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Date : 20090925

 

Dossier : DES-6-08

Référence : 2009 CF 969

 

 

Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2009

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

Dans l’affaire concernant un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

 

ET Dans l’affaire concernant le dépôt d’un certificat à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

  

ET Dans l’affaire concernant

MAHMOUD ES-SAYYID JABALLAH

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]        À compter du 28 septembre 2009, la Cour entendra en audience publique les observations relatives à une requête présentée par les avocats spéciaux.  La requête vise à obtenir l’arrêt de la présente procédure pour les motifs suivants :

(i)                  elle est irrecevable en raison du principe de l’autorité de la chose jugée, de la préclusion fondée sur la cause d’action et de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ;

(ii)                elle constitue un abus de procédure ;

(iii)               elle viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[2]        Lors d’une conférence de gestion de l’instance qui s’est tenue le 10 septembre 2009, les avocates de M. Jaballah ont proposé qu’au cours de l’audience publique, les avocats spéciaux présentent les observations juridiques principales au soutien de leur requête.  Les avocates de M. Jaballah complèteraient ensuite ces observations, au besoin.

 

[3]        Par la suite, les ministres se sont opposés à cette proposition.  L’objection des ministres repose principalement sur le fait que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), ne prévoit pas que les avocats spéciaux puissent [traduction] « exercer le rôle de l’avocat de l’intéressé et plaider une requête en audience publique comme s’ils étaient eux-mêmes les avocats de l’intéressé ». Les ministres ont également exprimé [traduction] « des préoccupations plus générales au sujet du double emploi et de l’économie des ressources judiciaire si les [avocats spéciaux] étaient autorisés à occuper une place importante dans l’argumentation des requêtes en audience publique. De plus, les ministres estiment qu’il existe un risque nettement plus élevé de divulgation par inadvertance dans le contexte souple d’une requête instruite en audience publique, dans le cadre de laquelle les [avocats spéciaux] agiraient pour protéger les intérêts de l’intéressé et pourraient très bien avoir besoin de communiquer ou d’obtenir des instructions sans délai ».

 

[4]        Le présent litige doit être considéré dans le contexte des circonstances particulières, et inhabituelles, dont est saisie la Cour.  Ces circonstances peuvent se résumer comme suit :

 

1.                  Après avoir examiné l’arrêt Charkaoui II portant sur la divulgation, les avocats spéciaux ont informé la Cour qu’ils avaient l’intention de former la présente requête.  La Cour a avisé M. Jaballah et ses avocates de cette intention par une communication datée du 20 juillet 2009, dans laquelle on précisait que les avocats spéciaux estimaient que l’instruction de [traduction] « cette requête devait se faire entièrement à huis clos parce que l’argumentation était fondée sur le contenu de documents protégés par le privilège relatif à la sécurité nationale ».  Dans cette communication, on confirmait également les échéances pour le dépôt des documents confidentiels relatifs à la requête par les avocats spéciaux et les ministres.

2.                  L’instruction de la requête devait se faire à huis clos le 31 août 2009 et le 1er septembre 2009.

3.                  Le 13 août 2009, les avocats des ministres ont écrit à la Cour pour dire qu’ils estimaient que la requête des avocats spéciaux faisait [traduction] « double emploi avec la réparation recherchée par les avocats lors de l’audition publique d’une requête datée du 13 juillet 2009.  Puisque les avocates de M. Jaballah ont présenté une requête similaire, la requête présentée par les avocats spéciaux ne devrait pas être instruite sans que la Cour entende les parties en audience publique, requête dans le cadre de laquelle la Cour devra déterminer s’il existe un motif pour réexaminer des questions tranchées par le juge McKay dans l’instance concernant le deuxième certificat de sécurité.  Selon les ministres, les avocates devraient plaider la requête portant sur l’autorité de la chose jugée publiquement. Advenant que certaines questions doivent être examinées à huis clos dans le cadre de cette requête, la Cour pourra, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, décider d’examiner à huis clos tous les éléments de preuve nécessitant une telle mesure ».  (Cette référence à la requête présentée par les avocates de M. Jaballah est liée à l’avis de requête visant à informer la Cour du nombre de requêtes devant être présentées par M. Jaballah et à pouvoir décider du moment où les requêtes seraient instruites.  Une certaine confusion semble avoir découlé de cet avis de requête.  Les avocates de M. Jaballah ont toutefois confirmé que la Cour n’est pas actuellement appelée à trancher une telle requête.  La seule requête en arrêt des procédures dont la Cour est saisie est celle présentée par les avocats spéciaux.)

4.                  La lettre datée du 13 août 2009 rédigée par les avocats des ministres a été examinée lors d’une conférence de gestion de l’instance le 26 août 2009.  Il a été convenu que la requête portant sur l’autorité de la chose jugée serait tout d’abord instruite en audience publique à compter du 28 septembre 2009 et qu’il y aurait ensuite une audience à huis clos.  Par conséquent, l’audience à huis clos prévue le 31 août 2009 a été ajournée.  Des versions publiques des documents liés à la requête des avocats spéciaux ont été déposées.  Les documents relatifs à la requête de M. Jaballah (en vertu desquels il [traduction] « s’est joint aux avocats spéciaux en vue d’obtenir l’arrêt de la présente procédure ») ont été déposés le 8 septembre 2009. Les documents de sources ouvertes et de sources fermées ont été déposés par les avocats des ministres le 22 septembre 2009.

