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Date : 20110310

Dossier : T‑855‑10

Référence : 2011 CF 285

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

WARREN MCDOUGALL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL

 

 

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Aperçu

[1]               La protection de la société est le critère prépondérant dont il faut tenir compte pour prendre une décision dans le contexte des libérations conditionnelles du système correctionnel fédéral (Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC), à l’alinéa 4a)). Le système correctionnel fédéral vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité (art. 3 de la LSCMLC).

 

[2]               Afin de remplir leurs mandats législatifs, la Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC) et le Service correctionnel du Canada (le SCC) peuvent exiger d’un contrevenant qu’il subisse une ou plusieurs évaluations du risque. La Cour a établi une distinction entre l’évaluation du risque et l’évaluation aux fins de traitement ou de soins médicaux de la façon suivante :

[10]      Il faut faire une distinction importante entre les évaluations médicales et psychologiques qui sont effectuées au profit du délinquant ou pour établir un diagnostic (actes qui ont trait à la santé mentale) et les évaluations du risque qui sont effectuées aux fins de la protection du public.

 

[…]

 

[15]      En résumé, les évaluations du risque auxquelles procède le SCC ne sont pas des évaluations psychologiques ou des évaluations relatives aux soins de santé ou au traitement destinées à établir un diagnostic ou à déterminer si un délinquant doit être soumis à des soins de santé ou à un traitement. Les évaluations du risque sont un moyen permettant de déterminer si un délinquant risque de récidiver ou s’il peut présenter un danger pour lui‑même, pour les autres détenus, pour les membres du personnel et pour le public. Il serait impossible de s’acquitter de ce mandat s’il fallait obtenir le consentement du délinquant avant de procéder à une évaluation du risque étant donné qu’il se pourrait que, dans bien des cas, le consentement ne soit pas donné.

 

(Établissement William Head c. Canada (Procureur général), 2003 CF 870, 237 F.T.R. 127).

 

II. Introduction

[3]               La présente affaire porte sur un détenu qui a fait des demandes de permission de sortir avec escorte (PSAE) et de semi‑liberté. Une PSAE est une « sortie temporaire de l’établissement d’un délinquant escorté » (Permissions de sortir et placements à l’extérieur, Directive du commissaire 710‑3 (la DC 710‑3) au par. 7) et la semi‑liberté est « [un] régime de libération conditionnelle accordé à un délinquant sous l’autorité de la CNLC ou d’une commission provinciale et dans le cadre duquel le délinquant doit réintégrer chaque soir un pénitencier, un établissement résidentiel communautaire (ERC), y compris une maison privée désignée dans le cadre d’un placement autorisé, ou un établissement correctionnel provincial, à moins d’autorisation écrite contraire » (Processus de décision libératoire, Directive du commissaire 712‑1 (la DC 712‑1) au par. 5).

 

III. Procédure judiciaire

[4]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur conteste les décisions de la directrice intérimaire de l’Établissement Ferndale et de la CNLC, toutes deux datées du 29 avril 2010, et sollicite un jugement déclaratoire portant que la loi confère au directeur d’un établissement ou à la CNLC le pouvoir de subordonner toute décision relative à une mise en liberté conditionnelle d’un détenu qui purge une peine d’emprisonnement à vie à une évaluation de sa santé mentale.

 

IV. Contexte

[5]               Le demandeur, M. Warren McDougall, est un détenu de 42 ans de l’Établissement Ferndale, pénitencier fédéral à sécurité minimale situé à Mission, en Colombie‑Britannique.

 

[6]               M. McDougall purge une peine d’emprisonnement à vie pour un meurtre au second degré commis en mai 1996. Il est incarcéré depuis le 31 mai 1996 et a été condamné à purger 14,5 années de prison avant d’être admissible à une libération conditionnelle totale, le 4 avril 2013. Depuis 1982, M. McDougall a également été déclaré coupable de nombreuses autres infractions, notamment d’introduction par infraction, de vol, de vol qualifié avec violence, de séquestration, de possession de marchandises volées, de possession de cannabis, d’enlèvement, d’évasion d’une garde légale, de possession de biens criminellement obtenus d’une valeur de plus de 12 000 $, de conduite dangereuse d’un véhicule à moteur, d’indignité envers un cadavre humain et d’usurpation intentionnelle d’identité.

 

PSAE

 

[7]               Le 8 mars 2010, M. McDougall a fait des demandes de PSAE pour diverses raisons, à savoir à des fins administratives, de responsabilités parentales, de perfectionnement personnel et de service à la collectivité. Le 17 mars 2010, il a présenté d’autres demandes de PSAE à des fins de perfectionnement personnel.

 

[8]               M. McDougall est devenu admissible à une semi‑liberté le 4 avril 2010, si bien qu’à partir de ce jour, il est devenu admissible à une PSAE; ses demandes à cet égard relevaient désormais entièrement du directeur de l’Établissement, et il n’avait plus besoin d’obtenir l’approbation de la CNLC.

 

[9]               Le 29 avril 2010, la directrice intérimaire de l’Établissement Ferndale, Mary Danel, a rejeté les demandes de PSAE de M. McDougall. Elle a conclu qu’aucune PSAE ne devrait être approuvée avant que le SCC n’ait reçu et examiné des rapports à jour d’évaluation des risques psychiatriques et psychologiques concernant M. McDougall.

 

[10]           Le 11 mai 2010, M. McDougall a écrit au directeur de l’Établissement Ferndale, Bill Thompson, pour lui demander d’examiner de nouveau la décision de la directrice intérimaire. Le 18 mai 2010, le directeur Thompson lui a répondu et a confirmé la décision de la directrice intérimaire, qui était conforme à la Directive du commissaire. Le 19 mai 2010, la Commission et le directeur ont eu une réunion au cours de laquelle la situation de M. McDougall a été examinée. Le directeur Thompson a confirmé, le 27 mai 2010, qu’il n’était pas en mesure d’accorder la PSAE demandée, confirmant ainsi la décision de la directrice intérimaire (Dossier du demandeur, vol. 1, p. 232 et 237).

 

Semi‑liberté

[11]           M. McDougall est devenu admissible à une semi‑liberté le 4 avril 2010 et avait, dès le 14 décembre 2009, présenté une demande de semi‑liberté. Le 22 avril 2010, l’agent de liberté conditionnelle en établissement chargé de M. McDougall a rempli une évaluation en vue d’une décision dans laquelle il a expliqué pourquoi l’équipe de gestion des cas a recommandé de ne pas accorder la semi‑liberté.

 

[12]           La date de l’audience concernant l’examen de la demande de semi‑liberté de M. McDougall a été initialement fixée en mai 2010; cependant, le 29 avril 2010, un tribunal composé de deux membres a ajourné l’examen pendant deux mois afin d’obtenir des évaluations de la santé psychiatrique et psychologique du demandeur.

 

[13]           Le 31 mai 2010, M. McDougall a présenté un avis de demande de contrôle judiciaire visant les décisions par lesquelles la directrice intérimaire et la CNLC ont rejeté ses demandes de PSAE et de semi‑liberté.

 

[14]           Le 17 juin 2010, M. Saeed Ghaffari a rempli un rapport d’évaluation du risque psychologique concernant M. McDougall (Dossier du défendeur, vol. 2, p. 322 à 327).

 

[15]           Le 21 juin 2010, le Dr Rakesh Lamba a rempli un rapport d’évaluation du risque psychiatrique concernant M. McDougall (Dossier du défendeur, vol. 2, p. 289 à 311).

 

[16]           Le 24 juin 2010, M. McDougall a présenté une requête visant à obtenir une injonction interlocutoire et à demander le réexamen de la décision de la directrice intérimaire tout en obligeant la CNLC à fixer en juillet 2010 la date de l’audience concernant l’examen de sa demande de semi‑liberté.

 

[17]           Le 30 juin 2010, la CNLC avait en mains l’évaluation à jour du risque psychiatrique, mais n’avait pas reçu l’évaluation du risque psychologique; par conséquent, la CNLC a imposé un deuxième ajournement. La CNLC a reçu l’évaluation du risque psychiatrique le 2 juillet 2010. Elle prévoyait fixer l’audience concernant M. McDougall en juillet 2010; cependant, le 8 juillet 2010, M. McDougall a demandé un délai supplémentaire pour répondre aux évaluations de sa santé mentale. L’audience relative à l’examen de la demande de semi‑liberté a été reportée au 12 août 2010.

