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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20100121

Dossier : IMM-3250-09

Référence : 2010 CF 75

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

LIPING ZHANG

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE BARNES

 

[1]               Une fois de plus la Cour est confrontée à l’échec de communication par courrier électronique entre les parties qui a conduit à une absence de réponse et au rejet d’une demande de visa de résidence permanente. La question à trancher consiste à savoir si le demandeur avait créé une attente raisonnable suivant laquelle les échanges de correspondance importante se feraient uniquement par courrier ordinaire. 


I. Contexte

[2]               Mme Zhang a fait une demande en vue d’obtenir un visa de résident permanent le 10 septembre 2006. Sa demande a été faite en vertu de la procédure simplifiée qui se présentait alors sous la forme d’un formulaire  de demande de trois pages (IMM0008) sur lequel les renseignements personnels étaient inscrits et d’un formulaire intitulé Recours aux services d’un représentant (IMM5476). Dans le formulaire de demande, Mme Zhang a donné son adresse résidentielle en Chine et l’adresse postale de son avocat à Vancouver, Me Lawrence Wong. Elle n’a fourni aucune adresse électronique personnelle dans l’espace prévu à cette fin. Le formulaire de demande contenait la mise en garde suivante en ce qui a trait à l’adresse postale :

Toute correspondance sera envoyée à cette adresse à moins que vous n’indiquiez votre adresse électronique ci-dessous, auquel cas vous nous autorisez à transmettre les détails sur votre dossier ainsi que vos renseignements personnels à cette adresse électronique.  

 

[3]               Dans le formulaire intitulé Recours aux services d’un représentant, Mme Zhang a inscrit l’adresse postale de son avocat de même que son adresse électronique. 

 

[4]               Le dossier indique que, le 7 décembre 2006, l’agent des visas a fait parvenir un accusé de réception de la demande de Mme Zhang à Me Wong par courriel. La lettre contenait une déclaration formelle selon laquelle, sauf quelques rares exceptions, aucune autre correspondance ne serait acceptée avant que nous en fassions la demande. Ces exceptions comportaient les changements d’adresse ou de coordonnées tels qu’un changement d’adresse de courriel. Me Wong n’a rien trouvé à redire à l’époque au sujet de la façon de communiquer bien qu’il ait depuis produit une déclaration dans laquelle il affirme que [TRADUCTION] « nous croyions que toute correspondance importante, en particulier celle où une réponse est requise, nous serait envoyée » par courrier ordinaire. Dans son affidavit Me Wong déclare qu’il a trouvé cela [TRADUCTION] « étrange » que cette correspondance initiale lui soit parvenue par courriel mais qu’il n’a pas senti dans les circonstances le besoin d’envoyer des instructions à l’ambassade du Canada à Beijing, en Chine (Ambassade) en vue de clarifier ce point.

 

[5]               Le 15 août 2008, un courriel générique émanant de l’ambassade et contenant une demande formelle de documents que Mme Zhang devait fournir au soutien de sa demande de visa a été envoyé à l’adresse courriel de Me Wong. Une copie de ce courriel, auquel la date et l’heure de son envoi ainsi que l’adresse courriel exacte de Me Wong apparaissent, est produite au soutien de l’affidavit de Daniel Unrau, Premier secrétaire (Immigration) auprès de l’ambassade. Une remarque de l’agent des visas apparaissant au STIDI indique également que ce courriel a été envoyé à la date indiquée à l’adresse courriel de Me Wong. C’est ce courriel qui est resté sans réponse. Le 19 mars 2009, la demande de visa de Mme Zhang a été refusée. 

 

[6]               Rien dans l’affidavit de Me Wong n’indique qu’il n’a pas reçu le courriel daté du 15 août 2008 à son cabinet. L’affidavit indique plutôt que Me Wong ne se souvient pas d’avoir reçu ce courriel et qu’il peut l’avoir supprimé par inadvertance ou que ce courriel peut avoir été éliminé par filtrage de pourriels.   

 

[7]               Par contre, M. Unrau a déclaré que le courriel est le moyen de communication privilégié parce qu’il est [TRADUCTION] « fiable, rapide et pratique pour le client et notre bureau ». Il a affirmé également que l’ambassade n’a reçu aucun rapport indiquant que ce courriel n’était pas parvenu à son destinataire. 

 

II. Question en litige

[8]               L’agent des visas a-t-il manqué à son devoir d’agir de façon équitable en communiquant avec l’avocat du demandeur par courriel?

 

III. Analyse

[9]               En dépit des représentations vigoureuses de Me Chun et des conséquences malheureuses qui en ont résulté pour sa cliente, je ne peux conclure que la manière dont l’agent des visas a traité la demande de visa de Mme Zhang constitue un manquement au devoir d’agir équitablement.

 

[10]           Je conviens que le formulaire de demande de visa et le formulaire intitulé Recours aux services d’un représentant pourraient être plus clairs en ce qui a trait aux échanges possibles de correspondance par courrier électronique. Toutefois, lorsqu’on examine ces deux documents, on ne peut raisonnablement s’attendre à ce que l’ambassade n’utilise pas le courrier électronique pour communiquer avec Me Wong. Même si une telle attente pouvait exister, elle ne saurait justifier le fait que Me Wong n’a rien fait au moment où il a reçu un courriel de l’ambassade. En effet, si Me Wong a trouvé cela étrange qu’un courriel ait été envoyé à l’adresse de courriel fournie par sa cliente ou lui-même, il est encore plus étrange qu’il ait négligé d’aviser l’ambassade pour lui dire de ne plus utiliser ce moyen de communication. Après tout, l’ambassade l’a avisé que les changements de coordonnées seraient acceptés et apportés en conséquence.     

