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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20101206

Dossier : T-541-10

Référence : 2010 CF 1228

Montréal (Québec), le 6 décembre 2010

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

 

RÉGENT BOILY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La Cour est saisie en l’espèce de deux requêtes.

[2]               D’une part, elle est requise de se pencher sur une requête du défendeur en vue d’obtenir essentiellement la radiation de la déclaration d’action déposée par le demandeur dans le présent dossier le 8 avril 2010 et le rejet de ladite action (parfois ci-après la requête en radiation).

[3]               D’autre part, par suite de cette requête en radiation initialement déposée par le défendeur le 12 mai 2010 et amendée le 21 octobre 2010, le demandeur a déposé le 27 août 2010 une requête en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, telle que modifiée, en vue d’obtenir la suspension des procédures dans l’action.

[4]               Après un rappel des faits principaux permettant de comprendre le contexte dans lequel s’inscrit chacune des requêtes mentionnées ci-avant, nous procéderons à l’analyse dans un premier temps de la requête en radiation logée par le défendeur pour ensuite, si tout ou partie de l’action du demandeur peut demeurer, procéder à l’analyse de la requête en suspension du demandeur.

Contexte factuel

[5]               Pour les fins d’établir le contexte factuel propre à saisir les requêtes à l’étude, la Cour considère loisible et raisonnable de s’en remettre à la narration suivante soumise par le défendeur à ses représentations écrites. Les faits relatés ci-dessous découlent essentiellement du texte de la déclaration d’action du demandeur ou des motifs d’une décision du 22 février 2007 de la Cour d’appel du Québec par laquelle la demande de révision judiciaire du demandeur à l’encontre de la décision de l’extrader au Mexique fut rejetée (la décision de la Cour d’appel du Québec) :

13.              […]

a)       Le demandeur est né le 19 mars 1944; il est citoyen canadien.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par. 6

b)       En 1993, il se rend au Mexique pour y résider. En 1998, il fait du trafic de marijuana. Le 9 mars 1998, il est arrêté au Mexique, dans l’État de Zacatecas, en possession de 580 kilogrammes de marijuana.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par. 7, 8 et 9

c)       Le 10 novembre 1998, il est reconnu coupable de l’infraction « committing a crime against health », soit de trafic illégal de stupéfiants, contrairement à l’article 194 du Federal Criminal Code. Il est condamné à une peine d’emprisonnement de 14 ans.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.10 et 11

d)       Durant sa détention, le demandeur accepte une proposition d’évasion moyennant le paiement d’une somme de 70 000 $. Le 9 mars 1999, le demandeur s’évade avec l’aide d’un complice non incarcéré. Un gardien est tué pendant l’événement. Le demandeur se rend alors au Canada.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par. 12 à 15

e)       Le 1er mars 2005, le demandeur est arrêté à son domicile en vertu d’un mandat d’arrestation provisoire pour son extradition vers le Mexique.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.16

f)         Le 27 avril 2005, le Mexique fait parvenir au Canada une demande d’extradition par voie de note diplomatique, conformément aux dispositions du Traité d’extradition entre le Canada et les États-Unis du Mexique.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.18

g)       Le 25 novembre 2005, la juge Sophie Bourque de la Cour supérieure ordonne l’incarcération du demandeur en vue de son extradition vers le Mexique, afin qu’il purge le reliquat de sa peine pour trafic de stupéfiants et qu’il subisse son procès pour les infractions correspondant aux suivantes en droit canadien :

·      homicide involontaire coupable, contrairement aux articles 234 et 236 du Code criminel;

·      évasion d’une garde légale, contrairement à l’article 145(1) du Code criminel.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.19

h)       Le demandeur n’a pas remis en cause les conclusions de cette décision.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.20

i)         Le 23 janvier 2006, il dépose ses observations au ministre de la Justice du Canada au sujet de son extradition.

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.21

j)         Le demandeur a entre autres représenté au ministre de la Justice « que son extradition violerait l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés puisqu’il fait l’objet d’un risque sérieux de torture en sol mexicain. Son extradition violerait également les obligations internationales du Canada. Enfin, il est impossible d’accorder quelque fiabilité que ce soit aux assurances que le Mexique pourrait donner »;

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.26

k)       Le 24 mai 2006, le ministre de la Justice a ordonné l’extradition du demandeur vers le Mexique, tout en ayant considéré les prétentions de celui-ci quant à la situation des droits de la personne dans ce pays, sous réserve des quatre conditions suivantes à être acceptées par le Mexique (les assurances diplomatiques) :

·          Qu’il prendra des précautions raisonnables pour assurer la sécurité du demandeur au Mexique;

