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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100825

Dossier : T-1003-10

Référence : 2010 CF 844

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 août 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MANDAMIN

 

 

ACTION SIMPLIFIÉE

 

ACTION RÉELLE CONTRE LE VOILIER « ACOR »

ET PERSONNELLE CONTRE LES PROPRIÉTAIRES DU VOILIER « ACOR »

 

ENTRE :

CAMPBELL RIVER HARBOUR AUTHORITY

demanderesse

(défenderesse)

et

 

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PARTIES INTÉRESSÉES

DANS LE VOILIER « ACOR », LE CAPITAINE DU VOILIER « ACOR » E.G. DA COSTA DUARTE alias EMANUEL DUARTE

 

défendeurs

(demandeur)

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une requête visant à faire annuler une ordonnance rendue le 13 juillet 2010 par madame la juge Tremblay-Lamer et qui accordait une injonction interlocutoire ordonnant au demandeur d’enlever son voilier de la propriété de la défenderesse.

 

[2]               Le demandeur, le capitaine E. G. da Costa, est le propriétaire du voilier ACOR. La défenderesse est l’administration portuaire de Campbell River, Campbell River Harbour Authority, qui est responsable de l’administration du port de Campbell River, Campbell River Harbour. La défenderesse avait commencé une action, T-1003-10, contre le demandeur en plus de présenter une requête dont l’ordonnance contestée résulte. 

 

[3]               Le demandeur n’est pas représenté par un avocat. Bien qu’il ait reçu un avis, il ne s’est pas présenté devant la juge Tremblay-Lamer pour contester la demande d’injonction présentée par la défenderesse. L’appelant demande maintenant que l’ordonnance du 13 juillet 2010 soit examinée de nouveau.

 

[4]               Je rejette cette demande pour trois raisons: la requête du demandeur aurait dû être présentée à la juge qui a rendu l’ordonnance, l’appelant ne peut se prévaloir des articles 397 et 399 des Règles et, qui plus est, le demandeur n’a produit aucune preuve se rapportant à l’ordonnance dont il demande l’annulation.      

 

Contexte

[5]               La défenderesse avait déjà présenté une requête pour l’obtention d’une injonction en vertu de l’article 373 des Règles des Cours fédérales DORS/98-106 ordonnant au demandeur d’enlever son voilier, l’ACOR, du port de Campbell River. Le demandeur a reçu signification et était au courant de la demande d’injonction mais il n’a pas répondu et ne s’est pas présenté à l’audition de la requête.

 

[6]               La juge Tremblay-Lamer a accordé une injonction interlocutoire ordonnant au demandeur de retirer son voilier de la propriété.  

 

[7]               Le demandeur demande le réexamen de l’ordonnance de la juge Tremblay-Lamer ainsi que d’autres recours. Je limite cette ordonnance à la demande de réexamen.

 

Législation

[8]               Les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 prévoient deux façons de réexaminer une ordonnance récente de la Cour, le réexamen en vertu de l’article 397 ou l’annulation ou la modification en vertu de l’article 399.    

397. (1) Dans les 10 jours après qu’une ordonnance a été rendue ou dans tout autre délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer un avis de requête demandant à la Cour qui a rendu l’ordonnance, telle qu’elle était constituée à ce moment, d’en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;

b) une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.

 (2) Les fautes de transcription, les erreurs et les omissions contenues dans les ordonnances peuvent être corrigées à tout moment par la Cour.

Annulation sur preuve prima facie

399. (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l’une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n’aurait pas dû être rendue :

a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;

b) toute ordonnance rendue en l’absence d’une partie qui n’a pas comparu par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur ou à cause d’un avis insuffisant de l’instance.

Annulation

(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue;

b) l’ordonnance a été obtenue par fraude.

Effet de l’ordonnance

(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’annulation ou la modification d’une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) ne porte pas atteinte à la validité ou à la nature des actes ou omissions antérieurs à cette annulation ou modification.

397. (1) Within 10 days after the making of an order, or within such other time as the Court may allow, a party may serve and file a notice of motion to request that the Court, as constituted at the time the order was made, reconsider its terms on the ground that

(a) the order does not accord with any reasons given for it; or

(b) a matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.

 (2) Clerical mistakes, errors or omissions in an order may at any time be corrected by the Court.

399. (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made

(a) ex parte; or

(b) in the absence of a party who failed to appear by accident or mistake or by reason of insufficient notice of the proceeding,

if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.

Setting aside or variance

(2) On motion, the Court may set aside or vary an order

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

(b) where the order was obtained by fraud.

