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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20091211

Dossier : T‑368‑09

Référence : 2009 CF 1270

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

FRED WHITEHEAD et JIMMY BILL

demandeurs

et

 

LA PREMIÈRE NATION DE PELICAN LAKE, LE CHEF PETER BILL,

GILBERT CHAMAKESE, DAVID THOMAS,

ROMEO THOMAS et SYDNEY BILL

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Généralités

[1]               La Cour respecte les procédures, coutumes, traditions et mesures internes des conseils de bande autochtones; elle s’en remet par conséquent aux décisions faisant autorité de ces conseils, en tant qu’elles émanent de la direction des collectivités autochtones qui les ont élus.

 

 

 

II.  Introduction

[2]               La Cour reconnaît à tout conseil de bande le pouvoir de suspendre des conseillers pour inconduite et infractions aux lois de la bande, en vertu d’une autorité légale intrinsèque et d’un droit coutumier.

On ne peut posséder un droit de légiférer digne de ce nom sans disposer de moyens de droit pour sanctionner les contrevenants. Les lois des bandes ne peuvent être violées impunément.

La Cour suprême du Canada a donné son aval à la théorie de la nécessité. La Cour d’appel fédérale s’est référée à cette théorie dans Bill c. Comité d’appel de la bande de Pelican Lake, 2006 CAF 397, 154 A.C.W.S. (3d) 259 :

[8]        À mon avis, dans de telles circonstances, la théorie de la nécessité s’applique. Dans la décision Sparvier c. Bande indienne Cowessess, [1993] 3 C.F. 142, aux pages 172 et 173, le juge Rothstein, alors juge de la Cour fédérale, a noté que :

 

La théorie de la nécessité peut s’appliquer dans des cas où, lorsque personne d’autre n’a le pouvoir d’agir, les membres du tribunal qui sont inhabiles par ailleurs [...] peuvent être habiles à entendre et à juger un appel. Le principe est énoncé par Sir William Wade dans l’ouvrage Administrative Law, 6th ed., 1988, à la page 478 :

 

[TRADUCTION]

Dans tous les arrêts mentionnés jusqu’ici, on pouvait se passer de l’arbitre inhabile ou le remplacer par quelqu’un auquel l’objection ne s’appliquait pas. Cependant, il arrive souvent qu’aucune substitution ne soit possible, puisque personne d’autre n’a le pouvoir d’agir. Dans ces cas, la justice naturelle doit céder le pas à la nécessité; autrement, il n’y a plus aucun moyen de décider et le processus judiciaire ou administratif cesse de fonctionner.

 

 

III.  Nature de la présente instance

[3]               La Cour est ici saisie d’une demande de contrôle judiciaire de quatre décisions par lesquelles le chef et le conseil de la Première Nation de Pelican Lake (la PNPL) ont suspendu de leurs fonctions (ou destitué provisoirement) sans rémunération les conseillers Fred Whitehead et Jimmy Beal (les demandeurs).

 

IV.  Le contexte

[4]               Les demandeurs ont été élus conseillers de la PNPL le 9 mars 2007.

 

[5]               En juillet 2008, ils sont entrés en possession – de manière irrégulière selon les défendeurs – de documents confidentiels de la bande et – de manière irrégulière aussi, toujours selon les défendeurs – en ont divulgué le contenu (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 6).

 

[6]               Le conseil de la bande, à sa réunion des 17 et 18 novembre 2008, a ordonné aux demandeurs de rendre les documents en question. Ceux-ci, selon les défendeurs, ont alors exprimé leur refus, se sont conduits de manière à perturber la séance, puis ont quitté celle-ci en signe de protestation (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphes 7 et 8). 

 

[7]               Les demandeurs, toujours selon les défendeurs, ont reçu avis de la réunion du conseil de la bande prévue pour le 12 décembre 2008 et ont décidé de ne pas y assister. Le chef et le conseil ont adopté à cette réunion une résolution du conseil de la bande (RCB) suspendant les demandeurs sans rémunération pour la durée du mois de décembre, et ils ont demandé l’aide de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) pour récupérer les dossiers manquants (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 9).

 

[8]               La GRC est entrée en possession des dossiers manquants en janvier 2009. Les demandeurs affirment les lui avoir remis de leur plein gré (paragraphe 11 de l’affidavit de Fred Whitehead), tandis que les défendeurs soutiennent qu’elle a dû les saisir (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 10).

