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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100825

Dossier : IMM-4710-09

Référence : 2010 CF 845

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 août 2010

En présence de monsieur le juge Crampton

 

ENTRE :

BLANCA GARCIA RIVADENEYRA

BLANCA OSIRIS VALENCIA GARCIA

et CARLOS DALI VALENCIA GARCIA

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse principale, Mme Garcia Rivadeneyra, et ses deux enfants sont des citoyens du Mexique. Ils sont arrivés au Canada le 15 septembre 2007 et, le 9 octobre 2007, ils ont présenté une demande d’asile.

 

[2]               Dans une décision datée du 19 août 2009, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a statué que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger aux fins, respectivement, de l’article 96 et de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

 

[3]               Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision de la SPR, au motif que celle-ci aurait

 

                              i.          commis une erreur en interprétant mal la preuve sur le caractère adéquat de la protection de l’État au Mexique, ou en ne tenant pas compte de cette preuve;

 

                            ii.          commis une erreur en concluant que les demandeurs ne pouvaient se prévaloir de l’exception énoncée au paragraphe 108(4) de la LIPR;

 

                           iii.          agi d’une manière faisant naître une crainte raisonnable de partialité.

 

[4]               La présente demande sera rejetée pour les motifs que je vais maintenant exposer.

 

I. Le contexte

 

[5]               La demanderesse principale était propriétaire d’un magasin attenant à sa maison au Mexique. Le 20 juillet 2007, alors que la demanderesse principale se préparait à fermer le magasin, deux individus y sont entrés pour la dévaliser et, sous la menace d’une arme, ont menacé de les tuer, elle et ses deux enfants, si elle ne leur disait pas où se trouvaient ses bijoux et son argent. L’un des voleurs a alors violé la demanderesse principale après avoir menacé de violer sa fille si elle n’obéissait pas à la demande.

 

[6]               Environ un mois plus tard, la demanderesse principale est allée signaler le vol à la police. Elle n’a pas dit qu’elle avait été violée. Pour donner suite à la plainte de la demanderesse principale, la police s’est rendue chez celle-ci pour faire enquête. La demanderesse principale soutient que les policiers se sont moqués d’elle lorsqu’elle a porté plainte.

 

[7]               La demanderesse principale soutient qu’après la visite des policiers chez elle, elle a reçu un coup de téléphone de ses assaillants, qui ont menacé d’enlever ses enfants parce qu’elle était allée voir la police. Elle est donc allée vivre chez sa belle-mère jusqu’à son départ pour le Canada, sans signaler les menaces reçues à la police. La demanderesse principale prétend que, depuis son arrivée au Canada, elle s’est fait rapporter par sa belle-mère et sa belle-sœur que des individus étaient venus chez elles, d’un air menaçant, pour la retrouver. Elle a ajouté que son beau-père lui avait, lui aussi, signalé la venue d’hommes qui étaient à sa recherche.

 

[8]               La demanderesse principale soutient que les policiers avaient été de peu d’assistance lorsque son beau-père avait été enlevé pendant environ 15 à 20 jours, et ce, en dépit du fait que sa famille avait signalé l’incident. Pendant la jeunesse de la demanderesse principale, une voisine aurait également rapporté à sa mère qu’elle avait vu un policier de leur quartier violer sa propre fille. La demanderesse ajoute qu’elle a, elle aussi, été agressée sexuellement quand elle avait 8 ou 9 ans, puis à nouveau à 14 ans, par un neveu de son beau-père. Il ne semble pas que ces derniers événements aient été signalés à la police.

 

[9]               Lorsqu’on a demandé à la demanderesse principale ses intentions à son arrivée au Canada, celle-ci a déclaré venir passer des vacances de deux mois au Canada, pour se détendre et pour se soustraire à des conditions stressantes. La situation de la demanderesse principale a toutefois changé après qu’elle a dit à son mari qu’elle avait été violée au Mexique et que celui-ci l’a par la suite abandonnée.