·          Qu’il s’assurera que l’avocat du demandeur et les agents de l’ambassade canadienne pourront visiter celui-ci à tout moment raisonnable;

·          Qu’il s’assurera que le demandeur pourra communiquer avec son avocat et les agents de l’ambassade canadienne à tout moment raisonnables [sic]; et

·          Qu’il fera les meilleurs efforts possibles pour assurer que le procès du demandeur sera tenu et complété sans délai, et que toute autre requête ou demande sera entendue avec célérité;

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.25 à 35, et pièce P‑9

l)         Le ministre de la Justice a aussi demandé à son homologue, le ministre des Affaires étrangères et du commerce international, de s’assurer que les « fonctionnaires au Mexique suivent [le] dossier [du demandeur] de près et lui fassent rapport sur le bien-être de M. Boily, et le déroulement de son cas ».1

1     « […] I have requested that Minister McKay ensure that his officials in Mexico monitor Mr Boily’s case and report on the status of his well-being and the development of his case ».

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.33, Déclaration, par. 54, et pièce P‑9

m)     Le Mexique a acquiescé aux demandes du ministre de la Justice et a fourni les assurances qui étaient requises. Le demandeur en a été informé le 22 janvier 2007;

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.36

14.              Par la suite, le demandeur a contesté la décision du ministre de la Justice devant la Cour d’appel du Québec, devant laquelle il a prétendu qu’il existait un risque sérieux qu’il soit torturé au Mexique sur la base de trois éléments :

·          au cours de l’interrogatoire qui a suivi son arrestation pour trafic de stupéfiants en 1998, il aurait été brutalisé par les policiers;

·          étant accusé d’avoir participé au meurtre d’un gardien de prison en 1999, il y a lieu de craindre le ressentiment des autres gardiens de prison;

·          la torture serait souvent pratiquée au Mexique selon plusieurs études émanant de diverses organisations internationales préoccupées du respect des droits de la personne

Décision de la Cour d’appel du Québec, par. 24 et 47

15.              Le 22 février 2007, la Cour d’appel du Québec, après avoir considéré les arguments du demandeur, a rejeté sa demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du ministre de la Justice d’ordonner son extradition :

·          La Cour d’appel a indiqué que le ministre avait considéré que « le risque de torture n’est pas élevé d’autant qu’il est atténué – ou écarté – par les assurances qu’il a exigées du Mexique »

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.45

·          La Cour d’appel cite la jurisprudence à l’effet que la preuve général de torture n’est pas suffisante pour que la Cour intervienne et qu’un requérant doit présenter une preuve non spéculative qui permet de conclure à un risque sérieux de torture de celui-ci;

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.60‑61

·          La Cour d’appel a conclu que le « ministre a analysé tous les éléments de preuve qui avaient été portés à son attention et a considéré les principes juridiques qui trouvent application […]. Tenant compte des allégations sérieuses de brutalité policière lors de l’arrestation de Régent Boily, des accusations portées contre lui, des mesures de protection prévues dans les lois et dans la constitution du Mexique, dans les traités auxquels ce pays adhère et, enfin, des assurances exigées du Mexique, il a conclu que la demande d’extradition devait être accordée. Cette décision repose sur une appréciation d’un ensemble de circonstances permettant d’anticiper, dans la mesure du possible, la conduite future des autorités judiciaires et carcérales du Mexique. Le requérant ne démontre pas que la décision du ministre viole ses droits constitutionnels, ni que le ministre ait commis une erreur en droit ou ait agi d’une manière inéquitable, arbitraire ou abusive. En somme, il ne fait pas la démonstration que la décision du ministre est déraisonnable »;

Décision de la Cour d’appel du Québec, par.62‑63

16.              Le 22 février 2007, le demandeur a demandé l’autorisation d’interjeter appel de cette décision à la Cour suprême du Canada, qui l’a rejeté le 5 juillet 2007;

17.              Le vendredi 17 août 2007, le demandeur a été extradé au Mexique. […]

[6]               Si l’on revient au texte même de la déclaration d’action du demandeur, après avoir indiqué au paragraphe 24 de celle-ci qu’il fut effectivement extradé au Mexique le 17 août 2007, le demandeur ajoute ce qui suit aux paragraphes 25 à 27 :

25.              Il a été torturé lors de son arrivée au Mexique les 17, 19 et 21 août 2007 par des gardiens de la prison de l’État de Zacatecas, le tout tel qu’il est plus amplement décrit dans l’affidavit du 21 mars 2009, produit au soutien des présentes sous la cote P‑13;

