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Cour fédérale

 

 

Federal Court

 

Date : 20101108

Dossier : IMM-647-10

Référence : 2010 CF 1102

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2010

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

MIN WU

demandeur

et

 

LE MINISTRE  DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

[1]               M. Min Wu soutient qu’il a fui la Chine après que le Bureau de la sécurité publique (BSP) eut effectué une descente dans l’église chrétienne clandestine qu’il fréquentait. Il dit qu’il a payé un passeur pour que celui-ci l’escorte hors de Chine parce qu’il craignait que le BSP ne l’arrête pour avoir pratiqué sa foi chrétienne.

 

[2]               Lorsqu’il est arrivé au Canada, M. Wu a demandé l’asile. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande pour trois motifs indépendants : (1) le tribunal n’a pas cru le compte rendu que M. Wu avait fait de ses expériences à l’église clandestine et de la façon dont il était venu au Canada; (2) contrairement à ce que M. Wu avait prétendu, le tribunal ne croyait pas que M. Wu était un membre dévoué d’une église pentecôtiste au Canada; et (3) le tribunal n’était pas convaincu que M. Wu serait exposé à un risque de persécution religieuse s’il retournait dans la province du Fujian en Chine.

 

[3]               M. Wu soutient que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables, et il me demande d’infirmer la décision de la Commission et d’ordonner qu’un tribunal différemment constitué de la Commission procède à un nouvel examen de sa demande. Cependant, je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Commission, et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               La seule question en litige est celle de savoir si les trois conclusions principales de la Commission étaient déraisonnables.

 

II.     La décision de la Commission

(1)   Réserves générales concernant la crédibilité

 

[5]               La Commission a exprimé plusieurs réserves à la suite du témoignage de M. Wu, notamment au regard de différences importantes entre le témoignage de M. Wu lors de l’audition de sa demande d’asile et ses déclarations recueillies à son arrivée au point d’entrée (PDE) au Canada. De plus, la Commission a jugé invraisemblables différents aspects de son compte rendu des événements.

 

[6]               En fait de contradictions, la Commission a souligné que M. Wu avait nié savoir quel passeport il avait utilisé pour entrer au Canada ou quel nom y figurait. Cependant, au PDE, il avait affirmé qu’il avait utilisé un passeport indonésien, et l’agent avait noté cette affirmation dans un résumé de l’entrevue au PDE. M. Wu avait également affirmé au PDE qu’il avait un passeport chinois valide, qu’il avait confié à un ami pour que celui-ci le conserve en lieu sûr. À l’audience, il avait nié posséder un tel document.

 

[7]               De plus, M. Wu avait d’abord dit qu’il ne savait pas quel itinéraire il avait emprunté pour arriver au Canada. Il avait affirmé plus tard qu’il avait voyagé de Hong Kong à Beijing, puis de Beijing au Canada. À l’audience, il avait concédé qu’il avait délibérément tenté d’induire en erreur l’agent au PDE.

 

[8]               La Commission a aussi jugé invraisemblable que M. Wu n’ait aucune idée de ce qu’il aurait dit s’il avait été interrogé en cours de route au sujet de son identité ou de ses documents incompatibles. M. Wu a soutenu que le passeur qui l’avait accompagné l’avait assuré qu’il n’avait qu’à le suivre et à le laisser parler. De plus, la Commission a jugé invraisemblable la prétention de M. Wu selon laquelle il était venu au Canada uniquement parce que le passeur lui avait dit de le faire. M. Wu a affirmé que le passeur ne lui avait communiqué aucun renseignement concernant le Canada ou la façon dont il serait traité ici, malgré la somme d’argent considérable qu’il avait payée – 27 000 $ CA.

 

[9]               La Commission a aussi exprimé des réserves à l’égard du témoignage de M. Wu concernant son appartenance à une église clandestine en Chine. À l’audience, M. Wu a été interrogé au sujet des précautions qui devaient être prises pour éviter la détection. Il a mentionné le recours à des guetteurs aux entrées de l’édifice. Cependant, lorsqu’il y a été incité, il a mentionné plusieurs autres précautions, notamment tenir les assemblées à trois endroits différents à la campagne, cacher les bibles si nécessaire, s’abstenir de chanter des hymnes, et fermer les stores. La Commission a tiré une inférence négative du fait que M. Wu n’avait pas fait mention de ces précautions lorsqu’il avait été interrogé la première fois.

 

[10]           La Commission a été troublée par le terme [TRADUCTION] « christianalité » que M. Wu avait employé pour décrire sa religion. En outre, au PDE, M. Wu avait dit que le BSP recherchait le dirigeant de l’église clandestine. Dans son formulaire de renseignements personnels, M. Wu a dit que le BSP le recherchait ainsi que sa famille. Dans une déclaration écrite complémentaire, M. Wu a dit que le BSP avait arrêté des membres de son église, mais il n’a pas mentionné qu’il était recherché. La Commission a trouvé son témoignage non convaincant.

 

[11]           La Commission a souligné que M. Wu n’avait présenté aucun élément de preuve documentaire étayant sa prétention selon laquelle le BSP le recherchait. Contrairement à la pratique courante, le BSP n’avait pas laissé de mandat ni de sommation à sa famille, même si M. Wu prétendait que le BSP avait rendu visite à sa famille à de nombreuses occasions alors qu’il le recherchait.