 

 

II. La décision faisant l’objet du contrôle

 

[10]           Après avoir examiné les allégations des demandeurs, la SPR s’est penchée sur leur requête en vue de la récusation de la commissaire Roslyn Ahara, qui avait présidé deux audiences, en mars et en juin 2009, tenues en leur présence. Les demandeurs soutenaient dans cette requête que la commissaire avait continuellement interrompu leur conseil pendant qu’elle interrogeait la demanderesse principale, et qu’elle avait fait montre de partialité en admettant certaines déclarations de l’agent de protection des réfugiés (l’APR) au sujet de l’interprétation à donner au paragraphe 108(4) de la LIPR.

 

[11]           La SPR a rejeté cette requête après avoir conclu (i) que la conseil aurait dû exprimer le plus tôt possible ses inquiétudes, (ii) que les interruptions en cause avaient eu pour but d’obtenir des éclaircissements ou d’obtenir de la demanderesse principale qu’elle réponde aux questions posées par la conseil, (iii) qu’aucun commentaire déplacé n’avait été formulé qu’on pourrait considérer être importun, désobligeant, sarcastique ou impoli, (iv) que la commissaire était tout simplement d’accord avec l’interprétation donnée par l’APR au paragraphe 108(4) de la LIPR, et (v) qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté étayant l’argument de la conseil selon lequel la commissaire en était arrivée à sa décision avant même que n’aient été soumis tous les éléments de preuve.

 

[12]           Pendant l’examen de la requête des demandeurs, la SPR a fait remarquer que la demanderesse principale s’était montrée parfaitement crédible.

 

[13]           La SPR a ensuite souligné qu’en l’espèce, les questions déterminantes étaient « la présentation tardive de la demande et la protection de l’État ».

 

[14]           En ce qui concerne la première question, la SPR a jugé raisonnables les motifs avancés par les demandeurs pour avoir attendu environ trois semaines après leur arrivée au Canada pour présenter une demande d’asile.

 

[15]           Quant à la question de la protection de l’État, la SPR a conclu que la demanderesse principale n’avait pas fourni une preuve claire et convaincante de l’incapacité des autorités mexicaines de la protéger. Pour en arriver à cette décision, la SPR semble avoir accordé une grande importance à sa conclusion selon laquelle la demanderesse principale n’avait pas consenti d’efforts raisonnables, avant de demander la protection internationale, pour se réclamer de la protection de l’État au Mexique.

 

[16]           La SPR a ensuite examiné la preuve concernant des personnes dans une situation semblable à celle de la demanderesse principale et qui n’auraient pas obtenu la protection de l’État. La SPR semble avoir donné peu de valeur à cette preuve, étant donné que les incidents en cause s’étaient produits il y a fort longtemps et qu’il s’agissait en partie de ouï-dire.

 

[17]           La SPR a finalement passé en revue la preuve documentaire puis conclu que les demandeurs pouvaient obtenir une protection adéquate, quoiqu’imparfaite, de l’État au Mexique. La SPR a fait remarquer, avant d’en arriver à cette conclusion, que la preuve était contradictoire à certains égards, qu’il continuait à y avoir un problème de corruption au Mexique et que les mesures prises pour y améliorer la protection de l’État avaient soulevé certaines critiques.

 

[18]           Compte tenu de sa conclusion selon laquelle les demandeurs pouvaient obtenir une protection adéquate de l’État au Mexique, la SPR a conclu (i) qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse pour les demandeurs d’être exposés à la persécution au Mexique et (ii) que leur renvoi dans ce pays ne les exposerait vraisemblablement pas à une menace à leur vie non plus qu’à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités. La SPR a par conséquent rejeté les demandes d’asile des demandeurs.

