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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20100223

Dossier : IMM-3577-09

Référence : 2010 CF 201

Montréal (Québec), le 23 février 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

Ai Jian WANG

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), relativement à une décision datée du 28 mai 2009 par laquelle une agente des visas a refusé à Mme Ai Jian Wang (la demanderesse) un visa de résidente temporaire (VRT).

 

Le contexte factuel

[2]               La demanderesse, née le 5 novembre 1953, est citoyenne de la République populaire de Chine (Chine). Elle est mariée et travaille comme enseignante dans ce pays. Son fils unique est âgé de 27 ans et il est résident permanent du Canada. Ils ne se sont pas vus depuis huit ans.

 

[3]               Le fils a invité sa mère à venir au Canada et lui a envoyé une lettre d’invitation le 28 février 2009. La demanderesse a demandé à deux reprises un VRT, en avril et en mai 2009, à l’ambassade du Canada à Beijing. Ses deux demandes ont été refusées. La demanderesse sollicite maintenant le contrôle judiciaire du second refus, daté du 28 mai 2009.

 

[4]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs suivants.

 

La décision contestée

[5]               Dans une lettre datée du 28 mai 2009, l’agente des visas a refusé la demande de VRT de la demanderesse parce que cette demande ne satisfaisait pas aux exigences relatives à l’obtention d’un visa.

 

[6]               L’agente des visas a invoqué le paragraphe 11(1) de la Loi, qui prescrit qu’une personne souhaitant acquérir le statut de résident temporaire du Canada doit convaincre l’agent des visas qu’elle n’est pas interdite de territoire et qu’elle se conforme à la Loi. Selon l’agente des visas, cela comprenait [traduction] « l’obligation d’établir à la satisfaction de l’agente des visas que la demanderesse respectera les conditions d’admission et quittera le Canada à la fin de la période autorisée pour son séjour ».

 

[7]               L’agente des visas a énuméré un certain nombre de facteurs qui sont pertinents pour l’octroi d’un VRT :

·                    les documents de voyage et d’identité du demandeur;

·                    le motif du voyage au Canada;

·                    les contacts au Canada;

·                    les moyens financiers de payer le voyage;

·                    les liens avec le pays de résidence (y compris le statut d’immigrant, l’emploi et les liens familiaux);

·                    si le demandeur quittera vraisemblablement le Canada à la fin de son séjour autorisé.

 

[8]               L’agente des visas n’a pas été convaincue que la demanderesse satisfaisait aux exigences de la Loi et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) :

[traduction] Je ne suis pas convaincue que vous êtes suffisamment bien établie ou que vous entretenez des liens suffisants avec votre pays de résidence pour motiver votre départ du Canada à la fin de votre séjour autorisé.

 

[9]               Dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (notes du STIDI), l’agente des visas a pris en considération un certain nombre de circonstances. Premièrement, elle a fait état du refus antérieur d’un VRT. Deuxièmement, il ressortait du dossier du SSOBL de l’inviteur (le fils de la demanderesse) que celui-ci avait demandé l’asile en 2003 et que sa demande avait été refusée. Il a pu garder son statut de résident permanent grâce à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée après l’examen des risques avant renvoi. Troisièmement, l’inviteur gagne 26 280 $ CAN. Quatrièmement, l’inviteur [traduction] « ne semble pas s’être établi ». Cinquièmement, la demanderesse n’a pas d’antécédents de voyage en dehors de la Chine. Enfin, l’agente des visas a considéré que les liens familiaux de la demanderesse sont faibles : [traduction] « l’époux est sans travail, le seul enfant au Canada est étudiant ». Dans ce contexte, l’agente des visas a conclu que la demanderesse n’était pas une résidente temporaire de bonne foi qui quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

 

Analyse

La norme de contrôle applicable

[10]           Je conviens avec les deux parties que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité (Obeng c. Canada, 2008 CF 754, 330 F.T.R. 196, au paragraphe 21).

 

Les arguments de la demanderesse

[11]           La demanderesse soutient que l’agente des visas a commis une erreur en ne tenant pas convenablement compte de sa situation, ainsi que de celle de l’inviteur, son fils.

 

[12]           Premièrement, l’agente des visas a commis une erreur en déclarant que le fils de la demanderesse ne semble pas s’être établi au Canada parce qu’il est étudiant. Elle n’a pas tenu compte du fait que le fils avait présenté des documents prouvant qu’il avait un emploi et qu’il était propriétaire d’une maison.

 

[13]           Deuxièmement, au sujet de la situation de la demanderesse, l’agente a fait remarquer que cette dernière a, en Chine, un époux sans emploi. Cependant, elle n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse est le seul soutien de sa famille. Cela équivaut à un élément de motivation important quant à son retour dans son pays. En outre, même si l’agente des visas a reconnu que la demanderesse avait un emploi, elle n’a rien dit de plus sur le sujet. La demanderesse a présenté des documents confirmant qu’elle est enseignante et qu’elle est en congé l’été, au cours des mois de juillet et d’août. Par ailleurs, l’agente des visas a omis de reconnaître que la demanderesse a des biens importants en Chine : deux maisons, une automobile (immatriculée au nom de son époux) et des comptes bancaires. La demanderesse soutient qu’au vu de ce qui précède, elle est effectivement bien établie en Chine et qu’elle serait motivée à y retourner à la fin de son séjour autorisé.

