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Federal Court

 

Cour fédérale

 

Date: 20100603

Dossier: T-1521-09

Référence: 2010 CF 605

[TRADUCTION CERTIFIÉE NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2010

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE:

THOMAS TINNEY

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               À première vue, la plainte déposée par M. Tinney auprès de la Commission canadienne des droits de la personne contre son employeur, le Service correctionnel du Canada, alléguant qu’il a été victime de discrimination en cours d’emploi et que le Service n’a pas répondu à ses besoins liés à sa déficience, a été renvoyée par la Commission au Tribunal, mais est-ce bien le cas?

[2]               Compte tenu des faits particuliers sous-jacents à la présente demande, la Cour doit trancher deux questions. D’abord, la Commission était-elle dessaisie du dossier et dépourvue de compétence quand elle a voulu « corriger » les conseils qu’elle avait précédemment fournis à M. Tinney? Deuxièmement, si la Commission n’était pas functus officio, a-t-elle commis une erreur en rejetant la plainte de M. Tinney?

[3]               Ces deux questions tout à fait distinctes seront abordées à tour de rôle. Pour les motifs qui suivent, je me prononce en faveur du défendeur dans les deux cas.

I.         La Commission était-elle functus officio?

Contexte

[4]               Le 28 décembre 2007, M. Tinney dépose auprès de la Commission sa plainte de discrimination. Conformément à la procédure établie, la Commission confie à l’un des membres de son personnel la tâche de mener une enquête au sujet de la plainte.

[5]               Le 16 décembre 2008, l’enquêteur conclut son enquête et rédige un rapport où il recommande le rejet de la plainte. Ce rapport est ensuite remis aux parties qui sont invitées à y répondre, ce que font le demandeur et le défendeur.

[6]               La secrétaire de la Commission envoie une lettre aux parties le 12 mars 2009, précisant qu’elle « écrit [aux parties] pour [les] informer de la décision prise par la Commission canadienne des droits de la personne », et ajoutant que la Commission a étudié le rapport de l’enquêteur et les observations des parties. La secrétaire poursuit :

[traduction] Ayant pris connaissance de ces informations, la Commission décide, en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de demander à la présidente du Tribunal canadien des droits de la personne d’ouvrir une enquête sur la plainte car la Commission est convaincue que les circonstances de l’espèce justifient l’instruction de la plainte.

 

[7]               Peu après, le directeur de la Commission et l’avocat principal de sa division des services du contentieux envoient à M. Tinney une lettre l’avisant que la Commission n’entend pas participer à l’audition de sa plainte sur le fond par le Tribunal. Le demandeur reçoit également une lettre du greffier du Tribunal l’informant que sa plainte [traduction] « a été renvoyée par la Commission canadienne des droits de la personne au Tribunal canadien des droits de la personne pour qu’il ouvre une enquête et rende une décision. ». En outre, cette lettre l’informe de la procédure du Tribunal et lui apprend que les parties doivent participer à une conférence téléphonique de gestion de l’instance le 22 avril 2009. Ainsi, l’affaire semble suivre son cours normal, mais, rapidement, le vent tourne.

[8]               Le 16 avril 2009, l’avocat de la Commission écrit aux parties pour les avertir que celle-ci a commis une « erreur ». La lettre de l’avocat est libellée comme suit :

Dans une lettre de Lucie Veillette, datée du 12 mars 2009, vous avez été avisés de la décision prise en l’espèce par la Commission de déférer la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne.

Depuis lors, nous avons été avertis qu’une erreur s’était glissée dans le texte de la décision et que, par conséquent, la décision ne reflétait pas l’intention manifeste de la Commission qui était de rejeter la plainte du demandeur en l’espèce.

Je souhaite par la présente aviser les parties et le Tribunal que, compte tenu des circonstances, la plainte sera déposée de nouveau auprès de la Commission et accompagnée d’une recommandation selon laquelle (1) la Commission devrait revoir sa décision et (2) la plainte devrait être rejetée. Les parties pourront présenter leurs arguments par écrit à la Commission avant qu’elle ne rende sa décision.

Nous sommes désolés des désagréments que cette situation a pu causer aux parties et au Tribunal. Nous espérons que, d’ci à ce que la Commission ne rende sa décision, les parties poursuivront leurs discussions en vue de parvenir un règlement dans la présente affaire et nous sommes tout à fait disposés à participer ou à organiser des séances de médiation.

