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Date : 20101104

Dossier : IMM‑4974‑09

Référence : 2010 CF 1089

 

TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

MUSTAFA ORMANKAYA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 (la Loi), visant la décision du 15 juillet 2009 par laquelle une agente d’examen des risques avant renvoi (l’agente) a statué que le demandeur ne risquait pas d’être persécuté, torturé, tué ou de subir des traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner en Turquie.

 

[2]               Le demandeur sollicite la délivrance d’une ordonnance annulant la décision de l’agente et renvoyant l’affaire à un autre agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Le contexte

 

[3]               Le demandeur est un citoyen de la Turquie appartenant à la religion Alévi. Son épouse et ses enfants sont demeurés en Turquie. Il allègue qu’il craint les autorités turques et les extrémistes sunnites en raison de sa religion Alevi et de l’identité kurde qu’on lui prête.

 

[4]               Il prétend que, pendant ses études et son service militaire, il a été agressé et maltraité par des extrémistes sunnites du fait de sa religion Alevi. Par la suite, il a travaillé sur la ferme familiale et est devenu camionneur en 1988. Dans le cadre de son travail, le demandeur voyageait aux quatre coins de la Turquie ainsi qu’en Iran et en Irak. Il allègue que, parce qu’il ressemble à un Kurde, les autorités l’ont souvent arrêté, questionné et fouillé. Entre août 2000 et mai 2005, il aurait été détenu à quatre reprises par les autorités qui le soupçonnaient de collaborer avec le PKK, le parti d’opposition kurde. En janvier 2003, il a également été pris à partie par un groupe nationaliste turc, qui l’a accusé d’aider le PKK.

 

[5]               Le 15 septembre 2004, il a obtenu un passeport turc et, le 13 juin 2005, un permis de travail canadien. Le 4 juillet 2005, le demandeur est entré au Canada par l’aéroport Pearson.

 

[6]               Le 10 août 2005, le demandeur a présenté une demande d’asile. Le 29 décembre 2006, sa demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission).

 

[7]               La Commission a conclu que, de façon générale, le demandeur n’avait pas établi que ses craintes étaient objectivement fondées. Il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs au soutien de ses prétentions selon lesquelles il avait été accusé d’activités illégales ou antigouvernementales, et la délivrance d’un passeport affaiblissait par ailleurs l’idée qu’il était considéré comme un ennemi par les autorités. La Commission a également conclu qu’il avait miné sa crédibilité en alléguant avoir été détenu et agressé par les autorités et avoir été maltraité pendant ses études et son service militaire.

 

[8]               La Commission a bien tenu compte du fait que, à titre de camionneur dans le Sud‑Est de la Turquie, il était plausible que le demandeur ait été arrêté et soumis à de courtes détentions aléatoires, mais elle a estimé qu’il n’avait pas été personnellement ciblé. Enfin, la Commission a tenu compte de la situation du pays, mais n’a pas jugé que le traitement généralement accordé aux Kurdes et aux Alevis en Turquie équivalait à de la persécution systématique.

 

[9]               Le 18 avril 2007, la Cour a rejeté sa demande d’autorisation et son recours en contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

[10]           Le 10 octobre 2007, une demande d’exemption de visa d’immigrant pour motifs humanitaires a été déposée au Canada, et a été refusée par la suite.

 

[11]           Le 28 juillet 2007, lERAR lui a été offert.

 

La décision de l’agente

 

[12]           L’agente a conclu que, bien que le demandeur ait présenté de nouveaux éléments de preuve, les craintes soulevées lors de l’audience relative à l’ERAR étaient les mêmes que celles soulevées devant la Commission. L’agente s’est de nouveau penchée sur cette question, elle a revu les conclusions tirées par la Commission et, enfin, elle a examiné les nouveaux éléments de preuve du demandeur à la lumière de ces conclusions et de la mise à jour des renseignements sur la situation du pays.

 

[13]           L’agente a examiné la nouvelle preuve documentaire sur la situation prévalant en Turquie, mais a conclu que le risque auquel les Kurdes sont exposés n’est pas plus élevé que celui auquel sont exposés les autres groupes ethniques, dans la mesure où ils n’appuient pas la création d’un État séparé. Cette conclusion ne visait pas le demandeur, ce dernier n’ayant pas démontré qu’il avait déjà été membre ou partisan d’un groupe politique ou séparatiste. L’agente a également conclu que les craintes exprimées par le demandeur quant à ses croyances religieuses n’étaient pas justifiées.

 

[14]           Afin de démontrer qu’il était recherché par les autorités turques, le demandeur a produit une photocopie d’un mandat d’arrêt, daté de 2007, ainsi que sa traduction, qui indique qu’il avait été accusé de crime politique. L’agente n’a accordé que très peu d’importance à cette preuve parce que l’original ne lui avait pas été fourni; de plus, le document contenait très peu de détails et la vignette de sécurité qui y était apposée était illisible. En fin de compte, l’agente n’a pas été en mesure de conclure que le demandeur avait été accusé de crime politique.