Effect of order

(3) Unless the Court orders otherwise, the setting aside or variance of an order under subsection (1) or (2) does not affect the validity or character of anything done or not done before the order was set aside or varied.

 

Analyse

Quel juge peut entendre la requête?

[9]               Suivant la jurisprudence, une ordonnance récente peut faire l’objet d’un réexamen en vertu des articles 397 ou 399 des Règles des Cours fédérales uniquement devant le juge qui a rendu l’ordonnance.

Un juge qui a rendu une ordonnance a épuisé sa compétence à traiter la demande sur le fond--Un juge ne peut pas par la suite réexaminer l’affaire qu'il a tranchée sauf dans les limites des rares exceptions prévues aux règles 397 et 399--Aucun autre juge, sauf un juge siégeant en appel de l’ordonnance rendue à l'origine, n'a compétence pour modifier cette ordonnance—S’il en était autrement, aucune certitude ne pourrait exister quant à l’application de la loi et les litiges n’auraient pas de fin. Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1343

 

[10]           Il semble y avoir certaines exceptions où des requêtes peuvent être entendues par un juge qui n’est pas le juge qui a rendu l’ordonnance initiale. Par exemple, bien qu’elles soient habituellement présentées ex parte, les ordonnances Anton Piller devraient être « révisées, modifiées ou annulées par les juges qui les ont rendues » Indian Manufacturing Ltd. c. Lo, [1997] 131 RCF 319 (C.A.), au paragraphe 8, certaines exceptions permettent aux juges de réexaminer une ordonnance ex parte rendue par un autre juge, tel que dans Proctor & Gamble Inc. c. John Doe, [1996] 138 F.T.R. 250 (1re inst.), où le juge Teitelbaum a conclu qu’il avait le pouvoir pour le faire parce que le juge précédent avait expressément donné sa « permission » pour permettre à un autre juge de réexaminer l’ordonnance. Ce principe s’applique toutefois aux ordonnances ex parte rendues en vertu de l’alinéa 399(1)a). La présente ordonnance n’est toutefois pas une ordonnance ex parte, et ne contient aucune disposition qui indiquerait que la juge Tremblay-Lamer a donné sa « permission».

 

[11]           Il semblerait donc que la jurisprudence indique clairement que la demande aurait dû être présentée au juge qui a rendu l’ordonnance, à savoir la juge Tremblay-Lamer , et non pas au soussigné.

 

[12]           Bien que la demande dont je suis saisi doive habituellement être présentée au juge qui a rendu l’ordonnance, j’examinerai les articles 397 et 399 dans le contexte de la présente demande et j’exposerai plus loin les motifs qui m’amènent à rejeter cette demande. 

 

 

Application de l’article 397

 

[13]           L’article 397 prévoit le réexamen d’une ordonnance dans un nombre limité de cas.  

 

L’alinéa 397(1)a)

[14]           L’alinéa 397(1)a) prévoit que le réexamen peut avoir lieu lorsque « l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier ». L’examen des motifs qui ont été donnés pour justifier l’ordonnance attaquée révèle que l’ordonnance visant à retirer le voilier, l’ACOR, concorde avec les motifs qui ont été donnés. Le demandeur n’a pas fourni de preuve d’assurance responsabilité pour son voilier. Lorsque la défenderesse a ordonné au demandeur de retirer son navire, il a refusé.   

 

[15]           L’ordonnance que la juge Tremblay-Lamer a délivrée se fonde en partie sur le fait que le voilier ACOR n’est pas couvert par une assurance responsabilité et que cela représente un danger pour les autres utilisateurs du port, lesquels ne pourraient être indemnisés en cas de sinistre. Je considère donc que l’ordonnance concorde avec les motifs donnés. 

 

Alinéa 397(1)b)

[16]           L’alinéa 397(1)b) prévoit uniquement les cas où « une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement ».  La jurisprudence est à l’effet que l’oubli ou l’omission involontaire doit provenir de la Cour et non pas de l’une des parties, tel que mentionné dans Khroud c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 1157, au paragraphe 12, où il est écrit que « [à] mon avis, le défaut d'une partie de présenter les éléments de preuve disponibles ne lui donne pas le droit au réexamen d'une décision qui a tranché l'affaire d'une façon définitive ». 

 

[17]           Le fait que le demandeur ait omis de se présenter à la Cour pour y présenter des éléments de preuve ne fait pas partie des exceptions prévues à l’alinéa 397(1)b).