 

 

[9]               Après avoir reçu la lettre, M. Tinney écrit à la Commission pour demander un exemplaire du procès-verbal de la réunion où la Commission s’est prononcée sur sa plainte. La Commission lui répond et lui fournit un tableau des six dossiers examinés lors de la réunion des membres de la section 2 (caviardé pour faire disparaître toutes les informations personnelles) ainsi que la recommandation formulée à l’égard de chaque dossier. La plainte de M. Tinney s’est vu attribuer le numéro de dossier 20071443. La Commission fournit également à M. Tinney copie d’un courriel daté du 4 mars 2009 écrit par l’un des deux membres présents à cette réunion, M. David Langtry, vice-président de la Commission, et indiquant à M. Ian Fine, directeur général et avocat général principal, que « la commissaire Bell et moi avons lu et discuté des dossiers de la section 2 inscrits à l’ordre du jour de la réunion du 4 mars à 10 heures (soit les dossiers portant les numéros allant de 20071512 à 20061443) et nous souscrivons aux recommandations formulées à l’égard de chaque dossier sauf pour les dossiers numéros 2008064 et 20061443 tel que précisé ci-après. »

[10]           La lettre de la Commission explique en outre l’origine de « l’erreur »:

La secrétaire de la Commission a avisé les parties de la décision rendue par la Commission. En l’espèce, la décision aurait dû consister en un rejet de la plainte déposée par M. Tinney. L’erreur découle du fait que deux dossiers portent des numéros presqu’identiques, dont un seul chiffre diffère, soit celui de l’année du dépôt. Le dossier de M. Tinney porte le numéro 20071443 alors que celui de Mme Ng Man Chuen s’est vu attribuer le numéro 20061443. Ce dernier dossier constitue l’une des deux exceptions pour lesquelles la Commission n’a pas suivi les recommandations de l’enquêteur et a décidé de renvoyer les plaintes au Tribunal.

 

[En caractères gras dans le document original.]

 

 

[11]           Le demandeur soutient que « la Commission était dessaisie du dossier et ne possédait plus la compétence nécessaire pour revenir sur sa décision du 12 mars 2009 ». Le défendeur soutient que la « Commission a accidentellement envoyé la mauvaise lettre et que [son] intention a toujours été de rejeter la plainte du demandeur [et que] la Commission n’était pas functus officio mais possédait la compétence nécessaire pour corriger une erreur administrative ».

Analyse

[12]           Les parties et la Cour conviennent que la question de savoir si la Commission était functus officio constitue une question de droit et donc que la norme de la décision correcte s’applique.

[13]           Les parties et la Cour conviennent également que le précédent qui fait autorité sur le principe du functus officio est l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848. Dans l’arrêt Chandler, la Cour conclut que, lorsqu’un tribunal administratif, tel la Commission canadienne des droits de la personne, s’est prononcé de façon définitive sur une question, il est alors functus officio et ne peut revenir sur sa décision sauf si (a) « un lapsus a été commis en rédigeant la décision » ou (b) « il y a eu une erreur dans l’intention manifeste du tribunal ». Le défendeur soutient que ces deux exceptions s’appliquent en l’espèce.

[14]           Le processus suivi par la Commission lors de l’examen du rapport d’un enquêteur au sujet d’une plainte est exposé à l’article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C 1985, ch. H-6., qui est reproduite à l’annexe A. La Loi prévoit qu’une fois la plainte reçue, la Commission « peut » demander au président du tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte visée par le rapport si elle est convaincue que l’examen de celle-ci est justifié, ou encore, « rejette la plainte » si elle est convaincue qu’un examen de celle-ci n’est pas justifié (paragraphe 44(3)). En outre, la Commission « informe par écrit » les parties à la plainte de la « décision » qu’elle a prise (paragraphe 44(4)). En conséquence, la lettre datée du 12 mars 2009 constitue l’avis écrit de la décision prise conformément au paragraphe 44(4); elle ne constitue pas, en tant que telle, la décision de la Commission selon le paragraphe 44(3). La décision prise par la Commission en vertu du paragraphe 44(3) a été rendue par le vice-président Langtry et la commisssaire Bell le 4 mars 2009 ou avant cette date.