 

[15]           Une nouvelle crainte soulevée par le demandeur était que sa demande d’asile au Canada, en soi, pourrait maintenant faire en sorte qu’il soit étiqueté comme un traître à son retour en Turquie. L’agente a cependant fait remarquer que le gouvernement canadien ne divulgue pas ces renseignements et qu’en tout état de cause, rien n’indique que les ressortissants turcs sont persécutés en Turquie simplement parce qu’ils ont fait une demande d’asile à l’étranger. Dans l’ensemble, l’agente a conclu que le demandeur ne risquait pas d’être persécuté, torturé, tué ou de subir des traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner en Turquie.

 

Questions en litige

 

[16]           Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur en rejetant le mandat au motif que l’original n’avait pas été fourni?

            3.         L’agente a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale en ne donnant pas au demandeur l’occasion de lui soumettre le mandat?

            4.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur en procédant à une analyse sélective de la preuve?

 

Prétentions écrites du demandeur

 

[17]           Le demandeur prétend qu’on ne sait pas au juste comment l’agente a décidé de n’accorder que peu d’importance au mandat d’arrêt. N’ayant pas indiqué qu’elle doutait de la crédibilité des documents, elle ne pouvait simplement pas faire abstraction de leur contenu. L’agente disposait également d’une lettre dans laquelle l’avocat du demandeur indiquait qu’il avait l’original du mandat

 

[18]           L’agente a également commis une erreur en supposant que les véritables mandats d’arrêt turcs indiquent la disposition législative à laquelle il a été contrevenu ainsi que la date de l’infraction. Pourtant, l’agente n’est pas une experte en la matière et ne s’est référée à aucune preuve documentaire. Le demandeur fait valoir que l’agente a indûment rejeté la preuve pour des raisons techniques, fondées sur des hypothèses. Le fait que le mandat d’arrêt touche au cœur des craintes de persécution alléguées par le demandeur signifie que l’agente aurait dû y porter une plus grande attention. En outre, dans les circonstances, à savoir que l’agente avait des motifs de croire que l’avocat du demandeur disposait de l’original, c’est à l’agente qu’il incombait de l’obtenir. Elle a manqué à l’équité procédurale en ne le faisant pas.

 

[19]           Enfin, le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur dans son analyse de la situation du pays. La majeure partie de la preuve indique que les Kurdes sont persécutés non pas parce qu’ils sont des séparatistes, mais plutôt parce qu’ils expriment leur identité kurde. Même si le demandeur n’est pas Kurde, il est souvent perçu comme tel par les autorités et les groupes ultranationalistes.

 

Prétentions écrites du défendeur

 

[20]           La décision de l’agente était raisonnable. Contrairement à ce que prétend le demandeur, l’agente n’a pas refusé la copie du mandat d’arrêt, mais a décidé de façon raisonnable de ne lui accorder que peu de poids. L’absence de l’original est l’un des nombreux facteurs qui ont diminué l’importance du document. Sans l’original, il était difficile de vérifier l’authenticité de la vignette. L’agente a également tenu compte du fait que le document ne comportait ni date d’infraction ni référence à une disposition législative et qu’aucune autre preuve n’établissait que le demandeur était un activiste politique.

 

[21]           Bien que l’agente ait été informée que l’original pouvait lui être fourni, on ne lui a jamais présenté. Le demandeur fournit maintenant deux autres documents qui n’ont pas été soumis à l’agente. L’agente n’était pas tenue de considérer la preuve qui ne lui avait pas été soumise. Elle n’avait pas non plus l’obligation de chercher à obtenir d’autres renseignements du demandeur. Le demandeur ne saurait se plaindre d’un manquement à l’équité procédurale, car il n’a pas présenté tous les éléments de preuve pertinents, ou la meilleure preuve, dont il disposait.

 

[22]           L’agente a examiné l’ensemble de la preuve documentaire. Le fait qu’elle a tiré une conclusion qui diffère de celle que souhaiterait le demandeur ne signifie pas qu’elle a considéré les renseignements de façon sélective. L’agente a conclu que le demandeur n’avait pas le profil de quelqu’un susceptible d’être la cible des autorités turques ou de tout autre groupe. Le fait que certains renseignements figurant dans les documents pourraient étayer la thèse du demandeur ne signifie pas que ces renseignements ont été écartés.

 

Analyse et décision

 

[23]           Question nº 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            En règle générale, la norme de contrôle applicable à une décision faisant suite à une demande d’ERAR est celle de la raisonnabilité (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 799, au paragraphe 11). Selon cette norme, la Cour ne doit intervenir que si les conclusions de l’agent n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables (voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 47, 53, 55 et 62).