 

[14]           Troisièmement, la demanderesse soutient que l’agente des visas n’a pas tenu compte des raisons pour lesquelles elle voulait rendre visite à son fils au Canada. Elle a expliqué que : a) elle n’avait pas vu son fils depuis huit ans, et b) elle avait récemment perdu sa mère au printemps de 2009 et voulait passer du temps avec son fils pour faire face à cette perte.

 

Les arguments du défendeur

[15]           La décision de l’agente des visas est de nature hautement discrétionnaire et factuelle. Il n’y a aucune preuve que cette dernière a excédé les pouvoirs que lui confèrent la Loi, le Règlement et le Manuel de traitement des demandes à l’étranger OP-11 : Résidents temporaires. Le Manuel OP-11 énumère les questions que les agents devraient approfondir pour savoir si les demandeurs ont l’intention de rester au Canada illégalement, ou de demander l’asile, à la fin de la période de séjour autorisée.

 

[16]           Selon le défendeur, l’agente des visas a fait remarquer avec raison que la demanderesse a des liens insuffisants avec la Chine. Son seul fils se trouve au Canada. Elle n’a pas d’antécédents de voyage. L’agente a fait remarquer avec raison aussi que le fils de la demanderesse a contourné le processus ordinaire de l’immigration en demandant l’asile au Canada et en obtenant le statut de résident permanent pour des motifs d’ordre humanitaire. La demanderesse n’a pas convaincu l’agente des visas qu’elle n’entendait pas contourner de la même façon le processus d’immigration.

 

[17]           En ce qui concerne l’évaluation de la situation du fils de la demanderesse, l’agente des visas a bel et bien reconnu que celui-ci gagnait un revenu. Par ailleurs, rien n’obligeait l’agente à faire état de tous les biens appartenant à l’inviteur. Enfin, la demanderesse n’a pas expliqué pourquoi elle avait besoin de venir au Canada et pourquoi son fils ne pouvait pas retourner en Chine pour rendre visite à ses deux parents.

 

Analyse

[18]           Avant d’examiner les faits de l’espèce, je voudrais exposer les principes juridiques pertinents. Le juge Shore a récemment examiné les dispositions législatives applicables ainsi que le Manuel OP-11 en rapport avec les demandes de VRT dans l’affaire Dhillon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 614, 347 F.T.R. 24. Le juge Shore a conclu qu’il incombe au demandeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (Dhillon, au paragraphe 41). Dans le même ordre d’idées, dans la décision Obeng, au paragraphe 20, le juge Lagacé a également conclu qu’il existe une présomption selon laquelle l’étranger qui cherche à entrer au Canada est présumé être un immigrant; il appartient à cet étranger de réfuter cette présomption.

 

[19]           La demanderesse allègue que l’agente a commis une erreur en faisant abstraction de renseignements pertinents. Il ressort de la jurisprudence qu’il est présumé que l’agente a soupesé et pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été soumis, à moins que l’on démontre le contraire (voir Obeng, au paragraphe 35; Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) au paragraphe 1). De plus, la Cour n’a pas à lire à la loupe la décision de l’agente des visas. Rien n’oblige non plus cette dernière à faire mention de tous les éléments de preuve qui sont contraires à la conclusion qu’elle a tirée (voir Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, 83 A.C.W.S. (3d) 264, au paragraphe 16). Au dire du juge Lagacé, « [l’]agente était fondée à s’en remettre au bon sens et à la raison quand elle a conclu que la preuve n’établissait pas que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour » (Obeng, au paragraphe 36). Cela étant, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve que l’agente des visas a déjà prise en considération.

 

[20]           En appliquant les principes qui précèdent aux faits de l’espèce, je conclus que la décision de l’agente des visas était raisonnable et défendable au vu des faits et du droit. Le rôle de l’agente des visas, sous le régime de la Loi, « est d’empêcher une personne d’entrer au Canada si cette personne n’a pas convaincu l’agent qu’elle quittera le Canada à la fin de la période autorisée » (Dhillon, au paragraphe 37). L’agente des visas a fait remarquer que l’inviteur est le seul enfant qu’a la demanderesse au Canada, et que ce dernier a contourné le processus d’immigration canadien pour obtenir son statut de résident permanent.

 

[21]           Je suis d’accord avec ce que dit la juge Snider dans l’affaire Roudenko c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 31, citant l’arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, 1982 CanLII 24 (C.S.C) : la Cour ne peut pas annuler une décision simplement parce qu’elle aurait tiré une conclusion différente de celle tirée par le décideur.

 

[22]           Je conclus que la décision de l’agente est transparente et intelligible et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables (Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[23]           Aucune question à certifier n’a été proposée, et aucune ne se pose en l’espèce.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3577-09

 

INTITULÉ :                                       AI JIAN WANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 février 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Styliani Markaki

 

POUR LA DEMANDERESSE

Alexandre Tavadian

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Styliani Markaki

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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