 

[5]        Maintenant, après que l’instruction à huis clos de la requête des avocats spéciaux eut été ajournée afin que l’on puisse d’abord procéder à sa partie publique, les ministres affirment que les avocates de M. Jaballah doivent être principalement responsables de la partie publique de la requête des avocats spéciaux.  Les ministres reconnaissent toutefois que les avocats spéciaux devraient avoir un certain droit de participer aux débats.  Ils affirment que si les avocates de M. Jaballah omettent de traiter d’un point dans leurs arguments, les avocats spéciaux pourraient remédier à cet oubli par des observations additionnelles.

 

[6]        Le rôle des avocats spéciaux est prévu au paragraphe 85.1(1) de la Loi.  Les avocats spéciaux ont pour rôle de « de défendre les intérêts du résident permanent ou de l’étranger lors de toute audience tenue à huis clos et en l’absence de celui-ci et de son conseil […] » (non souligné dans l’original).  À cette fin, l’article 85.2 de la Loi définit les pouvoirs des avocats spéciaux.  L’alinéa 85.2a) permet à l’avocat spécial de « présenter au juge ses observations, oralement ou par écrit, à l’égard des renseignements et autres éléments de preuve fournis par le ministre, mais communiqués ni à l’intéressé ni à son conseil ».

 

[7]        Compte tenu de ce pouvoir conféré par la loi, les ministres ne contestent pas le droit des avocats spéciaux de présenter une requête dans le cadre de l’instance à huis clos sur la foi de documents de sources fermées.  C’est ce que les avocats spéciaux ont fait.

 

[8]        Or, le principe de la publicité des débats judiciaires, énoncé à l’alinéa 83(1)d) de la Loi, s’applique à la présente requête.  Il s’ensuit que, dans la mesure où les questions de droit ou de fait peuvent être divulguées sans porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, ces questions doivent être divulguées au public.  Si une partie de l’audience peut se dérouler publiquement sans porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, l’audience doit être publique.  Par conséquent, une version publique des observations des avocats spéciaux a été versée au dossier public.

[9]        En résumé, la requête dont est saisie la Cour en l’espèce a été présentée à bon droit par les avocats spéciaux.  Ces derniers ont présenté des observations écrites de sources ouvertes et de sources fermées fondées sur le dossier confidentiel.  Ils formuleront des observations orales confidentielles devant la Cour en ce qui concerne les dossiers confidentiels.  Ces mesures sont expressément autorisées par l’alinéa 85.2a) de la Loi.

 

[10]      Compte tenu des circonstances inhabituelles portées aujourd’hui à la connaissance de la Cour, permettre aux avocats spéciaux de présenter leurs arguments en audience publique n’entraîne, selon moi, aucune violation de l’esprit ou de la lettre de la Loi dans la mesure où ces arguments ne divulguent pas des renseignements qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.  Dans ces circonstances, puisque la requête dont est saisie la Cour a été produite par les avocats spéciaux, ces derniers devraient présenter leurs observations en premier.  Il s’agit de la façon habituelle de procéder.  Les avocates de M. Jaballah pourront ensuite compléter ces observations et les ministres pourront présenter leurs observations en réponse à celles-ci.  Cette procédure est conforme à l’alinéa 85.2a) de la Loi ainsi qu’au principe de publicité des débats judiciaires.

 

[11]      En terminant, je ne vois aucun risque réel de divulgation de renseignements confidentiels par inadvertance.  Aucun témoignage de vive voix ne sera produit et les observations refléteront les questions et les faits dont il est fait état dans les dossiers publics de la requête.  De même, je ne vois aucune raison pour laquelle les avocats spéciaux devraient communiquer avec M. Jaballah ou recevoir des instructions de sa part, comme l’affirment les ministres.  Les avocats spéciaux ont précédemment obtenu l’autorisation, conformément au paragraphe 85.4(2) de la Loi, de communiquer avec les avocates de M. Jaballah au sujet de la présente requête à condition qu’aucun renseignement ou élément de preuve confidentiel ne soit divulgué, que ce soit directement ou indirectement.

 

[12]      Pour ces motifs, l’opposition du ministre à la présentation par les avocats spéciaux, en audience publique, des observations principales à l’appui de leur requête est rejetée.  La Cour a rendu une ordonnance selon laquelle elle autorise les avocats spéciaux à présenter en premier, lors de l’audience publique, les observations principales à l’appui de leur requête en arrêt des procédures.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    DES-6-08

INTITULÉ :              

 

Dans l’affaire concernant un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

 

ET Dans l’affaire concernant le dépôt d’un certificat à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

  

ET Dans l’affaire concernant

MAHMOUD ES-SAYYID JABALLAH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 16 septembre 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE TRÈS SECRETS RENDUS

PAR MADAME LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 25 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

B. Jackman                                                                        Pour M. Jaballah

M. Edwardh

A. Weaver

 

D. MacIntosh

J. Provart

D. Joseph

T. Kroeker

Caroline J. Carrasco

Lori Beckerman

Pour le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

 

 

John Norris                                                                        Avocat spécial

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

 

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