 

[18]           Le 12 août 2010, la CNLC a rejeté la demande de semi‑liberté de M. McDougall. La décision se fondait principalement sur les rapports d’évaluation psychologique et psychiatrique de juin 2010.

 

[19]           À la suite de la décision de la CNLC, le 1er septembre 2010, le juge Sean Harrington de la Cour fédérale a rejeté, en raison de son caractère théorique, la requête de M. McDougall visant à faire réexaminer la décision de la directrice intérimaire et à obliger la CNLC à fixer la date de l’examen de sa demande de semi‑liberté en juillet 2010.

 

V. La décision contestée

[20]           Les éléments que M. McDougall demande d’inclure dans un jugement déclaratoire ont trait tant à la décision de la directrice intérimaire qu’à celle de la CNLC. Premièrement, le 29 avril 2010, la directrice intérimaire de l’Établissement Ferndale a rejeté les demandes de PSAE de M. McDougall au motif que, en l’absence d’évaluations des risques psychiatriques et psychologiques, elle n’était pas convaincue que les permissions de sortir proposées ne présentaient aucun risque inacceptable pour la société.

 

[21]           Le même jour où la décision de la directrice intérimaire a été rendue, la CNLC a ajourné administrativement l’audience relative à l’examen de la demande de semi‑liberté de M. McDougall pendant deux mois, en attendant que la CNLC reçoive les évaluations à jour des risques psychiatriques et psychologiques.

 

VI. Position des parties

[22]           Le demandeur sollicite un jugement déclarant que :

a.       les PSAE ne sont pas une forme de libération conditionnelle;

b.      la loi n’autorise qu’un seul ajournement d’au plus deux mois à l’égard d’un examen d’une demande de libération lorsque la CNLC a besoin de plus de renseignements ou de temps pour rendre sa décision;

c.       la loi ne confère ni au SCC ni à la CNLC le pouvoir de subordonner une décision relative à une mise en liberté conditionnelle d’un détenu purgeant une peine d’emprisonnement à vie à une évaluation de sa santé mentale.

 

[23]           Le demandeur prétend que, bien que deux tribunaux administratifs distincts aient conclu, dans le contexte de deux décisions distinctes, que les détenus devaient subir des évaluations psychiatrique et psychologique avant de prendre une décision définitive, ces tribunaux avaient rendu leurs décisions en même temps et pour la même « raison tactique » : obliger le demandeur à subir des tests psychiatriques et psychologiques. M. McDougall soutient qu’il avait participé aux évaluations de sa santé mentale seulement en raison de la pression coercitive que représente la privation de liberté. Il prétend que la loi ne confère aucune compétence au directeur ou à la CNLC pour subordonner l’octroi d’une PSAE ou d’une semi‑liberté à des évaluations du risque. Le demandeur précise qu’il ne s’était pas prévalu de tous les recours internes à sa disposition étant donné qu’il ne croyait ni à leur efficacité ni à leur équité.

 

[24]           Le défendeur fait valoir que la présente demande de contrôle judiciaire est mal fondée sur le plan procédural pour de nombreuses raisons. Premièrement, la demande est théorique puisque le demandeur avait déjà subi les évaluations psychiatrique et psychologique requises en juin 2010. Deuxièmement, la demande a pour but de contester deux décisions différentes, rendues par deux tribunaux administratifs différents, qui ne peuvent pas être contestées ensemble. Troisièmement, le demandeur n’avait pas épuisé tous les recours internes avant d’introduire la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[25]           Quant au fond de la demande, le défendeur prétend que la demande est dénuée de fondement et devrait être rejetée. La directrice intérimaire et la CNLC avaient toutes deux la compétence voulue pour exiger des évaluations des risques psychiatriques et psychologiques; en outre, tant la directrice intérimaire que la CNLC ont rendu des décisions raisonnables dans les limites de leurs compétences respectives.

 

VII. Questions en litige

[26]           (1)  La présente demande devrait‑elle être rejetée de manière préliminaire parce qu’elle est mal fondée sur le plan procédural?

(2)  La décision de la directrice intérimaire constituait‑elle un exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire en vertu de la LSCMLC?

(3)  L’ajournement de la CNLC constituait‑il un exercice raisonnable de son pouvoir d’ajourner une audience pour examiner une demande de semi‑liberté?

 

VIII. Dispositions législatives applicables

[27]           L’article 17 de la LSCMLC permet la libération conditionnelle d’un détenu d’un établissement pénitentiaire fédéral au moyen d’une PSAE :

Permission de sortir avec escorte

 

17.      (1) Sous réserve de l’article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le directeur du pénitencier peut autoriser un délinquant à sortir si celui‑ci est escorté d’une personne — agent ou autre — habilitée à cet effet par lui lorsque, à son avis :

 

a) une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

 

 

b) il l’estime souhaitable pour des raisons médicales, administratives, de compassion ou en vue d’un service à la collectivité, ou du perfectionnement personnel lié à la réadaptation du délinquant, ou pour lui permettre d’établir ou d’entretenir des rapports familiaux notamment en ce qui touche ses responsabilités parentales;

 

c) la conduite du détenu pendant la détention ne justifie pas un refus;

 

 

d) un projet structuré de sortie a été établi.

 

La permission est accordée soit pour une période maximale de cinq jours ou, avec l’autorisation du commissaire, de quinze jours, soit pour une période indéterminée s’il s’agit de raisons médicales.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conditions

 

(2) Le directeur peut assortir la permission des conditions qu’il juge raisonnables et nécessaires en ce qui touche la protection de la société.

 

 

Annulation de la permission

 

(3) Il peut annuler la permission même avant la sortie.

 

 

Motifs

 

(4) Le cas échéant, le directeur communique, par écrit, au détenu les motifs de l’autorisation, du refus ou de l’annulation de la permission.

 

 

Temps nécessaire aux déplacements

 

(5) La durée de validité de la permission ne comprend pas le temps que peut accorder le directeur pour les déplacements entre le lieu de détention et la destination du détenu.

 

 

Délégation au responsable d’un hôpital

 

(6) Le directeur peut, aux conditions et pour la durée qu’il estime indiquées, déléguer au responsable d’un hôpital sous administration provinciale où la liberté des personnes est normalement soumise à des restrictions l’un ou l’autre des pouvoirs que lui confère le présent article à l’égard des détenus admis dans l’hôpital aux termes d’un accord conclu conformément au paragraphe 16(1).

 

 

Temporary absences may be authorized

 

17.      (1) Where, in the opinion of the institutional head,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) an inmate will not, by reoffending, present an undue risk to society during an absence authorized under this section,

 

(b) it is desirable for the inmate to be absent from penitentiary, escorted by a staff member or other person authorized by the institutional head, for medical, administrative, community service, family contact, personal development for rehabilitative purposes, or compassionate reasons, including parental responsibilities,

 

(c) the inmate’s behaviour while under sentence does not preclude authorizing the absence, and

 

(d) a structured plan for the absence has been prepared,

the absence may, subject to section 746.1 of the Criminal Code, subsection 140.3(2) of the National Defence Act and subsection 15(2) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act, be authorized by the institutional head

 

(e) for an unlimited period for medical reasons, or

 

(f) for reasons other than medical,

 

(i) for a period not exceeding five days, or

(ii) with the Commissioner’s approval, for a period exceeding five days but not exceeding fifteen days.

 

Conditions

 

(2) The institutional head may impose, in relation to a temporary absence, any conditions that the institutional head considers reasonable and necessary in order to protect society.

 

Cancellation

 

(3) The institutional head may cancel a temporary absence either before or after its commencement.

 

Reasons to be given

 

(4) The institutional head shall give the inmate written reasons for the authorizing, refusal or cancellation of a temporary absence.

 

Travel time

 

 

(5) In addition to the period authorized for the purposes of a temporary absence, an inmate may be granted the time necessary to travel to and from the place where the absence is authorized to be spent.

 

Delegation to provincial hospital

 

(6) Where, pursuant to an agreement under paragraph 16(1)(a), an inmate has been admitted to a hospital operated by a provincial government in which the liberty of patients is normally subject to restrictions, the institutional head may confer on the person in charge of the hospital, for such period and subject to such conditions as the institutional head specifies, any of the institutional head’s powers under this section in relation to that inmate.