[15]           Il est regrettable qu’aucun procès-verbal n’ait été rédigé sur la réunion de la Commission mentionnée dans le courriel envoyé le 4 mars 2009 par le vice-président. Aucune disposition de la loi n’exige que la Commission dresse un procès-verbal de ses réunions. De plus, le dossier dont dispose la Cour n’indique nullement qu’une telle obligation incombe à la Commission. Néanmoins, il vaudrait mieux rédiger un compte-rendu de chaque décision prise par la Commission en vertu de l’article 44 de la Loi. La correspondance par courrier électronique, bien que pratique, ne revêt pas le caractère officiel que l’on attend de la procédure d’un tribunal chargé de rendre des décisions d’une si grande importance. En outre, si un procès-verbal officiel avait été dressé, « l’erreur » qui s’est produite en l’espèce aurait pu être évitée.

[16]           Je suis convaincu, sur la foi du dossier dont dispose la Cour, que, le 4 mars 2009 ou avant cette date, la Commission a rendu une décision définitive sur la plainte du demandeur. Cette décision consistait à rejeter la plainte. Selon moi, le courrier électronique envoyé le 4 mars 2009 exprime clairement cette décision. Aucune pièce versée au dossier de la Cour, exception faite de la lettre envoyée aux parties le 12 mars 2009, ne constitue la preuve d’une décision contraire. De plus, la lettre ne représente qu’un avis de la décision et non la décision en tant que telle.

[17]           Aucune disposition de la Loi ne permet à la Commission de revenir sur une décision définitive qu’elle a rendue. Par conséquent, j’estime que le nouvel examen décrit par la Commission dans sa lettre du 16 avril 2009 est inacceptable et qu’en outre la « décision de réexamen » mentionnée dans la lettre de la Commission datée du 11 août 2009 a été rendue alors que la Commission n’était plus compétente et, par conséquent, est entachée de nullité. Dès qu’elle a constaté que l’avis de décision contenu dans sa lettre du 12 mars 2009 comportait une inexactitude, la Commission aurait dû informer les parties par écrit de cette erreur, puis la corriger en énonçant la décision rendue par la Commission, soit celle de rejeter la plainte.

[18]           Je suis convaincu que la lettre du 12 mars 2009 contenait une erreur dans le libellé de la décision précédemment prise par la Commission et je suis également convaincu que la Commission aurait pu corriger cette erreur.


II.        La Commission a-t-elle commis une erreur en rejetant la plainte

Contexte

[19]           Employé du Service correctionnel du Canada (SCC), M. Tinney occupait le poste d’agent des services alimentaires dans un établissement correctionnel où il préparait des repas et surveillait les détenus qui apprêtaient la nourriture. En juillet 2004, puis en août 2005, deux détenus l’accusent d’attouchements inappropriés, en d’autre termes, d’agression sexuelle. Son employeur ainsi que la Police provinciale de l’Ontario mènent une enquête. Les deux organisations concluent que les allégations ne sont pas fondées.

[20]           En septembre 2005, M. Tinney prend congé pour des raisons médicales. Par la suite, il reçoit un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Son médecin, le docteur Little, écrit au SCC pour justifier son absence. Dans un note datée du 6 octobre 2005, le médecin soutient qu’un retour au travail pourrait être bénéfique pour M. Tinney, pourvu qu’il ait lieu ailleurs que dans les établissements de Bath ou Millhaven, d’où proviennent les allégations d’agression sexuelle.

[21]           D’autres postes sont offerts à M. Tinney pendant son absence mais il les refuse. Un différend oppose les deux parties quant à la question de savoir si les postes offerts à M. Tinney satisfont aux restrictions prescrites par son médecin, et si ces offres ont été faites de bonne foi. Dans sa dernière note, datée du 11 janvier 2006, le docteur Little indique que M. Tinney peut reprendre son emploi mais [traduction] « qu’il ne doit pas retourner travailler dans un établissement correctionnel ». Le 22 février 2006, le demandeur se voit offrir un emploi dont le lieu de travail se situe hors du périmètre de l’établissement, puis il accepte un poste en gestion de dossiers au Bureau régional.

[22]           Le 28 décembre 2007, M. Tinney dépose une plainte auprès de la Commission. Il soutient avoir fait l’objet d’un traitement différent de celui accordé aux autres employés à cause de sa déficience. Il allègue qu’après avoir reçu sa plainte le SCC l’a transféré à l’établissement de Millhaven plutôt que de déplacer le détenu. M. Tinney soutient en outre que, pendant trois jours, le SCC a omis de l’informer de la plainte qui avait été déposée contre lui et que, pendant cet intervalle, il a continué de travailler avec le détenu qui l’avait accusé d’agression. Il prétend que ce délai a causé son TSPT, ou été l’un des facteurs à l’origine de celui-ci.