 

III. La norme de contrôle

 

[19]           Les questions soulevées par les demandeurs quant à la prise en compte par la SPR de la preuve sur le degré de protection offert par l’État mexicain appellent comme norme la raisonnabilité. En bref, la décision de la SPR sera maintenue sauf si, quant aux questions en cause, elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphes 47 et 51).

 

[20]           C’est la norme de la décision correcte, cette fois, qui s’applique aux questions soulevées par les demandeurs au sujet de la partialité et de l’interprétation par la SPR de l’article 108 de la LIPR (Dunsmuir, précité, paragraphes 54, 79 et 87; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 44; Decka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 822, paragraphe 5). Le contrôle du contenu de l’analyse, si on y avait procédé, aurait été fondé sur la norme de la raisonnabilité (Decka, précitée, paragraphe 5).

 

IV. Analyse

A.     La SPR a-t-elle mal interprété la preuve sur la protection de l’État ou fait abstraction de cette preuve?

 

[21]           Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en faisant abstraction du témoignage irréfuté de la demanderesse principale sur les efforts qu’elle avait déployés pour obtenir auprès de la police la protection de l’État au Mexique et sur les personnes dans une situation semblable à la sienne, ou en n’admettant pas ce témoignage.

 

[22]           Les demandeurs soutiennent en outre que la SPR a mal interprété d’importants éléments de preuve qu’ils avaient présentés – ou en a fait abstraction – concernant (i) le niveau de la criminalité et de la corruption au sein de la police au Mexique, (ii) l’omniprésence dans ce pays des mœurs patriarcales, qui sont à la source de la violence faite aux femmes et (iii) l’absence de volonté réelle, face à cette violence, de mettre en œuvre les mesures ayant pu être adoptées.

 

[23]           Les demandeurs soutiennent que la SPR a également commis une erreur dans son analyse, en mettant l’accent sur les efforts consentis par le gouvernement pour assurer la protection de l’État, plutôt que sur le caractère véritablement adéquat et efficace de cette protection.

 

[24]           Je ne suis pas d’accord avec ces prétentions.

 

[25]           La façon dont la SPR a traité de la preuve documentaire sur le degré de protection généralement offert par l’État aux femmes contre les actes de violence au Mexique, y compris les agressions sexuelles, n’est pas un modèle à suivre. Il y avait toutefois un témoignage important, en l’espèce, qui touchait la situation personnelle de la demanderesse principale et qui démontrait que les policiers avaient bel et bien donné suite à la seule plainte que celle-ci leur avait présentée. Ils ont d’ailleurs donné suite à cette plainte, en dépit du fait qu’elle avait été formulée un mois après la survenance de l’incident.

 

[26]           Loin de démontrer « l’omission constante de prendre des mesures » (Zhuravlvev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 3, paragraphe 33 (1re inst.)), la preuve révélait que les policiers avaient visité les lieux de l’incident et dit à la demanderesse principale qu’ils tenteraient [traduction] « d’attraper les petits voleurs ». Comme la demanderesse principale n’a pu identifier ses assaillants, on ne peut raisonnablement faire valoir le défaut de la police d’avoir finalement appréhendé ces personnes comme preuve du caractère inadéquat de la protection de l’État. Il se peut bien que les policiers canadiens n’auraient pu appréhender des assaillants non identifiés en pareilles circonstances (Samuel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 762, paragraphe 13).

 

[27]           On ne peut faire que des conjectures quant à savoir si les policiers auraient consacré davantage de ressources au dossier si la demanderesse principale avait signalé, outre le vol, l’agression sexuelle dont elle avait été victime. Le défaut de la demanderesse principale de rapporter l’agression, tout autant que les menaces subséquentes que lui auraient faites ses assaillants, de même que son défaut de se prévaloir d’autres sources possibles d’aide offerte par l’État, allaient à l’encontre de son obligation de se réclamer de la protection du pays dont elle avait la nationalité avant de demander la protection internationale (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 724; Santiago c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 247, paragraphe 23; Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 66, paragraphes 11 à 13; Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 134, paragraphes 9 et 10).

