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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20101130

Dossier : IMM-599-10

Référence : 2010 CF 1202

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2010      

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

OSCAR YASMANI GOMEZ NIETO

 

 

 

demandeur

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Vue d’ensemble

 

[1]               M. Oscar Yasmani Gomez Nieto s’est enfui du Mexique en 2008 et a demandé l’asile au Canada. Il affirme qu’il risque d’être persécuté au Mexique du fait de son orientation sexuelle.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Gomez Nieto en déclarant qu’il pourrait habiter en toute sécurité à Mexico, même s’il risquait la persécution ailleurs au pays. M. Gomez Nieto fait valoir que la conclusion de la Commission est déraisonnable et me demande d’ordonner à un autre tribunal de réexaminer sa demande d’asile.

 

[3]               À mon avis, il était raisonnable pour la Commission de conclure que M. Gomez Nieto pouvait éviter la persécution à Mexico compte tenu des éléments de preuve qui lui avaient été présentés. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               La seule question en litige est de savoir si la conclusion de la Commission était déraisonnable.

 

II.     Le contexte factuel

 

[5]               M. Gomez Nieto a grandi à Puebla City. Entre septembre 2006 et mai 2007, quand il se trouvait au milieu de la vingtaine, il a vécu à Mexico pour prendre soin d’un membre de sa famille qui était malade. À son retour à Puebla City, il a été détenu par la police et contraint de faire une fellation à un policier. En mars 2008, il a été jeté en prison, où il a passé la nuit et a été violé par d’autres détenus. Après avoir été libéré, il est revenu brièvement à Mexico, d’où il a tenté en vain de quitter le pays. En mai 2008, il est retourné à Puebla City et y a encore vécu des problèmes. Il a été agressé à l’extérieur d’un supermarché et, peu après, lui et un ami ont été enlevés, leurs effets leur ont été volés et ils ont été agressés sexuellement par des policiers. M. Gomez Nieto a passé deux jours à l’hôpital par suite de cette agression.

 

[6]               M. Gomez Nieto a porté plainte à la police, mais il a été insulté et humilié en raison de son orientation sexuelle. Le lendemain, il a reçu des appels de menaces. Il a décidé de quitter le Mexique et de demander l’asile au Canada.

 

 

III.   La décision de la Commission

 

[7]               La Commission a accepté la version des faits donnée par M. Gomez Nieto quant aux faits survenus à Puebla City. Cependant, elle a jugé qu’il avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) raisonnable à Mexico.

 

[8]               La Commission a pris connaissance des éléments de preuve documentaire montrant ce qui suit :

 

•           Le district fédéral (c.-à-d. Mexico) s’occupe de protéger et de promouvoir les droits des homosexuels et permet les unions entre conjoints de même sexe.

 

•           Le Conseil national contre la discrimination (CONAPRED) enquête sur les plaintes de discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et fait respecter les lois applicables.

 

•           D’importants partis politiques du Mexique appuient les droits des homosexuels.

 

•           La parade de la fierté gaie à Mexico a attiré des centaines de milliers de participants et spectateurs.

 

•           La société mexicaine est de plus en plus tolérante envers l’homosexualité, particulièrement dans les grands centres urbains et chez les jeunes.

 

•           Les statistiques ne montrent pas de taux élevé d’homicides contre les homosexuels.

 

 

[9]               En outre, le tribunal a souligné que M. Gomez Nieto avait vécu en toute sécurité à Mexico pendant à peu près huit mois sans avoir de problèmes, hormis des railleries de la part de certains. Même si la police ne lui est pas venue en aide à Puebla City, les éléments de preuve documentaire montrent que les policiers de Mexico sont plus sensibilisés et fiables.

 

[10]           La Commission a également pris connaissance du rapport psychiatrique présenté par M. Gomez Nieto. Le psychiatre a mentionné que M. Gomez Nieto souffrait de dépression, de stress post-traumatique et d’agoraphobie, puis il s’est dit inquiet du fait que les symptômes pourraient empirer si M. Gomez Nieto était renvoyé au Mexique. La Commission a constaté que le demandeur pourrait obtenir du soutien et du counseling à Mexico auprès des nombreux groupes de défense des droits des homosexuels qui s’y trouvent de même qu’auprès d’organismes gouvernementaux.