 

[28]           Les articles 101 et 102 traitent des principes directeurs ainsi que des critères que la CNLC doit respecter lorsqu’elle accorde une libération conditionnelle :

Principes

 

 

101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l’exécution de leur mandat par les principes qui suivent :

 

a) la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;

 

b) elles doivent tenir compte de toute l’information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

 

c) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l’échange de renseignements utiles au moment opportun avec les autres éléments du système de justice pénale d’une part, et par la communication de leurs directives d’orientation générale et programmes tant aux délinquants et aux victimes qu’au public, d’autre part;

 

d) le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;

 

e) elles s’inspirent des directives d’orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en œuvre de ces directives;

 

f) de manière à assurer l’équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.

 

Critères

 

102. La Commission et les commissions provinciales peuvent autoriser la libération conditionnelle si elles sont d’avis qu’une récidive du délinquant avant l’expiration légale de la peine qu’il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société et que cette libération contribuera à la protection de celle‑ci en favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.

Principles guiding parole boards

 

101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

 

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the determination of any case;

 

(b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

 

 

(c) that parole boards enhance their effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with other components of the criminal justice system and through communication of their policies and programs to offenders, victims and the general public;

 

 

 

 

(d) that parole boards make the least restrictive determination consistent with the protection of society;

 

(e) that parole boards adopt and be guided by appropriate policies and that their members be provided with the training necessary to implement those policies; and

 

 

(f) that offenders be provided with relevant information, reasons for decisions and access to the review of decisions in order to ensure a fair and understandable conditional release process.

 

 

Criteria for granting parole

 

102. The Board or a provincial parole board may grant parole to an offender if, in its opinion,

 

(a) the offender will not, by reoffending, present an undue risk to society before the expiration according to law of the sentence the offender is serving; and

 

(b) the release of the offender will contribute to the protection of society by facilitating the reintegration of the offender into society as a law‑abiding citizen.

 

[29]           L’article 122 de la LSCMLC traite de l’examen par la CNLC des demandes de semi‑liberté :

Examen : semi‑liberté

 

122.      (1) Sur demande des intéressés, la Commission examine, au cours de la période prévue par règlement, les demandes de semi‑liberté.

 

 

 

 

 

Cas spéciaux

 

(2) Elle peut également le faire dans les mêmes conditions, dans le cas des délinquants qui purgent une peine de deux ans ou plus dans un établissement correctionnel provincial dans une province où aucun programme de semi‑liberté visant cette catégorie de délinquants n’a été mis sur pied.

 

 

Décision

 

(3) Lors de l’examen, la Commission accorde ou refuse la semi‑liberté, ou diffère sa décision pour l’un des motifs prévus par règlement; la durée de l’ajournement doit être la plus courte possible compte tenu du délai réglementaire.

 

 

 

 

Nouvelle demande

 

(4) En cas de refus, le délinquant doit, pour présenter une nouvelle demande, attendre l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date du refus ou du délai inférieur que fixent les règlements ou détermine la Commission.

 

Durée maximale

 

(5) La semi‑liberté est accordée pour une période maximale de six mois; elle peut être prolongée pour des périodes additionnelles d’au plus six mois chacune après réexamen du dossier.

 

Retrait de la demande

 

(6) Le délinquant peut retirer sa demande tant que la Commission n’a pas commencé l’examen de son dossier.

 

Day parole review

 

122.      (1) Subject to subsection 119(2), the Board shall, on application, at the time prescribed by the regulations, review, for the purpose of day parole, the case of every offender other than an offender referred to in subsection (2).

 

Special cases

 

(2) The Board may, on application, at the time prescribed by the regulations, review, for the purpose of day parole, the case of an offender who is serving a sentence of two years or more in a provincial correctional facility in a province in which no program of day parole has been established for that category of offender.

 

Decision or adjournment

 

(3) With respect to a review commenced under this section, the Board shall decide whether to grant day parole, or may adjourn the review for a reason authorized by the regulations and for a reasonable period not exceeding the maximum period prescribed by the regulations.

 

Renewal of application

 

(4) Where the Board decides not to grant day parole, no further application for day parole may be made until six months after the decision or until such earlier time as the regulations prescribe or the Board determines.

 

Maximum duration

(5) Day parole may be granted to an offender for a period not exceeding six months, and may be continued for additional periods not exceeding six months each following reviews of the case by the Board.

 

Withdrawal of application

 

(6) An offender may withdraw an application for day parole at any time before the commencement of the review under this section.

 

[30]           Le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620 [RSCMLC], prévoit des détails supplémentaires en ce qui a trait à l’ajournement des examens de demandes de semi‑liberté et à l’autorisation des PSAE par l’autorité compétente :

Permissions de sortir sans surveillance

 

155. Pour l’application des articles 116 et 117 de la Loi, l’autorité compétente peut accorder au délinquant une permission de sortir sans surveillance dans l’un des cas suivants :

 

a) pour des raisons médicales, afin de lui permettre de subir un examen ou un traitement médical qui ne peut raisonnablement être effectué au pénitencier;

 

b) pour des raisons administratives, afin de lui permettre de vaquer à des affaires personnelles importantes ou juridiques, ou à des affaires concernant l’exécution de sa peine;

 

 

c) à des fins de service à la collectivité, afin de lui permettre de faire du travail bénévole pour un établissement, un organisme ou une organisation à but non lucratif ou au profit de la collectivité toute entière;

 

d) à des fins de rapports familiaux, afin de lui permettre d’établir et d’entretenir des liens avec sa famille pour qu’elle l’encourage durant sa détention et, le cas échéant, le soutienne à sa mise en liberté;

 

e) à des fins de responsabilités parentales, afin de lui permettre de s’occuper de questions concernant le maintien de la relation parent‑enfant, y compris les soins, l’éducation, l’instruction et les soins de santé, lorsqu’il existe une telle relation entre le délinquant et l’enfant;

 

f) pour du perfectionnement personnel lié à sa réadaptation, afin de lui permettre de participer à des activités liées à un traitement particulier dans le but de réduire le risque de récidive ou afin de lui permettre de participer à des activités de réadaptation, y compris les cérémonies culturelles ou spirituelles propres aux autochtones, dans le but de favoriser sa réinsertion sociale à titre de citoyen respectueux des lois;

 

 

g) pour des raisons humanitaires, afin de lui permettre de s’occuper d’affaires urgentes concernant des membres de sa famille immédiate ou d’autres personnes avec lesquelles il a une relation personnelle étroite.

 

[...]

 

Examens de demandes de semi‑liberté

 

157.      (1) La demande de mise en semi‑liberté faite en vertu des paragraphes 122(1) ou (2) de la Loi doit être présentée à la Commission au plus tard six mois avant l’expiration des deux tiers de la peine d’emprisonnement du délinquant.

 

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission doit examiner le cas du délinquant qui présente une demande de mise en semi‑liberté conformément au paragraphe (1) dans les six mois suivant la réception de la demande, mais elle n’est pas tenue de le faire plus de deux mois avant la date de l’admissibilité du délinquant à la semi‑liberté.

 

(3) Avec l’accord du délinquant, la Commission peut reporter l’examen visant une mise en semi‑liberté.

 

(4) La Commission peut ajourner, pour une période d’au plus deux mois, l’examen visant une mise en semi‑liberté lorsque, selon le cas, elle a besoin :

 

a) de plus de renseignements pertinents;

 

b) de plus de temps pour prendre une décision.

Unescorted Temporary Absences

 

155. For the purposes of sections 116 and 117 of the Act, the releasing authority may authorize an unescorted temporary absence of an offender

 

 

(a) for medical reasons to allow the offender to undergo medical examination or treatment that cannot reasonably be provided in the penitentiary;

 

(b) for administrative reasons to allow the offender to attend to essential personal affairs or legal matters or to matters related to the administration of the sentence that the offender is serving;

 

(c) for community service purposes to allow the offender to undertake voluntary activity with a non‑profit community institution, organization or agency, or for the benefit of the community as a whole;

 

(d) for family contact purposes to assist the offender in maintaining and strengthening family ties as a support to the offender while in custody and as a potential community resource on the offender’s release;

 

(e) for parental responsibility reasons to allow the offender to attend to matters related to the maintenance of a parent‑child relationship, including care, nurture, schooling and medical treatment, where such a relationship exists between the offender and the child;

 

 

(f) for personal development for rehabilitative purposes to allow the offender to participate in specific treatment activities with the goal of reducing the risk of the offender re‑offending, and to allow the offender to participate in activities of a rehabilitative nature, including cultural and spiritual ceremonies unique to Aboriginal peoples, with the goal of assisting the reintegration of the offender into the community as a law‑abiding citizen; and

 

(g) for compassionate reasons to allow the offender to attend to urgent matters affecting the members of the offender’s immediate family or other persons with whom the offender has a close personal relationship.

