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Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale

Date : 20091229

Dossier : T-1664-08

Référence : 2009 CF 1313

Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2009

En présence de madame la juge Hansen

 

 

ENTRE :

CAPORAL PATRICK G. WASYLYNUK

Numéro matricule 36606

 

demandeur

 

 

et

 

SURINTENDANT B.P. HARTL, WILLIAM J.S. ELLIOTT,

commissaire de la GENDARMERIE ROYALE DU CANADA,

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               À l’audience du présent contrôle judiciaire, l’avocat des défendeurs a soulevé une question préliminaire. Un examen des faits ayant mené au dépôt de l’avis de demande révèle dans quel contexte cette question a été soulevée.

[2]               Le demandeur, qui est membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) depuis 1981, est en congé de maladie depuis le 16 juin 2003. En mars 2008, il a intenté une action contre la GRC devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta pour des dommages subis par suite d’un harcèlement au travail.

 

[3]               Le 24 juin 2008, un officier désigné a préparé et, signifié au demandeur, un avis d’intention de renvoi [traduction] « pour cause d’incapacité physique ou mentale ». L’avis expliquait qu’un conseil médical de trois personnes serait nommé pour déterminer le degré d’incapacité du demandeur et que le demandeur disposait de 14 jours pour nommer un des membres du conseil et soumettre tout autre document médical.

 

[4]               Le 4 juillet 2008, le demandeur a déposé un grief contre [traduction] « le dépôt d’un “avis d’intention de renvoi” » afin d’obtenir « le retrait ou le sursis de “l’avis d’intention de renvoi” ». Le même jour, le demandeur a avisé l’officier désigné qui avait amorcé le processus de renvoi qu’un grief avait été déposé et que le processus de renvoi devrait être suspendu en attendant le règlement du grief.

 

[5]               Le 22 juillet 2008, en réponse à l’argument du demandeur sur la question de savoir si un avis d’intention de renvoi peut faire l’objet d’un grief, l’officier désigné a fait remarquer que l’annexe II-38-2 du Manuel administratif de la GRC énumère un certain nombre d’avis et de décisions qui ne peuvent faire l’objet d’un grief. Selon lui, ces avis et décisions doivent suivre une procédure précise pour les réparations, les révisions ou les appels en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (la Loi), du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 1988 DORS/8-361 (le Règlement) ou des Consignes du commissaire (Griefs), DORS/2003-181. De plus, il a ajouté que selon le Manuel, un avis d’intention de renvoi délivré en vertu du paragraphe 20(1) du Règlement constitue une décision qui ne peut faire l’objet d’un grief.

 

[6]               Le 12 août 2008, le coordonnateur du retour au travail a avisé le demandeur que puisqu’il avait refusé de nommer son propre médecin, le commandant divisionnaire choisirait les membres du conseil médical et rendrait une décision fondée sur la recommandation de ce dernier. Le coordonnateur a ajouté que si le commandant divisionnaire décidait que le demandeur devrait être renvoyé pour des raisons médicales, le demandeur pourrait déposer un grief à l’encontre de la décision.

 

[7]               Dans sa réponse du 14 août 2008, le demandeur a réaffirmé sa position voulant que le processus de renvoi pour des raisons médicales devrait être suspendu jusqu’à ce que le grief soit réglé. Il a également affirmé qu’il avait l’intention de nommer un médecin au conseil médical dans le cas où le grief serait rejeté.

 

[8]               Le 15 août 2008, le coordonnateur du retour au travail a informé le demandeur que le processus de renvoi pour des raisons médicales ne serait pas suspendu parce que le processus de grief constituait une procédure distincte et parallèle. Il a répété que dans le cas où le commandant divisionnaire décidait de renvoyer le demandeur, ce dernier pourrait déposer un grief à l’encontre de cette décision et il a affirmé que le processus de renvoi pour des raisons médicales serait suspendu jusqu’à ce que la question soit tranchée.

 

[9]               Le demandeur a déposé son avis de demande le 28 octobre 2008. Celui-ci contient une déclaration du demandeur précisant qu’il demande [traduction] « un sursis du processus de renvoi pour des raisons médicales en attendant le règlement du grief ou de tout autre appel concernant le grief déposé par le demandeur le 4 juillet 2008 ». En plus d’un résumé des faits décrits ci-dessus, le demandeur a indiqué, parmi les motifs invoqués au soutient de la demande, que [traduction] « dans le cas où un grief est déposé, l’article 26 du Règlement de la GRC impose un sursis jusqu’au règlement du grief ou de l’appel ».

 

[10]           À l’audience du contrôle judiciaire, l’avocat des défendeurs a soulevé une question préliminaire afin que le juge détermine si la demande de contrôle judiciaire a été régulièrement introduite. Plus précisément, l’avocat des défendeurs a fait remarquer qu’aucune décision n’avait été indiquée dans l’avis de demande. Il ajouté qu’il n’était pas possible de déterminer si la réparation demandée était une ordonnance de mandamus, de prohibition ou toute autre réparation interlocutoire. Effectivement, cette question n’a pas été soulevée dans les observations écrites du demandeur. Après une discussion sur la procédure à suivre, le demandeur n’était pas au courant de cet argument, les parties ont convenu de demander à la Cour de les entendre sur le fond et de leur permettre de présenter des observations écrites additionnelles.

