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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100921

Dossier : T-983-09

Référence : 2010 CF 942

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

MICHAEL DUDAS

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un citoyen canadien actuellement incarcéré aux États-Unis. La présente demande de contrôle judiciaire porte sur une décision datée du 14 mai 2009 par laquelle le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre défendeur) a refusé la demande de transfèrement du demandeur au Canada en vertu de l’alinéa 10(2)a) de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21 (la Loi), et aux termes des accords issus du traité entre les deux pays, au motif que le ministre est d’avis que le délinquant commettra, après son transfèrement, une infraction de terrorisme ou une infraction d’organisation criminelle au sens de l’article 2 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46.

 

[2]               Le demandeur sollicite ce qui suit :

            1.         une réparation de la nature d’un bref de certiorari en vue de faire annuler la décision du 14 mai 2009, par laquelle le ministre défendeur a refusé la demande formulée par le demandeur en vue du transfèrement de sa peine au Canada aux termes de la Loi;

            2.         une déclaration selon laquelle le demandeur, en tant que citoyen canadien et en vertu du paragraphe 6(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), a un droit constitutionnel d’entrer au Canada et que le ministre défendeur n’a pas compétence pour interdire, refuser ou différer son entrée ou retour au Canada une fois que les États-Unis, dans les circonstances, l’ont autorisé à retourner dans son pays pour purger le reste de sa peine en vertu de la Loi;

            3.         une déclaration selon laquelle le ministre défendeur a l’obligation d’approuver la demande de transfèrement du demandeur sous le régime de la Loi et en vertu de l’article 6 de la Charte, sous la seule réserve que le demandeur soit citoyen canadien, et que toute autre restriction dans la Loi à l’égard de la liberté de circulation garantie par l’article 6 de la Charte n’est pas raisonnable au sens de l’article premier de la Charte;

            4.         une déclaration selon laquelle les dispositions de la Loi, en l’occurrence l’article 10 et en particulier l’alinéa 10(1)a), sont inconstitutionnelles au motif qu’elles sont incompatibles avec le paragraphe 6(1) de la Charte et que, par conséquent, elles sont inopérantes en vertu de l’article 52 de la Charte et ne se justifient pas au regard de l’article premier de la Charte;

            5.         une déclaration selon laquelle les droits constitutionnels du demandeur, que lui garantit l’article 6 de la Charte, ont été violés par le ministre défendeur, et que le demandeur peut donc obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances, conformément au paragraphe 24(1) de la Charte, notamment une ordonnance en vue de son transfèrement immédiat vers le Canada en conformité avec les dispositions de la Loi et le traité ou la convention applicable entre le Canada et les États-Unis d’Amérique;

            6.         une ordonnance en vue de se faire rembourser les dépens au titre de la totalité des frais judiciaires et autres qu’il a dû engager pour faire valoir ses droits constitutionnels.

 

Faits

 

[3]               En septembre 2008, le demandeur a plaidé coupable à une accusation de complot en vue d’importer de la marijuana devant la Cour de district des États-Unis pour le district de l’Ouest de Washington. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 60 mois et à 4 ans de liberté sous surveillance.

 

[4]               Dans une demande datée du 25 septembre 2008, le demandeur a sollicité, en vertu des dispositions de la Loi, son transfèrement au Canada afin de purger le reste de la peine d’emprisonnement qui lui a été infligée aux États-Unis d’Amérique. En vertu de la Loi, le ministre défendeur a le pouvoir d’accorder ou de refuser de telles demandes. En plus des renseignements contenus dans la demande, le demandeur a produit des lettres au soutien de sa requête. Des documents supplémentaires, soit une évaluation préparée par le Service correctionnel du Canada (SCC), un résumé de l’affaire entendue aux États-Unis ainsi qu’une enquête communautaire complète préparée par le SCC, ont également été présentés au ministre pour examen.

 

[5]               Le 23 février 2009, les États-Unis ont accepté la demande de transfèrement.

 

[6]                Le 14 mai 2009, le ministre défendeur a refusé le transfèrement aux termes de l’alinéa 10(2)a) de la Loi. Voici les parties pertinentes de cette décision :

[traduction]

La Loi sur le transfèrement international des délinquants a pour objet de faciliter l’administration de la justice ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants. Il est nécessaire d’examiner le bien-fondé de chaque demande de transfèrement en prenant en compte les facteurs et les circonstances uniques de chaque affaire selon le contexte du cadre législatif applicable.

