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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

 

 

 

 


Date : 20110310

Dossier : IMM-4996-10

Référence : 2011 CF 283

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

SLETZA ELIZABETH NEGRETE GUDINO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRAITON

 

 

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               [traduction] « La demanderesse vivait — et sa famille vit toujours — au Mexique, où existent les services les plus développés en ce qui concerne l’aide aux femmes victimes de violence », ainsi que l’a affirmé l’agent chargé d’examiner les risques avant le renvoi (l’agent d’ERAR). Après avoir examiné la preuve documentaire, l’agent d’ERAR a estimé que [traduction] « il existe d’autres moyens de protection que le simple signalement des actes de violence à des policiers indifférents ou corrompus ». La décision relative à l’ERAR souligne la gamme de mesures de protection dont disposent les victimes de violence familiale au Mexique, spécialement sur le territoire du district fédéral :

[traduction] Le rapport relève que le district fédéral a créé le Centre d’aide aux victimes de violence familiale [Centro de Atención a Victimas de Violencia Familiar] qui offre de l’aide juridique, psychologique et sociale aux victimes ». Il mentionne l’existence de groupes spéciaux chargés de s’occuper de la violence familiale en zone urbaine ainsi que le Système national de développement intégral de la famille (Desarrollo Integral de la Familia ou DIF), qui « offre un appui et une aide importants à de nombreux mineurs et adultes qui sont exposés à des risques ».

 

(Décision relative à l’ERAR, aux pages 5 et 7).

 

II.  Procédure judiciaire

[2]               La Cour est saisie d’une demandé présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la LIPR], en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 26 juillet 2010 par laquelle un agent d’ERAR a conclu que la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention au sens de l’article 96 de la LIPR ni celle de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR.

 

III.  Contexte

[3]               Née le 13 août 1990, la demanderesse, Mme Sletza Elizabeth Negrete Gudino, est une citoyenne du Mexique. Elle a rencontré son futur mari, M. German Garfias Martinez, qui a une vingtaine d’années de plus qu’elle, alors qu’elle avait 15 ans. Mme Negrete Gudino affirme qu’elle a peu de temps après été victime de violences physiques, émotionnelles, verbales et sexuelles. 

 

[4]               En mai 2007, Mme Negrete Gudino a appris qu’elle était enceinte de M. Martinez. En juillet 2007, au cours d’une altercation, M. Martinez lui a donné un coup de pied à l’estomac, près d’une station de métro. Mme Negrete Gudino, qui était alors enceinte de deux mois, avait demandé l’aide de policiers qui se trouvaient dans une voiture de patrouille stationnée près de la station. Mme Negrete Gudino et M. Martinez ont tous les deux été amenés au poste de police et, comme Mme Negrete Gudino était mineure à l’époque, un policier a appelé sa mère. Quant à M. Martinez, il a été arrêté.

 

[5]               Environ deux mois plus tard, M. Martinez a rendu visite à Mme Negrete Gudino, qui habitait alors chez sa mère. Il l’a convaincue de reprendre la vie commune avec lui. Au cours des mois qui ont suivi, M. Martinez a également convaincu Mme Negrete Gudino de l’épouser et de venir vivre avec lui au Canada. La mère de Mme Negrete Gudino a signé les papiers de mariage pour sa fille mineure et le mariage a eu lieu le 8 janvier 2008. Le père de Mme Negrete Gudino a refusé de signer les papiers. Le 23 janvier 2008, Mme Negrete Gudino est entrée au Canada avec son mari, qui a revendiqué le statut de réfugié au motif qu’il était persécuté du fait de ses opinions politiques. La demande d’asile de Mme Negrete Gudino était fondée sur celle de son mari.