26.              Tel qu’il est démontré dans les présentes, Boily a été torturé suite à son extradition par le ministre de la Justice du Canada et ce 1) malgré la preuve accablante, non seulement du risque mais de la probabilité marquée qu’il soit torturé suite à cette extradition et 2) en raison de l’obstination du Ministre de porter foi à l’efficacité des assurances diplomatiques avec le Mexique alors qu’il avait devant lui une preuve accablante et non-contredite de l’incapacité du Mexique d’avoir un quelconque contrôle sur leurs forces de l’ordre;

27.              Boily a également été torturé en raison de la négligence du ministre des Affaires étrangères, qui a complètement omis de mettre en place quelque mécanisme que ce soit avant, pendant et après son extradition au Mexique;

[7]               D’autre part, il ressort des représentations écrites du demandeur dans le cadre de sa requête en suspension que le jour même, soit le 5 juillet 2007, où la Cour suprême du Canada a refusé la permission d’en appeler de la décision de la Cour d’appel du Québec, le demandeur a déposé une Communication (ci-après la Communication) devant le Comité contre la Torture du Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme (ci-après le Comité) en vertu, entre autres, de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Doc. N.U. A/39/51, p. 197 (1984), [1987] R.T. Can. no 36 (entrée en vigueur : 26 juin 1987, ratification pour le Canada le 24 juin 1987, entrée en vigueur pour le Canada le 24 juillet 1987) (ci-après la Convention contre la torture).

[8]               La Communication du demandeur était assortie d’une demande de mesures provisoires en vertu de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité contre la Torture (ci-après le Règlement intérieur); demande qui avait été accueillie et qui demandait au Canada de surseoir à l’extradition du demandeur au Mexique.

[9]               Suite à des représentations subséquentes du Canada, ces mesures provisoires ont été levées, et le demandeur fut extradé vers le Mexique le 17 août 2007.

[10]           Il ressort également que la Communication du demandeur devant le Comité n’a pas été à ce jour déclarée irrecevable en vertu de l’article 110 du Règlement intérieur et le demandeur attend toujours les conclusions que le Comité doit rendre sur le fond de la requête en vertu de l’article 112 du Règlement intérieur.

[11]           Par sa requête en suspension, le demandeur demande la suspension de la présente instance, et ce, jusqu’au moment où le Comité rendra sa décision à l’égard de la Communication.

Analyse

I ‑        La requête en radiation du défendeur

[12]           Il appert des représentations écrites du défendeur que cette requête en radiation se base sur les alinéas 221(1)a) et f) des Règles des Cours fédérales (les règles).

[13]           La règle 221 se lit comme suit :

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

 

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

 

 

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

 

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

 

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

 

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

 

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

 

 

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

 

(2) Aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête invoquant le motif visé à l’alinéa (1)a).

 

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

 

 

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

 

(b) is immaterial or redundant,

 

 

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

 

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

 

 

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

 

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

 

 

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

 

(2) No evidence shall be heard on a motion for an order under paragraph (1)(a).

 

[14]           D’autre part, tel que le rappelle l’extrait suivant de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sweet et al. v. Canada (1999), 249 N.R. 17, au paragraphe 6 en page 23, une radiation ne survient sous l’un ou l’autre des alinéas de la règle 221 que si la situation visée est claire et évidente :

[6]        Statements of claim are struck out as disclosing no reasonable cause of action only in plain and obvious cases and where the Court is satisfied that the case is beyond doubt (see Attorney General of Canada v. Inuit Tapirisat of Canada et al., [1980] 2 S.C.R. 735 at 740; Operation Dismantle Inc. v. The Queen, [1985] 1 S.C.R. 441 and Hunt v. Carey Canada. Inc., [1990] 2 S.C.R. 959). The burden is as stringent when the ground argued is that of abuse of process or that of pleadings being scandalous, frivolous or vexatious (see Creaghan Estate v. The Queen, [1972] F.C. 732 at 736 (F.C.T.D.), Pratte J.; Waterside Ocean Navigation Company, Inc. v. International Navigation Ltd et al., [1977] 2 F.C. 257 at 259 (F.C.T.D.), Thurlow A.C.J.; Micromar International Inc. v. Micro Furnace Ltd. (1988), 23 C.P.R. (3d) 214 (F.C.T.D.), Pinard J. and Connaught Laboratories Ltd. v. Smithkline Beecham Pharma Inc. (1998), 86 C.P.R. (3d) 36 (F.C.T.D.) Gibson J.). The words of Pratte J. (as he then was), spoken in 1972, in Creaghan Estate, supra, are still very much appropriate:

“… a presiding judge should not make such an order unless it be obvious that the plaintiff's action is so clearly futile that it has not the slightest chance of succeeding ...”

