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Cour fédérale

 

Federal Court


 


Date : 20101201

Dossier : IMM-1937-10

Référence : 2010 CF 1212

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1e décembre 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE:

 

LIANA GURSHOMOV

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demanderesse est une Israélienne vivant au Canada avec ses trois enfants. Après ce qu’on peut qualifier de grave erreur administrative (on lui a fait croire que sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH) était pendante alors qu’en réalité elle avait été rejetée), la demanderesse a fait l’objet d’une mesure d’expulsion. Sa demande de report de renvoi a été rejetée. Un sursis a été accordé, et ceci est le contrôle judiciaire du refus de report.

 

II.        RÉSUMÉ DES FAITS

[2]               La demanderesse est entrée au Canada à la fin 2003 avec son époux (ils sont toujours mariés, mais séparés) et leurs enfants. Après le rejet de leur demande d’asile, l’époux de la demanderesse a présenté une demande CH (première demande CH) le 28 mai 2004, qui était fondée sur sa situation personnelle. 

 

[3]               En janvier 2008, la demanderesse et son époux se sont séparés. Par conséquent, la demanderesse a présenté sa propre demande CH (deuxième demande CH) le 27 mai 2008.

 

[4]               Il se trouve que la deuxième demande CH a été rejetée le 5 février 2009, et que la première demande CH, présentée cinq ans auparavant, a été rejetée le 9 mars 2009. La demanderesse a été informée du rejet de la deuxième demande CH en même temps qu’elle a reçu la réponse défavorable relativement à son ERAR. Elle prétend qu’elle n’a pas aimé que sa demande CH soit rejetée et sa conduite subséquente cadre avec cette prétention.

 

[5]               Le 7 avril 2007, l’avocate de la demanderesse a vérifié sur le site web de CIC, qui indiquait qu’une demande CH était pendante. L’avocate et la demanderesse ont présumé qu’il s’agissait de la deuxième demande CH.

 

[6]               CIC a confirmé à l’avocate que la deuxième demande CH était pendante et que des frais supplémentaires étaient exigés. La demanderesse a payé les frais supplémentaires et a formulé d’autres observations le 8 mai 2009. Convaincue que la deuxième demande CH n’avait pas encore été tranchée, la demanderesse, le 28 mai 2009 et le 22 juillet 2009, a ajouté d’autres observations à ces nouvelles observations. Cette demande CH portait, en partie, sur les craintes de la demanderesse pour sa sécurité et celle de ses enfants.

 

[7]               Le 24 juillet 2009, deux jours après la dernière série d’observations, la demanderesse, invoquant la deuxième demande CH « pendante », a demandé le report de tout renvoi. Cette demande de report a été accueillie par CIC le 14 août 2009.

 

[8]               C’est le 25 mars 2010 que la demanderesse a été informée que la deuxième demande CH avait été rejetée en février 2009. La demanderesse l’a appris par la réception de l’itinéraire de son renvoi.

 

[9]               Le lendemain, la demanderesse a présenté une troisième demande CH comprenant tous les documents déposés avec la deuxième demande CH.

 

[10]           Vers le 31 mars 2010, la demanderesse a reçu notification des dernières formalités de voyage; elle a immédiatement demandé un report de renvoi, qui a été rejeté. 

 

[11]           Dans le refus de report, l’agent de renvoi a souligné que la décision concernant la troisième demande CH n’était pas imminente et que les décisions relatives aux précédentes demandes CH avaient été prises.

 

[12]           L’agent n’a pas tenu compte des risques courus par la demanderesse si elle retournait en Israël où vit actuellement son mari violent. L’agent a abordé la question de l’« intérêt supérieur des enfants » sous l’angle de leur capacité d’adaptation. Aucune attention n’a été accordée à l’ordonnance de garde de l’Ontario, qui favorise entièrement la demanderesse, ni aux éléments de preuve, aussi faibles soient-ils, démontrant qu’Israël pourrait ne pas respecter l’ordonnance ontarienne.

 

III.       ANALYSE

[13]           La norme de contrôle prédominante en matière de report de renvoi est la norme de la raisonnabilité (Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81). Les questions d’équité procédurale sont soumises à la norme de la décision correcte. Enfin, L’analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants est soumise à la norme de la décision raisonnable (Kolosovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165).

 

[14]           La question qui au coeur du présent contrôle judiciaire est la confusion entourant la deuxième demande CH – une confusion causée par le défendeur et vécue par les deux parties.

 

[15]           La Cour est consciente du pouvoir limité de l’agent de renvoi de traiter les conséquences de l’erreur relative à la deuxième demande CH. Toutefois, l’état d’une demande CH, le moment où elle a été déposée, peuvent être des facteurs à prendre en compte dans une décision relative à un report de renvoi.

[…] Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

 

Baron, précité, au paragraphe 51.

 

[16]           En ne s’occupant que du moment où la troisième demande CH pendante a été déposée par la demanderesse, l’agent ne s’est pas occupé de l’élément important – la raison pour laquelle, à première vue, il y a eu dépôt tardif de la demande CH. La véritable raison du dépôt tardif de la demande CH a été les actions d’une autre section du gouvernement canadien qui ont mené la demanderesse à croire que sa deuxième demande CH était en cours d’examen.

 

[17]           De plus, la deuxième demande CH soulevait des questions de sécurité personnelle qui n’ont jamais été traitées.

 

[18]           Par conséquent, la Cour conclut qu’il s’agit en l’espèce d’un cas où l’agent de renvoi n’a pas vraiment tenu compte d’un facteur pertinent (voir Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936), ce qui constitue une erreur de droit, et d’un cas où il existe des « considérations spéciales », au sens de l’arrêt Baron, précité.

 

IV.       CONCLUSION

[19]           La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de ne pas reporter le renvoi est annulée. La demanderesse peut présenter une autre demande de report si elle le juge nécessaire.

 

[20]           Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que la décision de ne pas reporter est annulée. La demanderesse peut présenter une autre demande de report si elle le juge nécessaire.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1937-10

 

INTITULÉ :                                       LIANA GURSHOMOV

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 1er décembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jennifer Egsgard

Aviva Basman

 

POUR LA DEMANDERESSE

Laden Shahrooz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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