 

[6]               Mme Negrete Gudino affirme que son mari a continué à lui infliger des violences physiques, sexuelles, émotionnelles et verbales après leur arrivée au Canada. Mme Negrete Gudino affirme qu’en octobre 2008 son mari l’a poussée violemment, a tenté de l’étrangler et l’a frappée à l’estomac. Mme Negrete Gudino a réussi à appeler la police, mais a tout de suite raccroché la ligne. Les policiers sont arrivés peu de temps après l’appel manqué et les ont interrogés. L’agression physique n’a pas été dévoilée, mais M. Martinez a été sommé de quitter la maison pour la nuit.

 

[7]               Mme Negrete Gudino allègue qu’en janvier 2009, M. Martinez l’a poussée, de sorte qu'elle a glissé sur le plancher de la salle de bain. Elle s’est réveillée à l’hôpital et s’est rendu compte par la suite, après avoir pris connaissance du rapport de police, que M. Martinez avait expliqué au personnel de l’hôpital qu’elle avait tenté de se suicider. Elle est revenue à la maison avec son mari.

 

[8]               Plus tard la même année, M. Martinez a retiré sa demande d’asile; il a ensuite dit à Mme Negrete Gudino qu’elle pouvait retourner vivre chez sa mère si elle rentrait au Mexique. Elle a toutefois décidé de demeurer au Canada par crainte de ce que M. Martinez pourrait leur faire à elle et à leur fils s’ils devaient retourner vivre avec lui. Mme Negrete Gudino s’est présentée seule à l’audience sur sa demande d’asile et elle était très confuse au sujet de ce qu’on attendait d’elle à l’audience. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rendu une décision défavorable au sujet de sa demande d’asile (décision de la SPR, 11 septembre 2009, Dossier du Tribunal (DT), à la page 355).

 

[9]               Mme Negrete Gudino a présenté une demande d’ERAR et a fait l’objet le 26 juillet 2010 d’une décision défavorable en réponse à sa demande. Elle vit maintenant au Canada avec son conjoint de fait, M. Raul Avila, qui est citoyen canadien, avec son fils aîné né au Canada, Felix Ayax Garfias Negrete, et avec son second enfant né au Canada, une fille qu’elle a eue avec M. Avila.

 

IV.  La décision à l’examen

[10]           Dans sa décision, l’agent d’ERAR a passé en revue plusieurs des preuves documentaires fournies par Mme Negrete Gudino à l’appui de sa demande : un rapport de police du Mexique, un rapport médical, deux rapports de police du Canada et une lettre récente écrite par sa mère (décision relative à l’ERAR, à la page 3). L’agent d’ERAR a conclu que les preuves corroborantes présentées par Mme Negrete Gudino contredisaient ses propres déclarations, faites sous serment dans son affidavit, et qu’il y avait peu d’éléments de preuve qui tendaient à démontrer que son mari continuerait d’essayer de lui faire du mal si elle devait retourner au Mexique.

 

[11]           L’agent d’ERAR a également estimé que Mme Negrete Gudino n’avait pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État. Il a conclu que, même si la violence familiale est un problème récurrent au Mexique, Mme Negrete Gudino pouvait compter sur les nombreux moyens de protection qui existaient, surtout dans le district fédéral.

 

V.  Thèse des parties

[12]           La demanderesse affirme qu’elle ne devrait pas être déboutée de sa demande alors qu’il existe des éléments de preuve suivant lesquels la protection de l’État n’est pas efficace en ce qui concerne la violence liée au sexe. Elle soutient également que l’agent d’ERAR a estimé qu’elle n’était pas crédible sans lui accorder d’audience, ce qu’elle estime être un manquement à l’équité procédurale.

 

[13]           Le défendeur affirme que la décision de l’agent d’ERAR est raisonnable. Le défendeur fait valoir que la décision de l’agent d’ERAR était fondée sur la valeur des éléments de preuve présentés et non sur une conclusion défavorable quant à la crédibilité; de plus, le défendeur affirme qu’il était raisonnable de la part de l’agent d’ERAR de conclure que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État dont elle pouvait se prévaloir au Mexique.

