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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110315

 

Dossier : IMM-4630-10

Référence : 2011 CF 313

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 mars 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

TAMAS ARON BANYA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Tamas Banya est un enfant âgé de cinq ans. Il craint, ou plutôt, ses parents craignent, qu’il soit persécuté en raison de ses origines roms et que sa vie soit en danger s’il devait retourner en Hongrie. Sa demande d’asile a été rejetée. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Les parents de Tamas ainsi que sa sœur aînée sont entrés au Canada en 2001 et ont demandé l’asile. Ils sont retournés en Hongrie avant qu’une décision soit rendue. Ils sont revenus au Canada, cette fois avec Tamas, et ont tenté de rouvrir leur demande d’asile, sans succès. Ils avaient néanmoins eu droit à un examen des risques avant renvoi. La décision rendue quant à leur premier ERAR était défavorable. Cependant, le juge Campbell a accueilli leur demande de contrôle judiciaire. Cette décision a pour référence Banya c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2010 FC 686, [2010] F.C.J. No. 827. Ils font présentement l’objet d’un deuxième ERAR.

 

[3]               La famille a donc deux demandes en cours. Si l’une des deux est accueillie, la famille va rester ici. Si Tamas a gain de cause, mais non sa famille, il ne peut évidemment pas être laissé à lui même ici. En revanche, si seulement sa famille a gain de cause, il ne peut pas vraiment être séparé de ses parents à un si bas âge.

 

[4]               L’avocate du demandeur se fonde fortement sur la décision Banya rendue par le juge Campbell. Cependant, il convient de se rappeler que les juges ne se font pas leur propre appréciation des conditions dans le pays. Il y a trois variables : 1) la preuve devant la Section de la protection des réfugiés en ce qui concerne la situation personnelle de la partie demanderesse et les conditions dans le pays; 2) le caractère adéquat et la raisonnabilité de la décision rendue; 3) l’appréciation du juge qui siège en révision de cette décision. Ce qui peut être une erreur manifeste et dominante pour un juge peut simplement être une invitation à soupeser à nouveau la preuve pour un autre.

 

[5]               Je conclus que la décision du commissaire de la Section de la protection des réfugiés était extrêmement réfléchie et bien motivée. Je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

 

[6]               Le fondement de la demande est qu’en raison de ses origines roms, Tamas sera victime, en Hongrie, de discrimination, de harcèlement et de préjudice fondés sur la race, tout comme ses parents l’ont été. Cette discrimination se manifeste dans diverses sphères, y compris celles de l’emploi, de l’éducation et du logement, sans compter l’attitude et les agressions de la part de l’extrême droite, voire même de la population en général.  

 

[7]               L’avocate du demandeur souligne que, même si les gestes individuels de discrimination ne constituent pas de la persécution s’ils sont considérés de manière isolée, ils peuvent l’être lorsqu’ils le sont de manière cumulative. Une publication des services juridiques de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, La jurisprudence sur la définition de réfugié au sens de la Convention, mise à jour en décembre 2005, a attiré mon attention. Pour que de mauvais traitements subis ou anticipés soient considérés comme de la persécution, et non des actes de discrimination ou de harcèlement, il faut qu’ils soient graves, qu’ils soient infligés de façon répétitive ou persistante, ou de manière systématique, et qu’ils soient liés à un motif énoncé dans la Convention. La persécution est distinguée du délit de droit commun.  

 

[8]               Les services juridiques énoncent, en se fondant sur la jurisprudence, que lorsque le demandeur a fait l’objet de mauvais traitement à plusieurs reprises, le commissaire pourrait commettre une erreur en examinant chaque incident individuellement. Cependant, il ne suffit pas que la SPR déclare simplement qu’elle a examiné la nature cumulative des actes de discrimination, sans autre analyse.

 

[9]               L’on prétend que c’est exactement ce qui s’est produit dans la présente affaire. Je ne suis pas d’accord.