 

Certains éléments de preuve tendent à démontrer que M. Dudas était lié au crime organisé et qu’il se livrait au trafic de marijuana du Canada vers les États-Unis.

 

Le trafic de stupéfiants est réputé avoir des répercussions importantes sur la collectivité compte tenu du fait qu’il touche un large bassin de victimes, comprenant autant les consommateurs que les non-consommateurs de drogue. Dans la présente affaire, M. Dudas a organisé plusieurs vols par hélicoptère en direction des États-Unis pour y importer de la marijuana. De plus, M. Dudas a été reconnu comme ayant des liens avec un groupe du crime organisé.

 

Cette description indique qu’il y a eu une volonté délibérée de planifier des opérations de trafic de stupéfiants, c’est-à-dire des gestes et des décisions qui démontrent que le demandeur avait déjà commis plusieurs éléments constitutifs de l’infraction d’organisation criminelle. Compte tenu de la nature de ses agissements, je suis d’avis que le demandeur pourrait, après son transfèrement, commettre une infraction d’organisation criminelle.

 

Questions en litige

 

[7]               Voici les questions en litige :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         Les dispositions de la Loi qui donnent au ministre le pouvoir de refuser à un citoyen canadien d’entrer au Canada sont-elles inconstitutionnelles et donc inopérantes?

            3.         Le ministre défendeur a-t-il agi de façon déraisonnable dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de la Loi ou a-t-il tiré une conclusion déraisonnable?

 

Observations écrites du demandeur

 

Question constitutionnelle

 

[8]               Chaque élément individuel de la Constitution doit être interprété en fonction de l’ensemble de sa structure. La prise en considération de l’article 6 indépendamment de la clause de dérogation par déclaration expresse de l’article 33 montre que toute infraction à l’article 6 doit faire l’objet d’un examen judiciaire très rigoureux sous le régime de l’article premier. Les restrictions étatiques de droits individuels qui sont raisonnables dans un contexte donné peuvent ne pas l’être dans le contexte de l’article 6.

 

[9]               Cette opinion est renforcée par le fait que le droit garanti par l’article 6 est limité aux citoyens canadiens. Les articles 3, 6 et 23 de la Charte confèrent un statut spécial aux citoyens canadiens, statut dont ne jouissent pas les étrangers ou les résidents permanents. Il y a une nette distinction entre les citoyens et les non-citoyens, et les personnes ayant la citoyenneté sont seulement celles précisées dans la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29. Une fois acquise par la naissance, la citoyenneté ne peut être perdue ou retirée pour quelque caractéristique personnelle que ce soit comme une mauvaise conduite. Si le Canada révoquait la citoyenneté d’une personne, ce qui ferait de cette dernière un apatride, il s’agirait d’une violation importante du droit international, même si la personne est un criminel.

 

[10]           Comme il a été dit dans Van Vlymen c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1054, [2005] 1 R.C.F. 617, les droits conférés par l’article 6 à un citoyen canadien incarcéré aux États‑Unis restent non exécutoires jusqu’à ce que ce pays approuve son transfèrement. Une fois le transfèrement approuvé, ces droits deviennent exécutoires et le ministre doit en tenir compte. Les décisions contraires rendues par notre Cour dans Kozarov c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 866, [2008] 2 R.C.F. 377 et dans Getkate c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 965, [2009] 3 R.C.F. 26, sont mal fondées parce que les juges ont commis une erreur en établissant une différence entre les cas d’extradition et les cas de transfèrement, en expliquant que l’État joue un rôle actif dans les affaires d’extradition tandis qu’il joue un rôle passif en matière de transfèrement international.

 

[11]           Compte tenu de ce qui précède, le demandeur soutient qu’à titre de citoyen canadien, on aurait dû sans délai donner effet à son droit constitutionnel d’entrer au Canada une fois son transfèrement autorisé par les États-Unis et lui offrir la possibilité d’y revenir à la première occasion raisonnable. Les dispositions de la Loi (articles 8 et 10) qui prétendent permettre au ministre d’empêcher de lui accorder ce droit enfreignent les droits constitutionnels garantis par l’article 6 de la Charte et ne se justifient pas au regard de l’article premier. Puisque l’alinéa 10(2)a) de la Loi a été appliqué pour empêcher le demandeur d’entrer au Canada, la constitutionnalité de cet alinéa est contestée en l’espèce.