[15]           Après le texte des paragraphes 25 à 27 de sa déclaration d’action (paragraphes cités plus haut au paragraphe [6], le demandeur structure la suite de sa déclaration d’action en trois thèmes distincts en fonction des trois chefs d’attaque qu’il souligne aux paragraphes 26 et 27 de sa déclaration. Ainsi la structure générale de la déclaration équivaut à ce qui suit :

Les fautes du ministre de la Justice :

A)        La décision d’extrader Régent Boily

… (paragraphes 28 à 42)

B)        La décision de se fier à des Assurances       diplomatiques

… (paragraphes 43 à 53)

La faute du ministre des Affaires étrangères :

C)        Le suivi de l’extradition

… (paragraphes 54 à 88)

[16]           Il m’apparaît clair et évident que le titre chapeautant les paragraphes 28 à 42 ainsi que le texte même de ces paragraphes cherchent à remettre en question la décision ministérielle du 24 mai 2006 d’extrader le demandeur vers le Mexique. Or, cette décision, tel qu’il ressort des paragraphes précédents, a fait l’objet d’une révision judiciaire approfondie par la Cour d’appel du Québec. Par décision finale de ladite Cour, la demande de révision fut rejetée et la décision ministérielle d’extradition fut jugée non déraisonnable.

[17]           Somme toute, tel que le souligne le défendeur au paragraphe 27 de ses représentations écrites :

27.       Cette décision de la Cour d’appel du Québec a l’autorité de la chose jugée et est res judicata. Ainsi, le demandeur ne peut, dans le cadre d’une action en responsabilité civile, remettre en question ni la décision ministérielle de l’extrader vers le Mexique, ni le jugement de la Cour d’appel du Québec la confirmant. Cette attaque collatérale constitue un abus de procédure qui doit être sanctionné par le rejet de cette cause d’action.

Toronto (Ville) c. (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.), section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77

Dhalla c. Canada, 2006 CF 100

[18]           Le même raisonnement vaut somme toute pour le titre chapeautant les paragraphes 43 à 53 ainsi que le texte même de ces paragraphes. Les autorités citées par le défendeur aux paragraphes 29 et 30 de ses représentations écrites de même que les paragraphes [31], [36], [62] et [63] de la décision de la Cour d’appel du Québec font qu’il est clair et évident que le Canada était justifié de se fier à ces assurances diplomatiques.

[19]           Il est donc clair et évident que le paragraphe 26 de la déclaration d’action ainsi que le texte de cette déclaration qui suit le paragraphe 27 jusqu’à et y inclus le paragraphe 53 constituent une attaque collatérale de la décision ministérielle d’extradition ainsi que de la décision de la Cour d’appel du Québec. Ainsi ces paragraphes de la déclaration d’action ne peuvent fonder une cause d’action valable au sens de l’alinéa 221(1)a) des règles et ils constituent également un abus de procédure au sens de l’alinéa 221(1)f) des règles.

[20]           Par ailleurs, il en va toutefois autrement quant aux allégations que le demandeur formule aux paragraphes 27, puis 54 à 88 de la déclaration d’action. Ces paragraphes traitent essentiellement de l’absence alléguée de mécanisme de suivi de la part du ministre des Affaires étrangères afin de s’assurer en tout temps que le demandeur une fois rendu sur place au Mexique après son extradition ne soit pas torturé. Tel qu’indiqué auparavant, le demandeur allègue qu’il a été torturé du 17 au 21 août 2007 (la période alléguée de torture).

[21]           À mon avis, cet état de chose est distinct et échappe aux circonstances entourant la décision ministérielle d’extradition du 24 mai 2006 ainsi qu’à la décision de la Cour d’appel du Québec. En effet, la période alléguée de torture survient dans le temps près de six (6) mois après cette révision judiciaire et peut être vue de façon indépendante de la décision d’extradition et de la décision ou du fait que le ministre de la Justice s’est fié aux assurances diplomatiques; éléments qui eux maintenant ne peuvent fonder une cause d’action.

[22]           Par ailleurs, le procureur du défendeur a référé la Cour à l’audition à l’arrêt Smith c. Canada (Procureur général), 2009 FC 228, [2010] 1 R.C.F. 3, et plus particulièrement au paragraphe [54] de cette décision pour soutenir l’argument à l’effet que l’article 10 de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, L.R.C. 1985, ch. E‑22, ne créait pas d’obligation légale d’agir.