 

[11]           À l’audience, j’ai soulevé une autre question concernant le demandeur. Dans le dossier du demandeur à la page 24, on trouve une note de service du gestionnaire de cas du Bureau de coordination des griefs datée du 18 septembre 2008 qui avise l’officier désigné que l’arbitre de niveau 1 a rejeté le grief du demandeur. Selon la note de service, une copie de la décision a été jointe, mais elle ne figure pas au dossier. La note de service indique également que l’officier désigné sera avisé si le demandeur demande un renvoi au deuxième niveau. Bien que la note de service soit incluse comme pièce « H » à l’affidavit du demandeur, il n’y a aucune référence à celle-ci dans le corps de cet affidavit ou dans les observations écrites du demandeur. L’avocat du demandeur a confirmé que l’arbitre de niveau 1 avait rejeté le grief et que celui-ci avait été soumis au niveau suivant.

 

[12]           Dans leurs observations additionnelles, les défendeurs font remarquer qu’en lisant l’avis de demande et les observations écrites du demandeur, ils ont d’abord cru comprendre que ce dernier cherchait à obtenir un sursis des procédures en vertu de l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Cependant, comme il est devenu manifeste à l’audience que cela n’était pas la réparation recherchée, aucune observation additionnelle n’a été présentée à cet égard.

 

[13]           Les défendeurs font valoir que l’avis de demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 301 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Ils expliquent que le demandeur n’a pas nommé l’office fédéral ni l’auteur de la décision, qu’il n’a pas indiqué de décision ou d’ordonnance, qu’il n’a pas indiqué les motifs invoqués à l’appui de la réparation demandée et qu’il n’a pas précisé la forme de cette dernière. Par conséquent, ils font valoir que la demande devrait être rejetée tout en ajoutant que la demande n’est pas fondée.

 

[14]           Dans ses observations additionnelles, le demandeur reconnaît que l’avis de demande aurait pu être plus clair. Il fait remarquer, cependant, qu’il n’a jamais été décidé officiellement de ne pas suspendre le « renvoi », même s’il était évident que les défendeurs refusaient de suspendre le « renvoi » en attendant le règlement du grief.

 

[15]           Comme il l’a reconnu à l’audience, le demandeur a répété que par la présente demande, il ne cherchait pas à obtenir une ordonnance de sursis. Il a expliqué que la demande avait plutôt été introduite afin que la Cour ordonne aux défendeurs de respecter le sursis prévu à l’article 26 du Règlement.

 

[16]           Le demandeur demande également à la Cour d’exercer sa compétence et de permettre que la demande soit modifiée afin d’inclure une requête visant à obtenir une [traduction] « ordonnance de mandamus exigeant que les défendeurs suspendent le processus de renvoi en attendant le règlement du grief ou une ordonnance de prohibition mettant fin au processus de renvoi en attendant le règlement du grief ».

 

[17]           Je partage l’opinion des défendeurs voulant que l’avis de demande soit loin d’être clair. En effet, le demandeur y indique qu’il [traduction] « présente une demande de sursis du processus de renvoi pour des raisons médicales en attendant le règlement du grief ou de tout autre appel » concernant le grief déposé le 4 juillet 2008. Parmi les motifs invoqués au soutien de sa demande, il affirme que [traduction] « dans le cas où un grief est déposé, l’article 26 du Règlement de la GRC impose un sursis jusqu’au règlement du grief ou de l’appel ».

 

[18]           Selon le point de vue le plus favorable au demandeur, il semblerait que ce dernier demande à la Cour d’ordonner un sursis auquel il croit avoir droit en vertu du Règlement.

 

[19]           En l’espèce, le demandeur prétend que le processus de renvoi doit être suspendu en attendant le règlement du grief parce que, selon lui, il a le droit de déposer un grief à l’encontre de l’avis d’intention de renvoi. Le demandeur fait valoir qu’en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi, tout membre de la GRC ayant subi un préjudice en raison d’une décision, d’un acte ou d’une omission peut présenter un grief dans le cas où la Loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour corriger ce préjudice. Je remarque le demandeur a soulevé le même argument et a demandé la même réparation dans les motifs qu’il a fournis à l’appui de son grief, c’est‑à‑dire que le processus de renvoi soit suspendu en attendant le règlement du grief.

 

[20]           Étant donné que le grief porte sur la même question principale et vise à obtenir la même réparation qu’en l’espèce, et qu’ultimement, le règlement du grief peut faire l’objet d’un contrôle pour la Cour, j’estime qu’il serait prématuré pour la Cour d’intervenir avant que les recours aient été épuisés.

 

[21]           Concernant la requête par laquelle le demandeur demande l’autorisation de modifier son avis de demande afin d’y inclure la mention d’une réparation telle qu’une ordonnance de mandamus ou de prohibition, cette réparation ne sera pas considérée puisque le demandeur n’a présenté aucun motif pour lequel elle pourrait être accordée.

 

[22]           Pour ces motifs, le contrôle judiciaire sera rejeté et les dépens seront adjugés aux défendeurs.

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée et que les dépens soient adjugés aux défendeurs.

 

 

 

« Dolores M. Hansen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1664-08

 

 

INTITULÉ :                                       CAPORAL PATRICK G. WASYLYNUK c. SUPERINTENDANT B.P. HARTL, ET AL

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 novembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Hansen

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 29 décembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gary Romanchuk

 

POUR LE DEMANDEUR

Barry Benkendorf

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OGILVY LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c. r.

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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