 

 

(2)   L’appartenance de M. Wu à l’Église pentecôtiste

 

[12]           La Commission était convaincue que M. Wu possédait des connaissances adéquates au sujet de la religion chrétienne. Cependant, M. Wu a eu de la difficulté à exposer ses croyances religieuses fondamentales. De plus, bien que M. Wu eût affirmé qu’il avait assisté à des messes dans une église pentecôtiste chaque semaine pendant plus de deux ans, il était incapable de décrire la célébration de la Pentecôte. La Commission a conclu que M. Wu avait acquis des connaissances au sujet du christianisme pour bonifier sa demande d’asile.

 

(3)   Persécution religieuse des chrétiens dans la province du Fujian

 

[13]           La Commission a examiné des éléments de preuve documentaire qui décrivaient comment les chrétiens étaient traités dans la province du Fujian. Elle a conclu que les représentants de l’État y toléraient généralement les églises clandestines. Il y avait des préoccupations dans certaines zones urbaines, de même qu’en rapport avec les églises qui avaient des liens à l’extérieur de la Chine, mais les représentants de l’État dans la province du Fujian fermaient les yeux sur la plupart des églises clandestines. Aucune arrestation de chrétiens n’avait été documentée depuis 2002. La Commission a conclu que le BSP n’avait probablement pas effectué de descente dans l’église clandestine de M. Wu, comme ce dernier l’avait prétendu, et que M. Wu pourrait continuer à pratiquer sa religion s’il le souhaitait à son retour en Chine.

 

 

 

 

III.   Les conclusions de la Commission étaient-elles raisonnables?

 

[14]           M. Wu soutient que la Commission n’aurait pas dû comparer son témoignage lors de l’audience à ses déclarations au PDE (il invoque à cet égard la décision Zhong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 524). Selon M. Wu, les procédures au PDE n’étaient pas propres à assurer une consignation fidèle de son témoignage au dossier. M. Wu a soulevé des préoccupations au sujet du processus dès qu’il a été mis au courant des déclarations qui lui étaient attribuées, tout juste avant son audience devant la Commission.

 

[15]           M. Wu soutient aussi que la conclusion défavorable que la Commission a tirée au terme de son évaluation du compte rendu qu’il avait fait de son voyage de la Chine au Canada et de ses rapports avec le passeur était injustifiée. Il n’y avait aucune raison, selon M. Wu, de conclure que son témoignage à ces sujets n’était pas convaincant.

 

[16]           En ce qui a trait au fait que la Commission s’appuie sur les différences entre les déclarations de M. Wu au PDE et son témoignage à l’audience, j’admets que la Commission devrait prendre soin de ne pas trop s’appuyer sur les déclarations au PDE. Les circonstances dans lesquelles ces déclarations sont recueillies sont loin d’être idéales, et leur fiabilité soulève souvent des doutes. En l’espèce, M. Wu soutient qu’il n’a pas compris l’interprète à différents moments et que c’est ce qui explique les différences entre ses déclarations au PDE et son témoignage devant la Commission.

 

[17]           Cependant, il n’y a aucun élément de preuve qui étaye la prétention de M. Wu selon laquelle il aurait éprouvé des problèmes de communication au PDE. Bien qu’il dise avoir eu du mal à comprendre le traducteur au PDE, le dossier ne mentionne nulle part que M. Wu aurait exprimé ces préoccupations. Il n’a pas non plus été capable par la suite d’identifier les parties de l’entrevue au cours desquelles il prétendait avoir été incapable de comprendre l’interprète.

 

[18]           La Commission a conclu que le témoignage de M. Wu concernant ses titres de voyage, les dispositions qu’il avait prises avec le passeur, l’itinéraire qu’il avait emprunté pour venir au Canada, les détails relatifs à son église clandestine et l’allégation selon laquelle le BSP le recherchait était soit faux ou invraisemblable. À mon avis, les éléments de preuve étayent cette conclusion.

 

[19]           En ce qui concerne les rapports de M. Wu avec l’église pentecôtiste, je suis d’avis que la Commission a fourni une explication raisonnable quant à sa conclusion selon laquelle M. Wu n’était pas un véritable membre de la congrégation. Il n’était pas capable de décrire une des célébrations principales de l’église pentecôtiste et il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que M. Wu en soit bien au fait après avoir fréquenté cette église pendant plus de deux ans.

 

[20]           Pour ce qui est de l’évaluation que la Commission a faite du risque auquel M. Wu serait exposé dans la province du Fujian, je suis convaincu que la Commission a examiné et mentionné tous les éléments de preuve documentaire pertinents dont elle disposait à cet égard. La Commission a évoqué expressément les caractéristiques et la taille de l’église clandestine que M. Wu disait avoir fréquentée, et elle a conclu qu’une congrégation semblable ne serait pas susceptible d’attirer l’attention des représentants de l’État dans la province du Fujian.

 

[21]           Tout bien considéré, je ne puis conclure que la décision de la Commission était déraisonnable. La Commission a appuyé chacune de ses trois conclusions principales sur le témoignage et les éléments de preuve documentaire dont elle disposait. Elle a fourni une explication raisonnable quant à chacune de ses conclusions, citation des éléments de preuve pertinents à l’appui.

 

IV.  Conclusion et décision

 

[22]           M. Wu ne m’a pas convaincu que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables. En conséquence, je dois rejeter sa demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties ne m’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-647-10

 

INTITULÉ :                                       MIN WU

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYEENETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario).

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 8 novembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Diane Coulthard

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Sybil Thompson

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levine Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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