 

[9]               Les demandeurs ont assisté à la réunion du conseil de la bande du 31 janvier 2009. À cette réunion, le chef et le conseil ont consulté les aînés de la bande concernant la suspension des demandeurs. Ceux-ci ont alors déclaré leur refus de participer plus avant aux travaux de la séance, qu’ils ont quittée en signe de protestation. On a ensuite adopté en leur absence une RCB les suspendant pour la durée du mois de janvier 2009 (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 11).

 

[10]           Le conseil de la bande a tenu sa réunion suivante le 27 février 2009. Les demandeurs étaient présents au début de cette séance, mais l’ont quittée après avoir exigé le paiement du traitement qui était retenu par suite de leurs suspensions (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 12). En leur absence, le chef et le conseil ont adopté une motion les suspendant pour la durée du mois de février 2009. Une RCB à cet effet a été signée le 10 mars 2009 (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 11).

[11]           Le chef et le conseil ont adopté une autre RCB qui maintenait les suspensions pour le mois de mars 2009 (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 13). Il a été mis fin aux suspensions en avril 2009, auquel moment les demandeurs ont recommencé à participer aux réunions du conseil de la bande (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 14).

 

V.  Les questions en litige

[12]           1)  Le conseil de la bande a-t-il compétence pour suspendre les demandeurs?

2)  La présente demande est-elle incompatible avec le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, et l’article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106?

3)  Les mesures de redressement sollicitées par les demandeurs peuvent-elles l’être dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire?

 

VI.  Les décisions contrôlées

[13]           Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de quatre résolutions du conseil de la bande signées par les défendeurs, ayant eu pour effet de les suspendre pour cause d’inconduite.

 

VII.  Analyse

[14]           Les demandeurs soutiennent que le conseil de la bande, pour pouvoir suspendre des conseillers, doit y être habilité soit par le Règlement sur le mode de procédure au conseil des bandes d’Indiens, C.R.C., ch. 950 (le RMPCBI), soit par la Pelican Lake Band Election Act (la PLEA) [exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphe 9].

[15]           Selon les demandeurs, le fonctionnement de tout conseil de bande est régi par le RMPCBI, lequel ne confère pas aux conseils de bande le pouvoir de suspendre des conseillers (exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphes 10 et 11).

 

[16]           Les demandeurs, répondant par avance à l’argument des défendeurs comme quoi il existe dans la PNPL une coutume autorisant le conseil à suspendre des conseillers, soutiennent que pèse sur les défendeurs la charge de prouver l’existence d’une telle coutume (exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphe 24). Selon les demandeurs, aucun élément de la preuve produite n’établit qu’il y aurait une coutume de la bande permettant les suspensions contestées (exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphe 21).

 

[17]           Les demandeurs font valoir que l’article 31 du RMPCBI dispose que le conseil d’une bande peut établir tout règlement interne qui ne soit pas en contradiction avec ledit RMPCBI (exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphe 25). Selon l’article 23 du même texte, notent-ils ensuite, les assemblées régulières du conseil de la bande sont accessibles aux membres de celle-ci, et un membre ne peut être exclu d’une telle assemblée prise isolément qu’en cas de conduite malséante. Par conséquent, expliquent les demandeurs, le conseil de la bande ne peut suspendre de conseillers parce qu’il enfreindrait ainsi les articles 31 et 23 du RMPCBI (exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphes 26 et 27).

 

[18]           Les demandeurs soutiennent que le conseil de la bande n’est pas investi du pouvoir de suspension, au motif que la PLEA ne le lui confère pas. L’article 15 de cette loi, en effet, n’accorde au conseil que le pouvoir de destitution définitive de conseillers et reste muet touchant le pouvoir de suspension (ou de destitution provisoire) [exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphe 31].

 

[19]           Selon les défendeurs, la norme de contrôle applicable au point de savoir si le conseil de la bande a compétence pour suspendre des conseillers est la norme de la décision correcte; cependant, poursuivent-ils, une fois que la Cour aurait constaté que le conseil possède effectivement cette compétence, la norme de contrôle deviendrait celle de la décision raisonnable (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 7).