 

[28]           Il était raisonnable pour la SPR selon moi, au vu des faits particuliers d’espèce, de conclure que la demanderesse principale n’avait pas fait diligence pour obtenir la protection de l’État.

 

[29]           Il était aussi raisonnable que la SPR accorde peu de poids à l’affirmation de la demanderesse principale, voulant qu’elle n’ait pas fait d’autres démarches pour obtenir la protection de la police parce qu’elle craignait que cela ne mette sa vie en péril. Lorsqu’elle a examiné cette affirmation, la SPR a reconnu, de façon appropriée, qu’il était vraisemblable que certains incidents survenus il y a fort longtemps aient eu un effet durable sur la perception par la demanderesse principale de la police et sur sa confiance en celle-ci.

 

[30]           Après avoir examiné dans quelle mesure la demanderesse principale avait fait diligence pour obtenir la protection offerte par l’État, la SPR s’est penchée sur les éléments de preuve concernant les personnes dans une situation semblable à la sienne. Ces éléments avaient trait pour bonne part aux incidents d’un lointain passé mentionnés précédemment et consistaient, parfois, en du ouï-dire. Il était aussi raisonnable pour la SPR, à mon avis, de donner peu de valeur probante à ces éléments de preuve.

 

[31]           La SPR a ensuite examiné avec justesse le fondement objectif des craintes de la demanderesse principale. Elle a expressément relevé à cet égard que la preuve documentaire était contradictoire quant à la situation actuelle des victimes de violence sexiste, et que certaines critiques avaient été exprimées quant à l’efficacité des textes législatifs nouvellement adoptés pour améliorer la protection fournie par l’État à ces victimes. La SPR a en outre reconnu qu’il continuait à y avoir un problème de corruption au Mexique. Elle a toutefois conclu, en fonction de l’ensemble de la preuve présentée, y compris certains éléments dont elle avait traité expressément dans sa décision, que les personnes dans une situation semblable à celle de la demanderesse principale disposaient au Mexique d’une protection de l’État adéquate.

 

[32]           La SPR n’était pas tenue de « détaille[r] chaque élément de preuve présenté et chaque argument avancé », pourvu que la décision se situât dans les limites de la raisonnabilité (Rachewiski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 244, paragraphe 17).

 

[33]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne puis conclure qu’il était déraisonnable pour la SPR de décider que les demandeurs n’avaient pu établir, selon la prépondérance des probabilités et au moyen d’une preuve claire et convaincante, le caractère inadéquat de la protection de l’État dont ils pourraient vraisemblablement disposer au Mexique (Ward, précité, pages 724 et 725; Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, paragraphe 54; Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, paragraphe 30).

 

[34]           Au vu de la preuve dont la SPR était saisie, la conclusion de celle-ci selon laquelle les demandeurs disposeraient d’une protection de l’État adéquate s’ils devaient retourner au Mexique appartenait assurément « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité; Santiago, précitée, paragraphe 34; Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 490, paragraphe 12). La décision de la SPR, en outre, cadrait bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité (Khosa, précité, paragraphe 59).

 

[35]           Les demandeurs font valoir à juste titre qu’il ne suffit pas d’établir que divers efforts sont consentis pour assurer la protection des femmes au Mexique. Le critère approprié consiste plutôt à se demander si, du fait de ces efforts, une protection adéquate, et non à la fois adéquate et efficace, peut désormais être obtenue (se reporter, par exemple, à Cosgun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 400, paragraphes 44 à 54; Espinoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 806, paragraphe 30; Cueto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 805, paragraphes 27 et 28; Flores c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 723, paragraphe 8; Samuel, précitée, paragraphe 13; Mendez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 584, paragraphe 23; Carrillo, précité, paragraphe 30, de même qu’à Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 269, paragraphe 20; Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.), autorisation d’appel rejetée, [1993] 2 R.C.S. xi).