[23]           L’enquêteur a estimé que ces allégations n’étaient pas fondées. Il a accepté l’explication fournie par le SCC pour justifier sa conduite, mais surtout, il a constaté que « lorsque le défendeur a pris ces décisions, le plaignant ne souffrait d’aucune déficience ». Comme M. Tinney n’était affligé d’aucune déficience au moment où ces mesures ont été prises, bien qu’il puisse avoir fait l’objet d’un traitement différent, ce traitement ne découlait pas de sa déficience subséquente. Par conséquent, la loi n’a pas été enfreinte. Selon moi, le raisonnement de l’enquêteur est irréfutable.

[24]           De plus, M. Tinney affirme que le SCC n’a pas pris de mesures d’adaptation à son égard compte tenu de sa déficience. Le SCC réplique qu’il n’a eu connaissance des restrictions applicables à M. Tinney que le 11 janvier 2006, date à laquelle le SCC a reçu la dernière du note docteur Little précisant que M. Tinney ne pouvait plus retourner travailler dans un établissement correctionnel. L’employeur affirme avoir tenté auparavant de prendre des mesures d’adaptation relatives à la déficience de M. Tinney en fonction des informations sporadiques fournies par le Docteur Little. Se fondant en grande partie sur les déclarations de M. Tinney, l’enquêteur conclut que « la compréhension qu’avait le plaignant de sa déficience a évolué au cours des cinq mois ayant suivi le dépôt de sa deuxième plainte et que c’est seulement en janvier 2006 qu’il a pu établir, de concert avec son médecin traitant, les mesures d’adaptation dont il avait réellement besoin ».

[25]           L’enquêteur a conclu que la plainte selon laquelle le SCC n’avait pas pris de mesures d’adaptation à l’égard de M. Tinney était sans fondement. Il écrit dans son rapport :

[traduction] La compréhension qu’avait le plaignant de sa déficience s’est approfondie au fil du temps et à mesure que le défendeur lui présentait des offres d’adaptation. Les offres du défendeur correspondaient systématiquement aux restrictions médicales communiquées par le plaignant. Alors qu’il recevait des offres successives de la part du défendeur, le plaignant s’est rendu compte que ces offres ne lui convenaient pas et il a demandé des précisions supplémentaires à son médecin. En l’absence d’informations médicales exhaustives, le défendeur ne peut être tenu responsable de son incapacité à offrir un poste adéquat au plaignant.

 

 

[26]           L’enquêteur a fourni son rapport aux deux parties et les a invitées à présenter leurs observations, ce que M. Tinney a fait, par l’entremise de son représentant syndical, dans un document de huit pages.

[27]           M. Tinney soutient que le rapport manque de rigueur parce que l’enquêteur n’a pas mené une enquête suffisamment exhaustive. Selon M. Tinney ce manque de rigueur est évident, car :

 

a.                   L’enquêteur a omis d’interroger le docteur Little;

b.                   L’enquêteur a omis d’interroger quelque représentant du SCC que ce soit ;

c.                   L’enquêteur a omis d’interroger quelque représentant syndical de M. Tinney que ce soit.

Analyse

[28]           La jurisprudence est claire : l’enquêteur qui examine une plainte en matière de droits de la personne n’a pas l’obligation d’interroger tous les témoins potentiels proposés ou identifiés par les parties: Miller c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1996), A.F.C. no 735. Toutefois, il ressort clairement de la jurisprudence qu’une entrevue s’avère nécessaire lorsqu’une personne raisonnable s’attendrait à ce que des éléments de preuve utiles pour l’enquêteur puissent être obtenus à l’occasion de cette entrevue (Egan c. Canada (Procureur général), 2008 CF 649), ou encore, lorsque lorsqu’un témoin possède des renseignements qui pourraient traiter d’un fait important et lorsqu’ aucune autre personne qui pourrait résoudre un aspect important et controversé n’est interrogée (Busch c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1211).

[29]           Malgré les arguments convaincants avancés par Me Raven, je suis d’accord avec le défendeur qu’aucun des témoins potentiels ni la preuve qu’ils auraient prétendument fournie ne satisfait à ce critère.