 

[20]           Les défendeurs contestent le moyen des demandeurs suivant lequel les pouvoirs du conseil de la bande doivent lui avoir été conférés par voie législative. Ils font valoir que le RMPCBI ne s’applique pas au conseil de bande de la PNPL, au motif que son article 2 en limite l’application aux conseils de bande élus sous le régime de l’article 74 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5, et que la PNPL élit son conseil sous le régime de la PLEA (mémoire des faits et du droit des défendeurs, page 8).

 

[21]           Les défendeurs soutiennent que les motifs de destitution de conseillers énumérés à l’article 15 de la PLEA n’empêchent pas le conseil de la bande de suspendre des conseillers (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 9).

 

[22]           Selon les défendeurs, le conseil conserve la compétence inhérente lui permettant d’élaborer ses propres politiques et procédures réglementaires si la PLEA ne restreint pas son pouvoir. Ils invoquent les décisions Lafond c. Première Nation crie de Muskeg, 2008 CF 726, 330 F.T.R. 60, paragraphes 10 et 11, et Prince c. Première Nation de Sucker Creek, 2008 CF 1268, 337 F.T.R. 1, paragraphes 29 à 33, à l’appui de la thèse que le chef conserve ses pouvoirs coutumiers et est autorisé à suspendre des conseillers dans les cas où les lois « n’ont rien prévu ».

 

[23]           Les défendeurs affirment en outre que le chef et le conseil de la PNPL possèdent le pouvoir coutumier de sanctionner les conseillers (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 10). Ce pouvoir est fondé sur les cas antérieurs où le conseil a suspendu des conseillers pour inconduite. Les défendeurs font valoir que la légitimité de ce pouvoir a été cautionnée par un comité des aînés de la PNPL (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 11).

 

[24]           Les défendeurs font en outre valoir que le conseil de la bande a établi des politiques et des lois, telles que les Conflict of Interest Guidelines for Chief and Council (Lignes directrices relatives aux conflits d’intérêts à l’intention du chef et du conseil, ci-après dénommées « les Lignes directrices »), qui délimitent les comportements acceptables de la part des élus. Selon les défendeurs, lorsqu’un gouvernement a le pouvoir de promulguer des dispositions, telles que celles des Lignes directrices, il a aussi le pouvoir de les faire respecter. En outre, les dispositions en question ne prévoient pas les sanctions applicables en cas d’infraction, de sorte que les Lignes directrices laissent intact le pouvoir disciplinaire du conseil de la bande (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 11).

 

[25]           Les défendeurs soutiennent subsidiairement, pour le cas où la Cour ne reconnaîtrait pas au conseil le pouvoir inhérent de suspendre des conseillers pour inconduite et infractions aux lois de la bande, qu’un tel pouvoir doit exister puisque la bande ne possède pas d’autre instance qui soit en mesure de faire respecter ses politiques et ses lois. Ils invoquent l’arrêt Bill c. Comité d’appel de la bande de Pelican Lake, précité, où la Cour d’appel fédérale a reconnu l’applicabilité de la théorie de la nécessité aux cas où aucun autre organe n’est habilité à assurer l’exécution d’une loi (exposé des faits et du droit des défendeurs, pages 11 et 12).

 

[26]           Les défendeurs font valoir que les demandeurs ont été suspendus pour cause d’inconduite, notamment pour avoir manqué à leurs serments d’entrée en fonction, prêtés sous le régime de l’article 13 de la PLEA, et de non-divulgation, prêtés dans le cadre du paragraphe 3 de la section VI des Lignes directrices, ainsi que pour avoir enfreint les principes de conduite énoncés dans les mêmes Lignes directrices (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 12).

 

[27]           Les défendeurs rappellent que le conseil de la bande tenait pour avéré que les demandeurs s’étaient conduits de manière incompatible avec leurs serments et avec les lois de la PNPL (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 14).

 

[28]           Les mesures de redressement sollicitées par les demandeurs sont irrégulières selon les défendeurs. Concernant les dommages-intérêts punitifs réclamés par les demandeurs, les défendeurs font valoir que la Cour n’a pas compétence pour accorder des dommages-intérêts dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 15).