 

 

B.  La SPR a-t-elle interprété erronément l’article 108 de la LIPR?

[36]           La demanderesse principale soutient qu’elle satisfait aux conditions de l’exception prévue au paragraphe 108(4) de la LIPR puisqu’elle a fait l’objet de persécution – elle a été agressée sexuellement lorsqu’elle était une enfant – dans le passé. Elle soutient que, mineure, elle se fiait sur les adultes autour d’elle pour la protéger et que, ceux-ci ne l’ayant pas fait, elle n’a pas obtenu la protection de l’État. Elle ajoute que la preuve relative à l’effet profond des agressions subies est de l’ordre des raisons impérieuses visées au paragraphe 108(4).

 

[37]           Les dispositions de l’article 108 sont les suivantes :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 

 

Rejet

 

108. (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

 

 

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

 

b) il recouvre volontairement sa nationalité;

 

 

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

 

 

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

 

 

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

 

Perte de l’asile

 

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1).

 

 

Effet de la décision

 

(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.

 

Exception

 

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

 

 

Immigration and Refugee Protection Act, S.C.

2001, c. 27

 

Rejection

 

108. (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

 

(a) the person has voluntarily reavailed themself of the protection of their country of nationality;

 

(b) the person has voluntarily reacquired their nationality;

 

(c) the person has acquired a new nationality and enjoys the protection of the country of that new nationality;

 

(d) the person has voluntarily become re-established in the country that the person left or remained outside of and in respect of which the person claimed refugee protection in Canada; or

 

 

(e) the reasons for which the person sought refugee protection have ceased to exist.

 

Cessation of refugee protection

 

(2) On application by the Minister, the Refugee Protection Division may determine that refugee protection referred to in subsection 95(1) has ceased for any of the reasons described in subsection (1).

 

Effect of decision

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected.

 

Exception

 

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to avail themselves of the protection of the country which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.

 

[38]           J’estime que la SPR n’a pas commis d’erreur en concluant que l’exception prévue à l’application de l’alinéa 108(1)e) n’entrait pas en jeu quand les raisons ayant fait demander l’asile n’existaient plus (Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. n° 946). La demanderesse principale a énoncé le fondement principal de sa demande d’asile dans l’exposé circonstancié modifié joint à son Formulaire de renseignements personnels (FRP). La demanderesse principale mettait uniquement l’accent, dans cet exposé circonstancié modifié, sur le vol et l’agression sexuelle survenus le 20 juillet 2007 et sur les menaces que n’auraient cessé de lui faire ses assaillants inconnus. La demanderesse principale a conclu son exposé en déclarant qu’elle avait quitté le Mexique parce qu’elle et ses enfants [traduction] « craignaient pour leur vie et avaient le sentiment de toujours être surveillés » et parce qu’elle [traduction] « ne croyait pas [qu’elle] serait en sécurité où que ce soit au Mexique ». [Non souligné dans l’original.]

 

[39]           Dans ces circonstances, le fait qu’en l’espèce il ait pu y avoir d’autres actes de persécution, qui ont pris fin il y a bien des années, de l’aveu même de la demanderesse principale, lorsque celle‑ci a quitté la maison de ses parents, ne pouvait faire s’appliquer aux demandeurs le paragraphe 108(4), étant donné particulièrement que la SPR n’était guère disposée à donner une grande force probante à la preuve produite relativement à ces incidents prétendument survenus dans un lointain passé.

 

[40]           Il n’était pas non plus nécessaire en l’espèce que la SPR procède à l’examen sur le fond de l’application du paragraphe 108(4). Celui-ci, en bref, constitue une exception à l’alinéa 108(1)e). La SPR ayant conclu que cet alinéa n’était pas applicable, la condition préalable à l’application éventuelle du paragraphe 108(4) n’était donc pas satisfaite.

