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Date : 20101214

Dossier : IMM-1683-10

Référence : 2010 CF 1283

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2010

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE BÉDARD

 

 

ENTRE :

SHONTEL DION JOHN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), d’une décision datée du 12 novembre 2009 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[2]               La demanderesse a aussi déposé une demande de prorogation de délai en vertu de l’alinéa 72(2)c) de la LIPR. Étant donné que la demanderesse a déposé sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en retard parce que la Commission avait envoyé ses motifs à une mauvaise adresse, la demande de prorogation de délai est accueillie.

 

Contexte

[3]               La demanderesse est une citoyenne de Saint-Vincent-et-les-Grenadines âgée de 22 ans. Au soutien de sa demande, elle allègue les faits suivants.

 

[4]               En octobre 2000, lorsqu’elle avait 12 ans, Nicodimus Ross l’a approchée alors qu’elle rentrait à la maison après l’école et lui a offert de l’argent si elle acceptait de livrer de la marijuana pour lui. Elle a accepté. Cet arrangement a duré pendant un certain temps. À un moment donné, M. Ross l’a invitée chez lui et a essayé de la violer, mais elle a réussi à s’enfuir. À une autre occasion, en avril 2001, il l’a violée.

 

[5]               Au début, la demanderesse n’a parlé à personne du viol parce que M. Ross l’avait avertie que si elle parlait, il tuerait des membres de sa famille. Cependant, peu de temps après, une voisine a dit à sa mère qu’elle l’avait vue à plusieurs reprises chez M. Ross. Sa mère l’a interrogée et la demanderesse a finalement tout raconté.

 

[6]               La mère de la demanderesse a amené sa fille au poste de police pour déposer une plainte contre M. Ross. Cependant, comme elle craignait de dire la vérité, la demanderesse a menti aux policiers et leur a dit ne pas avoir été violée. Les policiers ont néanmoins arrêté M. Ross et [traduction] « l’ont mis en détention », mais ils l’ont libéré peu de temps après. Quelques jours plus tard, M. Ross s’est approché de la demanderesse à l’école et lui a dit qu’il se [traduction] « débarrasserait » d’elle si elle parlait à nouveau. Elle a informé sa mère de cet incident. Après la fin de l’année scolaire, sa mère s’est organisée pour que la demanderesse vienne habiter au Canada avec son grand-père.

 

[7]               La demanderesse est arrivée au Canada le 24 juin 2001. Elle a d’abord vécu chez son grand-père jusqu’à ce qu’il décède, puis chez sa tante. Elle n’est jamais entrée dans le système scolaire canadien et elle n’était pas parrainée par un membre de sa famille. Elle a déclaré qu’elle n’a appris qu’à l’âge de 19 ans qu’elle pouvait présenter une demande d’asile. À l’âge de 19 ans, elle est tombée enceinte. Elle a rencontré un travailleur social au CLSC (centre local de services communautaires) pour discuter de sa grossesse et ce dernier l’a informée qu’elle pouvait présenter une demande d’asile. Peu de temps après, le 21 novembre 2007, la demanderesse a présenté une demande; son cousin l’a aidée à présenter les documents nécessaires dans le processus administratif.

 

Décision faisant l’objet du contrôle

[8]               La Commission a rejeté la demande de la demanderesse au motif qu’elle n’était pas crédible. Elle a aussi conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle risquait très vraisemblablement d’être persécutée, ou qu’elle serait personnellement exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, si elle retournait à Saint-Vincent.   

 

Questions en litige

[9]               La présente demande soulève la question de savoir si les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité de la demanderesse et à l’absence d’une crainte fondée étaient déraisonnables.

 

[10]           Pour les motifs suivants, la demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie.

 

Norme de contrôle

[11]           Pour les aspects touchant l’appréciation de la preuve ou l’évaluation de la crédibilité, lesquelles sont des questions de fait, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 [Dunsmuir]). Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits », doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve (Siad c. Canada (Secrétaire d’État) (1996), [1997] 1 CF 608, 206 NR 127 (CA) par. 24). La Cour n’est pas aussi bien placée que la Commission pour évaluer la crédibilité et elle ne doit pas substituer sa propre opinion, même si une autre décision semble préférable. Il n’appartient pas non plus à la Cour de réévaluer la preuve. Le rôle de la Cour, lorsqu’elle contrôle une décision selon la norme de la décision raisonnable, a été décrit au par. 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité : 

[…] La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

Analyse

La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité de la demanderesse?