 

[29]           Toujours selon les défendeurs, les injonctions et mandamus sollicités par les demandeurs ne peuvent leur être accordés, au motif qu’en le faisant, la Cour dicterait au conseil de la bande les politiques et procédures applicables à la PNPL (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 16).

 

[30]           Les défendeurs font valoir que la présente demande enfreint le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, qui oblige la partie concernée à présenter une demande de contrôle judiciaire dans les trente jours qui suivent la décision attaquée. Or, notent-ils, l’avis de la présente demande de contrôle judiciaire est daté du 11 mars 2009 et porte sur une résolution du conseil de la bande en date du 12 décembre 2008 (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 17).

 

[31]           Les défendeurs ajoutent qu’il faut déposer une requête pour obtenir une prorogation de ce délai, et qu’il n’en a pas été déposé dans la présente espèce. Qui plus est, les demandeurs n’ont pas produit de pièces pour expliquer le dépassement du délai auquel était soumis le dépôt de la présente demande (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 17).

[32]           Les défendeurs, rappelant que la présente demande de contrôle judiciaire vise quatre résolutions du conseil de la bande, font valoir qu’elle enfreint ainsi l’article 302 des Règles des Cours fédérales. La Cour fédérale, dans Canada (Institut des droits humains) c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2000] 1 C.F. 475, 176 F.T.R. 225 (1re inst.), a posé en principe que le contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule décision et que la partie demanderesse est en général tenue de déposer une demande distincte pour chaque décision qu’elle souhaite voir contrôler (exposé des faits et du droit des défendeurs, page 18).

[33]           Les défendeurs font valoir que la présente demande de contrôle judiciaire porte sur plusieurs décisions dans le but de contourner le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, et ils invoquent le paragraphe 22 de James Richardson International Ltd. c. Canada, 2004 CF 1577, [2005] 2 F.T.R. 534, à l’appui de la proposition que la Cour peut refuser de prononcer une ordonnance sous le régime de l’article 302 dans le cas où celle-ci permettrait au demandeur de prolonger le délai de 30 jours que prévoit le paragraphe 18.1(2). Il est à noter que la Cour d’appel fédérale a réformé cette dernière décision de la Cour fédérale par l’arrêt James Richardson International Ltd. c. Canada, 2006 CAF 180, [2007] 1 R.C.F. 83, mais à d’autres égards.

 

La norme de contrôle

[34]           Les demandeurs soutiennent que le conseil de la bande n’a pas compétence pour suspendre des conseillers. Or, dans la décision Prince, précitée, le juge Michael Kelen a conclu que la norme de contrôle applicable aux questions de compétence des conseils de bande est celle de la décision correcte (Prince, paragraphe 21).

 

[35]           La Cour suprême du Canada, dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, a posé en principe que la cour de révision qui applique la norme de la décision correcte doit mener sa propre analyse de la question; elle ne s’en remet pas au raisonnement du décideur, mais se demande plutôt si elle souscrit ou non aux conclusions de celui-ci (Dunsmuir, paragraphe 50).

 

Les dispositions législatives applicables

[36]           Les conclusions des parties font état de l’article 2 du RMPCBI et de l’article 74 de la Loi sur les Indiens, ici reproduits :

2.  Dans le présent règlement,

 

 « conseil » s’entend du conseil d’une bande élu conformément à l’article 74 de la Loi sur les Indiens; (Council

 

« ministère » signifie le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien; (Department

 

« ministre » désigne le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien; (Minister

 

« secrétaire » s’entend de la personne désignée par le conseil d’une bande pour tenir les procès-verbaux des assemblées de Conseil; (Secretary

 

« sous-ministre adjoint » désigne le sous-ministre adjoint (Affaires indiennes et esquimaudes) du ministère; (Assistant Deputy Minister

 

« surintendant » signifie le surintendant ou le fonctionnaire local principal de la Division des affaires indiennes qui a la direction de l’agence, et comprend le commissaire des Indiens pour la Colombie-Britannique, tous les surveillants régionaux, tous les aides des agences indiennes et tout autre fonctionnaire agissant sous l’ordre du ministre ou du sous-ministre adjoint. (superintendent)

 

2.  In these Regulations,

 

"Assistant Deputy Minister" means the Assistant Deputy Minister, Indian and Eskimo Affairs of the Department; (sous-ministre adjoint

 