 

VI.  Questions en litige

[14]           (1) L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en n’accordant pas d’audience à la demanderesse?

(2) L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur dans son appréciation de la possibilité de se prévaloir d’une protection de l’État suffisante?

 

 

VII.  Dispositions législatives pertinentes

[15]           L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, dispose :

Facteurs pour la tenue d’une audience

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

Hearing — prescribed factors

 

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

VIII.  Norme de contrôle

[16]           La norme de contrôle applicable en ce qui concerne une conclusion relative à la protection de l’État est celle de la décision raisonnable (Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 903, au paragraphe 8, 169 ACWS (3d) 629; Bautista c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1187, au paragraphe 25). La Cour saisie d’une demande de contrôle judiciaire n’interviendra au sujet des conclusions de l’agent d’ERAR que si elles n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[17]           Quant à la question de l’audience, elle porte sur l’équité procédurale de la décision attaquée et elle doit être tranchée en fonction de la norme de la décision correcte (Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 983, au paragraphe 16, 169 ACWS (3d) 173; Prieto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 253 [Prieto]).

 

IX.  Analyse

(1) L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en n’accordant pas d’audience à la demanderesse?

[18]           Notre Cour a déjà examiné l’article 167 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en ce qui a trait à la nécessité de tenir une audience à l’étape de l’examen des risques avant le renvoi :

[29]           Dans la décision Tekie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 27, 50 Imm. L.R. (3d) 306, le juge Phelan a statué au paragraphe 16 que l’article 167 devenait opérant lorsque la crédibilité était remise en question d’une façon pouvant donner lieu à une décision défavorable à l’issue de l’ERAR, et que son objet était de permettre à un demandeur de répondre aux réserves formulées au sujet de sa crédibilité. J’ai statué dans la décision Ortega c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 601, [2007] A.C.F. n° 816, paragraphe 29, après avoir passé en revue la décision Tekie, précitée, qu’une audience était requise dans cette affaire puisque l’agent avait conclu « que, en dehors du manque de crédibilité du demandeur principal selon la Commission, les circonstances [étaient] effectivement telles que l’État n’était pas en mesure de protéger les demandeurs ».

 

[30]         À mon avis, l’article 167 décrit deux types de situations où des questions de crédibilité nécessiteront la tenue d’une audience. L’alinéa a) vise la situation où des éléments de preuve dont l’agent est saisi contredisent directement le récit du demandeur. Les alinéas b) et c), par ailleurs, énoncent un critère consistant essentiellement à se demander si une décision favorable aurait été rendue n’eut été la question de la crédibilité du demandeur. En d’autres mots, il faut se demander si l’acceptation pleine et entière de la version des faits du demandeur donnerait nécessairement lieu à une décision favorable. S’il est satisfait à l’un ou l’autre critère, la tenue d’une audience sera requise.

 

(Prieto, précité).

 

[19]           La présente affaire ne satisfait à aucun de ces critères. De plus, la question de la crédibilité n’est pas « au cœur de la décision » (Prieto, précité, au paragraphe 26). La principale raison pour laquelle l’agent d’ERAR a rejeté la demande d’asile de Mme Negrete Gudino était que le Mexique était en mesure de lui assurer une protection adéquate. L’agent d’ERAR a examiné cette question « dans la perspective des craintes exposées par [la demanderesse] dans [sa] demande » (Jessamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 20 au paragraphe 68, 342 FTR 250); la tenue d’une audience n’était donc pas nécessaire.

 

(2) L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur dans son appréciation de la possibilité de se prévaloir d’une protection de l’État suffisante?