 

Décision du ministre

 

[12]           Subsidiairement, le demandeur fait valoir que même si les droits que lui garantit l’article 6 de la Charte ne sont pas visés ou que l’alinéa 10(2)a) de la Loi constitue une limite raisonnable, le ministre a commis une erreur de fait et de droit en concluant que le demandeur commettrait, après son transfèrement, une infraction d’organisation criminelle.

 

[13]           Tout d’abord, le ministre a appliqué le mauvais critère juridique à l’égard duquel la norme de contrôle est la décision correcte. L’alinéa 10(2)a) oblige le ministre à être d’avis que le demandeur commettra de telles infractions, et non qu’il pourrait commettre ces infractions, comme le ministre s’est exprimé dans sa décision.

 

[14]           Deuxièmement, les enquêtes sur les antécédents du demandeur menées aux États-Unis et au Canada et les circonstances de son délit n’ont pas révélé précisément que le demandeur était associé à une organisation criminelle en particulier ou qu’il participait aux activités d’une telle organisation. En fait, la preuve indique plutôt le contraire, et conclure autrement était déraisonnable. La preuve ne démontre certainement pas que le demandeur commettra une infraction d’organisation criminelle. Voici ce qu’a révélé la preuve :

            - le demandeur n’avait pas de casier judiciaire;

            - à son arrestation au Canada, il a renoncé à l’extradition, s’est livré aux autorités américaines et a plaidé coupable à l’égard de l’infraction;

            - le SCC le soupçonnait seulement d’avoir des liens avec le crime organisé;

            - le SCC a conclu que le demandeur devrait avoir peu de difficulté à se trouver un emploi après sa libération;

            - les enquêteurs américains ont conclu qu’il n’était lié à aucun cartel de la drogue ou gang trafiquant de la drogue;

            - le procureur général du district de l’Ouest de Washington a affirmé qu’il ne considérait pas le demandeur comme un contrevenant futur, mais plutôt comme une personne qui [traduction] « regrette de prime abord de s’être livré à ce genre d’activité » et qui « aimerait passer à autre chose et poursuivre sa vie avec sa femme, ses enfants, son père et le reste de sa famille ».

 

 

 

Observations écrites du défendeur

 

Question constitutionnelle

 

[15]           La contestation constitutionnelle du demandeur a été précédemment abordée et tranchée par notre Cour dans Kozarov. Dans cette décision, la Cour a conclu que les articles 8 et 10 de la Loi ne violaient pas les droits garantis par l’article 6 de la Charte. Les droits de l’article 6 ne sont pas absolus.

 

[16]           Le demandeur s’est placé dans une situation qui a une incidence sur les droits qui lui sont conférés en vertu de la Charte et sur la possibilité de les exercer. À cet égard, bien qu’il soit un citoyen canadien, il est également un délinquant sous la garde d’un État étranger. Dans ces circonstances, le ministère public n’a pas violé l’article 6. Les droits conférés au demandeur en vertu de l’article 6 ont déjà été atténués par ses propres actions dans un État étranger et la pleine reconnaissance des droits conférés par l’article 6 est donc impossible. Dans Getkate, la Cour a eu une nouvelle occasion d’examiner le même argument constitutionnel et a souscrit à la conclusion du juge dans Kozarov.

 

[17]           Un citoyen canadien reconnu coupable, condamné et incarcéré à l’étranger, malgré les droits qui lui sont conférés par la Charte, ne peut exercer son droit d’entrer au Canada sans bénéficier du régime en matière de transfèrement international des délinquants. L’un des privilèges en vertu de ce régime est qu’un délinquant peut purger sa peine au Canada. Or, l’accès à ce privilège comporte des restrictions. L’état d’envoi et le Canada se sont entendus, aux termes d’un traité international, sur les modalités de tout transfèrement. En fait, le pouvoir de refuser un transfèrement revient initialement au pays d’envoi, peu importe s’il existe un traité. Le pouvoir est ensuite assujetti aux conditions de tout traité et c’est seulement par la suite que les dispositions de la Loi et le pouvoir discrétionnaire du ministre peuvent s’appliquer. Dans ce contexte, l’approbation de l’état d’envoi n’est pas inconditionnelle. Le pays d’envoi s’attend à ce que le Canada s’acquitte de ses obligations en vertu de l’entente et qu’il détermine si les objectifs du système de transfèrement peuvent être atteints en approuvant le transfèrement du délinquant. Le système est conçu de cette manière parce que l’État étranger n’est pas en mesure d’effectuer des évaluations communautaires et d’analyser si le système carcéral canadien peut réellement favoriser la réadaptation du délinquant.