"council" means the council of a Band elected pursuant to section 74 of the Indian Act; (conseil

 

"Department" means the Department of Indian Affairs and Northern Development; (ministère

 

"Minister" means the Minister of Indian Affairs and Northern Development; (ministre

 

 

 

 

"secretary" means the person appointed by the council of a band to record the minutes of the council meetings; (secrétaire

 

"superintendent" means the Superintendent or Senior Field Officer of the Indian Affairs Branch in charge of the Agency, and includes the Indian Commissioner for British Columbia, all Regional Supervisors, all Assistants Indian Agency, and any other officer acting under the instructions of the Minister or the Assistant Deputy Minister. (surintendant)

 

Conseils élus

 

74.      (1) Lorsqu’il le juge utile à la bonne administration d’une bande, le ministre peut déclarer par arrêté qu’à compter d’un jour qu’il désigne le conseil d’une bande, comprenant un chef et des conseillers, sera constitué au moyen d’élections tenues selon la présente loi.

 

Composition du conseil

 

(2) Sauf si le ministre en ordonne autrement, le conseil d’une bande ayant fait l’objet d’un arrêté prévu par le paragraphe (1) se compose d’un chef, ainsi que d’un conseiller par cent membres de la bande, mais le nombre des conseillers ne peut être inférieur à deux ni supérieur à douze. Une bande ne peut avoir plus d’un chef.

 

 

 

Règlements

 

(3) Pour l’application du paragraphe (1), le gouverneur en conseil peut prendre des décrets ou règlements prévoyant :

 

a) que le chef d’une bande doit être élu :

 

(i) soit à la majorité des votes des électeurs de la bande,

 

(ii) soit à la majorité des votes des conseillers élus de la bande désignant un d’entre eux,

le chef ainsi élu devant cependant demeurer conseiller;

 

b) que les conseillers d’une bande doivent être élus :

 

(i) soit à la majorité des votes des électeurs de la bande,

 

(ii) soit à la majorité des votes des électeurs de la bande demeurant dans la section électorale que le candidat habite et qu’il projette de représenter au conseil de la bande.

 

Sections électorales

 

(4) Aux fins de votation, une réserve se compose d’une section électorale; toutefois, lorsque la majorité des électeurs d’une bande qui étaient présents et ont voté lors d’un référendum ou à une assemblée spéciale tenue et convoquée à cette fin en conformité avec les règlements, a décidé que la réserve devrait, aux fins de votation, être divisée en sections électorales et que le ministre le recommande, le gouverneur en conseil peut prendre des décrets ou règlements stipulant qu’aux fins de votation la réserve doit être divisée en six sections électorales au plus, contenant autant que possible un nombre égal d’Indiens habilités à voter et décrétant comment les sections électorales ainsi établies doivent se distinguer ou s’identifier.

S.R., ch. I-6, art. 74.

Elected councils

 

74.      (1) Whenever he deems it advisable for the good government of a band, the Minister may declare by order that after a day to be named therein the council of the band, consisting of a chief and councillors, shall be selected by elections to be held in accordance with this Act.

 

Composition of council

 

(2) Unless otherwise ordered by the Minister, the council of a band in respect of which an order has been made under subsection (1) shall consist of one chief, and one councillor for every one hundred members of the band, but the number of councillors shall not be less than two nor more than twelve and no band shall have more than one chief.

 

 

 

Regulations

 

(3) The Governor in Council may, for the purposes of giving effect to subsection (1), make orders or regulations to provide

 

(a) that the chief of a band shall be elected by

 

(i) a majority of the votes of the electors of the band, or

 

(ii) a majority of the votes of the elected councillors of the band from among themselves,

but the chief so elected shall remain a councillor; and

 

(b) that the councillors of a band shall be elected by

 

(i) a majority of the votes of the electors of the band, or

 

(ii) a majority of the votes of the electors of the band in the electoral section in which the candidate resides and that he proposes to represent on the council of the band.

 

 

Electoral sections

 

(4) A reserve shall for voting purposes consist of one electoral section, except that where the majority of the electors of a band who were present and voted at a referendum or a special meeting held and called for the purpose in accordance with the regulations have decided that the reserve should for voting purposes be divided into electoral sections and the Minister so recommends, the Governor in Council may make orders or regulations to provide for the division of the reserve for voting purposes into not more than six electoral sections containing as nearly as may be an equal number of Indians eligible to vote and to provide for the manner in which electoral sections so established are to be distinguished or identified.