 

[20]           Il incombe au demandeur de réfuter la présomption que l’État est en mesure de protéger ses citoyens (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 103 DLR (4th) 1). Lorsque la question porte sur la protection de l’État, le demandeur doit soumettre des éléments confirmant de façon claire et convaincante qu’il ne peut compter sur une protection suffisante de l’État :

[7]               La Cour d’appel fédérale, dans Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, a procédé à l’examen de la question de la protection de l’État et a écrit aux paragraphes 17 à 19 qu'il incombe au demandeur de produire les éléments de preuve quant à l'insuffisance de la protection de l'État, et qu’il doit également convaincre le juge des faits que les éléments de preuve produits établissent l'insuffisance de la protection de l'État. Du paragraphe 20 au paragraphe 26, la cour a écrit que le juge des faits doit apprécier la preuve selon une norme de preuve qui n’est pas plus exigeante que la norme habituelle de prépondérance des probabilités.

 

 (Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1259, dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision de la SPR).

 

[21]           Plus un État est démocratique, plus est onéreux le fardeau qui est imposé au demandeur de prouver qu’il a épuisé tous les recours dont il disposait pour assurer sa protection (Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 143 DLR (4th) 532, au paragraphe 5, 68 ACWS (3d) 334 (CAF)).

 

[22]           Il existe une abondante jurisprudence au sujet de la violence liée au sexe au Mexique et dans le district fédéral en particulier; chaque cas est un cas d’espèce :

[14]           Il n’y a pas de doute, le Mexique est une démocratie avec un président élu et un parlement bicaméral. Le Mexique détient la maîtrise de son territoire, de ses institutions, de son armée, de sa police et de ses autorités civiles. La SPR a conclu que le Mexique déploie de grands efforts pour protéger ses citoyens et que « [l]e seul fait qu’il n’y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes ne peuvent pas se réclamer de sa protection ». À mon avis, cette conclusion était raisonnable vu la preuve dont disposait la SPR. J’adhère complètement au raisonnement du juge Russell dans la décision Ortiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1365, A.C.F. 1716, lorsqu’il déclare ce qui suit aux paragraphes 43 et 44 :

 

 43     Je dois dire tout d’abord, après avoir examiné la preuve et la décision de la Commission, qu’il aurait été tout à fait raisonnable que celle‑ci donne raison aux demandeurs, ce qui ne veut pas dire cependant que ses conclusions défavorables étaient manifestement déraisonnables, ou même déraisonnables. C’est d’ailleurs sur cette question que porte la présente instance en contrôle judiciaire.

 

 44      En fin de compte, les demandeurs estiment tout simplement incroyable que la Commission ait pu tirer la conclusion à laquelle elle est arrivée, compte tenu de la preuve dont elle disposait, des détails de l’affaire et des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Il s’agit cependant uniquement d’un désaccord avec la Commission, et un tel désaccord n’est pas une raison suffisante pour que la Cour modifie la décision rendue par celle‑ci.

 

 

(Canseco c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 73, 154 ACWS (3d) 1182, dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision de la SPR).

 

[23]           Avant de déclarer que Mme Negrete Gudino n’avait pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État, l’agent d’ERAR a examiné les divers rapports et documents sur la situation au Mexique qui lui avaient été soumis et il a apprécié la demande et les éléments de preuve contradictoires. Dans sa décision, l’agent d’ERAR cite les documents suivants :

1)      Rapport de 2010 d’Amnesty international sur le Mexique, 28 mai 2010;

2)      Human Rights Watch, World Report 2010 – Mexique, 20 janvier 2010;

3)      2009 Country Reports on Human Rights Practices, 11 mars 2010;

4)      La violence contre les femmes au sein de la famille au Mexique, Amnesty International, août 2008;

5)      Réponses aux demandes d’information (RDI), MEX102926.EF, 26 mai 2009.