 

[18]           Subsidiairement, si la Cour concluait à la violation de l’article 6 de la Charte, elle déterminerait l’étendue de la violation et examinerait ensuite si cette atteinte est justifiable en vertu de l’article premier. À cet égard, le défendeur souligne que l’objet principal de l’article 6 est d’empêcher le bannissement ou l’exil (voir États-Unis c. Cotroni, [1989] 1 R.C.S. 1469). Le régime législatif régissant le transfèrement international des délinquants ne touche pas à l’essentiel de ces droits; il impose une restriction temporaire tout au plus. La violation dans ce contexte est à la limite des valeurs protégées par l’article 6.

 

 

 

Décision du ministre

 

[19]           Le ministre a bien examiné les facteurs énoncés à l’article 10 et a également tenu compte des documents produits par le demandeur, mais a conclu que l’approbation du transfèrement ne favoriserait pas l’atteinte des objectifs de la Loi. Il importe peu que les circonstances de la présente affaire relèvent clairement de l’alinéa 10(2)a) de la Loi puisque le pouvoir discrétionnaire du ministre n’est pas circonscrit par les facteurs énumérés à l’article 10. Le ministre a parfaitement le droit de fonder sa décision de refuser ou d’approuver une demande de transfèrement sur toute autre considération pertinente selon le contexte.

 

[20]           En l’espèce, le ministre a demandé des conseils et a choisi de refuser la demande au motif que le demandeur :

            - était responsable d’avoir orchestré une activité criminelle complexe exigeant un degré élevé de complexité et de planification, y compris l’achat d’un hélicoptère et le recrutement de plusieurs individus pour faciliter le transport;

            - a été identifié par plusieurs de ses complices, y compris à la suite de l’évaluation communautaire préparée par le SCC, comme étant le chef du groupe;

            - a commis une infraction grave qui, selon le ministre, a des effets préjudiciables importants sur la société.

 

[21]           Au regard de ces faits, on ne peut pas dire que le ministre a mal exercé son pouvoir discrétionnaire ou qu’il a agi de manière tout à fait déraisonnable. La décision du ministre était étayée par un fondement factuel et le ministre avait le droit d’agir comme il l’a fait. Par conséquent, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée ou nécessaire.

 

Analyse et décision

 

[22]           Question 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            La décision d’un ministre prise en vertu d’un pouvoir discrétionnaire appelle la plus grande retenue. Dans Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, 44 N.R. 354, le juge McIntyre s’exprime comme suit aux pages 7 et 8 :

Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s’est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

 

[23]           Depuis cet arrêt, la Cour suprême a grandement clarifié la conception de la norme de contrôle, et a plus particulièrement éliminé la norme de la décision manifestement déraisonnable en faveur d’une approche plus simple comprenant seulement deux normes, soit la norme de la décision correcte et la norme de la décision raisonnable (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190). Malgré tout, on a récemment statué que les décisions prises en vertu d’un pouvoir discrétionnaire, comme en l’espèce, commandent le niveau maximal de retenue (voir Kozarov, au paragraphe 14 et Getkate, au paragraphe 11). À la suite de ces décisions, la décision finale du ministre appelle un degré important de retenue et sera examinée selon la norme de la décision raisonnable.

 

[24]           En ce qui concerne la question constitutionnelle soulevée par le demandeur, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

 

[25]           Question 2

            Les dispositions de la Loi qui donnent au ministre le pouvoir de refuser à un citoyen canadien d’entrer au Canada sont-elles inconstitutionnelles et donc inopérantes?