R.S., c. I-6, s. 74.

 

 

Notre Cour a-t-elle compétence pour contrôler les décisions du conseil de bande de la PNPL?

 

[37]           Il est de droit constant qu’un conseil de bande est un « office fédéral » pour l’application de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales et que ses décisions sont susceptibles de révision par notre Cour : paragraphe 16 de Francis c. Conseil mohawk de Kanesatake, 2003 CFPI 115, 227 F.T.R. 161.

1re question :   Le conseil de la bande a-t-il compétence pour suspendre les      demandeurs?

 

[38]           Un conseil de bande peut être élu soit sous le régime de la Loi sur les Indiens, soit selon la coutume de la bande. Le RMPCBI ne s’applique qu’aux conseils de bande élus sous le régime de l’article 74 de la Loi sur les Indiens. Or la PNPL n’élit pas son conseil sous le régime de cet article, mais plutôt sous celui de la PLEA; par conséquent, elle n’entre pas dans le champ d’application du RMPCBI.

 

[39]           Les demandeurs soutiennent en outre que le pouvoir du conseil de suspendre des conseillers doit être prévu par la PLEA et que, s’il ne l’est pas, le conseil a outrepassé ses pouvoirs (exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphe 33). L’article 15 de la PLEA confère au conseil le pouvoir de destituer des conseillers, mais cette loi reste muette touchant la suspension. S’il est vrai que la PLEA ne fait pas mention du pouvoir de suspension, la jurisprudence établit que les chefs et les conseils de bande peuvent détenir le pouvoir coutumier ou inhérent de suspendre des conseillers.

 

Existe-t-il une coutume de la bande permettant au chef et au conseil de suspendre des conseillers?

 

[40]           La Cour, au paragraphe 28 de Francis, précitée, déclare qu’il incombe à la partie qui invoque la « coutume » d’établir son existence. La jurisprudence définit les « coutumes » comme des pratiques « qui sont généralement acceptables pour les membres de la bande, qui font donc l’objet d’un large consensus (Prince, précitée, paragraphe 28).

 

[41]           Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision Lafond, précitée, le chef de la bande avait suspendu un conseiller pour sanctionner son inconduite supposée. Bien que l’Act Respecting the Government Elections and Related Regulations of the Muskeg Lake Cree Nation ne confère pas à ce chef le pouvoir de suspendre des conseillers, la Cour a conclu (au paragraphe 10) qu’il conservait son pouvoir coutumier dans les cas où les lois de la bande n’avaient « rien prévu ». Les pouvoirs de cette nature étaient enracinés dans la coutume de la bande et propres à favoriser l’harmonie dans la communauté (Lafond, paragraphe 11).

 

[42]           La Cour a établi au paragraphe 25 de Prince que les conseils de bande possèdent le pouvoir coutumier de suspendre des conseillers. Les demandeurs soutenaient dans cette affaire que le conseil n’avait pas ce pouvoir au motif que la loi électorale coutumière du conseil ne prévoyait que la destitution des conseillers (Prince, paragraphe 25). Les défendeurs faisaient valoir en réponse que c’était la coutume de la Première Nation de Sucker Creek de permettre au chef et au conseil de suspendre des conseillers pour inconduite (Prince, paragraphe 27). La Cour a conclu que le conseil détenait des pouvoirs coutumiers, dont celui de suspendre des conseillers (Prince, paragraphe 31).

 

[43]           Le raisonnement de Prince s’applique à la présente espèce, où la Cour dispose d’éléments de preuve établissant qu’il est déjà arrivé au moins une fois qu’un conseiller ait été suspendu pour inconduite (exposé des faits et du droit des défendeurs, paragraphe 16).

 

[44]           En outre, le conseil de bande de la PNPL a valablement promulgué les Lignes directrices en l’absence de dispositions de la PLEA prévoyant expressément le pouvoir en question. Il s’ensuit que la PLEA n’est pas une loi exhaustive. Qui plus est, il faut que le conseil de bande possède le pouvoir inhérent de faire respecter ses politiques, telles que les Lignes directrices : sinon, son pouvoir d’établir ses propres procédures serait sans effet.