 

[41]           Je suis d’avis que, même si la SPR avait procédé à un tel examen, la conclusion de la SPR aurait relevé des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit si elle avait porté que les faits d’espèce n’étaient pas de nature telle qu’ils constituaient des raisons impérieuses aux fins du paragraphe 108(4), tel que cette expression a été interprétée par la jurisprudence (se reporter, par exemple, à Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Obstoj, [1992] 2 C.F. 739, page 748 (C.A.); Biakona c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. n° 391, paragraphes 32 à 43).

 

[42]           L’admission faite par la demanderesse principale qu’elle n’avait pas compté demeurer au Canada ou présenter une demande d’asile avant que son mari ne l’abandonne (au Canada), d’ailleurs, est incompatible avec ses prétentions quant à l’existence de raisons impérieuses, découlant d’actes de persécution antérieurs, pour qu’on ne l’astreigne pas à se réclamer, si besoin en était, de la protection des autorités du Mexique.

 

C. La SPR a-t-elle agi d’une manière faisant naître une crainte raisonnable de partialité?

[43]           Les demandeurs prétendent que la SPR a porté atteinte à leur droit à l’équité procédurale en faisant preuve de partialité. Au soutien de cette prétention, ils font valoir que la SPR (i) n’a pas cessé d’interrompre l’interrogatoire par leur conseil de la demanderesse principale, (ii) a demandé que leur conseil concède, quant à la question du lien, avant d’avoir entendu le moindre témoignage, (iii) s’est rangée, pendant l’audience, à l’interprétation donnée par l’APR à l’article 108, et (iv) a déclaré pendant le témoignage de la demanderesse principale que ses éléments de preuve sur l’inaction de la police lors de l’enlèvement de son beau-père n’étaient pas pertinents.

 

[44]           Après examen de la transcription de l’audience de la SPR, je suis convaincu qu’une « personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » n’aurait pas de crainte raisonnable quant à la partialité de la SPR (Committee for Justice and Liberty c. Canada (L’Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, page 394).

 

[45]           Tout au long de l’audience, la SPR a fait voir à maintes reprises combien elle était sensible à la situation de la demanderesse principale, et combien elle la comprenait. S’il se peut que la SPR soit souvent intervenue, elle le faisait pour obtenir des éclaircissements sur le témoignage de la demanderesse principale ou pour mieux en comprendre la pertinence. J’estime que les interventions de la SPR n’ont pas empêché les demandeurs de bien exposer leur preuve.

 

[46]           Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, la SPR leur a demandé non pas de concéder quant à la question du lien, mais plutôt de préciser leur position sur le sujet. Peu après, d’ailleurs, la SPR a elle-même concédé sur ce point.

 

[47]           La SPR n’a pas non plus fait montre de partialité en se disant d’accord avec l’agent de protection des réfugiés lorsqu’il a affirmé que le paragraphe 108(4) de la LIPR ne s’appliquait que dans les situations décrites à l’alinéa 108(1)e). La SPR s’est simplement dite elle aussi d’avis que le langage clair de l’alinéa 108(1)e), auquel le paragraphe 108(4) fait exception, exigeait que « les raisons qui […] ont fait demander l’asile n’existent plus ». Ce principe a été confirmé dans la décision Hassan, précitée, paragraphe 47.

 

[48]           De plus, si au départ la SPR laissait entendre que l’incident subi par le beau-père de la demanderesse principale n’était pas pertinent, elle a immédiatement précisé sa pensée en déclarant que le fait que l’incident se soit produit il y avait si longtemps avait une incidence sur la valeur probante, plutôt que sur la pertinence, de cet élément de preuve.

 

V. Conclusion

 

[49]           La présente demande sera rejetée.

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

                                                                                                            « Paul S. Crampton »

                                                                                                ___________________________

                                                                                                                        Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4710-09

 

INTITULÉ :                                       RIVADENEYRA ET AUTRES c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 MAI 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 25 AOÛT 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lina Anani

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Lorne McClenaghan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lina Anani

Avocate

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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