            Bien que le demandeur soulève un argument intéressant au sujet de l’application et de la portée des droits qui lui sont conférés par l’article 6 de la Charte, il faut savoir qu’il ne s’agit pas d’un nouvel argument dont notre Cour est saisie. En fait, c’est au moins la quatrième fois que cet argument est soulevé dans des circonstances très semblables. Bien que les décisions de la Cour traduisent un manque d’uniformité, les décisions les plus récentes et les plus nombreuses, plus particulièrement Kozarov et Getkate, ont répondu à la question constitutionnelle du demandeur par la négative. Les principes de la courtoisie judiciaire m’obligent à me conformer aux décisions antérieures à moins qu’il soit possible de démontrer qu’elles étaient manifestement erronées ou qu’elles ne devraient plus être appliquées parce que la cour n’a pas tenu compte de dispositions législatives ou de décisions antérieures qui auraient entraîné un résultat différent (voir Glaxo Group Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1995) 64 C.P.R. (3d) 65, 103 F.T.R. 1 (1re inst.), le juge Richard).

 

[26]           Le demandeur ne m’a pas convaincu que les décisions dans Kozarov et Getkate étaient manifestement erronées; il ne m’a pas non plus donné de raisons convaincantes pour ne pas les suivre. Selon moi, la décision dans Kozarov n’est pas fondée sur la différence entre les cas d’extradition, où l’État joue un rôle actif, et les cas de transfèrement, où l’État joue un rôle passif, que le juge Harrington a abordé au paragraphe 30 de ses motifs. Plus tard dans Getkate, le juge Kelen a analysé la question constitutionnelle en profondeur et est arrivé à la même conclusion que le juge Harrington sans s’appuyer sur cette différence.

 

[27]           Dans Getkate, le juge Kelen a effectué une analyse approfondie de l’argument constitutionnel soulevé par le demandeur et a examiné à fond les décisions rendues par le juge Russell dans Van Vlymen, et le juge Harrington dans Kozaro. En fin de compte, le juge Kelen a conclu comme suit :

[27]     Je souscris à la conclusion du juge Harrington pour qui, s’agissant d’un transfèrement selon la Loi, la liberté de circulation et d’établissement conférée par l’article 6 n’entre pas en jeu et que, si elle entrait en jeu, alors les dispositions contenues dans la Loi constitueraient une limite raisonnable à cette liberté, puisque ladite liberté du demandeur a déjà été restreinte par l’effet de ses propres actes illégaux.

 

(Je souligne.)

 

 

[28]           Le juge Kelen a ainsi indiqué deux explications valides et possibles sur le plan constitutionnel concernant le régime contesté au sein de la Loi. D’abord, il a déclaré que ces dispositions ne portent pas atteinte aux droits garantis par l’article 6. Ensuite, il a conclu que même si tel était le cas, le régime au sein de la Loi est justifié en vertu de l’article premier. Bien que je sois plus porté à croire que la deuxième explication est la bonne, je suis convaincu que les dispositions contestées sont constitutionnelles.

 

[29]           Cette position est également étayée par les propres observations du demandeur, étant donné qu’il ne conteste pas la validité de l’article 8 de la Loi. Dans la plaidoirie qui m’a été présentée, le demandeur a admis la validité de la disposition, et pourtant, c’est précisément le paragraphe 8(1) qui donne au Canada le droit de refuser le transfèrement d’un citoyen canadien qui a été approuvé par l’état d’envoi.

 

[30]           Question 3

            Le ministre défendeur a-t-il agi de façon déraisonnable dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de la Loi ou a-t-il tiré une conclusion déraisonnable?

            Je suis conscient que les transfèrements en vertu de la Loi sont des privilèges accordés aux délinquants incarcérés à l’étranger qui relèvent de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Il n’existe aucun droit au transfèrement en vertu de la Loi dans aucune circonstance. Le ministre peut légitimement tirer sa propre conclusion. Le fait qu’un ministre est arrivé à une conclusion donnée n’empêche pas que ce même ministre ou un autre ministre puisse changer d’idée de façon légitime s’il est saisi de faits identiques à une date ultérieure.

 

[31]           Le demandeur conteste le fait que les déclarations du ministre selon lesquelles le demandeur a des liens avec le crime organisé servent de fondement factuel au motif qu’elles ne tiennent pas compte de la preuve et fait valoir que la preuve démontre plutôt le contraire.

