preuve dont elle disposait et en concluant qu’il n’y avait aucun fondement objectif à la crainte subjective des demandeurs?

b.      La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu’une peine d’emprisonnement pour avoir violé les lois relatives au départ de Cuba ne constitue pas de la persécution au sens de l’art. 96 de la LIPR ni des traitements ou peines cruels et inusités au sens de l’art. 97 de la LIPR?

 

A.  La norme de contrôle

[27]           La première question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable parce que la question de la crainte objective est une question mixte de fait et de droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47), alors que la deuxième question est susceptible de contrôle en partie selon la norme de la décision raisonnable et en partie selon la norme de la décision correcte puisqu’elle porte sur l’application du bon critère juridique dans l’examen de la proportionnalité des lois relatives à la sortie. Au paragraphe 50 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour a conclu qu’il « ne fait par ailleurs aucun doute que la norme de la décision correcte doit continuer de s’appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit. On favorise ainsi le prononcé de décisions justes tout en évitant l’application incohérente et irrégulière du droit ». L’application du bon critère juridique aux circonstances d’une affaire « est une question mixte de droit et de fait, qui est revue selon la norme de la décision raisonnable » (Miroslav c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 383, par 20). 

 

IV.       Analyse 

A.  Première question : preuve présentée et crainte objective

[28]           Selon les demandeurs, la Commission a jugé que leur crainte de persécution politique n’était pas fondée sur le plan objectif parce qu’elle a conclu erronément que le directeur du Centre de musique, que les demandeurs disaient craindre, leur avait donné la permission de quitter Cuba. Ils soutiennent que cette conclusion constitue une erreur susceptible de contrôle parce que la Commission a mal interprété les faits ou a écarté ou ignoré leur témoignage. Selon les demandeurs, ils n’ont jamais dit dans leur témoignage qu’ils avaient demandé au directeur du Centre de musique la permission de quitter Cuba. Ils estiment que cette confusion découle peut-être du fait qu’un membre du groupe a obtenu le visa de sortie pour les demandeurs en présentant une demande de visa à la Maison de la culture, que la Commission a probablement confondue avec le Centre de musique.

 

[29]           Cette erreur factuelle était, selon eux, un élément essentiel de la conclusion de la Commission selon laquelle leur crainte n’avait aucun fondement objectif, puisque la Commission croyait que la personne qui pouvait être à l’origine de la persécution avait joué un rôle dans l’obtention de leurs visas de sortie.

 

[30]           Ils affirment également que le fait que la Commission n’ait pas bien analysé les éléments de preuve factuelle dont elle disposait rend sa décision déraisonnable.

 

[31]           En réponse, le défendeur rappelle à la Cour que les demandeurs n’ont subi aucun effet préjudiciable pendant les six semaines où ils sont restés à Cuba après l’incident avec le directeur du Centre de musique, ce qui selon lui indique que les demandeurs n’avaient rien à craindre de lui. Le défendeur a aussi souligné le fait que les demandeurs ont obtenu la permission de quitter le pays après l’incident.

 

[32]           En ce qui concerne le malentendu au sujet de la personne qui a donné aux demandeurs la permission de quitter le pays, le défendeur a expliqué sa compréhension du Formulaire de renseignements personnels (« FRP ») et du témoignage. Le défendeur a affirmé que la personne qui a obtenu pour les demandeurs la permission de quitter Cuba après l’incident avec le directeur du Centre de musique travaillait en fait pour ce directeur. Par conséquent, il prétend que le Centre de musique a joué un rôle dans l’obtention de la permission de quitter le pays. Toujours selon le défendeur, la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs ne risquaient pas d’être persécutés était donc raisonnable.

 

[33]           La question est importante parce que si, comme l’a décidé la Commission, le Centre de musique a effectivement donné aux demandeurs la permission de quitter Cuba après l’incident, il était alors certainement raisonnable pour la Commission de conclure qu’il était peu probable que le directeur soit responsable de la persécution des demandeurs.

 

[34]           Pour déterminer la nature du témoignage rendu, le défendeur a renvoyé la Cour à la page 32 du volume 1 du dossier de la demande. En examinant le FRP, on constate qu’il n’y a aucune mention de l’autorité qui a donné aux demandeurs la permission de quitter Cuba. À cet égard, le FRP indique uniquement que les demandeurs ont profité de leurs visas pour entrées multiples pour revenir au Canada le 12 février 2008.