 

[11]           À la lumière de toute cette preuve, la Commission a conclu que M. Gomez Nieto pouvait vivre en sécurité à Mexico. En outre, elle était d’avis qu’il était raisonnable pour lui d’y trouver refuge, car il y avait déjà habité. La seule raison pour laquelle il n’est pas resté à Mexico après mai 2007, c’est parce qu’il ne pouvait pas obtenir une mutation de son emploi dans une pharmacie de Puebla City à Mexico sans perdre de l’ancienneté.

 

IV.  La décision de la Commission était-elle raisonnable?

 

[12]           M. Gomez Nieto soutient que la décision de la Commission n’est pas raisonnable parce que cette dernière n’a pas tenu suffisamment compte du rapport psychiatrique présenté. Plus particulièrement, il estime que la Commission n’a pas pris son état mental en considération quand elle a analysé le caractère raisonnable de la PRI à Mexico. Il cite le juge John Richard lorsqu’il dit qu’un rapport psychologique « peut apporter la preuve objective qu’il serait “trop sévère” de s’attendre à ce que les requérants, qui ont déjà été persécutés dans une région de leur pays d’origine, déménagent dans une autre partie moins hostile du même pays » (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1044 (C.F. 1re inst.), paragraphe 8).

 

[13]           En outre, M. Gomez Nieto fait valoir que la Commission a passé outre à des éléments de preuve importants au sujet du traitement des gais par la police à Mexico, de sorte que la décision concernant sa capacité d’y vivre en sécurité est déraisonnable.

 

[14]           À mon avis, la Commission a pris en considération le rapport psychiatrique et l’état mental de M. Gomez Nieto quand elle a analysé s’il était raisonnable pour lui de vivre à Mexico. Elle a conclu, en s’appuyant sur la preuve documentaire, qu’il y avait des ressources adéquates à sa disposition dans cette ville. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette conclusion.

 

[15]           Pour ce qui est des éléments de preuve que la Commission n’aurait supposément pas examinés, le dossier contient clairement des documents que la Commission n’a pas cités. De fait, le dossier est volumineux; on ne peut s’attendre à ce que la Commission reprenne chaque élément de preuve qui lui a été présenté. La question est de savoir si elle a omis de prendre en compte des éléments de preuve importants qui contrediraient sa conclusion : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425.

 

[16]           La Commission a examiné un grand nombre de documents divers appuyant sa conclusion suivant laquelle M. Gomez Nieto pourrait vivre en sécurité à Mexico. Elle a également cité certains éléments de preuve contradictoires et a expliqué pourquoi elle les avait jugés moins convaincants que la preuve qui sous-tendait sa décision. En outre, bien évidemment, la Commission a tenu compte de l’expérience vécue par M. Gomez Nieto quand il a habité en sécurité à Mexico pendant plusieurs mois à deux reprises. Quand je lis la décision de la Commission, je constate qu’elle renferme une analyse assez approfondie des éléments de preuve et une explication adéquate de sa conclusion. Aucun des éléments de preuve supplémentaires cités par M. Gomez Nieto ne soulève de points qui n’ont pas été analysés par la Commission ou qui contredisent directement sa conclusion. Par conséquent, je ne peux rien voir de déraisonnable dans la décision de la Commission.

 

V.     Conclusion et décision

 

[17]           La Commission a pris en considération les éléments de preuve pertinents et a déterminé la valeur probante à accorder à chacun. Sa décision était raisonnable compte tenu de cette preuve. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification et aucune n’est formulée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-599-10

 

INTITULÉ :                                       OSCAR YASMANI GOMEZ NIETO c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Addinall

 

POUR LE DEMANDEUR

Sybil Thompson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RICHARD M. ADDINALL

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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