[23]           Je ne suis pas d’accord pour tenir dans le cadre de la présente requête que cet arrêt Smith et les propos de la Cour au paragraphe [54] de cet arrêt soient déterminants en l’espèce. Dans cet arrêt, M. Smith, citoyen canadien et condamné à mort aux États-Unis, reprochait au Gouvernement canadien de lui avoir retiré de façon arbitraire l’aide diplomatique quant à sa demande de clémence adressée aux autorités américaines.

[24]           La Cour s’exprime comme suit au paragraphe [54] de l’arrêt Smith :

[54]      M. Smith prétend également que le Canada est tenu de prendre des mesures positives pour le protéger en vertu des principes du droit international et des alinéas 10(2)a), 10(2)i) et 10(2)j) de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. J’admets certes que la décision du gouvernement de refuser d’aider M. Smith dans sa demande de clémence est difficile à réconcilier avec l’engagement du Canada sur le plan international pour favoriser le respect des normes internationales relatives aux droits de la personne, notamment l’abolition universelle de la peine de mort, mais je ne suis pas d’accord que cette incohérence crée une obligation légale et positive d’agir. Que la peine de mort soit imposée aux États-Unis ne viole pas en soi les principes du droit international, et je ne peux conclure que le libellé de l’article 10 de la loi précitée est suffisamment explicite pour créer le type d’obligation positive de protection diplomatique qu’affirme M. Smith. Il se peut que le droit international évolue en ce sens, mais la Charte sera à mon avis un fondement suffisant pour la protection, de sorte qu’il n’y aura pas lieu de recourir aux principes de droit international le cas échéant.

[Je souligne.]

[25]           Quant à l’article 10 de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, il se lit comme suit :

POUVOIRS ET FONCTIONS DU MINISTRE

 

 

10. (1) Les pouvoirs et fonctions du ministre s’étendent d’une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement non attribués de droit à d’autres ministères ou organismes fédéraux et liés à la conduite des affaires extérieures du Canada, notamment en matière de commerce international et de développement international.

 

(2) Dans le cadre des pouvoirs et fonctions que lui confère la présente loi, le ministre :

 

a) dirige les relations diplomatiques et consulaires du Canada;

 

b) est chargé des communications officielles entre le gouvernement du Canada, d’une part, et les gouvernements étrangers ou les organisations internationales, d’autre part;

 

 

c) mène les négociations internationales auxquelles le Canada participe;

 

d) coordonne les relations économiques internationales du Canada;

 

e) stimule le commerce international du Canada;

 

 

f) a la tutelle de l’Agence canadienne de développement international;

 

 

g) coordonne les orientations données par le gouvernement du Canada aux chefs des missions diplomatiques et consulaires du Canada;

 

 

h) assure la gestion des missions diplomatiques et consulaires du Canada;

 

i) assure la gestion du service extérieur;

 

j) encourage le développement du droit international et son application aux relations extérieures du Canada;

 

k) exerce tous autres pouvoirs et fonctions qui lui sont attribués de droit.

 

[…]

POWERS, DUTIES AND FUNCTIONS OF

THE MINISTER

 

10. (1) The powers, duties and functions of the Minister extend to and include all matters over which Parliament has jurisdiction, not by law assigned to any other department, board or agency of the Government of Canada, relating to the conduct of the external affairs of Canada, including international trade and commerce and international development.

 

(2) In exercising his powers and carrying out his duties and functions under this Act, the Minister shall

 

(a) conduct all diplomatic and consular relations on behalf of Canada;

 

(b) conduct all official communication between the Government of Canada and the government of any other country and between the Government of Canada and any international organization;

 

(c) conduct and manage international negotiations as they relate to Canada;

 

(d) coordinate Canada’s international economic relations;

 

(e) foster the expansion of Canada’s international trade and commerce;

 

(f) have the control and supervision of the Canadian International Development Agency;

 

(g) coordinate the direction given by the Government of Canada to the heads of Canada’s diplomatic and consular missions;

 

 

(h) have the management of Canada’s diplomatic and consular missions;

 

(i) administer the foreign service of Canada;

 

(j) foster the development of international law and its application in Canada’s external relations; and

 

(k) carry out such other duties and functions as are by law assigned to him.

 

[26]           Bien que dans l’arrêt Smith la Cour ait pu au mérite de la demande établir que l’article 10 de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international n’était pas suffisamment explicite pour permettre à la Cour de retenir que ce texte créait une obligation de protection dans les circonstances particulières de cette affaire, il ne m’apparaît pas clair et évident en l’espèce que l’on puisse écarter que le libellé très large du texte de cet article 10 puisse comprendre le type de mesures dont l’absence est dénoncée par le demandeur.

