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Date : 20100315

Dossier : T-1592-08

Référence : 2010 CF 297

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec) 15 mars 2010

EN PRÉSENCE DE  Me Richard Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

REDA AHMED GINENA

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

  • [1] Après examen d’une requête présentée par le demandeur en vertu de la règle 316 des Règles des Cours fédérales (les règles), dans le but d'obtenir une ordonnance autorisant le demandeur à témoigner à l’audience sur le bien-fondé de sa demande de contrôle judiciaire à l’égard, essentiellement, du traitement qu’il a reçu au moment de ses arrivées périodiques, mais multiples au Canada en provenance de l’étranger et en particulier à l’aéroport Pierre-Elliot Trudeau, après une première saisie d’effets personnels et d’espèces exécutée le 5 juin 2004;

  • [2] Après avoir examiné les dossiers de requête des parties et après avoir écouté les avocats;

  • [3] Considérant que la règle 316 est ainsi libellée :

316.  On motion, the Court may, in special circumstances, authorize a witness to testify in court in relation to an issue of fact raised in an application.

[Non souligné dans l'original.]

316.  Dans des circonstances particulières, la Cour peut, sur requête, autoriser un témoin à témoigner à l’audience quant à une question de fait soulevée dans une demande.

 

  • [4] Considérant que dans Cyanamid Canada Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1992), 52 F.T.R. 22 (C.F. 1re inst.), le juge en chef adjoint de la Cour, comme il l’était alors, a fait les commentaires suivants au sujet de la nature exceptionnelle de la « raison spéciale » au paragraphe 319 (4) des anciennes règles de la Cour. Le libellé du paragraphe 319 (4) était très semblable à la règle 316 actuelle.

[traduction] Il est clair que les requêtes doivent être fondées sur des preuves documentaires et qu’il est exceptionnel de s’écarter de cette pratique. L’article 319 des Règles de la Cour fédérale prévoit que les allégations de fait sur lesquelles une requête est fondée doivent faire l’objet d’un affidavit bien que, sur autorisation de la Cour et pour une raison particulière, un témoin puisse être appelé à témoigner en audience publique relativement à une question de fait soulevée par une demande. Dans Glaxo Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et Apotex Inc. et al. No 4) (1987), 11 F.T.R. 132, la demande de Glaxo en vertu de la règle 319 (4) visant à obtenir l’autorisation d’appeler un témoin pour témoigner de vive voix à l’égard de certaines questions de fait soulevées dans la demande a été rejetée. Le juge Rouleau fait remarquer (à la p. 133) :

[traduction] Selon la règle 319, tous les faits sur lesquels se fonde une requête doivent être appuyés par des affidavits. Ce n’est qu’avec « la permission de la cour » et « pour une raison spéciale » qu’un témoin peut être appelé à témoigner relativement à une question de fait. L’avocat de la demanderesse n’a mentionné aucun précédent à cet égard et à ma connaissance, la jurisprudence n’a pas défini de critères permettant de juger ce qui constitue « une raison spéciale ». À mon avis, cette question doit se juger d’après les faits en l’espèce, et c’est à la demanderesse qu’il incombe de prouver l’existence d’« une raison spéciale » à la satisfaction de la cour. La jurisprudence montre toutefois clairement que la cour n’accorde cette permission que dans des circonstances exceptionnelles.

[Notre souligné]

  • [5] Considérant qu’il est également intéressant de se reporter aux commentaires suivants de la Cour d’appel fédérale lorsqu’elle a traité une demande qui présentait des similitudes avec l’affaire en cause, c’est-à-dire qu’une demande soit instruite comme une action en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales (voir Macinnis c Canada [Procureur général], [1994] 2 C.F. 464 (C.A.F.), page 473). Dans cette affaire, le juge Décary a déclaré, à la page 472, au sujet du paragraphe 18.4 (2) de la Loi sur les Cours fédérales, que dans les circonstances :

. . . [traduction] Le vrai critère que le juge doit appliquer est de se demander si la preuve présentée au moyen d’affidavits sera suffisante, et non de se demander si la preuve qui pourrait être présentée au cours d’un procès pourrait être supérieure.

  • [6] Considérant qu’en l’espèce, la Cour est d’accord avec le défendeur pour dire que d’après la preuve de l’affidavit et des dossiers de demande produits par chaque partie conformément à la règle 306 et suivantes, la Cour sera en bonne position pour apprécier et évaluer adéquatement au fond les divergences entre les deux parties — et toute question de crédibilité qui pourrait y être liée — afin de déterminer si le demandeur a été systématiquement ciblé par les fonctionnaires du défendeur à chaque entrée au Canada, puis envoyé automatiquement au deuxième examen;

  • [7] Considérant aussi que c’est lors du contre-interrogatoire du déposant du défendeur que le demandeur a été tenu d’examiner et de mettre à l’épreuve la position du défendeur par rapport à celle confirmée par le demandeur et sa famille proche dans leurs affidavits;

  • [8] Compte tenu du préjudice, de l’embarras et de l’inconfort allégués causés au demandeur par les examens répétitifs et les perquisitions effectués par les fonctionnaires du défendeur, ces aspects ayant déjà été soulignés et examinés par le demandeur dans son affidavit au titre de la règle 306 et ceux de son épouse et de son fils;

  • [9] Considérant, en outre, que la requête instantanée a été présentée un peu tard, étant donné que les parties savent depuis le 21 janvier 2010 que l’audience sur le fond de la demande doit avoir lieu le 24 mars 2010;

  • [10] Compte tenu des motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincu qu’il existe des circonstances spéciales en l’espèce qui devraient permettre au demandeur d’éviter la procédure générale d’audition d’une demande de contrôle judiciaire sur la foi des affidavits;

  PAR CONSÉQUENT, LA COUR STATUE PAR LES PRÉSENTES que la requête du demandeur est rejetée, le tout avec les dépens.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-1592-08

 

INTITULÉ :  REDA AHMED GINENA

  et

  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 15 mars 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :  Le 15 mars 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anne-France Goldwater

 

POUR LE DEMANDEUR

Jacques Mimar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goldwater, Dubé

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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