[12]           La décision défavorable de la Commission au sujet de la crédibilité comportait trois conclusions principales : 1) que le témoignage de la demanderesse n’était ni simple ni spontané; 2) que le témoignage de la demanderesse contenait des contradictions importantes, et 3) que la demanderesse a attendu pendant plus de 6 ans pour demander l’asile.

 

[13]           J’ai des préoccupations quant aux deux dernières conclusions.

 

[14]           Premièrement, les contradictions. La Commission a fait savoir qu’en décembre 2007, la demanderesse a fait plusieurs déclarations à un agent d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada qui étaient incompatibles avec des déclarations qu’elle a ensuite faites dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et lors de son témoignage devant la Commission. La première incohérence relevée par la Commission a trait au fait que, en parlant avec l’agent d’immigration, la demanderesse n’a parlé que d’une tentative de viol alors que dans son FRP et à l’audience, elle a évoqué deux incidents : un premier incident au cours duquel M. Ross a tenté de la violer et un deuxième au cours duquel M. Ross l’a violée. Je conviens que ces déclarations peuvent sembler contradictoires, mais je ne suis pas certaine que cela constitue un fondement raisonnable pour tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

 

[15]           Lors d’une entrevue avec l’agent d’immigration, la question qui a été posée à la demanderesse était très générale et n’appelait pas une longue réponse : [traduction] « En quelques mots, pourquoi demandez-vous l’asile au Canada? ». Les notes de l’agent rapportant la réponse de la demanderesse sont succinctes et sont rédigées comme suit :

[Traduction]

[…]

Bien, il avait menacé de me tuer quand j’avais 12 ans. Et, il m’a dit que si je parlais à la police, il tuerait un membre de ma famille.

Pourquoi m’aurait-il menacée?

Il a essayé de me violer et je l’ai dit à ma mère, et c’est à ce moment qu’il a commencé à me menacer.

Combien de fois cela s’est-il produit?

Deux fois.

 

[…]

[16]           La réponse de la demanderesse est vague, superficielle et imprécise. Or, l’agent d’immigration n’a pas demandé plus de précisions. Peut-être n’était-ce pas à l’agent de le faire. Quoi qu’il en soit, en l’espèce, je pense qu’il faut faire attention avant de fonder une conclusion défavorable quant à la crédibilité sur une interprétation trop littérale de ces notes d’entrevue préliminaire.

 

[17]           Le FRP de la demanderesse, qu’elle a rempli moins d’un mois après avoir été interrogée par l’agent, fournit une version beaucoup plus détaillée des événements et concorde avec le témoignage qu’elle a présenté un an plus tard à l’audience devant la Commission. Dans les deux cas, la demanderesse a signalé deux incidents : un premier au cours duquel M. Ross a tenté de la violer et un deuxième au cours duquel il l’a violée.

 

[18]           Ce qui est tout aussi troublant, si ce n’est pas plus, est la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse s’est contredite sur la question de savoir quand et comment sa mère a découvert l’existence de M. Ross.

 

[19]           Lors de son entrevue avec l’agent d’immigration, la demanderesse a affirmé ce qui suit : [traduction] « Il a essayé de me violer et je l’ai dit à ma mère ». Cependant, dans son FRP et dans son témoignage présenté à l’audience, elle a dit qu’une voisine avait attiré l’attention de sa mère sur le fait qu’elle allait chez M. Ross. La Commission voyait une contradiction entre ces deux versions : selon une version, la demanderesse a parlé de M. Ross à sa mère et, selon l’autre version, une voisine a parlé de M. Ross à la mère de la demanderesse. Toutefois, après un examen plus approfondi, il est bien évident que les déclarations de la demanderesse à cet égard n’étaient pas contradictoires.