[27]           De plus, dans les faits, l’on sait que le ministre de la Justice avait demandé à son collègue des Affaires extérieures d’assurer un certain suivi de la situation et que sur le terrain certains gestes ont été posés par le personnel diplomatique canadien. Le demandeur soutient essentiellement à cet égard, si l’on se permet de résumer, que ce fut trop peu, trop tard. Il m’apparaît que ce sera au juge du mérite d’apprécier tous les tenants et aboutissants à cet égard.

[28]           Somme toute, il m’apparaît qu’il n’est pas clair et évident dans le cadre de la présente requête que les paragraphes 27, puis 54 à 88 de la déclaration d’action constituent un abus de procédure ou ne révèlent aucune cause d’action valable.

[29]           Pour que le tout soit plus clair et bien que le premier paragraphe de la déclaration d’action tende à établir le point, il serait peut-être opportun pour le demandeur qu’il reflète, voire qu’il indique à sa déclaration d’action à venir ce qu’il mentionne au paragraphe 15 de ses représentations écrites en réponse à la requête à l’étude, à savoir que :

15.              L’action du demandeur ne constitue pas une demande de révision judiciaire de la décision du ministre du 24 mai 2006, mais bel et bien une demande de réparation au gouvernement du Canada en raison du fait qu’il a été torturé au Mexique les 17, 19 et 21 août 2007 suite à son extradition vers ce pays par les autorités canadiennes.

[30]           En autant que l’on doive référer à la décision d’extradition et à la fiabilité des assurances diplomatiques, ces éléments ne pourront en soi être présentés en termes de fautes mais tout au plus pour établir un certain contexte en vue de faciliter la compréhension des faits matériels pouvant possiblement établir une ou des fautes relatives à la période alléguée de torture.

[31]           Par ailleurs, en termes de radiation, le défendeur cherche à obtenir également la radiation de la pièce P‑13 mentionnée au paragraphe 25 de la déclaration d’action, ainsi que le texte souligné ci-après dudit paragraphe :

25.              Il a été torturé lors de son arrivée au Mexique les 17, 19 et 21 août 2007 par des gardiens de la prison de l’État de Zacatecas, le tout tel qu’il est plus amplement décrit dans l’affidavit du 21 mars 2009, produit au soutien des présentes sous la cote P‑13;

[Je souligne.]

[32]           Suivant le défendeur :

47.              La pièce P‑13 est un affidavit non contemporain aux événements, non prévu aux Règles des Cours fédérales, qui ne peut permettre un contre-interrogatoire et qui ne peut donc faire preuve de son contenu.

48.              Cet affidavit doit être radié des procédures, de même que les mots « , le tout tel qu’il est plus amplement décrit dans l’affidavit du 21 mars 2009, produit au soutien des présentes sous la cote P‑13 » au paragraphe 25 de la Déclaration.

[33]           Je ne considère pas que cette radiation doive prendre place. L’affidavit P‑13 ne peut certes dans le cadre d’une action faire preuve de son contenu. Il doit tout au plus être vu comme une annexe à la déclaration d’action détaillant la torture alléguée. Ce document doit être vu comme faisant partie du texte même de la déclaration d’action et le demandeur pourra certes être interrogé au préalable sur son contenu. Pour éviter tout imbroglio futur, le demandeur voudra possiblement lister dans le texte même de sa déclaration à venir les faits matériels propres à cette circonstance.

[34]           Ainsi, en principe et sans vouloir établir ici une liste exhaustive à tout prix, seuls les paragraphes 26 de la déclaration d’action puis tout le texte qui suit le paragraphe 27 jusqu’à et y inclus le paragraphe 53 de cette déclaration, y inclus le paragraphe 89, et fort possiblement d’autres allégations aux chapitres des dommages, devraient être radiés. Toutefois, la Cour considère que cela rendrait le texte restant de la déclaration d’action d’une facture difficile à lire. La Cour choisira plutôt dans l’ordonnance qui suit les présents motifs d’accueillir la requête en radiation du défendeur et de radier en entier la déclaration d’action du demandeur, le tout avec frais à suivre, et sous réserve toutefois du droit du demandeur de déposer de nouveau dans un délai donné une déclaration d’action qui respecte les présents motifs d’ordonnance.

[35]           Comme la Cour assume que le demandeur agira ainsi, elle considère maintenant qu’il y a lieu de se prononcer sur la requête du demandeur en suspension des procédures en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales.