 

[24]           L’agent d’ERAR a déclaré : [traduction] « La demanderesse vivait — et sa famille vit toujours — au Mexique, où existent les services les plus développés en ce qui concerne l’aide aux femmes victimes de violence », ainsi que l’a affirmé l’agent chargé d’examiner les risques avant le renvoi (l’agent d’ERAR). Après avoir examiné la preuve documentaire, l’agent d’ERAR a estimé que [traduction] « il existe d’autres moyens de protection que le simple signalement des actes de violence à des policiers indifférents ou corrompus ». La décision relative à l’ERAR souligne la gamme de mesures de protection dont disposent les victimes de violence familiale au Mexique, spécialement sur le territoire du district fédéral :

[traduction] Le rapport relève que le district fédéral a créé le Centre d’aide aux victimes de violence familiale [Centro de Atención a Victimas de Violencia Familiar] qui offre de l’aide juridique, psychologique et sociale aux victimes ». Il mentionne l’existence de groupes spéciaux chargés de s’occuper de la violence familiale en zone urbaine ainsi que le Système national de développement intégral de la famille (Desarrollo Integral de la Familia ou DIF), qui « offre un appui et une aide importants à de nombreux mineurs et adultes qui sont exposés à des risques ».

 

(Décision relative à l’ERAR, aux pages 5 et 7).

 

[25]           De plus, l’agent d’ERAR a examiné les éléments de preuve présentés au sujet des démarches entreprises par Mme Negrete Gudino pour obtenir la protection de l’État :

[traduction]  La demanderesse a communiqué avec la police après avoir été agressée en 2007. Son mari a été arrêté, mais on ignore la suite qui a été donnée si ce n’est qu’il a finalement été relâché. Il semble que la police n’a pas fait de suivi, pas plus d’ailleurs que la demanderesse ou sa mère. Compte tenu du manque de renseignements, j’estime qu’on ne peut en conclure que la protection de l’État est insuffisante.

 

(Décision relative à l’ERAR, à la page 5).

 

[26]           Le rapport de police (Rapport de police, 5 juillet 2007, DA, aux pages 39 et 40) précise que M. Martinez avait été arrêté le soir de l’altercation. Un policier a communiqué avec les parents de Mme Negrete Gudino, et on n’a plus entendu parler de M. Martinez pendant les deux mois qui ont suivi l’incident. Il était raisonnable de la part de l’agent d’ERAR de conclure que l’intervention de la police ne constitue pas une preuve suffisante que la protection de l’État est insuffisante, bien qu’il n’ait pas été possible de déterminer dans quelle mesure la police est effectivement intervenue.

 

[27]           Enfin, Mme Negrete Gudino allègue qu’elle est en couple avec M. Raul Avila, citoyen canadien et père de son second enfant, auquel elle a donné naissance en octobre 2010. M. Avila projetterait de signer un engagement de parrainage pour appuyer la demande de résidence permanente de Mme Negrete Gudino sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire (affidavit de la demanderesse, au paragraphe 2). L’agent d’ERAR aborde cette partie de l’affidavit de la demanderesse dans sa décision et explique que ces facteurs convenaient davantage à une demande pour motifs d’ordre humanitaire (décision relative à l’ERAR, à la page 7) de sorte qu’on ne devait pas en tenir compte. La Cour est d’accord pour dire que ce raisonnement s’accorde avec la jurisprudence (Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F. 3).

 

X.  Conclusion

[28]           Il est curieux de constater qu’aucune des parties n’a parlé des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et ce, malgré le fait qu’elles en ont tenu pleinement compte dans la thèse qu’elles ont respectivement défendue. L’agent d’ERAR a conclu de façon raisonnable que Mme Negrete Gudino pouvait se prévaloir de la protection de l’État au Mexique. Bien qu’elle soit sensible à la situation de Mme Negrete Gudino, la Cour conclut que la décision de l’agent d’ERAR est justifiée. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4996-10

 

INTITULÉ :                                       SLETZA ELIZABETH NEGRETE GUDINO

                                                            c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 24 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 10 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Lobat Sadrehashemi

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

M. Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ELGIN CANNON & ASSOCIATES

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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