 

[20]           En fait, dans son FRP et à l’audience, la demanderesse a indiqué que sa mère l’avait interrogée après avoir été informée par la voisine qu’elle rendait visite à M. Ross. La demanderesse a déclaré que, lorsque sa mère l’a interrogée, elle lui a tout révélé. Les déclarations de la demanderesse dans son FRP et à l’audience étaient sans aucun doute plus détaillées et contextualisées, mais elles n’étaient pas incompatibles avec les déclarations qu’elle a faites à l’agent d’immigration. Elle a toujours dit qu’elle avait parlé des incidents à sa mère.

 

[21]           J’examinerai maintenant le temps que la demanderesse a laissé passer avant de présenter sa demande d’asile. La Commission a conclu que le long délai entre son arrivée au Canada et le moment où elle a demandé l’asile (une période de plus de six ans) était incompatible avec l’attitude d’une personne qui craint pour sa vie. Voici la conclusion de la Commission à cet égard :

[18]      Le tribunal tient compte du fait que la jeune fille, qui n’avait que 13 ans à son arrivée au Canada, n’était pas en mesure de faire elle-même les démarches auprès d’un avocat ou d’une association communautaire afin d’obtenir les renseignements nécessaires. Toutefois, le tribunal estime que le fait d’avoir attendu toutes ces années est incompatible avec l’attitude de quelqu’un qui craint pour sa vie.

 

[19]      En effet la demandeure a plusieurs parents au Canada, dont un cousin qui a obtenu le statut de réfugié, et elle aurait pu, bien avant le moment où elle l’a fait, s’informer au sujet des démarches à faire.

 

[20]      Le tribunal considère que ce long délai à revendiquer, pris isolément, n’affecterait pas la crédibilité de la demandeure. Toutefois, analysé dans le cadre de l’ensemble de son témoignage, il en affecte la crédibilité.

 

[22]           La Commission a reconnu que la demanderesse était très jeune quand elle est arrivée au Canada et qu’elle n’était pas en mesure de demander conseil et d’entreprendre les démarches afin de demander l’asile. En revanche, elle a conclu que le délai entre son arrivée et le moment où elle a demandé l’asile était trop long. La Commission a fondé sa conclusion sur le fait que la demanderesse avait plusieurs parents au Canada, y compris un cousin qui a réclamé, et obtenu, le statut de réfugié. À cet égard, la conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la Commission était déraisonnable.

 

[23]           Je conviens que le retard à demander l’asile n’est pas un facteur déterminant, mais qu’il constitue généralement un facteur pertinent pour apprécier la crédibilité de la demande (Huerta c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 157 NR 225, 40 ACWS (3d) 487 (CAF)). Il existe une présomption que toute personne ayant une crainte réelle d’être persécutée demande l’asile à la première occasion. Sinon, la légitimité de la crainte subjective dont elle fait état est mise en doute (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 62, 159 ACWS (3d) 568, paré 24). Cette présomption est acceptable dans le contexte d’un réfugié adulte qui, à son arrivée au Canada, devrait savoir que pour rester au Canada indéfiniment, il doit régulariser son statut. Toutefois, un simple retard dans la présentation d’une demande d’asile ne peut pas toujours être interprété comme indiquant une absence de crainte subjective. Le retard et, plus important encore, les raisons du retard, doivent être évalués dans le contexte des circonstances particulières de chaque affaire.

 

[24]            Dans Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1324, 127 ACWS (3d) 329, au par. 17, le juge Rouleau a souligné ce qui suit :

La Commission déclare à juste titre que, bien que le retard dans la présentation n’a habituellement pas d’effet déterminant sur une revendication du statut de réfugié, il arrive qu’il joue un rôle décisif en certaines circonstances. Ce qui porte le coup fatal à la revendication du demandeur, c’est son incapacité d’expliquer le moindrement ce retard de manière satisfaisante.

 

[Je souligne.]

 

[25]           Le même principe a été énoncé par le juge Pinard dans Gamassi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 194 FTR 178, 103 ACWS (3d) 815 (1re inst.). Je partage l’avis de mes collègues.