 

Le paragraphe 397(2)

[18]           De même, le paragraphe 397 (2) donne ouverture au réexamen en cas de fautes de transcriptions, d’erreurs ou d’omissions. L’absence du demandeur au tribunal n’est pas une faute de transcription.  

 

Application de l’article 399

[19]           L’alinéa 399(1)a) s’applique uniquement aux demandes ex parte ce qui n’est pas le cas aux présentes puisque le demandeur a reçu un avis de la demande d’injonction. 

 

L’alinéa 399(1)b)

[20]           L’alinéa 399(1)b) permet expressément à la Cour d’annuler ou de modifier une ordonnance « rendue en l’absence d’une partie qui n’a pas comparu par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur ou à cause d’un avis insuffisant de l’instance ».   

 

[21]           Dans les décisions Malowitz c. Canada (Ministre du Revenu national), [1991] A.C.I.  No 338 et Hinz c. Canada (MRN), 2003 CCI 727, rendues en matière d’impôt, la Cour a annulé des ordonnances rendues antérieurement en raison d’une erreur commise par les procureurs du demandeur dans un cas et pour cause de maladie dans l’autre. Dans Malowitz, la Cour a tenu le raisonnement suivant lequel l’absence du demandeur au tribunal n’était pas due à sa faute personnelle et que l’annulation du jugement ne causerait pas de préjudice à l’autre partie tandis que le maintien du jugement pourrait porter atteinte aux droits du demandeur. Ces décisions semblent tirer leur origine de l’idée suivant laquelle une partie ne devrait pas être « privée de ses droits en raison d’une erreur commise par son avocat, lorsqu’il est possible de remédier aux conséquences de cette erreur sans causer d’injustice à la partie adverse », Phui c. Canada (MCI), 2002 CFPI 791, au paragraphe 3.

 

[22]           Toutefois, dans la présente affaire, le demandeur se représente seul, ce n’est donc pas en raison d’une erreur de son avocat qu’il ne s’est pas présenté à la Cour. Il a reçu un avis. Il a donné ses excuses pour justifier son absence dans le cadre de ses représentations mais ne les a pas mises en preuve. Ce n’est pas par suite d’un événement fortuit, d’une erreur ou à cause d’un avis insuffisant de l’instance que le demandeur n’a pas comparu.  

 

Aucune preuve pertinente

[23]           Même si la requête avait pu être entendue par un juge autre que celui qui a rendu l’ordonnance initiale et même si le demandeur avait pu se prévaloir de l’article 397 ou de l’article 399 des Règles, il n’a déposé aucun élément de preuve pertinent au soutien de sa requête.     

 

[24]           Le demandeur cherche à convaincre la Cour que la question devrait être réexaminée et demande un nouvel examen de la demande sur laquelle la juge Tremblay-Lamer s’est prononcée. Il s’agit en fait d’un appel portant sur le fond du jugement rendu. 

 

[25]           Au cours de ses représentations, le demandeur a déclaré que son voilier, l’ACOR, était assuré. Toutefois, il ne produit aucune preuve sous forme d’affidavit ou de pièce commerciale démontrant qu’il détient une assurance responsabilité pour l’ACOR.  

 

[26]           En raison de l’insuffisance de la preuve que le demandeur a produite au soutien de la présente requête, il ne pourrait avoir gain de cause même si sa demande était présentée à la juge qui a délivré l’ordonnance initiale.  

 

Conclusion

[27]           Il résulte donc que le demandeur a omis de procéder en conformité avec les Règles des Cours fédérales et la jurisprudence. 

 

[28]           De plus, sa demande comporte un vice fondamental en ce que le demandeur ne produit aucune preuve se rapportant aux motifs pour lesquels la juge Tremblay-Lamer a rendu son ordonnance. 

[29]           La requête en réexamen du demandeur est rejetée. 


ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE :


1.         La requête en réexamen est rejetée.

2.                  Les dépens, fixés à 500 $ sont adjugés à la défenderesse.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            T-1003-10

 

 

INTITULÉ :                                                                          CAMPBELL RIVER HARBOUR AUTHORITY et LE VOILIER « ACOR » ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                 LE 9 AOÛT 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                LE JUGE MANDAMIN       

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                         LE 25 AOÛT 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Shelley Chapelski

 

POUR LE DEMANDEUR/

DÉFENDEUR

 

M. Duarte

 

 

POUR LES DÉFENDEURS/

DEMANDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bull, Housser & Tupper s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR/

DÉFENDEUR

M. E.G. da Costa

Campbell River (Colombie-Britannique)

POUR LES DÉFENDEURS/

DEMANDEUR

 

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