 

 

Day Parole Reviews

 

 

157.      (1) Where an offender applies for day parole pursuant to subsection 122(1) or (2) of the Act, the application shall be submitted to the Board not later than six months before the expiration of two thirds of the term of imprisonment to which the offender was sentenced.

 

(2) Subject to subsection (3), the Board shall review the case of an offender who applies, in accordance with subsection (1), for day parole within six months after receiving the application, but in no case is the Board required to review the case before the two months immediately preceding the offender’s eligibility date for day parole.

 

(3) The Board may postpone a day parole review with the consent of the offender.

 

(4) The Board may adjourn a day parole review for a period of not more than two months where the Board requires

 

 

(a) further information relevant to the review; or

 

(b) further time to render a decision.

 

[31]           Conformément à sa compétence en vertu des articles 97 et 98 de la LSCMLC, le commissaire du SCC a émis des directives relatives aux libertés conditionnelles :

Règles d’application

 

97. Sous réserve de la présente partie et de ses règlements, le commissaire peut établir des règles concernant :

 

a) la gestion du Service;

 

 

b) les questions énumérées à l’article 4;

 

c) toute autre mesure d’application de cette partie et des règlements.

 

 

Directives du commissaire

 

Nature

98.      (1) Les règles établies en application de l’article 97 peuvent faire l’objet de directives du commissaire.

 

 

Publicité

 

(2) Les directives doivent être accessibles et peuvent être consultées par les délinquants, les agents et le public.

 

Rules

 

97. Subject to this Part and the regulations, the Commissioner may make rules

 

 

(a) for the management of the Service;

 

(b) for the matters described in section 4; and

 

(c) generally for carrying out the purposes and provisions of this Part and the regulations.

 

Commissioner’s Directives

 

98.      (1) The Commissioner may designate as Commissioner’s Directives any or all rules made under section 97.

 

Accessibility

 

(2) The Commissioner’s Directives shall be accessible to offenders, staff members and the public.

 

[32]           Les Directives du commissaire (DC) 710‑3 et 712‑1 sont particulièrement pertinentes en l’espèce et seront examinées de plus près dans l’analyse de la Cour ci‑dessous.

 

IX. Norme de contrôle

[33]           Dans la décision Bonamy c. Canada (Procureur général), 2010 CF 153, 8 Admin LR (5th) 221 (la décision Bonamy), la Cour a renvoyé à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (l’arrêt Dunsmuir), en ce qui a trait à la norme de contrôle applicable :

[41]      L’arrêt Dunsmuir […], par. 62, a établi un processus en deux étapes pour déterminer la norme de contrôle. Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.

 

[34]           Les parties ne s’entendent pas quant à la norme de contrôle applicable. Le demandeur prétend que la norme de contrôle appropriée est la norme de la décision correcte, alors que le défendeur fait valoir que les décisions devraient être examinées selon la norme de la décision raisonnable, qui commande la retenue.

 

[35]           La présente affaire pourrait soulever trois questions distinctes : la conception procédurale de l’affaire, les limites de la compétence conférée par la loi à l’établissement du directeur et à la CNLC et, enfin, le contrôle judiciaire des décisions elles‑mêmes. Pour examiner le pouvoir discrétionnaire du directeur en vertu de la LSCMLC et le pouvoir de la CNLC d’ajourner un examen d’une demande de semi‑liberté relativement au jugement déclaratoire demandé par le demandeur, la Cour pouvait se fonder sur la norme de la décision correcte qu’il convient d’appliquer à une question d’interprétation législative (Dixon c. Canada (Procureur général), 2008 CF 889, au par. 10, 331 F.T.R. 214).

 

[36]           Néanmoins, la présente affaire traite principalement du contrôle judiciaire des décisions de la directrice intérimaire et de la CNLC. La norme de la décision raisonnable sera appliquée par la Cour à l’égard des décisions relatives aux PSAE et à la semi‑liberté. En ce qui concerne l’examen du bien‑fondé des deux décisions, qui constituent, en fait, les principales questions que notre Cour doit trancher, la Cour a, dans la décision Gagné c. Canada (Service correctionnel), 2010 CF 355, appliqué la norme de la décision raisonnable lors du contrôle judiciaire d’une décision rejetant une demande de PSAE au motif que le demandeur pourrait présenter un risque inacceptable pour la société :

[7]        Le paragraphe 17(1) de la Loi prévoit que le directeur d’un pénitencier « peut » octroyer une PSAE à un détenu, lorsque, à son avis :

 

a) une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

 

b) il l’estime souhaitable pour des raisons médicales, administratives, de compassion ou en vue d’un service à la collectivité, ou du perfectionnement personnel lié à la réadaptation du délinquant, ou pour lui permettre d’établir ou d’entretenir des rapports familiaux notamment en ce qui touche ses responsabilités parentales;

 

c) la conduite du détenu pendant la détention ne justifie pas un refus;

 

d) un projet structuré de sortie a été établi.

 

[8]        L’emploi du verbe « peut » dans la clause introductive de cette disposition indique que le législateur a voulu que le pouvoir d’octroyer une PSAE soit discrétionnaire (voir l’article 11 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21), bien qu’il ait adopté des critères qui doivent guider l’exercice de ce pouvoir.

 

[37]           Selon l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, les décisions des tribunaux administratifs doivent appartenir « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » pour être jugées raisonnables.

 

[38]           Quant au bien‑fondé de l’affaire sur le plan procédural, à savoir pour décider si la Cour doit instruire la demande de contrôle judiciaire malgré le défaut du demandeur de s’être prévalu des recours dont il disposait en vertu de la procédure de règlement des griefs, la Cour a conclu :

[12]      Aucune norme de contrôle ne s’applique à la première question. La Cour est tenue de prendre en considération les facteurs pertinents et de tirer une conclusion raisonnable sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire qu’a la Cour pour ce qui est d’entendre une demande de contrôle judiciaire lorsqu’il existe un autre recours approprié est soumis à la question de savoir s’il y a des circonstances exceptionnelles qui pourraient obliger par ailleurs la Cour à entendre une affaire malgré l’existence d’un recours subsidiaire approprié (Froom c. Canada (Ministre de la Justice), 2004 CAF 352, et McMaster c. Canada (Procureur général), 2008 CF 647, aux par. 23 et 27).

 

(Spidel c. Canada (Procureur général), 2010 CF 1028).

 

X. Analyse

(1)  La présente demande devrait‑elle être rejetée de façon préliminaire parce qu’elle est mal fondée sur le plan procédural?

 

[39]           Le défendeur fait valoir de nombreux motifs pour expliquer pourquoi la demande de contrôle judiciaire devrait être considérée comme mal fondée sur le plan procédural.

 

a) Deux décisions distinctes

 

[40]           Le défendeur prétend que la demande de M. McDougall a pour but de contester deux décisions distinctes rendues en vertu de dispositions législatives différentes, ce qui est contraire à l’article 302 des Règles des cours fédérales, DORS/98‑106 :

302. Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

302. Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

 

 

[41]           Dans une affaire où elle était saisie du contrôle judiciaire de deux décisions, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument du demandeur qui avait fait valoir que l’une des décisions « n’a[vait] pas de dynamique propre » et était accessoire à la décision principale :

[26]      La réalité, cependant, c’est que des mesures conservatoires ne sont pas nécessairement prises au cours de chaque enquête. De telles mesures visent à « assurer la sauvegarde d’un actif », ce qui présuppose que des biens sont en péril. Notre Cour, dans la décision Tremblay c. Canada (Surintendant des faillites) (2001), 277 N.R. 376 (C.A.F.) a statué, à la page 9, « [qu’une] personne qui recourt ou désire recourir à des mesures conservatoires doit avoir des motifs raisonnables de croire que les actifs sont menacés et qu’il est nécessaire d’assurer leur sauvegarde ». Les mesures conservatoires répondent à des critères différents de ceux sur lesquels repose l’enquête elle‑même. Dans certains cas, il est concevable que des mesures conservatoires soient annulées lors même que l’enquête est jugée valide. Pour ces motifs, la décision de prendre des mesures conservatoires est distincte de celle d’enquêter.