 

[26]           J’estime également que les propos tenus par la juge Mactavish dans Basak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1496, 143 ACWS (3d) 1084, où elle s’est prononcée sur la question du retard à demander l’asile dans le contexte d’une personne mineure, s’appliquent en l’espèce. Voici ce que la juge Mactavish a fait remarquer aux par. 11 et 12 :

Mme Basak avait 14 ans lorsqu’elle est arrivée au Canada. Elle parlait peu, voire pas du tout, anglais. Elle avait fréquenté l’école pendant huit ans et dépendait entièrement des personnes autour d’elle pour sa protection. Aussi, on pouvait difficilement s’attendre à ce qu’elle présente une demande toute seule. D’ailleurs, la Commission a conclu que c’est à cause du manque de diligence de sa sœur et de son oncle que sa demande d’asile a été déposée tardivement.

 

Dans ces circonstances, il était manifestement déraisonnable, à mon avis, que la Commission conclue que le retard d’autres personnes à déposer la demande d’asile de Mme Basak indiquait que celle-ci n’avait pas de crainte subjective de persécution.

 

 

[27]           En l’espèce, la demanderesse a été envoyée au Canada quand elle avait 12 ans et, depuis ce temps, elle n’avait bénéficié que d’une scolarité assez sommaire. Au début, elle dépendait entièrement de son grand-père. Après le décès de ce dernier (environ trois ans après son arrivée), la demanderesse est allée habiter chez sa tante. Personne de sa famille ne l’a aidée à régulariser son statut. Ce n’est que lorsqu’un travailleur social l’a informée de la possibilité de demander l’asile, quand elle avait 19 ans, qu’elle a présenté sa demande de protection.

 

[28]           La preuve ne révèle pas à quel moment la demanderesse a su que son cousin avait obtenu le statut de réfugié ni les circonstances entourant la demande d’asile du cousin. Le simple fait que plusieurs membres de la famille de la demanderesse habitaient au Canada ne signifie pas que la demanderesse savait qu’elle pouvait présenter une demande d’asile. Chose certaine, aucun membre de sa famille ne l’a aidée à régulariser son statut. Il est important en l’espèce de ne pas perdre de vue le profil de la demanderesse.

 

[29]           En fin de compte, la Commission a reconnu que, « [le] long délai à revendiquer, pris isolément, n’affecterait pas la crédibilité de la demandeure ». Cependant, analysé « dans le cadre de l’ensemble de son témoignage, il en affecte la crédibilité ». La Commission n’a fait ressortir aucun élément de preuve qui, à mon avis, permet raisonnablement de conclure que le délai en l’espèce mine la crédibilité de la demanderesse. Cet aspect de la décision de la Commission était déraisonnable.

 

[30]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la Commission était, dans l’ensemble, déraisonnable. Cependant, je ne pense pas que cela est déterminant à la lumière de la décision rendue par la Commission selon laquelle la demanderesse n’a pas non plus réussi à établir l’élément objectif de sa crainte.

 

La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas établi le bien-fondé de ses craintes?

[31]           La décision de la Commission n’est certainement pas un modèle de clarté. Toutefois, après avoir exposé son raisonnement quant à la crédibilité de la demanderesse, elle a aussi exposé d’autres aspects du témoignage de la demanderesse qui indiquent une absence d’une crainte justifiée.

[32]           Premièrement, la Commission a souligné que malgré les menaces reçues par la demanderesse, sa mère a attendu jusqu’à la fin de l’année scolaire pour l’envoyer au Canada et que pendant cette période, M. Ross n’a pas tenté de mettre ses menaces à exécution. Elle a aussi fait remarquer que les événements se sont produits il y a huit ans.

 

[33]           La Commission a déclaré que lorsqu’on a demandé à la demanderesse d’expliquer pourquoi M. Ross voulait la tuer, étant donné qu’elle avait nié avoir été abusée sexuellement devant les policiers, elle a affirmé qu’il craignait qu’elle finisse par parler. La Commission a ensuite indiqué que lorsqu’on a demandé à la demanderesse si elle était toujours en danger, étant donné qu’elle avait quitté son pays huit ans auparavant, elle a répondu par l’affirmative. La Commission ne partageait pas le point de vue de la demanderesse et elle a tenu les propos suivants : 

 [26]     Pourtant, selon le témoignage de la demandeure, en 2001, malgré le fait que sa mère avait dénoncé monsieur Ross de l’avoir violée, aucune accusation n’avait été retenue contre lui, ce qui témoigne de l’inefficacité de la police dans le domaine.