 

[24]           Cependant, les questions d’équité procédurale que soulève l’examen d’une demande d’ERAR doivent être contrôlées d’après la norme de la décision correcte (voir l’arrêt Wang ci‑dessus, au paragraphe 11). Selon la norme de la raisonnabilité, la Cour entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle tire sa propre conclusion (voir l’arrêt Dunsmuir ci‑dessus, au paragraphe 50).

 

[25]           Question nº 2

            L’agente a‑t‑elle commis une erreur en rejetant le mandat au motif que l’original n’avait pas été fourni?

            Le demandeur a plaidé de façon préliminaire que les documents originaux n’ont pas été soumis à l’agente. Je rejette cet argument, car il appartient au demandeur de soumettre les documents à l’agent.

 

[26]           Je ne peux souscrire à l’idée que l’erreur alléguée par le demandeur est établie. Premièrement, je signale que le mandat d’arrêt n’a pas été rejeté, mais qu’on lui a plutôt accordé peu d’importance.

 

[27]           Deuxièmement, l’agente a invoqué plusieurs raisons pour n’avoir guère accordé de poids au mandat d’arrêt. L’absence de l’original était simplement l’une d’elles. En fait, elle a considéré, de façon raisonnable, que plusieurs aspects diminuaient la force probante de cet élément de preuve. En particulier, selon moi, la section du formulaire intitulée [traduction] « Accusations portées contre le suspect », où il était simplement écrit [traduction] « crime politique ». Cette vague indication de l’accusation n’établit pas de façon probante qu’une véritable sanction pourrait bientôt être prononcée.

 

[28]           Le demandeur déclare que l’agente a formulé implicitement l’hypothèse qu’un véritable mandat d’arrêt turc aurait précisé la date du crime et la disposition législative sur laquelle repose l’accusation. Même si l’agente a fait état des éléments omis, j’estime qu’elle ne faisait qu’exposer la principale réserve qu’elle avait à l’égard du document, à savoir qu’il n’était pas suffisamment détaillé. Comme les agents sont invités à exposer leur analyse, je ne saurais en l’espèce blâmer l’agente de l’avoir fait. Rien n’indique que l’agente a apprécié indûment le mandat en fonction d’une norme canadienne , et je ne peux présumer non plus que c’est ce qu’elle a fait.

 

[29]           Il était également raisonnable pour l’agente d’avoir été en quelque sorte préoccupée par l’absence de l’original compte tenu de son exposé sur l’illisibilité de la vignette de sécurité.

 

[30]           Il faut également présumer que l’agente a apprécié cet élément de preuve en tenant compte du fait que le demandeur a admis n’avoir jamais été membre ou partisan d’un parti politique d’opposition ou d’un parti séparatiste. Dans le contexte de l’ensemble de la décision, la décision d’accorder peu de poids au document appartenait aux issues possibles acceptables et il n’y a aucune raison qui justifie l’intervention de la Cour.

 

[31]           Question nº 3

            L’agente a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale en ne donnant pas au demandeur l’occasion de lui soumettre le mandat?

            C’est au demandeur qu’il incombe de soumettre tous les éléments de preuve pertinents à l’agente d’ERAR. L’agente d’ERAR n’est tenue d’examiner que les éléments de preuve dont elle est saisie. Elle n’est pas tenue de demander au demandeur de lui fournir une meilleure preuve ou une preuve additionnelle (voir Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, 37 Imm. L.R. (3d) 263, au paragraphe 22, confirmée par 2005 CAF 160, 50 Imm. L.R. (3d) 105, Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 152 F.T.R. 316 (C.F. 1re inst.), [1998] A.C.F. no 239, au paragraphe 4).

 

[32]           En l’espèce, le demandeur ne peut pas se plaindre d’un manquement à l’équité procédurale parce qu’il n’a pas soumis tous les éléments de preuve pertinents dont il pouvait disposer.

 

[33]           Le demandeur a eu tort de s’appuyer sur l’arrêt Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 407 (C.A.). Dans cette affaire, la Cour a conclu qu’il appartenait à l’agent saisi d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de communiquer au demandeur un rapport d’évaluation des risques. Elle n’a pas dit que l’agent pourrait être tenu de demander des éléments de preuve que le demandeur n’a pas fournis au début de l’audience, comme c’était le cas en l’espèce. Les passages de la décision Haghighi susmentionnée, où il est question de l’obligation d’inviter le demandeur à répondre lorsque des doutes sont exprimés en matière de crédibilité, ne s’appliquent pas non plus en l’espèce. L’agente d’ERAR n’a tiré aucune conclusion relative à la crédibilité qui commanderait la tenue d’une audience.