 

[10]           Il doit y avoir une analyse des incidents signalés pour établir s’il y a un fil conducteur entre ceux-ci. Le commissaire pouvait certainement conclure que la plainte concernant le logement découle du fait que leur propriétaire était un escroc qui demandait d’importants dépôts à plusieurs de ses locataires pour tenter ensuite de les évincer, sans leur remettre les dépôts. Il n’y avait pas de preuve de discrimination raciale. En fait, les policiers ont été appelés et ceux-ci se sont rangés du côté de la famille Banya.  

 

[11]           Le commissaire a reconnu que les parents et la sœur de Tamas avaient souffert de discrimination à l’école, que les Roms étaient victimes de ségrégation et que leurs perspectives d’emploi étaient moindres que celles du citoyen moyen. Cependant, il a été mentionné que les parents de Tamas avaient eu un emploi et que, lorsqu’ils l’avaient perdu, ils en avaient trouvé un autre. Le commissaire était d’avis que la preuve n’étayait pas que les parents aient subi une atteinte grave, soutenue ou généralisée à leur droit de gagner raisonnablement leur vie.

 

[12]           Il y a eu dernièrement un accroissement de l’hostilité à l’égard des Roms ainsi que la montée de groupes tels que la Garde hongroise. Cependant, cette dernière a été dissoute par voie de décret ministériel, et cette décision a été maintenue par les tribunaux. En l’espèce, la preuve présentée par les parents de Tamas a été jointe à la preuve documentaire objective et analysée avec celle-ci. Les autorités ont entrepris de sérieux efforts afin de faciliter la vie des Roms en Hongrie et ont obtenu des résultats qui, sans être parfaits, étaient adéquats, selon le commissaire. L’on doit se rappeler qu’il incombe au demandeur de démontrer que la protection de l’État serait inadéquate.  

 

[13]           Il a été mentionné que les extrémistes ciblaient de plus en plus les Roms, ce qui occasionnait des blessures et même des décès, y compris chez les enfants.

 

[14]           À la suite de l’interdiction de la Garde hongroise, les policiers ont entamé des procédures judiciaires contre 176 personnes pour participation à des activités d’une organisation interdite. Le nombre de détectives a été augmenté, et le ministre de la Justice et de l’Application de la loi a créé le Réseau de service à la clientèle anti-discrimination pour les Roms. Depuis 2005, l’Autorité pour l’égalité de traitement offre aux personnes des moyens directs pour obtenir réparation si elles sont victimes d’actes discriminatoires prohibés. Il y a également l’Association des agents de police roms.

 

[15]           La preuve documentaire relève que certaines mesures visant à aider les Roms et d’autres minorités à se trouver un emploi et un logement, ainsi qu’à obtenir une éducation, ont été adoptées. En 2006, une division d’intégration des Roms a été mise sur pied au sein du ministère des Affaires sociales et du Travail.

 

[16]           Le commissaire a examiné une preuve semblable en ce qui concerne l’emploi, l’éducation et le logement. Il est certainement impossible d’affirmer que la situation globale des Roms en Hongrie a été examinée de manière inadéquate. Un exemple d’amélioration relevée par le commissaire était qu’en 2007, les Nations unies avaient signalé que le gouvernement hongrois finançait des rénovations d’appartements dans neuf localités roms, ce qui a grandement amélioré les conditions de vie. 

 

[17]           Selon le Centre européen pour les droits des Roms, les efforts de déségrégation déployés par le gouvernement hongrois sont parmi les plus sérieux en Europe centrale, particulièrement en ce qui concerne l’éducation. Un programme de bourses d’études pour jeunes roms a été mis sur pied; plus de 11 000 bourses ont été attribuées en 2007-2008.

 

[18]           Je suis d’avis que la décision du commissaire appartient aux paramètres de la raisonnabilité énoncés dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.


 

ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4630-10

 

INTITULÉ :                                       TAMAS ARON BANYA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 MARS 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 15 MARS 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

POUR LE DEMANDEUR

 

John Provart

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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