II ‑       La requête du demandeur en suspension d’instance

[36]           Le paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales se lit comme suit :

50. (1) La Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

 

a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;

 

 

b) lorsque, pour quelque autre raison, l’intérêt de la justice l’exige.

50. (1) The Federal Court of Appeal or the Federal Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter

 

(a) on the ground that the claim is being proceeded with in another court or jurisdiction; or

 

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.

[37]           La Cour considère premièrement que le Comité ne constitue pas un « tribunal » au sens de l’alinéa 50(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales.

[38]           Par ailleurs, si ledit Comité constitue un tel tribunal, certaines conditions doivent être rencontrées pour obtenir une suspension. En effet, tel qu’établi dans Safilo Canada Inc. c. Contour Optik Inc., 2005 CF 278, [2005] A.C.F. no 384 :

[27]      La jurisprudence a élaboré un certain nombre de critères pour déterminer dans quelles circonstances une suspension des procédures devrait être ordonnée (Discreet Logic Inc. c. Canada (Registraire des droits d'auteur), (1993) 51 C.P.R. (3d) 191, confirmé par (1994) 55 C.P.R. (3d) 167 (C.A.F.); Plibrico (Canada) Limited c. Combustion Engineering Canada Inc., 30 C.P.R. (3d) 312; Ass'n of Parents Support Groups c. York, 14 C.P.R. (3d) 263; Compulife Software Inc. c. Compuoffice Software Inc., (1997) 77 C.P.R. (3d) 451; 94272 Canada Ltd. c. Moffatt, (1990) F.C.J. No. 422; General Foods c. Struthers, [1974] R.C.S. 98). Ces critères ont été bien résumés par le juge Dubé dans l'arrêt White c. E.B.F., (2001) A.C.F. No. 1073 :

1. La poursuite de l'action causerait-elle un préjudice ou une injustice (non seulement des inconvénients et des frais additionnels) au défendeur?

2. La suspension créerait-elle une injustice envers le demandeur?

3. Il incombe à la partie qui demande la suspension d'établir que ces deux conditions sont réunies.

4. L'octroi ou le refus de la suspension relèvent de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge.

5. Le pouvoir d'accorder une suspension peut seulement être exercé avec modération et dans les cas les plus évidents.

6. Les faits allégués, les questions de droit soulevées et la réparation demandée sont-ils les mêmes dans les deux actions?

7. Quelles sont les possibilités que les deux tribunaux tirent des conclusions contradictoires?

8. À moins qu'il y ait un risque que deux tribunaux différents rendent prochainement une décision sur la même question, la Cour devrait répugner fortement à limiter le droit d'accès d'une partie en litige à un autre tribunal.

9. La priorité ne doit pas nécessairement être accordée à la première instance par rapport à la deuxième ou vice versa.

[39]           Il ressort que la question centrale devant le Comité est de savoir si le Canada a contrevenu à l’article 3 de la Convention contre la torture qui dispose que :

Art. 3

1.                  Aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

2.                  Pour déterminer s’il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l’existence, dans l’Etat intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives.

[40]           Or, il ne m’apparaît pas que la présente Cour, si elle a à trancher cette question dans le cadre de l’action à venir du demandeur, devra le faire sous le même angle ou étendue que le Comité.

[41]           De plus, et à tout hasard, tel que le souligne le défendeur au paragraphe 17 de ses représentations écrites en réponse à cette requête du demandeur :

17.             Aux termes du paragraphe 22(7) de la Convention contre la torture, le Comité n’a pas de pouvoir décisionnel, mais bien un pouvoir de faire des « constatations », non contraignantes, dont il doit faire part à l’État partie intéressée et au particulier qui a fait la plainte.

[42]           Par ailleurs, le demandeur lui-même produit au soutien de sa requête la pièce R‑15 qu’il a soumis au Comité pour contrer une demande du Canada devant ledit Comité de rejeter la Communication du demandeur. Il est révélateur de constater, entre autres, ce que les paragraphes 8 à 16 de cette pièce R‑15 dévoilent :

I-       LES RECOURS VISENT DES SITUATIONS DIFFÉRENTES

8.      Contrairement à ce qu’affirme le Canada dans ses observations, la poursuite devant la Cour Fédérale et la communication devant le Comité visent des situations différentes.

9.      En effet, la communication devant ce Comité a été introduite le 4 juillet 2007, soit avant que Boily soit effectivement extradé au Mexique. La requête était d’ailleurs accompagné d’une demande de mise en place de mesures provisoires pour suspendre l’extradition de Boily, mesures qui ont été émises le 6 juillet et retiré [sic] le 13 août 2007.

