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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20091218

Dossier : T-1871-08

Référence : 2009 CF 1290

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MANDAMIN

 

 

 

ENTRE :

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

demandeur

 

et

 

FANG WANG

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) interjette appel de la décision du juge de la citoyenneté d’approuver la demande de citoyenneté présentée le 1er octobre 2008 par Mme Fang Wang en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi).

 

[2]               Le ministre fait valoir les points suivants :

a)      la décision du juge de la citoyenneté est insuffisamment motivée;

b)      le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en concluant que Mme Wang satisfaisait aux conditions de résidence prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, l’appel est accueilli et la question est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvelle décision.

 

Contexte

[4]               Mme Wang (la défenderesse) qui est née à Shanghai, dans la République populaire de Chine, est âgée de 33 ans. Arrivée au Canada en 1998 en tant qu’étudiante, elle a obtenu sa résidence permanente le 24 septembre 2001. Elle a épousé son actuel mari, un citoyen canadien, le 17 août 2001.

 

[5]                Mme Wang a présenté une demande de citoyenneté en date du 9 octobre 2007. La période dont il fallait tenir compte pour décider si elle satisfaisait à la condition de résidence était la période de quatre ans ayant commencé le 9 octobre 2003. Dans sa demande, la défenderesse a affirmé qu’elle était effectivement présente au Canada au cours de cette période de quatre ans, soit 1 383 jours sur les 1 460 jours exigés.

 

[6]               Le 11 juin 2008, Mme Wang a reçu une lettre dans laquelle elle était priée de fournir, entre autres, les documents supplémentaires indiqués ci-dessous :

·        Passeport, y compris toutes les pages qui concernent la période ayant commencé le 9 octobre 2003

·        Déclarations de revenus et cotisations pour l’année 2003 et les années subséquentes

·        Dossiers bancaires auprès des institutions financières

·        Demandes personnelles de remboursement de frais médicaux

·        Certificat(s) de mariage et/ou de divorce

·        Preuve de domicile

·        Questionnaire sur la résidence dûment rempli

·        Relevé des voyages en Chine depuis le 9 octobre 2003

·        Statut d’immigration actuel aux États-Unis, y compris les dossiers relatifs à des voyages aux États-Unis depuis 2003

 

[7]               Elle a répondu par une lettre, en date du 14 juillet 2008, à laquelle elle a joint certains des documents requis et dans laquelle elle a dit ceci :  

[traduction] Premièrement [sic], aux dates applicables, c’est‑à‑dire du 5 novembre 1998 au 30 octobre 1999, j’étais inscrite au Centennial College, à Scarborough; du 1er novembre 1999 au 30 octobre 2000, je travaillais chez William Medical Technologies Inc., à Ajax, en Ontario. Le 17 août 2001, je me suis mariée avec Trevor Jon Williams. Cela fera, le 17 août prochain, 7 ans [sic] que je suis mariée à Trevor John Williams, qui est canadien et qui est né le 18 mai 1963. J’ai obtenu la résidence permanente au Canada le 24 sept. 2001. J’ai été employée au restaurant japonais Shitori de mars 2002 à juin 2003. Après avoir quitté cet emploi, je suis restée à la maison, de juin 2003 à sept. 2006. En ce moment, je suis inscrite à un cours en immobilier en ligne et j’assiste un professionnel de l’immobilier pour des études du marché. En oct. 2007, mon mari et moi avons acheté un appartement en copropriété au 1, rue Bloor West. J’ai fourni des documents qui démontrent mon statut de résidente permanente, j’ai confirmé avoir fait des études au Canada, m’être mariée à un citoyen canadien et, plus récemment, avoir acheté un nouvel appartement en copropriété. Au cours des dix dernières années, je me suis consacrée à ma vie au Canada et à mon mari canadien. C’est pour ces raisons que je souhaite obtenir la citoyenneté canadienne. 

 

[8]               Le 23 juillet 2008, un avis adressé au juge de la citoyenneté a été versé au dossier de la défenderesse, faisant état du défaut de celle-ci de fournir des copies des paiements reçus pour frais médicaux, les pages de tous ses passeports valides ou périmés, le relevé des voyages en Chine, une preuve de tout statut actuel et passé aux États-Unis et une preuve de son emploi ou des sources de revenus lui permettant de vivre au Canada. Le fait que son passeport le plus récent avait été délivré par le consulat chinois à Los Angeles, en Californie, aux États-Unis, était également relevé. Ainsi, la question soulevée par l’avis était de savoir si la défenderesse avait fourni la preuve qu’elle résidait au Canada.

 

[9]               Le 19 août 2008, Mme Wang s’est présentée à l’audience relative à la citoyenneté. Le même jour, soit le 19 août 2008, on lui a une nouvelle fois demandé de fournir les documents suivants :

·        Copie du passeport d’arrivée ou de la déclaration à la police (en cas de perte du passeport)

·        Relevé des voyages en Chine

·        Preuve d’emploi au Canada

·        Preuve de statut aux États-Unis

·        Certificat de mariage

 

[10]           Mme Wang a fourni des documents supplémentaires le 30 septembre 2008.