 

(Pfeiffer c. Canada (Surintendant des faillites), 2004 CAF 192, 131 ACWS (3d) 382).

 

[42]           En outre, notre Cour a expressément déclaré qu’une seule décision peut être contestée par demande, même dans le cas où la demande prend la forme d’un jugement déclaratoire :

[37]      En vertu de la Règle 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, une seule décision doit être attaquée dans une demande de contrôle judiciaire même si le présent recours revêt la forme d’un jugement déclaratoire. Comme le recours vise principalement la Directive du commissaire du SCC, la Cour ne se prononcera pas sur toute autre politique ou règle du commissaire interdisant de fumer à l’intérieur des cellules et des installations pour VFP et se limitera donc à la Directive.

 

(Boucher c. Canada (Procureur général), 2007 CF 893, 325 F.T.R. 122; dans un dossier similaire mais non identique en ce qui a trait à la question de savoir où commence et où finit le respect des droits : Mercier c. Canada (Service correctionnel), 2010 CAF 167, 320 D.L.R. (4th) 429).

 

[43]           Sur la question des ordonnances distinctes, le demandeur soutient que les deux décisions n’étaient tout simplement que des tactiques par lesquelles les tribunaux l’ont contraint à subir des évaluations concernant sa santé mentale. La Cour n’est pas d’accord avec la présomption tirée par le demandeur; de plus, la directrice intérimaire et la CNLC ont rendu leurs décisions respectives dans deux contextes totalement différents et distincts :

[24]      Il est sans doute vrai qu’il y a des exceptions à la règle voulant qu’une demande de contrôle judiciaire soit limitée à une seule ordonnance, mais je ne crois pas que les faits sous‑tendant la présente demande exigent une telle exception. En particulier, je ne puis voir comment la décision du ministre de désigner l’arbitre et la décision rendue par l’arbitre peuvent être assimilées à une procédure continue. Au contraire, il me semble s’agir de deux décisions distinctes d’une nature tout à fait différente. Une décision est administrative et discrétionnaire, et l’autre est quasi judiciaire et circonscrite par les principes juridiques [qui] s’appliquent à la preuve.

 

(Banque de Montréal c. Brown, 2006 CF 503, 291 F.T.R. 71 (Banque de Montréal, 2006 CF 503), confirmé par 2007 CAF 23, 155 A.C.W.S. (3d) 2).

 

[44]           La Cour convient entièrement avec le défendeur qu’elle pourrait rejeter la présente demande de façon préliminaire. De plus, en vertu de l’article 301 des Règles des Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, le défendeur affirme que le mémoire du demandeur contient une nouvelle allégation concernant une autre réparation qui ne figurait pas dans l’avis de demande, soit une déclaration selon laquelle la CNLC ne peut pas ajourner l’examen de la demande de semi‑liberté en attendant des évaluations du risque. La Cour doit traiter de ce nouvel argument :

[26]      Comme le juge Gibson l’a signalé au paragraphe 9 de la décision Arona c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 24 :

 

[L]e principe selon lequel la Cour ne traitera que des motifs de contrôle invoqués par le demandeur dans l’avis de requête introductif d’instance et l’affidavit à l’appui doit, à mon avis, s’appliquer. Si, comme en l’espèce, le demandeur pouvait invoquer de nouveaux motifs de contrôle dans son mémoire, le défendeur subirait vraisemblablement un préjudice du fait qu’il n’aurait pas eu la possibilité de répondre à ce nouveau motif dans son affidavit ou, à tout le moins, encore une fois comme en l’espèce, d’envisager de produire un affidavit traitant de la nouvelle question. Par conséquent, je conclus que la deuxième question soulevée par le demandeur n’a pas été soumise régulièrement à la Cour.

 

(décision Banque de Montréal, 2006 CF 503, précitée).

 

[45]           Dans la présente affaire, la Cour reconnaît que la compétence de la CNLC en ce qui a trait à l’ajournement est indiquée dans les motifs mêmes de l’avis de demande. Si la demande avait été incomplète, la Cour aurait pu permettre aux parties d’apporter les modifications nécessaires; cependant, comme dans la décision Banque de Montréal, 2006 CF 503, précitée, cela ne sera pas nécessaire, pour des raisons qui vont de soi expliquées ci‑dessous.

 

b) La décision est théorique

 

[46]           Selon le défendeur, la présente demande de contrôle judiciaire ne sert aucune fin pratique étant donné que M. MacDougall a déjà subi des évaluations des risques psychiatriques et psychologiques, et la CNLC les avait ensuite examinées en août 2010 et s’était fondée sur elles pour rejeter la demande de semi‑liberté du demandeur. Pour des motifs similaires, le juge Harrington a rejeté, le 1er septembre 2010, une demande d’injonction interlocutoire du demandeur en raison de sa nature théorique, pour tenir compte du fait que l’audience de la CNLC avait déjà eu lieu.

 

[47]           Le demandeur prétend que l’affaire n’est pas théorique puisque la directrice intérimaire et la CNLC exigeront d’autres évaluations de la santé mentale dans le futur, dans le cadre de procédures ultérieures comme les PSAE ou autres demandes de semi‑liberté. Notre Cour a déjà examiné la doctrine du caractère théorique dans une affaire similaire; il s’agissait toutefois dans cette affaire d’une procédure de règlement des griefs :

[35]      Selon la doctrine relative au caractère théorique, un tribunal peut refuser de trancher une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. La question du caractère théorique s’applique quand une décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre une controverse qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Toutefois, même lorsqu’une affaire devient théorique, un tribunal peut toujours décider de rendre un jugement dans certaines circonstances. L’arrêt clé sur le sujet est Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342.

 

(décision Bonamy, précitée)

 

[48]           Dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, 57 D.L.R. (4th) 231, la Cour suprême du Canada a établi une analyse en deux étapes concernant les affaires théoriques :

15        La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut [sic] refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer. J’examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d’exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

 

16        La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire. La jurisprudence n’indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s’applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s’il s’applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d’entendre. Pour être précis, je considère qu’une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel ». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s’il estime que les circonstances le justifient.

 

[49]           Là encore, la Cour convient avec le défendeur qu’elle pourrait rejeter la présente demande de façon préliminaire; néanmoins, la Cour analysera l’affaire plus à fond, car elle reconnaît qu’on pourrait considérer, eu égard à la situation, que l’intervention de la Cour fédérale ne serait pas justifiée à l’étape préliminaire. La Cour a évidemment décidé de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour instruire l’affaire.

 

c) Recours internes possibles

[50]           Le demandeur ne s’est pas prévalu de tous les recours internes dont il disposait avant de présenter sa demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale : « [I]l est bien établi que la Cour ne peut être saisie d’une affaire tant qu’il existe un autre recours approprié » (Bakayoko c. Bell Nexxia, 2004 CF 1408, au par. 32, 262 F.T.R. 192).

 

d) Décision de la CNLC

[51]           Le demandeur ne s’est pas prévalu de tous les recours dont il disposait, notamment l’appel de la décision de la CNLC devant la Section d’appel de la CNLC. La Section d’appel de la CNLC détient de vastes pouvoirs en matière d’appel, ce qui inclut le pouvoir d’examiner les manquements à la procédure et les erreurs de droit (par. 147(1) de la LSCMLC). Dans la décision Lafontaine c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 495, aux paragraphes 11 à 15, 205 F.T.R. 68, le juge Pierre Blais précise que le demandeur dans cette affaire pouvait interjeter appel devant la Section d’appel de la CNLC et que tous les appels doivent être épuisés avant de présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

 

[52]           Le demandeur a tenu à préciser qu’il n’avait pas interjeté appel de la décision de la CNLC devant la Section d’appel de celle‑ci. Il soutient qu’il a évité la procédure interne car celle‑ci était [traduction] « inutile », étant donné que de nombreux détenus avaient épuisé leurs recours internes mais sans résultat. M. McDougall est d’avis que [traduction] « [t]ous les membres de la CNLC sont interchangeables d’une division à l’autre et ont contribué à l’élaboration des politiques; il est donc peu probable que la Section d’appel contredise son président » (Mémoire des faits et du droit du demandeur, au par. 34).

