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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100630

Dossier : IMM-6347-09

Référence : 2010 CF 735

[traduction certifiée, non révisée]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 30 juin 2010

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

LITA CHUA TABUNGAR

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue le 15 octobre 2009 par une agente d’immigration désignée à l’ambassade du Canada à Manille, aux Philippines, dans le dossier B052923662, par laquelle elle a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse.

 


[2]               Pour les motifs suivants, j’accueille la demande et je vais la renvoyer pour nouvel examen par un autre agent dès que la demanderesse aura répondu a une lettre d’équité qui lui sera envoyée ou dès que le délai accordé pour y répondre sera expiré.

 

[3]               La demanderesse est citoyenne et résidente des Philippines. À plusieurs reprises, elle a présenté des demandes de résidence permanente au Canada et celles-ci ont été rejetées. La plus récente de ces demandes, celle dont il est question en l’espèce, était fondée sur le fait que la demanderesse avait plus de quatre ans d’expérience dans une profession répertoriée, en l’espèce la catégorie 4131 – « Enseignants/enseignantes au niveau collégial et autres instructeurs/instructrices de programmes de perfectionnement, traducteurs/traductrices, enseignants/enseignantes au niveau primaire ».

 

[4]               La demanderesse a soumis à l’ambassade du Canada aux Philippines une demande qui comprenait, notamment, une lettre du Tower Languages Tutorial Centre (Tower) et une lettre de Johnson Controls qui contenaient des détails sur l’emploi que la demanderesse a occupé au sein de ces deux organismes.

 

[5]               Le dossier semble avoir été confié à une commis à l’ambassade du Canada. Celle-ci a appelé Tower ainsi qu’une succursale de Johnson Controls qu’elle croyait être la bonne. Dans les deux cas, elle a parlé à des personnes qui n’ont pas mentionné leur nom. Les notes inscrites par la commis dans le STIDI au sujet de la conversation qu’elle a eue avec la personne chez Tower indiquent que celle-ci lui a confirmé que la demanderesse travaillait chez Tower à temps partiel. Les notes inscrites par la commis dans le STIDI à propos de la conversation qu’elle a eue avec la personne chez Johnson Controls mentionnent qu’aucune personne du nom de la demanderesse n’y travaille. Les notes du STIDI relatives à la même journée, le 18 août 2009, font état de quatre demandes de résidence permanente présentées antérieurement par la demanderesse et la mention [traduction] « toutes rejetées » figure après cette énumération. Cependant, les notes mentionnent que la [traduction] « CNP 4131 est admissible au traitement » et concluent par : [traduction] « envoyer à l’agent des visas pour examen ».

 

[6]               Le dossier a ensuite été transféré à un agent des visas à l’ambassade du Canada. Il ne s’agit cependant pas de l’agent qui a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle. Le premier agent a inscrit la remarque [traduction] « cert d’empl semble frauduleux » sur la page de couverture du dossier. L’agente qui a rendu la décision finale a affirmé en contre-interrogatoire que cette inscription signifiait [traduction] « certification d’emploi semble frauduleux » et qu’elle faisait probablement référence à Johnson Controls.

 

[7]               Le dossier aurait ensuite été transféré à l’agente Gonzalez qui semble avoir analysé puis rejeté la demande, et ce, en moins d’une journée. Les notes inscrites par l’agente dans le STIDI font état de ses préoccupations quant à la crédibilité de la demanderesse, apparemment liées à l’incident Johnson Controls, mais indiquent que l’agente a décidé de fonder sa décision sur la conclusion selon laquelle la lettre de Tower était [traduction] « insuffisante » car elle n’était pas tout à fait claire quant à la question de savoir si l’emploi qu’occupait la demanderesse était à temps partiel ou à temps plein.

 

[8]               À première vue, rien dans la lettre de Tower n’indique si l’emploi était à temps plein ou à temps partiel. À la lecture de la lettre, il serait légitime de croire que l’emploi était à temps plein. Les doutes de l’agent à cet égard ne pouvaient raisonnablement avoir été éveillés que par les notes inscrites par la commis dans le STIDI dans lesquelles elle fait état d’une conversation téléphonique, qu’elle aurait enregistrée, avec une personne qui travaillerait chez Tower.