 

[32]           À cet égard, le demandeur ne conteste pas les faits contenus dans le résumé de l’affaire entendue aux États-Unis indiquant que le demandeur a acheté un hélicoptère moyennant un montant en espèces un an avant la date où ses complices ont été arrêtés. Le pilote de l’hélicoptère a dit aux agents de la section des stupéfiants américaine que le demandeur lui a versé un montant correspondant à 150 $ par livre de marijuana transporté et qu’il s’était déjà rendu à l’endroit retiré trois fois pour livrer des stupéfiants. Un autre complice a déclaré avoir été payé par le demandeur pour son aide sur le terrain durant de telles opérations.

 

[33]           Dans son mémoire présenté au ministre, la SCC indique ce qui suit :

[traduction] […] compte tenu de la nature de l’infraction, le service régional du renseignement de sécurité du SCC estime que M. Dudas avait des liens avec le crime organisé et qu’il se livrait au trafic de marijuana du Canada vers les États-Unis.

 

 

[34]           Lors d’une entrevue menée dans le cadre de l’évaluation communautaire, un ami du demandeur a jugé qu’il était exagéré de considérer le demandeur comme le chef de l’opération puisqu’il s’agissait selon lui d’une opération d’entraide. Le ministre a également été saisi de plusieurs lettres provenant de personnes qui acceptaient l’erreur du demandeur et qui étaient d’avis qu’il ne se livrerait plus jamais à de telles activités.

 

[35]           Compte tenu de ma conclusion finale, je n’ai pas à me prononcer sur cette question.

 

[36]            Ensuite, le demandeur conteste la dernière phrase de la décision du ministre :

[traduction] Compte tenu de la nature de ses agissements, je suis d’avis que le demandeur pourrait, après son transfèrement, commettre une infraction d’organisation criminelle.

 

Le demandeur souligne que le ministre a utilisé le mot « pourrait » commettre une infraction plutôt que « commettra » une infraction, qui est utilisé à l’alinéa 10(2)a) de la Loi.

 

[37]           Encore là, compte tenu de ma conclusion finale, je n’ai pas à me prononcer sur cette question.

 

[38]           Il peut parfois être fortement souhaitable que les membres élus du gouvernement aient le pouvoir discrétionnaire de prendre de telles décisions. Il peut aussi être souhaitable qu’un tel pouvoir discrétionnaire ne soit pas limité et permette aux décideurs de prendre en compte toutes les considérations qu’ils jugent pertinentes, qu’elles soient explicites ou tacites. Une telle liberté peut effectivement favoriser une gouvernance transparente et efficace. Or, les cours ne peuvent condamner ni accepter l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire entièrement non structuré. Dans les situations où une décision a des conséquences dévastatrices pour le citoyen en cause, la loi exige des explications exhaustives, quoique brèves, pour motiver la décision. La Cour suprême du Canada reconnaît depuis longtemps qu’aucun fonctionnaire n’échappe à la loi (voir Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121).

 

[39]           Récemment, dans Grant c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (4 mars 2010), T-1414-09, le juge Barnes a abordé de façon explicite l’exigence selon laquelle le ministre doit rendre une décision complète.

1.          Mme Lawrence a expliqué que la décision du ministre en vertu de l’article 10 de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21 (la Loi) appelle un degré de déférence important lorsqu’elle fait l’objet d’un contrôle judiciaire, et je suis de cet avis. Par ailleurs, le ministre a également l’obligation, imposée par le paragraphe 11(2), de motiver son refus de consentir au transfèrement. Compte tenu de la nature discrétionnaire du pouvoir du ministre et de l’importance d’une telle décision pour un délinquant incarcéré dans un pays étranger, les motifs du ministre doivent être complets, intelligibles et suffisants pour permettre au délinquant de reconnaître que tous les facteurs énumérés à l’article 10 de la Loi ont été examinés équitablement.

 

2.          Le ministre n’est pas tenu de mentionner chaque élément de preuve qu’il a examiné. Toutefois, dans une affaire comme en l’espèce, où le ministre décide de ne pas suivre les conseils, il a l’obligation de donner des explications et d’identifier clairement les raisons qui l’ont poussé à rendre une décision contraire aux conseils reçus. J’accepte l’argument de Mme Lawrence portant que le ministre n’est pas tenu de suivre les conseils donnés par ses fonctionnaires ou d’apprécier les éléments de preuve produits de quelque façon que ce soit. Cependant, plus les circonstances de l’affaire militent en faveur du demandeur, plus la responsabilité de justifier une opinion contraire est lourde. La décision qui ne respecte pas ce seuil minimal est déraisonnable et doit être annulée.