 

[53]           Dans son affidavit même, M. MacDougall fait valoir ce qui suit :

            [traduction]

4.   En février 2004, alors que j’étais détenu à Matsqui, un pénitencier à sécurité moyenne à Abbotsford, en Colombie‑Britannique, j’ai entendu parler de la politique de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC), qui exige des condamnés à perpétuité de se soumettre à une évaluation psychiatrique avant d’être admissibles à une libération conditionnelle. J’ai entendu dire que beaucoup d’hommes ont été détenus sans avoir subi d’examen bien après leur date d’admissibilité parce que la CNLC ajournait régulièrement et de façon répétitive les audiences relatives aux examens des demandes des contrevenants purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité pour qui les évaluations psychiatriques n’étaient pas disponibles.

 

[...]

 

50. J’ai envisagé d’interjeter appel devant la Section d’appel de la CNLC, mais j’ai décidé de m’abstenir pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, si je comprends bien, lorsque j’interjette appel, la Section d’appel demande mon dossier complet aux fins d’examen. Ces examens prennent, d’après mon expérience, environ cinq mois. Étant donné que l’ajournement ne dure que deux mois, une décision favorable au bout de cinq mois n’est pas un recours adéquat. Inversement, si les rapports d’évaluation sont disponibles et que la CNLC est prête à examiner mon cas en juillet, elle serait incapable de le faire tant et aussi longtemps que la Section d’appel examine mes dossiers. Et quoi ensuite, un autre ajournement, pour attendre que la Section d’appel retourne mes dossiers? De plus, la CNLC a eu amplement l’occasion d’examiner ces questions et là encore, je me sens obligé d’entamer la présente procédure.

 

(Dossier du demandeur, affidavit de Warren McDougall, daté du 21 juin 2010)

 

[54]           La Cour ne souscrit pas aux arguments du demandeur sur le prétendu caractère inadéquat du processus interne du tribunal administratif. Le demandeur aurait dû se prévaloir de tous les recours internes avant de présenter sa demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

 

                  e) Décision de la directrice intérimaire

[55]           Pour ce qui est de la décision de la directrice intérimaire, il était loisible au demandeur de déposer un grief conformément à l’article 90 de la LSCMLC. Là encore, le demandeur prétend qu’il a offert d’aider les autres détenus à déposer des griefs dans le cadre de la procédure relative aux demandes de PSAE; il a en outre écrit au directeur Thompson pour qu’il réexamine la décision de la directrice intérimaire. Le directeur Thompson a confirmé la décision le 27 mai 2010.

 

[56]           La Cour a déclaré, à de nombreuses occasions, que la procédure de règlement des griefs de la CNLC constitue un recours valable dont le demandeur devrait se prévaloir avant de présenter une demande de contrôle judiciaire :

[32]      Il a été bien établi par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale que, en adoptant la Loi et le Règlement, le législateur et le gouverneur en conseil ont institué un régime complet régissant le traitement des griefs déposés par les détenus incarcérés dans des établissements fédéraux, et ce régime de règlement des griefs constitue un autre recours valable, qui conduira en général la Cour fédérale à se déclarer incompétente pour entendre une demande de contrôle judiciaire tant que le détenu n’aura pas épuisé cet autre recours (voir Condo c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. n° 310; Giesbrecht c. Canada, [1998] A.C.F. n° 621 (Giesbrecht); Marek c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 224; Collin c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. n° 729; McMaster c. Canada (Procureur général), 2008 CF 647 (McMaster)). Il n’est pas nécessaire que l’autre recours soit parfait; il doit être approprié (voir Froom c. Canada (Ministre de la Justice), 2004 CAF 352).

 

[33]      M. Ewert fait valoir que l’arrêt May c. Ferndale a supplanté cette jurisprudence. Je ne suis pas de cet avis, et mes collègues non plus. Je reproduis ici par exemple l’analyse faite par ma collègue la juge Dawson dans la décision McMaster, précitée, aux paragraphes 29 et 32 :

 

29        À mon avis, l’avocat a tort d’invoquer l’arrêt May. Dans cette affaire, la question portait sur la disponibilité du recours de l’habeas corpus auprès des cours supérieures provinciales en présence de l’existence du droit de solliciter un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. La majorité des juges de la Cour suprême a conclu que les détenus peuvent décider de contester la légalité d’une décision touchant leur liberté résiduelle soit devant une cour supérieure provinciale par voie d’habeas corpus, soit devant la Cour fédérale par voie de contrôle judiciaire. En tirant cette conclusion, la Cour suprême s’est appuyée, du moins en partie, sur le fait qu’historiquement, le bref d’habeas corpus n’a jamais été un recours discrétionnaire. Contrairement à un autre recours extraordinaire et au jugement déclaratoire, le bref d’habeas corpus est délivré de plein droit. À mon avis, l’arrêt May ne modifie pas l’obligation d’un détenu de recourir à la procédure interne de règlement des griefs avant de solliciter un jugement déclaratoire ou un contrôle judiciaire discrétionnaire.

 

[…]

 

32        Le paragraphe 81(1) entraîne la suspension de la procédure de règlement des griefs pendant qu’un détenu se prévaut d’un autre recours. Cette suspension prévue par le Règlement ne peut agir pour éliminer ou restreindre le pouvoir discrétionnaire de la Cour en matière de contrôle judiciaire. De même, la Cour suprême n’a rien fait de plus que reconnaître que l’existence de la procédure de règlement des griefs n’empêchait pas un détenu de se prévaloir d’un recours juridique. La cour n’a pas modifié la jurisprudence existante concernant la manière qu’une cour de révision traiterait une demande de contrôle judiciaire lorsque des procédures de grief existantes ne sont pas suivies.

 

[34]      Il n’en reste pas moins que, dans certains cas, un juge de la Cour pourra être persuadé de ne pas se déclarer incompétent pour instruire une demande de contrôle judiciaire : situation d’urgence et lacunes manifestes de la procédure de règlement des griefs. [Non souligné dans l’original]

 

(Ewert c. Canada (Procureur général), 2009 CF 971, 355 F.T.R. 170).

 

[57]           Le demandeur fait valoir que les recours internes sont inadéquats, que les membres sont, au mieux, négligents et, au pire, de mauvaise foi. Il soutient par ailleurs que la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour examiner des affaires qui lui sont présentées en vue d’un contrôle judiciaire sans exiger préalablement que les demandeurs épuisent tous les recours internes en raison de l’urgence. Dans la décision Spidel, précitée, le dossier et les arguments du demandeur sont évoqués et le nom du demandeur est clairement indiqué :

[18]      Il n’existe aucune preuve que l’issue du processus de règlement du grief du demandeur est certaine, pas plus qu’il n’y a lieu de croire que le grief ne sera pas examiné équitablement. Quoi qu’il en soit, ces prétentions ne sont pas des « circonstances exceptionnelles » qui obligent la Cour à intervenir à ce stade‑ci du processus.

 

[19]      En ce qui concerne les doléances du demandeur au sujet des retards systémiques, il vaut la peine de mentionner que rien ne donne à penser que son propre grief a été indûment retardé. Tout retard a été causé par sa demande de contrôle judiciaire, une mesure qui a pour effet de suspendre le processus de règlement des griefs. Il est donc impossible à ce stade‑ci de se plaindre d’un retard systémique quand il n’existe aucun retard.

 

[20]      Quant aux arguments du demandeur selon lesquels son grief a été contrecarré, qu’il n’a pas été transmis convenablement vers le haut de la chaîne hiérarchique et que, d’une certaine façon, son cas est lié à celui d’un autre détenu, un certain McDougal [sic], il est difficile de voir avec clarté en quoi ces arguments sont pertinents. Si le grief est traité de manière inappropriée, cela peut être rectifié au sein même du processus ou lors d’un contrôle ultérieur. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[58]           Sur la question du caractère inadéquat des recours internes et sur la question de l’urgence, la Cour n’est pas d’accord avec le demandeur. Par conséquent, le demandeur aurait dû se prévaloir de tous les recours internes avant de présenter une demande de contrôle judiciaire. Néanmoins, la Cour poursuit son examen de la demande pour démontrer à M. McDougall que, même si la Cour examinait les questions qu’il a soulevées devant la Cour fédérale, il ne serait pas plus avancé, si ce n’est, avec un peu de chance, que pour comprendre la situation dans laquelle il se retrouve et d’où il peut sortir en se prévalant des recours internes à sa disposition.