 

[11]           Il est relativement important de souligner que Me Wong n’a pas dit qu’il n’avait pas reçu le courriel de l’ambassade à son cabinet. La preuve soumise par le défendeur établit qu’il utilise le courrier électronique pour communiquer avec les demandeurs de visa et leurs représentants conformément au protocole en matière de courrier électronique de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et que ce protocole a été suivi en l’espèce. L’ambassade n’a reçu aucune indication selon laquelle ce courriel n’a pas été reçu. 

 

[12]           M. Unrau n’a pas été contre-interrogé sur son affidavit ce qui aurait permis de soupeser son affirmation portant sur la fiabilité générale de la communication par courrier électronique à destination et en provenance de l’ambassade. J’ignore également si Me Wong a pris des mesures quelconques pour savoir si ce courriel avait été bloqué ou supprimé par inadvertance après sa réception, son affidavit étant également muet quant aux mesures qu’il a prises pour s’assurer que les courriels provenant de l’ambassade n’étaient pas entravés ou traités comme des pourriels. Il n’a en effet soumis aucune preuve portant sur la sensibilité de ce système pour bloquer les courriels indésirables et sa tendance à supprimer les courriels avant qu’ils ne soient lus.   

 

[13]           La conclusion que je tire de la preuve dont je suis saisi est que le courriel du 15 août 2008 contenant la demande adressée à Me Wong a été reçu à son cabinet et qu’il a été bloqué ou supprimé par inadvertance.    

 

[14]           Au vu de l’ensemble des faits, je ne peux que conclure que la responsabilité de l’échec de la communication incombe à la demanderesse et à son avocat. Mme Zhang et son avocat ont fourni l’adresse de courriel à l’ambassade au moyen du formulaire de CIC intitulé Recours au service d’un représentant et n’ont pas trouvé à redire au sujet de l’utilisation initiale du courrier électronique pour accuser réception de la demande de visa. Une adresse de courriel fournie dans un formulaire intitulé Recours aux services d’un représentant est, selon moi, une invitation permanente à l’ambassade à utiliser ce moyen de communication. Les avocats jouissant d’une longue expérience en immigration comme Me Wong sont bien au fait que les ambassades, consulats et hauts-commissariats utilisent régulièrement le courrier électronique pour communiquer et, comme l’a fait remarquer la juge Judith Snider dans Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)(2008), 2008 CF 124, au paragraphe 14, le volume important de demandes de visas traitées par les bureaux de CIC doit être pris en compte au moment d’évaluer ses méthodes de fonctionnement pour des motifs d’équité. S’il existe une incertitude quant à la fiabilité du système de réception de courriels en raison du filtrage automatique ou ce qui s’y apparente, l’avocat n’a qu’à s’abstenir de communiquer cette adresse de courriel. Je suis d’avis que cette affaire est identique à la décision rendue dans Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 935, [2009] A.C.F. No. 1530 (Q.L.), où j’ai écrit ce qui suit aux paragraphes 11 et 12:

11        La croyance de M. Hayer que le haut-commissariat continuerait de communiquer avec lui par la poste régulière était plutôt hasardeuse, comme en attestent les faits. Il n’était pas raisonnable pour lui de s’attendre à ce que le haut-commissariat infère, à partir de l’absence de mention d’une adresse de courriel dans sa dernière lettre, que son adresse de courriel ne soit plus en fonction.  Mme Kaur et M. Hayer auraient pu éviter ce risque simplement en mentionnant au haut-commissariat que l’adresse de courriel répertoriée précédemment n’était plus valide, exactement comme l’avait fait M. Hayer pour son adresse postale. Après tout, le courriel est un moyen de communication professionnel courant : il est rapide, efficace et fiable, et il n’était pas déraisonnable ou injuste de la part du haut-commissariat de s’y être fié. Dans les circonstances, l’envoi avorté du courriel n’était attribuable qu’à la croyance injustifiée de M. Hayer ainsi qu’à son omission de fournir des coordonnées personnelles complètes et précises au haut-commissariat.

 

12        En résumé, lorsqu’une lettre est envoyée correctement par un agent des visas à une adresse (électronique ou autre) fournie par un demandeur, que cette adresse n’a pas fait l’objet d’une révocation ou d’une révision, et qu’on a reçu aucun indice de la possibilité que la communication ait échoué, le risque de défaut de livraison repose sur les épaules du demandeur, et non du défendeur. […].

 

[15]           Par conséquent, la présente demande est rejetée. Les parties ont demandé l’autorisation de soumettre une question à certifier. La demanderesse disposera de sept (7) jours pour ce faire. Le défendeur disposera de sept (7) jours pour y répondre. La Cour rendra jugement par la suite. 

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                                        IMM-3250-09

 

INTITULÉ :                                                                                      LIPING ZHANG c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                              Vancouver, (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                             LE 19 janvier 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                           LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                                                     LE 21 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Loretta H. Chun

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jennifer Dagsvik

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lawrence Wong et associés

Avocats et conseillers juridiques

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, C.R.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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