 

[11]           Dans son affidavit, Mme Wang déclare que le juge de la citoyenneté lui a demandé de fournir ses passeports, ce qu’elle a fait au cours de l’entrevue. Le juge de la citoyenneté lui a demandé d’expliquer pourquoi elle n’avait rien déclaré sur les voyages aux États-Unis que, selon ses passeports, elle avait effectués. Elle a répondu qu’un consultant en immigration avait rempli incorrectement la demande. Elle a dit au juge avoir fait trois voyages d’une semaine aux États‑Unis. La défenderesse déclare également que son mari s’est présenté avec elle à l’entrevue de citoyenneté et qu’il a dit au juge s’être rendu aux États-Unis pour s’occuper de ses investissements, ce qui explique qu’ils détenaient des visas d’investisseurs E-2 délivrés par les États-Unis.

 

Décision faisant l’objet de l’appel

[12]           Selon l’avis au ministre signé par le juge de la citoyenneté, Mme Wang a satisfait à toutes les exigences liées à la citoyenneté, y compris les conditions de résidence prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Voici les très brefs motifs donnés par le juge de la citoyenneté :

[traduction] Après examen des documents fournis par la demanderesse et des renseignements que celle-ci m’a communiqués, je suis convaincu que la demanderesse satisfait aux critères de résidence.

 

[13]           En date du 1er octobre 2008, le juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté de Mme Wang.

 

Dispositions législatives applicables

[14]           En vertu du paragraphe 5(1) de la Loi, le ministre est tenu d’attribuer la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

a)  en fait la demande;

b)  est âgée d’au moins dix-huit ans;

c)  est un résident permanent […] et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de         sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa          résidence étant calculée de la manière décrite dans la Loi;

d)  a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

e)  a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages       conférés par la citoyenneté;

f)   n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une            déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

 

[15]           Lors de l’examen de toute demande de citoyenneté par un agent de la citoyenneté, le demandeur a l’occasion de remédier à tout défaut concernant la documentation. S’il manque des documents, le juge de la citoyenneté peut exiger du demandeur qu’il comparaisse, seul ou accompagné d’autres personnes, en vue de fournir des éléments de preuve qui lui permettent de conclure que les conditions prévues par la Loi ont été remplies. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahmoud, 2009 CF 57 (Mahmoud), au paragraphe 3.

 

[16]           En vertu du paragraphe 14(1) de la Loi, les juges de la citoyenneté sont tenus d’examiner toute demande de citoyenneté en vue de décider si le demandeur satisfait ou non aux conditions prévues. Après avoir ainsi statué, le juge de la citoyenneté approuve ou rejette la demande et en avise le ministre en lui faisant part de ses motifs. Plus précisément, le paragraphe 14(2) prévoit ceci :

Aussitôt après avoir statué sur la demande visée au paragraphe (1), le juge de la citoyenneté, sous réserve de l’article 15, approuve ou rejette la demande selon qu’il conclut ou non à la conformité de celle-ci et transmet sa décision motivée au ministre. [Non souligné dans l’original.]

 

[17]           Le paragraphe 14(5) de la Loi accorde au ministre et au demandeur le droit d’interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté devant notre Cour.

 

Norme de contrôle

[18]           La suffisance des motifs d’un juge de la citoyenneté est une question d’équité procédurale. Le juge Russell de notre Cour a estimé que la norme applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte dans Pourzand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 FC 395, au paragraphe 21 : « Les questions d’équité procédurale sont de pures questions de droit qui sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte. » Voir également à ce sujet Andryanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 FC 186, au paragraphe 15.

 

[19]           Le contrôle des conclusions de fait d’un juge de la citoyenneté et de l’analyse des faits qu’il a effectuée au regard de la loi est une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle applicable aux conclusions d’un juge de la citoyenneté relatives aux conditions de résidence prévues par la loi est celle de la raisonnabilité. Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), aux paragraphes 44, 47, 48 et 53; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mueller, 2005 CF 227, au paragraphe 4.

 

[20]           Lorsqu’une décision fait l’objet d’un contrôle selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse de la Cour tient principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, au paragraphe 47. En d’autres mots, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens où celle-ci n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

Analyse

Question préliminaire

[21]           Le ministre a déposé un affidavit auquel était jointe une copie d’une demande de citoyenneté présentée antérieurement par Mme Wang. Cette première demande ne faisait pas partie du dossier soumis au juge de la citoyenneté. La seule référence au dossier concernant la première demande de Mme Wang figurait sur l’avis adressé au juge de la citoyenneté le 23 juillet 2008, lequel faisait brièvement état du refus de la demande antérieure en raison du défaut de Mme Wang de fournir des documents permettant d’expliquer ses absences prolongées du Canada.

 

[22]           Dans son affidavit, Mme Wang fournit également des éléments de preuve qui ne sont pas au dossier et suivant lesquels elle et son mari avaient fourni de nouveaux éléments de preuve au juge de la citoyenneté lors de l’audience. Ces éléments de preuve n’ont pas été versés au dossier; ils sont apparus seulement après que le présent appel eut été introduit.