 

(2)  La décision de la directrice intérimaire constituait‑elle un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire que lui confère la LSCMLC?

 

[59]           La Cour accepte totalement la position du défendeur selon laquelle la directrice intérimaire n’aurait pas pu autoriser la sortie de M. McDougall de l’Établissement Ferndale sans qu’il ait satisfait aux conditions qui permettraient de croire qu’il ne présenterait pas un risque inacceptable pour la société :

Permission de sortir avec escorte

 

17.      (1) Sous réserve de l’article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le directeur du pénitencier peut autoriser un délinquant à sortir si celui‑ci est escorté d’une personne — agent ou autre — habilitée à cet effet par lui lorsque, à son avis :

 

a) une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

 

 

 

[...]

Temporary absences may be authorized

 

17.      (1) Where, in the opinion of the institutional head,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) an inmate will not, by reoffending, present an undue risk to society during an absence authorized under this section,

 

 

[60]           De plus, les Directives du commissaire, qui aident à fournir des renseignements détaillés au regard de l’objectif des évaluations des risques psychiatriques et psychologiques, confirment la pertinence et l’importance d’avoir à sa disposition des évaluations psychiatriques et psychologiques à jour; par conséquent, les paragraphes 62 et 66 de la DC 712‑1 ont été inclus dans une lettre datée du 8 mai 2010 (Dossier du défendeur, à la p. 35), adressée par le directeur Thompson à M. McDougall. En ce qui a trait aux évaluations des risques psychologiques et psychiatriques,

 

Le paragraphe 66 de la Directive du commissaire 712‑1 indique que « [l]orsqu’un délinquant purgeant une peine (minimale ou maximale) d’emprisonnement à perpétuité ou une peine d’une durée indéterminée présente une première demande de libération conditionnelle autre qu’une demande de permission de sortir avec escorte pour des raisons médicales ou humanitaires, il doit être soumis à une nouvelle évaluation psychiatrique ».

 

Le paragraphe 62 de la Directive du commissaire 712‑1 indique que « [l]’évaluation psychologique prélibératoire est considérée “à jour” pendant une période de deux ans ».

 

[61]           Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour ne doit examiner que la preuve soumise au tribunal administratif de première instance (Bouchard c. Canada (Procureur général), 2006 CF 775). L’évaluation psychiatrique datée du 8 décembre 1998 ainsi que l’évaluation psychologique datée du 26 novembre 2004 (Dossier du défendeur, vol. 1, aux p. 49 et 121) concernant M. McDougall constituaient les rapports les plus récents, à ce moment‑là, dont disposait la directrice intérimaire pour préparer sa décision. [Toute l’affaire découle du fait que M. McDougall ne voulait pas, à l’époque, subir des évaluations par des psychologues ou des psychiatres, car il estimait qu’il s’agissait d’une atteinte à sa personne. L’affaire s’est poursuivie en raison d’une question de principe à laquelle M. McDougall tient, à savoir que, selon son raisonnement, les détenus ne devraient pas être tenus de subir des évaluations par des psychologues et des psychiatres pour des demandes de permission de sortir.]

 

[62]           Pour ce qui est des objectifs fondamentaux de la LSCMLC et des principes directeurs énoncés dans les Directives du commissaire, il était raisonnablement loisible à la directrice intérimaire de refuser d’examiner le dossier de M. McDougall sur le seul fondement des rapports de 1998 et de 2004, lesquels étaient désuets et, par conséquent, inadéquats pour l’évaluation du risque réel; de plus, M. McDougall a lui‑même décrit ses rapports psychiatriques et psychologiques antérieurs comme étant [traduction] « désuets » (Dossier du demandeur, lettre datée du 3 mai 2010, vol. 1, à la p. 197).

 

[63]           Tant dans l’évaluation psychiatrique que l’évaluation psychologique, les professionnels de la santé ont exprimé des doutes quant au risque que posait M. McDougall. Dans son rapport psychiatrique de décembre 1998, le Dr Ian M. Postnikoff a diagnostiqué chez M. McDougall un certain nombre de troubles de la personnalité. Il l’a décrit comme étant un menteur pathologique et a indiqué que le seul regret que M. McDougall a exprimé quant au décès de la victime est le fait qu’il doit maintenant passer du temps en prison. Le rapport psychologique de novembre 2004, établi par M. Arthur Lindblad, décrit M. McDougall comme ayant réalisé des progrès mais demeurant [traduction] « relativement dépourvu d’émotions évidentes » (Dossier du défendeur, vol. 1, à la p. 135).

 

[64]           La décision de la directrice intérimaire s’appuyait sur un rapport d’évaluation complet et détaillé de 16 pages en vue d’une décision, rédigé et présenté par une équipe de gestion des cas le 28 avril 2010. Le rapport d’évaluation se penche sur le cas de M. McDougall de façon détaillée, examinant l’état de la cause, la composition de l’équipe de gestion des cas, l’évaluation des progrès et du comportement, le plan structuré pour les permissions de sortir proposées ainsi que l’analyse des risques (Dossier du défendeur, vol. 1, aux p. 4 à 19).

 

[65]           M. McDougall fait également valoir que tant la directrice intérimaire que la CNLC avaient tenté, dans leur décision respective, de l’obliger à subir un traitement en santé mentale plutôt que, selon lui, des évaluations. Dans la décision Benoit c. Canada (Procureur général), 2007 CF 150, 63 Admin. L.R. (4th) 92, la Cour établit une distinction entre une évaluation du risque et un traitement médical, ce qui n’a pas encore été reconnu par M. McDougall :

[17]      Je suis d’accord avec l’avocat du défendeur que la distinction établie par le commissaire adjoint est reconnue par la Cour. Je cite plus particulièrement la décision Comité chargé du bien‑être des détenus établissement William Head c. Canada (Procureur général), 2003 CF 870, dans laquelle la juge Tremblay‑Lamer a énoncé les arguments aux paragraphes 4 et 5 de sa décision et ses conclusions aux paragraphes 9 à 15, que je cite tous ci‑après :

 

[…]

 

[9]        Les évaluations du risque constituent l’une des façons permettant d’atteindre cet objectif. Les employés du SCC doivent évaluer le risque que présente un délinquant pendant qu’il est incarcéré et avant sa mise en liberté, afin de protéger le public et d’atteindre les objectifs législatifs de la Loi.

 

[10]      Il faut faire une distinction importante entre les évaluations médicales et psychologiques qui sont effectuées au profit du délinquant ou pour établir un diagnostic (actes qui ont trait à la santé mentale) et les évaluations du risque qui sont effectuées aux fins de la protection du public.

 

[11]      D’autre part, le SCC est tenu d’administrer les soins de santé au profit des détenus. Cette obligation est énoncée aux articles 85 à 88 de la Loi. Pour faire quoi que ce soit dans le domaine des soins de santé, y compris, une évaluation psychologique, un diagnostic ou un traitement touchant un détenu, le SCC doit obtenir un consentement éclairé.

 

[12]      D’autre part, le SCC s’est vu confier le mandat législatif d’évaluer le risque afin de protéger le public. Les évaluations du risque n’exigent pas un consentement éclairé. Pareille exigence empêcherait le SCC de s’acquitter du mandat législatif qui lui incombe de protéger le public étant donné qu’il se pourrait que, dans bien des cas, le consentement ne soit pas donné.

 

[13]      La Loi renferme maints exemples montrant que les employés du SCC doivent procéder à une évaluation du risque afin de prendre une décision qui touche la sécurité du public. Mentionnons notamment les décisions relatives à l’autorisation accordée dans le cas d’une permission de sortir sans surveillance dans la collectivité, du placement à l’extérieur, de la mise en liberté sous condition et de l’octroi de la libération conditionnelle.