 

[40]           En l’espèce, la décision du ministre semble être fondée uniquement sur les déclarations qu’il a formulées dans le dernier paragraphe, lequel traite du facteur énoncé à l’alinéa 10(2)a) de la Loi :

Cette description indique qu’il y a eu une volonté délibérée de planifier des opérations de trafic de stupéfiants, c’est-à-dire des gestes et des décisions qui démontrent que le demandeur avait déjà commis plusieurs éléments constitutifs de l’infraction d’organisation criminelle. Compte tenu de la nature de ses agissements, je suis d’avis que le demandeur pourrait, après son transfèrement, commettre une infraction d’organisation criminelle.

 

[41]           Le ministre n’a donné aucune autre explication pour motiver son refus, ce qui nous amène à croire que le facteur énoncé à l’alinéa 10(2)a) était la seule raison ayant motivé sa décision. Si tel était le cas, le ministre se serait effectivement servi de ce facteur comme critère pour trancher et, comme nous l’avons mentionné précédemment, il aurait ainsi commis une erreur de droit parce qu’il aurait mal appliqué le critère.

 

[42]           Toutefois, le défendeur insiste, dans ses observations écrites et ses plaidoiries, sur le fait qu’il [traduction] « a pris en compte toutes les considérations pertinentes et est arrivé à la conclusion que l’approbation de la demande de transfèrement ne permettrait pas d’atteindre les objectifs du système de transfèrement international des délinquants ». Pourtant, le ministre n’a fourni aucune telle conclusion dans sa décision.

 

[43]           Si tel était le cas, il incomberait au ministre d’indiquer qu’il s’agissait du critère fondamental sur lequel il s’est fondé pour rendre sa décision. Il devrait également relever les objectifs les plus importants dont il a tenu compte pour tirer sa conclusion finale.

 

[44]           Compte tenu de ces incohérences dans la décision du ministre, je suis d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire. La décision du ministre est annulée et l’affaire est renvoyée au ministre pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire dans un délai de 45 jours suivant la date de la présente décision.

 

[45]           Le demandeur a droit aux dépens afférents à la demande.


 

JUGEMENT

 

[46]           LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du ministre est annulée et la question est renvoyée au ministre afin qu’une nouvelle décision soit rendue dans les 45 jours suivant la date de la présente ordonnance.

            2.         Le demandeur a droit aux dépens afférents à la demande.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.).

 

6.(1) Tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir.

6.(1) Every citizen of Canada has the right to enter, remain in and leave Canada.

 

 

Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21

 

3. La présente loi a pour objet de faciliter l’administration de la justice et la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en permettant à ceux-ci de purger leur peine dans le pays dont ils sont citoyens ou nationaux.

 

 

 

[…]

 

8.(1) Le transfèrement nécessite le consentement des trois parties en cause, soit le délinquant, l’entité étrangère et le Canada.

 

(2) Le délinquant étranger et, sous réserve du droit de l’entité étrangère, le délinquant canadien peuvent retirer leur consentement tant que le transfèrement n’a pas eu lieu.

 

(3) Le ministre ou l’autorité provinciale compétente, selon le cas, informe le délinquant étranger de la teneur de tout traité applicable ou de toute entente administrative applicable conclue en vertu des articles 31 ou 32; le ministre prend les mesures voulues pour en informer le délinquant canadien.

 

 

(4) Le ministre informe le délinquant canadien par écrit des conditions d’exécution de sa peine au Canada et transmet au délinquant étranger les renseignements que lui a remis l’entité étrangère sur les conditions d’exécution de sa peine.

 

 

(5) À l’égard de telle des personnes ci-après, le consentement est donné par quiconque y est autorisé en vertu du droit de la province où la personne est détenue, est libérée sous condition ou doit être transférée :

 

a) l’enfant ou l’adolescent au sens de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents;

 

b) la personne déclarée non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux ou inapte à subir son procès, qui est incapable de donner son consentement;

 

 

c) le délinquant incapable de donner son consentement.