 

2e question :   La présente demande est-elle incompatible avec le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales et l’article 302 des Règles des Cours fédérales?

 

[45]           Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales fixe au demandeur un délai de trente jours à compter de la première communication par l’office fédéral qui l’a rendue de la décision attaquée pour déposer une demande de contrôle judiciaire de celle-ci. Dans l’arrêt Canada c. Budksukma Puncak Sendirian Berhad, 2005 CAF 267, 141 A.C.W.S. (3d) 692, la Cour d’appel fédérale explique que ce délai a pour fin d’assurer un caractère définitif aux décisions administratives (Berhad, paragraphe 60).

 

[46]           Le paragraphe 18.1(2) dispose qu’un juge de la Cour fédérale peut proroger ce délai de trente jours, avant ou après son expiration. Cependant, le demandeur qui souhaite obtenir une telle prorogation doit établir : qu’il a eu l’intention constante de poursuivre sa demande, que celle-ci est bien fondée, que le dépassement du délai n’entraîne pas de préjudice pour le défendeur et qu’il existe une explication raisonnable de ce dépassement; voir Virdi c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 529, 138 A.C.W.S. (3d) 1058, paragraphe 7, conf. par 2006 CAF 38, 145 A.C.W.S. (3d) 1021. La Cour d’appel fédérale pose en principe au paragraphe 33 de l’arrêt James Richardson, précité, que ce critère n’est pas conjonctif, c’est-à-dire que le demandeur doit satisfaire aux quatre éléments qui le composent. Le juge Conrad von  Finckenstein a tiré l’essence de ce critère à quatre volets au paragraphe 34 de Sander Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), 2006 CF 327, 289 F.T.R. 221, où il a établi que pèse sur le demandeur la charge de prouver le caractère raisonnable du dépassement du délai.

 

[47]           De son côté, la juge Eleanor Dawson a exprimé au paragraphe 39 de Hamilton-Wentworth (Municipalité régionale) c. Canada (Ministre de l’Environnement) (2000), 187 F.T.R. 287, 96 A.C.W.S. (3d) 405, l’avis que toute question d’application d’un délai de prescription devrait être examinée à l’audience de la demande.

 

[48]           Comme cette question aurait dû être traitée par les demandeurs, le seul point dont il reste à parler à ce sujet concerne le caractère raisonnable du retard. La demande dont la Cour est saisie sollicite le contrôle de quatre décisions distinctes de suspension des demandeurs. Chacune de ces suspensions a duré un mois, l’inconduite supposée des demandeurs ayant entraîné la signature de nouvelles RCB. Or les demandeurs ont attendu longtemps après l’expiration du délai de prescription pour introduire la présente instance, où ils sollicitent de nombreuses ordonnances, alors qu’ils auraient pu déposer une demande concise dans le délai fixé.   

 

[49]           L’article 302 des Règles des Cours fédérales dispose que, sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance d’un tribunal administratif fédéral. 

[50]           Les demandeurs prient la Cour de contrôler quatre ordonnances distinctes du conseil de bande de la PNPL. Normalement, le contrôle de décisions multiples nécessite le dépôt d’autant de demandes; voir le paragraphe 12 de Servier Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 196, 155 A.C.W.S. (3d) 664. Cependant, il est arrivé que les cours exercent leur pouvoir discrétionnaire d’examiner des ordonnances multiples dans le cadre d’une seule demande lorsque ces ordonnances s’inscrivaient dans « une même série d’actes » (Servier, paragraphe 17).

 

[51]           Dans Servier, la Cour a conclu que les parties demanderesses contrevenaient à l’article 302 des Règles des Cours fédérales aux motifs que leur demande de contrôle judiciaire portait sur deux décisions rendues à des dates différentes et sous des régimes législatifs distincts, se rapportaient à des faits différents et sollicitaient deux formes différentes de réparation (Servier, paragraphe 18). Par contre, dans Truehope Nutritional Support Ltd. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 658, 251 F.T.R. 155, la Cour a autorisé le contrôle judiciaire de deux décisions dans le cadre d’une seule demande aux motifs que les deux émanaient du même service, avaient le même fondement factuel et mettaient en œuvre les mêmes moyens (Truehope, paragraphe 18). La Cour a conclu dans Truehope que les similitudes des décisions contestées l’emportaient sur leurs différences et que, par conséquent, le fait d’exiger le dépôt de deux demandes distinctes de contrôle judiciaire entraînerait une perte de temps et d’énergie (Truehope, paragraphe 19).