10.    Dans sa plainte devant le Comité contre la torture, Boily se plaint de la violation par le Canada de l’article 3 de la Convention, lequel prévoit l’interdiction de refouler qui que ce soit vers un État où il existe un risque sérieux qu’elle soit soumise à la torture.

11.    La plainte contre le Canada vise essentiellement à faire reconnaître que ce pays a violé la Convention contre la Torture en extradant Boily vers le Mexique le 17 août 2007, compte tenu des risques sérieux qui avaient été démontrés qu’il soit torturé dans cet État.

12.    Au soutien de sa communication devant ce Comité, Boily invoque l’existence de risques prévisible, réel et personnel qu’il allait être torturé s’il était extradé au Mexique.

13.    C’est donc l’extradition elle-même qui est attaquée, et le fait que cette dernière, compte tenu des circonstances particulières entourant M. Boily et l’endroit où il devait être renvoyé, contrevenait à l’article 3 de la Convention.

14.    Le Canada et Boily s’entendent pour dire que le fait que Boily ait effectivement été torturé suite à son renvoi ne constitue pas une preuve qu’il existait un risque prévisible, réel et personnel qu’il soit torturé (voir le paragraphe 20 des observations du Canada du 27 août 2009).

15.    Le caractère prévisible, réel et personnel de ce risque dans le présent dossier, tel que l’a exposé Boily dans ses différentes observations, reposait sur le fait qu’un gardien de prison avait été tué pendant l’évasion de Boily et sur le fait que la torture est répandue dans les prisons mexicaines.

16.    Dans l’action introduite devant la Cour Fédérale, Boily reproche au Canada le fait qu’il a été torturé suite à son extradition. Il cherche à obtenir réparation pour le fait qu’il a été torturé, et non pas pour le fait qu’il risquait de l’être, comme il le fait devant le Comité (voir paragraphes 89-92 de la procédure annexée aux observations du Canada).

[Je souligne.]

[43]           Fort de ce contexte, si l’on retourne aux divers éléments qui ressortent de l’arrêt Contour Optik, supra, on constate sans difficulté que le demandeur n’a point établi les éléments majeurs 1, 2, 6 et 7 qui s’y retrouvent.

[44]           En conséquence, cette requête du demandeur en suspension de procédure sera rejetée, le tout avec dépens.

[45]           Par ailleurs, en autant que l’on doive considérer l’alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales et tenir que cet alinéa échappe au test de l’affaire Contour Optik, la Cour ne considère pas pour les motifs exprimés par le défendeur que le test à trois éléments établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba (A.G.) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 est ici rencontré par le demandeur. Même en tenant pour acquis qu’il y a en l’espèce une question sérieuse à trancher, il n’a certainement pas été établi que le demandeur subirait un dommage irréparable si l’action devait se poursuivre. De plus, sous le troisième élément du test, je considère que l’équilibre des préjudices en jeu est clairement en faveur de la poursuite du processus judiciaire en Cour fédérale.

[46]           Enfin, tel que discuté lors de l’audition des requêtes à l’étude, la partie défenderesse dans la présente action, et ce, dans l’hypothèse où le demandeur se prévaudrait du droit de produire à nouveau une déclaration d’action dans le présent dossier, devrait être désignée non pas comme le Procureur général du Canada, mais bien comme Sa Majesté la Reine, et ce, suivant les dispositions de l’article 48 de la Loi sur les Cours fédérales.


ORDONNANCE

1.                  La requête du demandeur en suspension de procédure est rejetée, le tout avec dépens.

2.                  La requête du défendeur en radiation est accueillie et la déclaration d’action du demandeur est radiée en entier, le tout avec frais à suivre, et sous réserve toutefois du droit du demandeur de déposer de nouveau le ou avant le 10 janvier 2011 une déclaration d’action qui respecte les motifs d’ordonnance accompagnant la présente ordonnance.

3.                  Dans l’hypothèse où le demandeur se prévaudrait du droit de produire à nouveau une déclaration d’action dans le présent dossier, la partie défenderesse devrait être désignée non pas comme le Procureur général du Canada, mais bien comme Sa Majesté la Reine, et ce, suivant les dispositions de l’article 48 de la Loi sur les Cours fédérales.

4.                  La défenderesse alors devra signifier et déposer sa défense dans les trente (30) jours suivant le dépôt prévu au paragraphe 2.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-541-10

 

INTITULÉ :                                       RÉGENT BOILY

                                                            et

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               30 novembre 2010

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       6 décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Philippe Larochelle

Christian Deslauriers

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Dominique Guimond

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Philippe Larochelle

Christian Deslauriers

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kervan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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