[30]           Aucun employeur qui tente de prendre des mesures pour répondre aux besoins d’un employé ayant une déficience ne peut agir sur la base d’informations autres que celles qui lui ont été fournies. En l’espèce, les informations ont évolué au fil du temps. L’opinion du docteur Little au sujet des mesures d’adaptation requises est énoncée dans les notes qu’il a envoyées au SCC. Le demandeur semble faire valoir qu’une entrevue avec le docteur Little était nécessaire pour conclure, comme l’a fait l’enquêteur, que M. Tinney « a communiqué des messages différents à divers moments car la perception qu’avaient M. Tinney et son médecin traitant de ses besoins a évolué tout au long de son congé ». Toutefois, les notes sont éloquentes et contiennent une série de restrictions. En outre, c’est le demandeur lui-même qui a avisé l’enquêteur qu’il a pu cerner les mesures d’adaptation dont il avait réellement besoin seulement en janvier 2006 avec l’aide de son médecin. De plus, il est inscrit que le diagnostic de TSPT n’a été communiqué par le médecin au SCC qu’en novembre 2005, quand le docteur Little a précisé qu’en raison du TSPT, M. Tinney ne devait avoir « aucun contact direct avec les détenus » mais « pouvait reprendre un emploi dans un autre cadre de travail ».

[31]           Le docteur Little possédait peut-être de plus amples informations et il aurait pu sans doute ajouter des précisions à l’opinion qu’il a fournie dans ses notes mais il n’en demeure pas moins que ses conseils adressés au SCC et leur interprétation par l’employeur correspondent exactement au contenu de ces notes. De plus, l’entrevue n’aurait permis d’éclaircir aucun élément controversé ou utile puisque seules les informations portées à la connaissances de l’employeur à l’époque sont pertinentes.

[32]           M. Tinney soutient également que l’enquêteur avait l’obligation d’interroger le docteur Little avant de pouvoir conclure que les offres de l’employeur correspondaient systématiquement aux restrictions médicales formulées par le médecin traitant. M. Tinney allègue notamment qu’une entrevue était requise pour parvenir à une conclusion sur la conformité des offres « puisque les offres répétées faite par l’employeur de réintégrer M. Tinney dans un emploi au sein des institutions de Bath et Millhaven vont directement à l’encontre de la note écrite par le docteur Little le 6 octobre 2005, laquelle indique expressément que M. Tinney ne devrait pas travailler dans ces établissements ». Or, la note du 6 octobre 2005 n’indique rien de tel, que ce soit expressément ou autrement. La note énonce plutôt : « selon mon opinion professionnelle, il bénéficierait d’un retour au travail dans un établissement autre que Bath ou Millhaven ». C’est le 11 janvier 2006 seulement, au moment où le docteur Little a précisé que M. Tinney ne devrait pas retourner travailler dans un établissement, qu’il est devenu évident que les mesures d’adaptation devaient être prises ailleurs.

[33]           Le demandeur soutient qu’il fallait interroger ses représentants syndicaux et des représentants du SCC compte tenu du différend qui oppose les parties sur la question de savoir si les mesures d’adaptation proposées correspondaient aux restrictions médicales applicables à M. Tinney. Je ne vois pas comment les représentants des deux parties auraient pu fournir des preuves factuelles susceptibles d’aider l’enquêteur à trancher cette question. Le contenu de ces restrictions est énoncé dans les notes provenant du docteur Little et les éléments pertinents des arguments avancés par les parties ne sont pas réellement contestés. Seule la question de savoir si les offres satisfont aux conditions énoncées demeure en litige. C’est une conclusion qui doit être tirée par l’enquêteur à la lumière de la preuve. J’estime que la conclusion de l’enquêteur voulant que les mesures d’adaptation correspondent aux restrictions médicales était raisonnable compte tenu des faits.

[34]           En résumé, l’enquêteur s’est acquitté de ses fonctions avec rigueur et ses conclusions étaient raisonnables compte tenu de la preuve dont il disposait. La demande doit être rejetée.

[35]           Les deux parties ont demandé les dépens et ont convenu que des dépens de 3 000$, y compris les honoraires, les débours et les taxes, étaient raisonnables. À mon avis la Commission est en grande partie responsable de la situation puisqu’elle a commis une erreur dans son premier avis informant les parties de sa décision. Dans ce contexte, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de ne pas adjuger les dépens.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE:

1.      La demande est rejetée; et

 

2.      Les dépens ne sont pas adjugés.

  « Russel W. Zinn »  

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Emmanuelle Dubois, traductrice

 

 


Dossier: T-1521-09

ANNEXE A

Loi canadienne sur les droits de la personne

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER:                                         T-1521-09

 

INTITULÉ:                                        THOMAS TINNEY c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE:                  OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE:                LE 4 MAI 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT:                        LE 3JUIN 2010

 

 

 

COMPARUTIONS:

 

Andrew Raven

 

POUR LE DEMANDEUR

Claudine Patry

 

                POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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