 

[…]

 

10.(1) Le ministre tient compte des facteurs ci-après pour décider s’il consent au transfèrement du délinquant canadien :

 

a) le retour au Canada du délinquant peut constituer une menace pour la sécurité du Canada;

 

 

b) le délinquant a quitté le Canada ou est demeuré à l’étranger avec l’intention de ne plus considérer le Canada comme le lieu de sa résidence permanente;

 

c) le délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada;

 

d) l’entité étrangère ou son système carcéral constitue une menace sérieuse pour la sécurité du délinquant ou ses droits de la personne.

 

(2) Il tient compte des facteurs ci-après pour décider s’il consent au transfèrement du délinquant canadien ou étranger :

 

a) à son avis, le délinquant commettra, après son transfèrement, une infraction de terrorisme ou une infraction d’organisation criminelle, au sens de l’article 2 du Code criminel;

 

b) le délinquant a déjà été transféré en vertu de la présente loi ou de la Loi sur le transfèrement des délinquants, chapitre T-15 des Lois révisées du Canada (1985).

 

(3) Dans le cas du délinquant canadien qui est un adolescent au sens de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, le ministre et l’autorité provinciale compétente tiennent compte de son intérêt pour décider s’ils consentent au transfèrement.

 

 

(4) Dans le cas du délinquant canadien qui est un enfant au sens de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, son intérêt est la considération primordiale sur laquelle le ministre et l’autorité provinciale compétente se fondent pour décider s’ils consentent au transfèrement.

 

3. The purpose of this Act is to contribute to the administration of justice and the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community by enabling offenders to serve their sentences in the country of which they are citizens or nationals.

 

. . .

 

8.(1) The consent of the three parties to a transfer — the offender, the foreign entity and Canada — is required.

 

 

(2) A foreign offender — and, subject to the laws of the foreign entity, a Canadian offender — may withdraw their consent at any time before the transfer takes place.

 

(3) The Minister or the relevant provincial authority, as the case may be, shall inform a foreign offender, and the Minister shall take all reasonable steps to inform a Canadian offender, of the substance of any treaty — or administrative arrangement entered into under section 31 or 32 — that applies to them.

 

 

(4) The Minister shall, in writing, inform a Canadian offender as to how their foreign sentence is to be served in Canada and shall deliver to a foreign offender the information provided to the Minister by the foreign entity as to how their Canadian sentence is to be served.

 

(5) In respect of the following persons, consent is given by whoever is authorized to consent in accordance with the laws of the province where the person is detained, is released on conditions or is to be transferred:

 

(a) a child or young person within the meaning of the Youth Criminal Justice Act;

 

 

(b) a person who is not able to consent and in respect of whom a verdict of not criminally responsible on account of mental disorder or of unfit to stand trial has been rendered; and

 

(c) an offender who is not able to consent.

 

. . .

 

10.(1) In determining whether to consent to the transfer of a Canadian offender, the Minister shall consider the following factors:

 

(a) whether the offender’s return to Canada would constitute a threat to the security of Canada;

 

 

(b) whether the offender left or remained outside Canada with the intention of abandoning Canada as their place of permanent residence;

 

 

(c) whether the offender has social or family ties in Canada; and

 

(d) whether the foreign entity or its prison system presents a serious threat to the offender’s security or human rights.

 

 

(2) In determining whether to consent to the transfer of a Canadian or foreign offender, the Minister shall consider the following factors:

 

(a) whether, in the Minister’s opinion, the offender will, after the transfer, commit a terrorism offence or criminal organization offence within the meaning of section 2 of the Criminal Code; and

 

(b) whether the offender was previously transferred under this Act or the Transfer of Offenders Act, chapter T-15 of the Revised Statutes of Canada, 1985.

 

(3) In determining whether to consent to the transfer of a Canadian offender who is a young person within the meaning of the Youth Criminal Justice Act, the Minister and the relevant provincial authority shall consider the best interests of the young person.

 

(4) In determining whether to consent to the transfer of a Canadian offender who is a child within the meaning of the Youth Criminal Justice Act, the primary consideration of the Minister and the relevant provincial authority is to be the best interests of the child.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-983-09

 

INTITULÉ :                                       MICHAEL DUDAS   

 

                                                            - et -

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT:                                     LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 septembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John W. Conroy, c.r.

 

POUR LE DEMANDEUR

Curtis Workun

Keitha Elvin-Jensen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Conroy & Company

Abbotsford (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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