 

[14]      Contrairement aux prétentions du demandeur, une évaluation du risque et une évaluation PCL‑R (liste type de psychopathie révisée) sont deux choses différentes. L’évaluation PCL‑R a été élaborée par M. Hare; on y a recours pour évaluer les troubles de personnalité psychopathique chez les délinquants. Ces renseignements peuvent servir à prédire les récidives qui, de leur côté, peuvent servir à quantifier le degré de risque qu’un délinquant présente pour la société. La notation PCL‑R ne constitue qu’un type de notation ou d’échelle dont il peut être fait mention dans une évaluation du risque. Les évaluations du risque peuvent comprendre de nombreuses autres notations ou échelles, et il n’est pas nécessaire qu’il y soit fait mention d’une notation PCL‑R.

 

[15]      En résumé, les évaluations du risque auxquelles procède le SCC ne sont pas des évaluations psychologiques ou des évaluations relatives aux soins de santé ou au traitement destinées à établir un diagnostic ou à déterminer si un délinquant doit être soumis à des soins de santé ou à un traitement. Les évaluations du risque sont un moyen permettant de déterminer si un délinquant risque de récidiver ou s’il peut présenter un danger pour lui‑même, pour les autres détenus, pour les membres du personnel et pour le public. Il serait impossible de s’acquitter de ce mandat s’il fallait obtenir le consentement du délinquant avant de procéder à une évaluation du risque étant donné qu’il se pourrait que, dans bien des cas, le consentement ne soit pas donné.

 

[18]      Cette décision traite clairement de la question et concorde avec l’objectif légal du système correctionnel fédéral qui est de contribuer à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale.

 

 

(On cite aussi la décision Canada (Procureur général) c. Grover, 2007 CF 28, 307 F.T.R. 294, sur des questions similaires, confirmée par 2008 CAF 97, 165 A.C.W.S. (3d) 96).

 

[66]           Étant donné que M. McDougall a des antécédents de crimes violents et qu’on avait déjà diagnostiqué chez lui des troubles de la personnalité, il était raisonnable que la directrice intérimaire décide que M. McDougall devait subir des évaluations du risque psychologique et du risque psychiatrique avant de lui accorder une PSAE et, par conséquent, qu’elle rejette les demandes de PSAE en l’absence de ces évaluations.

 

(3)  L’ajournement de la CNLC constituait‑il un exercice raisonnable de son pouvoir d’ajourner une audience pour examiner une demande de semi‑liberté?

 

[67]           Lorsque la CNLC a la compétence d’accorder une semi‑liberté, elle est tenue de mener une évaluation valable du risque et d’évaluer la possibilité d’« un risque inacceptable pour la société » (art. 102 de la LSCMLC); de plus, le Manuel des politiques de la CNLC examine l’objectif des évaluations des risques psychologiques et psychiatriques au regard des décisions de la CNLC :

Les évaluations professionnelles effectuées par des psychologues et des psychiatres peuvent fournir des renseignements essentiels au sujet de la santé mentale d’un délinquant ainsi que sur des caractéristiques du comportement et d’autres facteurs de risque qui peuvent aider les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles à se prononcer sur l’à‑propos de la mise en liberté. L’examen de ce genre d’évaluation constitue un élément de l’analyse détaillée à laquelle les membres doivent procéder lorsqu’ils examinent un cas et que, après avoir pesé les facteurs de risque et les possibilités de réinsertion, ils rendent leur décision. La présente politique permet d’établir le genre d’évaluation nécessaire au travail de la Commission.

 

(Dossier du demandeur, vol. 3, aux p. 531 et 532).

 

[68]           La CNLC doit respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la loi, de la réglementation et de ses politiques lorsqu’elle exerce sa compétence en ce qui a trait aux ajournements. Le demandeur est devenu admissible à une semi‑liberté le 4 avril 2010 et avait fait une demande de semi‑liberté le 14 décembre 2009. La première audience de la CNLC était prévue pour mai 2010. Le 29 avril 2010, la CNLC avait ajourné l’audience jusqu’en juillet 2010 (conformément à l’alinéa 157(4)a) de la LSCMLC). Le 30 juin 2010, la CNLC a ajourné l’audience une seconde fois, étant donné que le rapport psychologique de M. McDougall n’avait pas été reçu. Les rapports ont été reçus le 2 juillet 2010. À ce moment‑là, la CNLC n’avait pas encore eu l’occasion de fixer une date d’audience puisque le demandeur avait lui‑même exigé un ajournement jusqu’en août 2010 (conformément au par. 157(3) de la LSCMLC). La décision de la CNLC d’attendre le rapport psychologique était la ligne de conduite qui s’imposait. L’examen du rapport était nécessaire pour rendre une décision concernant la demande de M. McDougall.

 

[69]           Le 29 avril 2010, la CNLC a reçu une évaluation en vue d’une décision, datée du 14 avril 2010 (Dossier du défendeur, vol. 2, aux p. 278 à 287), qui recommandait le refus de la demande de semi‑liberté de M. McDougall. L’évaluation en vue d’une décision souligne également le fait que, en raison de sa conduite en établissement, la cote de sécurité de M. McDougall avait été élevée, donnant ainsi lieu à son transfert en 2007 dans un établissement dont le niveau de sécurité était supérieur. En ce qui a trait aux évaluations du risque psychologique et du risque psychiatrique de juin 2010, elles ont été toutes deux examinées en août 2010 et la CNLC a alors refusé d’approuver la semi‑liberté. Le 21 juin 2010, le DLamba a évalué le risque de violence de M. McDougall et a recommandé de faire preuve de prudence avant de lui accorder une libération conditionnelle :

            [traduction]

*          À l’heure actuelle, je recommanderais une approche prudente quant à la libération de M. McDougall dans la collectivité en raison du niveau de risque qu’il présente et, plus particulièrement, du facteur 1 extrêmement élevé qu’il s’est vu attribuer. Celui‑ci indique la présence de caractéristiques interpersonnelles et affectives fondamentales de sa personnalité qui sont susceptibles de poser problème, notamment en ce qui a trait à sa supervision et à sa gestion dans la collectivité. Cela est d’autant plus probable qu’il a déjà adopté une approche et des attitudes conflictuelles et non collaboratives négatives en établissement.

 

(Dossier du demandeur, rapport d’évaluation du risque psychiatrique, à la p. 310).

 

[70]           Compte tenu des renseignements qui ont été dûment fournis à la CNLC au 29 avril 2010, il était raisonnable de la part de celle‑ci d’ajourner l’audience relative à la demande de semi‑liberté en attendant d’autres renseignements.

 

XI. Conclusion

[71]           Pour toutes les raisons précitées, la directrice intérimaire était justifiée de rejeter les demandes de PSAE du demandeur et d’exiger des évaluations des risques psychiatriques et psychologiques. La CNLC était également justifiée d’ajourner l’audience relative à la demande de semi‑liberté avant de recevoir les évaluations du risque; par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur et de jugement déclaratoire soit rejetée; cependant, le demandeur ne se voit imposer aucuns dépens.

(Aucuns dépens ne sont adjugés pour tenir compte des moyens financiers quasi nuls du demandeur, comme l’indique clairement la preuve qu’il a produite). Le demandeur utilise la totalité de ses revenus de détention bimensuels de 67 $ entre autres pour payer divers produits d’hygiène, des fournitures de correspondance, des timbres‑poste, des photocopies, des envois postaux, des appels téléphoniques à sa famille et, à l’occasion, pour payer à manger aux membres immédiats de sa famille, sans oublier pour effectuer des versements mensuels de 35 $ pour une formation continue dans le but d’obtenir un diplôme d’études collégiales en techniques juridiques, selon un calendrier de paiements de dix‑sept années.)

 

Opinion incidente

            Il convient de formuler une réflexion concernant M. Warren McDougall, qui n’était pas représenté par un avocat. Il suit des cours de droit en détention depuis sept ans. Dans la présente instance, on a pu constater que les études juridiques de M. Warren McDougall lui ont permis d’acquérir une bonne connaissance de la loi et de la jurisprudence, indépendamment de l’issue de la procédure actuelle. Sa persistance dans ses études juridiques et ses compétences croissantes dans ce domaine devraient lui donner, à elles seules, de l’espoir pour l’avenir.

 

« Michel M. J. Shore »

juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑855‑10

 

INTITULÉ :                                                   WARREN MCDOUGALL c.
PROCUREUR GÉNÉRAL

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 3 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Warren McDougall

 

POUR LE DEMANDEUR

(EN SON PROPRE NOM)

 

Banafsheh Sokhansanj

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WARREN McDOUGALL

Mission (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

(EN SON PROPRE NOM)

 

MYLES J. KIRVAN

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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