 

[34]           Bien que le demandeur ait expliqué en détail les avantages de disposer des renseignements les plus à jour possible, je ne peux imposer aux agents d’ERAR une nouvelle obligation qui n’existe pas. Pour les motifs susmentionnés, je ne peux admettre que l’agente a manqué à son obligation d’équité envers le demandeur.

 

[35]           Question nº 4

            L’agente a‑t‑elle commis une erreur en procédant à une analyse sélective de la preuve?

            Les agents d’ERAR doivent procéder à un examen des ressources documentaires et choisir les extraits qu’ils jugent les plus pertinents. Ainsi, le demandeur ne soulève pas la possibilité d’une erreur par cette question ainsi formulée.

 

[36]           Cependant, lorsqu’un agent ne fait pas allusion au contenu d’une preuve documentaire cruciale qui contredit la conclusion à laquelle il arrive, le tribunal de révision sera davantage susceptible de déduire que cette conclusion a été tirée sans égard à la preuve (voir Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998) 157 F.T.R. 35, [1998] A.C.F. nº 1425 (C.F. 1re inst.) (QL)). Encore là, si c’est sur ce fondement que le demandeur sollicite l’intervention de la Cour, je conclus qu’il n’a pas précisé quel était cet élément de preuve crucial et contradictoire.

 

[37]            L’agente est arrivée à la conclusion suivante :

            [traduction]

[…] le demandeur n’a pas démontré qu’il avait un profil politique, séparatiste ou religieux indiquant qu’il serait la cible des autorités, des soldats, des extrémistes ou de tout autre groupe turc.

 

 

[38]           Sa conclusion s’appuyait sur le fait qu’elle avait conclu que le demandeur ne serait exposé à aucun risque, en raison de son apparente identité kurde, s’il devait retourner en Turquie, puisque le risque auquel les Kurdes sont exposés n’est pas plus élevé dans la mesure où ils n’appuient pas la création d’un État séparé. Le demandeur déclare que cette conclusion est contredite par des documents confirmant que les autorités turques ne tolèrent aucune autre nationalité et que les Kurdes qui souhaitent s’exprimer librement et exprimer leur identité kurde font l’objet de persécution.

 

[39]           Je ne peux conclure que cette preuve contredit la conclusion de l’agente. Je ne saurais non plus conclure que l’agente en a fait abstraction. L’agente a examiné certains articles décrivant les mauvais traitements infligés par les autorités turques aux groupes pro‑kurdes :

            [traduction]

Plusieurs articles signalent que les autorités turques se livrent, en toute impunité, à des abus et à des actes de violence envers les dirigeants et les membres de groupes pro‑kurdes, les membres et les partisans d’associations de droits de l’homme, les personnalités publiques et les journalistes. On rapporte également qu’il y a des tensions entre les Turcs et les Kurdes nationalistes, et que le risque d’être arrêté et maltraité est plus grand pour les Kurdes que pour les Turcs sunnites se trouvant dans la même situation. Cette vulnérabilité est la clé des allégeances politiques (de gauche) qu’on leur prête [...]

 

[40]           Ces conclusions doivent être considérées à la lumière de la preuve que le demandeur n’est ni Kurde, ni membre d’un groupe pro‑kurde ou d’un parti politique.

 

[41]           Considérée globalement, la décision est raisonnable. Je ne puis conclure qu’elle n’appartenait pas aux issues possibles acceptables qui s’offraient à l’agente. C’est pourquoi je n’accueillerai la demande de contrôle judiciaire pour aucun des motifs allégués.

 

[42]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[43]           Aucune des parties n’a souhaité me soumettre une question grave de portée générale afin qu’elle soit certifiée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 

112.(1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

 

a) elle est visée par un arrêté introductif d’instance pris au titre de l’article 15 de la Loi sur l’extradition;

 

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

 

 

 

c) si elle n’a pas quitté le Canada après le rejet de sa demande de protection, le délai prévu par règlement n’a pas expiré;

 

d) dans le cas contraire, six mois ne se sont pas écoulés depuis son départ consécutif soit au rejet de sa demande d’asile ou de protection, soit à un prononcé d’irrecevabilité, de désistement ou de retrait de sa demande d’asile.

 

 

 

 

(3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

 

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

 

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

 

 

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

 

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

72.(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

112.(1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

 

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

 

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

 

(c) in the case of a person who has not left Canada since the application for protection was rejected, the prescribed period has not expired; or

 

(d) in the case of a person who has left Canada since the removal order came into force, less than six months have passed since they left Canada after their claim to refugee protection was determined to be ineligible, abandoned, withdrawn or rejected, or their application for protection was rejected.

 

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

 

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

 

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

 

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

 

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4974‑09

 

INTITULÉ :                                                   MUSTAFA ORMANKAYA

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 juin 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hadayt Nazami

 

POUR LE DEMANDEUR

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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