 

[27]      Invitée à expliquer pourquoi, compte tenu de ce qui précède, monsieur Ross aurait peur d’être dénoncé puisque la police n’a rien fait, elle répond qu’elle ne sait pas.

 

[34]           La Commission a ensuite tiré les conclusions suivantes :

 

[28]      La demandeure n’a pas démontré qu’il existait une possibilité sérieuse qu’advenant son retour à Saint-Vincent, elle soit persécutée en raison de son appartenance à un groupe social, soit celui des femmes craignant avec raison d’être persécutées en raison de leur sexe.

 

[29]      Elle n’a pas démontré non plus qu’elle serait soumise à une menace à la vie ou à des peines et traitements cruels et inusités advenant son retour à Saint-Vincent.

 

[Je souligne.]

 

[35]           L’article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR contiennent tous les deux un élément objectif. Dans l’analyse du critère à appliquer en vertu de l’article 96, dans Pour-Shariati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), [1995] 1 CF 767, 52 ACWS (3d) 621 (1re inst.), la Cour a conclu ce qui suit au par. 17 :

 

Avant d’examiner cette jurisprudence, je tiens à rappeler que toute personne revendiquant le statut de réfugié au sens de la Convention doit démontrer, à l’appui de sa demande, qu’elle craint avec raison d’être persécutée à l’avenir. Les preuves ainsi produites peuvent établir que la personne en cause a, dans le passé, fait l’objet de persécutions systématiques, dans son pays d’origine. Mais, en soi, cela ne suffit pas. En effet, le critère applicable aux fins du statut de réfugié au sens de la Convention est un critère prospectif et non pas rétrospectif. Voir par exemple, Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Mark (1993), 151 N.R. 213 (C.A.F.), à la page 215. S’il est important de démontrer l’existence de persécutions passées, c’est parce que cela sert de fondement à la crainte d’être persécutée à l’avenir. Ce qui compte vraiment, cependant, c’est de convaincre qu’on craint avec raison d’être persécuté à l’avenir.

 

 

[36]           Dans Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99, 155 ACWS (3d) 937, la Cour d’appel fédérale a souligné l’aspect prospectif du risque dans l’application du paragraphe 97(1) au par. 15 :

 

Pour décider si un demandeur d’asile a qualité de personne à protéger, il faut se fonder sur une évaluation objective des risques et non sur une évaluation subjective des inquiétudes éprouvées par le demandeur d’asile. Les preuves concernant les persécutions dont il a pu faire l’objet par le passé peuvent être un facteur pertinent lorsqu’il s’agit de décider si le demandeur d’asile s’exposera à des risques s’il rentre dans son pays, mais ces preuves ne sont pas concluantes. Le paragraphe 97(1) prévoit un critère objectif à appliquer dans le contexte des risques actuels ou prospectifs auxquels serait exposé le demandeur d’asile.

 

 

[37]           Rien ne m’amène à conclure que, en l’espèce, l’appréciation de l’affaire par la Commission était déraisonnable. Sa conclusion est fondée sur la preuve et l’inférence tirée à propos de la crainte fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[38]           Pour tous les motifs que j’ai exposés, et malgré la sympathie que suscite le cas de la demanderesse, la présente demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie.

 

[39]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et aucune n’est soulevée.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de prorogation du délai prévu pour le dépôt d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soit accueillie et qu’elle a donc été déposée en temps opportun , et que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 

 

                                                                                                                               


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1683-10

 

INTITULÉ :                                       SHONTEL DION JOHN c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE MARIE-JOSÉE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Claudette Menghile

 

POUR LA DEMANDERESSE

Sara Gauthier (stagiaire)

Lucie St-Pierre

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claudette Menghile

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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