 

[35]           Dans la transcription, le demandeur explique qu’il travaillait avec trois autres musiciens dans le groupe, lequel était géré par le Centre de musique. Le Centre de musique est une entité gouvernementale chargée de trouver du travail au groupe, et de le payer. Le demandeur affirme qu’il y avait un autre organisme culturel appelé la Maison de la culture qui travaille avec le Centre de musique et qui s’occupe d’autres musiciens. Le demandeur administrait le groupe, mais un autre membre s’occupait de la direction musicale. Le demandeur ajoute que l’administrateur principal du Centre de musique avec qui il s’était disputé s’appelle Cesar Casania.

 

[36]           Le dossier montre, à la page 505 du volume 2, qu’après avoir reçu l’invitation de leur fille pour venir au Canada, les demandeurs avaient besoin de l’autorisation d’une entité gouvernementale connue sous le nom de Maison de la culture pour obtenir leur visa de sortie. Il ressort de la transcription que c’est le directeur musical du groupe qui a présenté la lettre d’invitation au centre culturel et obtenu pour les demandeurs la permission de quitter Cuba.   

 

[37]           Comme le Centre de musique est chargé d’embaucher et de payer tous les musiciens qui travaillent à Cuba, le défendeur prétend que le directeur du Centre a joué un rôle dans l’obtention du visa de sortie en ce sens que celui qui a obtenu la permission de la Maison de la culture était le directeur musical du groupe du demandeur. Comme il était payé par le Centre de musique, il était un employé du Centre de musique et, par conséquent, le Centre de musique a joué un certain rôle puisqu’il s’occupait du groupe.

 

[38]           Rien dans le dossier n’indique que le directeur musical du groupe du demandeur ait obtenu le visa de sortie pour le demandeur au su du Centre de musique. Par conséquent, il y a une erreur dans la façon dont la Commission qualifie les faits et son évaluation de la crainte objective est minée puisqu’il s’agissait certainement d’un élément clé dans le raisonnement de la Commission quant à l’absence d’une crainte objective.

 

[39]           Les demandeurs prétendent que cette erreur de la Commission rend la décision déraisonnable quant à l’absence d’une crainte objective. Cette conclusion de fait doit tout de même être appréciée à la lumière des autres conclusions de la Commission relativement à l’élément objectif de la crainte des demandeurs. 

 

[40]           Il est établi en droit que la Cour n’interviendra pas à moins d’être convaincue que la Commission a tiré une conclusion de fait manifestement erronée et qu’elle est venue à cette conclusion sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1998) A.C.F. n° 1425 (première instance).

 

[41]           Après examen, j’arrive à la conclusion que l’erreur de la Commission est déterminante dans les circonstances puisqu’elle est à l’origine de sa conclusion quant à l’absence d’un fondement objectif à la crainte de persécution des demandeurs. Bien que la Commission ait pris en considération d’autres éléments comme la situation de la fille qui vit au Canada et celle de la fille qui est restée à Cuba, l’élément qui a amené les demandeurs à fuir Cuba demeure la dispute avec le directeur du Centre de musique et la crainte de représailles. La décision était donc déraisonnable parce qu’elle est basée sur une mauvaise interprétation des principaux faits examinés par la Commission. Une erreur de fait qui compromet la décision de la Commission peut constituer un motif pour renvoyer l’affaire pour réexamen, comme dans Warnakulasuriya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 885, par. 10, et Poologanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. n° 987, par 14.

 

[42]           La Cour conclut donc que cette erreur est fatale à la décision de la Commission. Compte tenu de cette conclusion, notre Cour ne voit pas la nécessité de se prononcer sur le bien-fondé des autres arguments présentés par les demandeurs.

 

[43]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie.  

 

[44]           L’avocat des demandeurs ne s’est pas prononcé sur la question de savoir s’il y avait une question d’application générale à certifier. L’avocat du défendeur était d’avis qu’il n’y avait pas question à certifier et notre Cour est du même avis. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision de la Commission datée du 10 mars 2010 est annulée. La demande est renvoyée pour nouvel examen.  

 

LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT qu’aucune question de portée générale ne soit certifiée.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1892-10

 

INTITULÉ :                                       Isidro Batista Martinez Paneque et al. c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Scott

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 17 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Catherine Vasilaros

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Jeffrey

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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