 

[9]               Si je me fie à la preuve soumise dans le dossier dont je suis saisi, en ce qui concerne Johnson Controls, la commis a appelé au mauvais endroit. La commis semble ne pas avoir tenu compte de la carte professionnelle, brochée à la lettre, sur laquelle figurait le bon numéro. La demanderesse travaillait au bureau mentionné sur la carte. Cependant, l’erreur de la commis semble avoir occasionné l’inscription de la mention [traduction] « fraude » sur le coin du dossier par un collègue agent des visas et a éveillé des soupçons quant à la [traduction] « crédibilité » dans l’esprit de l’agente des visas qui a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle. Il semble que l’agente des visas qui a rendu la décision en litige a accroché sur un détail, dans la lettre de Tower, qui ne peut pas vraiment être considéré comme une ambiguïté, sauf si elle détenait des renseignements dont la demanderesse ne disposait pas quant à l’appel téléphonique de la commis et quant à la réponse selon laquelle la demanderesse occupait un emploi [traduction] « à temps partiel » et qu’elle s’est fondée sur ces renseignements pour rendre sa décision.

 

[10]           Tout ceci m’amène à rappeler que la demanderesse aurait dû être avisée de ces préoccupations et avoir la possibilité raisonnable de les dissiper. Je reprends ce que le juge Blais (maintenant juge en chef à la Cour d’appel fédérale) a écrit dans Salman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 877, [2007] A.C.F. 1142, au paragraphe 12 :

12     La Cour a également établi dans la décision Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, que l’agent des visas avait l’obligation de faire connaître ses réserves au demandeur lorsqu’il s’agit d’une question de crédibilité ou d’authenticité des documents et de fournir au demandeur l’occasion de dissiper de telles réserves. Je ne suis pas convaincu que l’agent s’est acquitté de cette obligation en l’espèce.

 

[11]           Dans le même ordre d’idée, le juge Mosley a écrit ce qui suit dans Rukmangathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, [2004] A.C.F. n° 317, au paragraphe 42 :

42     La demande a été en partie refusée compte tenu des réponses non satisfaisantes que le demandeur avait données aux questions techniques que l’agente lui avait posées. Toutefois, à mon avis, ce n’était pas la seule raison ou la raison primordiale pour laquelle la demande avait été refusée; en effet, l’opinion défavorable que l’agente s’était faite au sujet des [traduction] « incohérences » concernant la présumée expérience professionnelle du demandeur ainsi que de la crédibilité et de la fiabilité des documents qu’il avait soumis était également cruciale lorsqu’il s’était agi de refuser la demande. Comme il en a ci-dessus été fait mention, je suis convaincu que l’agente n’a pas donné au demandeur la chance de répondre à ses préoccupations sur ces points. Étant donné ces manquements à l’équité procédurale, il n’est pas possible de savoir si le résultat aurait été différent si le demandeur avait pleinement eu une possibilité équitable de répondre aux préoccupations de l’agente; par conséquent, la demande sera renvoyée pour être appréciée de nouveau conformément à ces motifs.

 

[12]           Lorsque la mention de « fraude » est apposée sur un dossier par un agent des visas, l’agent qui prend la décision doit faire une enquête sérieuse et, en cas de doute, même si la question n’est pas directement pertinente, il doit fournir au demandeur une occasion raisonnable de dissiper ses doutes.

 

[13]           La demande est donc accueillie.


JUGEMENT

Pour les motifs exposés,

LA COUR ORDONNE que

1.                  la demande soit accueillie.

2.                  l’affaire soit renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision après qu’une lettre d’équité aura été envoyée à la demanderesse et qu’elle y aura répondu ou après l’expiration du délai qui lui aura été accordé pour y répondre;

3.                  aucune question ne soit certifiée.

4.                  aucuns dépens ne soient adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6347-09

 

INTITULÉ :                                       LITA CHUA TABUNGAR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 30 JUIN 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 30 JUIN 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter A. Chapman

POUR LA DEMANDERESSE

 

Marjan Double

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chen et Leung

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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