 

[52]           La présente espèce est à distinguer de Servier et analogue à Truehope, aux motifs que les demandeurs sollicitent des mesures de réparation semblables en conséquence de quatre décisions du même décideur, rendues sous le régime de la même loi et se rapportant à des situations de fait analogues. En outre, les conclusions des demandeurs portent seulement sur le point de savoir si le conseil de bande de la PNPL a compétence pour suspendre des conseillers : comme les quatre décisions dont il s’agit soulèvent la même question de droit, leur contrôle dans le cadre d’une seule demande évite une perte de temps et d’énergie aussi bien aux parties qu’à la Cour fédérale.

 

3e question :   Les mesures de redressement sollicitées par les demandeurs peuvent-elles l’être dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire?

 

[53]           Les demandeurs sollicitent des dommages-intérêts punitifs (exposé des faits et du droit des demandeurs, paragraphe 42). Or il est notoire que la Cour fédérale n’est pas habilitée à prononcer de dommages-intérêts dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire : Al-Mhamad c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), 2003 CAF 45, 120 A.C.W.S. (3d) 351, paragraphe 3. Par conséquent, la Cour ne prononcera pas de dommages-intérêts.

 

VIII.  Conclusion

[54]           La Cour prend acte de ce que les demandeurs n’ont à aucun moment sollicité de prorogation du délai que prévoient les Règles des Cours fédérales pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire. Dans Virdi, précitée, la Cour a conclu que pèse sur la partie qui demande une prorogation la charge d’établir que les conditions nécessaires sont remplies. Elle doit le faire par voie de requête, appuyée d’une preuve par affidavit qui peut faire l’objet d’un contre-interrogatoire. Or les demandeurs n’ont déposé ni requête ni pièces pour expliquer le dépassement du délai et remplir les conditions de prorogation.

 

[55]           La Cour conclut que le chef et le conseil de bande conservent des pouvoirs coutumiers et inhérents dans les domaines où les lois applicables à la bande « n’ont rien prévu ». Dans la présente espèce, la PLEA reste muette sur les suspensions pour inconduite, mais il doit nécessairement exister un mécanisme permettant de faire respecter les lois du conseil de bande. Or il est déjà arrivé à ce dernier de suspendre un conseiller pour inconduite, et la Cour a un devoir de réserve à l’égard de cette coutume, nouvelle il est vrai, mais reconnue. De plus, les demandeurs n’ont pas produit d’éléments de preuve établissant que le conseil de bande aurait agi de manière déraisonnable en rendant les décisions attaquées.

 

[56]           Quoique le dossier des faits soit un vrai labyrinthe, la preuve établit que les demandeurs se sont rendus coupables d’inconduite. Ils admettent explicitement dans leurs propres affidavits avoir haussé le ton et juré lors de séances du conseil de bande, et avoir quitté certaines de ces séances en signe de protestation. L’inconduite des demandeurs est donc confirmée par leurs propres déclarations sous serment.

 

[57]           Premièrement, la Cour conclut que les résolutions attaquées s’inscrivaient dans les limites des pouvoirs du conseil de bande; deuxièmement, il n’a pas été produit devant elle d’éléments de preuve établissant que les décisions du conseil seraient déraisonnables.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, et elle s’abstient de prononcer des dépens au motif de la nature du dossier des faits tel qu’il a été présenté par les deux parties.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-368-09

                                                                       

 

INTITULÉ :                                                   FRED WHITEHEAD et JIMMY BILL

                                                                        c.

                                                                        LA PREMIÈRE NATION DE PELICAN LAKE,

                                                                        LE CHEF PETER BILL, GILBERT CHAMAKESE, DAVID THOMAS, ROMEO THOMAS et SYDNEY BILL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 5 décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 11 décembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brent M. Ilingworth

 

POUR LES DEMANDEURS

Anil K. Pandila

Keith Amyotte

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lindgren, Blais, Frank

& Illingworth

North Battleford (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

Pandila & Co.

Prince Albert (Saskatchewan)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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