 

[23]           Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hung, [1998] A.C.F. no 1927, au paragraphe 8, le juge Rouleau écrivait ce qui suit : « En vertu des nouvelles Règles, les appels en matière de citoyenneté ne sont plus de nouveaux procès, mais doivent plutôt être interjetés au moyen d’une demande fondée sur le dossier soumis au juge de la citoyenneté : il n’est plus possible de présenter de nouveaux éléments de preuve à la Cour. »

 

[24]           Par conséquent, je ne tiendrai pas compte des nouveaux éléments de preuve présentés par le déclarant du ministre relatifs à la première demande de citoyenneté de Mme Wang.

 

[25]           La preuve par affidavit présentée par Mme Wang exige une approche plus nuancée. Mme Wang déclare que son mari avait fourni des éléments de preuve au juge de la citoyenneté lors de l’audience. Ce fait n’est pas contesté. Toutefois, je n’estime pas que cette preuve permette d’expliquer rétrospectivement les motifs du juge de la citoyenneté étant donné que celui-ci n’a pas déclaré l’avoir prise en considération dans sa décision.

 

Motifs de la décision

[26]           Le ministre soutient que les motifs donnés par le juge de la citoyenneté à l’appui de la décision ne sont pas suffisants. Il s’exprime dans les termes suivants : « [Traduction] Les motifs d’une décision sont suffisants lorsqu’ils sont clairs, précis et intelligibles et qu’ils expliquent ce qui a incité le juge à statuer tel qu’il l’a fait. Les motifs suffisants laissent transparaître une compréhension des questions soulevées par les éléments de preuve. »

 

[27]           La question soulevée par les éléments de preuve est la résidence, telle qu’elle a été portée à l’attention du juge de la citoyenneté dans l’avis du 23 juillet 2008. Le ministre mentionne les lacunes du dossier, y compris le fait que les documents suivants, jugés obligatoires, manquent ou ne sont pas concluants :

·        Preuve de domicile – manquante

·        Résumé d’assurance maladie – manquant

·        Relevé des voyages – manquant

·        Passeport – présentation de quelques sections seulement

·        Renseignements bancaires – quelques renseignements seulement

 

 

[28]           Le ministre prétend, non seulement qu’il manque des documents, mais, également, qu’il y a des indices au dossier d’une connexion permanente et continue avec les États-Unis. Selon sa licence de mariage, Mme Wang était résidente de Long Beach, en Californie, en 2001 et son passeport le plus récent a été délivré par le consulat chinois de Los Angeles en 2007. Je réalise, toutefois, que la date du mariage et la date de délivrance du passeport ne sont pas comprises dans la période de résidence en cause.

 

[29]           Mme Wang fait valoir que le juge de la citoyenneté disposait des renseignements fournis à l’audience, tel qu’ils figuraient dans son affidavit. Elle s’appuie sur Canada (MCI) c. Lau, [1999] A.C.F. no 290 (1re inst.), pour faire valoir qu’un juge disposant d’une preuve viva voce a probablement comblé les lacunes du dossier.

 

[30]           Mme Wang fait également valoir que le formulaire d’avis au ministre prévoit un espace limité pour les motifs du juge de la citoyenneté et que des motifs plus complets ne sont pas nécessaires.

 

[31]           En ce qui concerne le dernier point, je suis d’accord le juge Hughes, qui écrit ceci dans Mahmoud aux paragraphes 19 et 20 :

[…] L’avocat du défendeur prétend de plus que le formulaire ne comprend qu’un espace de 4 centimètres pour l’exposition des motifs. On peut donc s’attendre à ce que les motifs soient peu explicites. […]Je conclus que l’exigence selon laquelle un juge de la citoyenneté doit fournir des motifs clairs et adéquats doit l’emporter sur les limites apparentes imposées par le formulaire. Il est dommage qu’on n’ait pas fourni un formulaire plus adéquat mentionnant qu’une ou des pages comportant les motifs appropriés peuvent être jointes. […] (Non souligné dans l’original.)

 

 

[32]           Le paragraphe 14(2) de la Loi exige que le juge de la citoyenneté expose des motifs dans son avis au ministre. Au paragraphe 6 de Mahmoud, le juge Hughes a écrit :

Par conséquent, sauf si appel est interjeté, l’approbation ou le rejet par un juge de la citoyenneté est définitif en ce qui concerne la citoyenneté canadienne du demandeur. Le ministre ne fait rien d’autre sauf peut-être interjeter appel. Par conséquent, l’exposition de motifs par le juge de la citoyenneté revêt une importance particulière. Les motifs doivent être suffisamment clairs et détaillés pour démontrer au ministre que tous les faits pertinents ont été pris en considération et soupesés comme il se doit et que les critères juridiques opportuns ont été appliqués. (Non souligné dans l’original.)

 

 

[33]           La Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick a conclu que lorsqu’il existe un droit d’appel prévu par la loi, des motifs doivent toujours être fournis (R.D.R. Construction LTD. c. Rent Review Commission, [1982] N.S.J. no 546; 139 D.L.R. (3d) 168). Cette affaire a ensuite été citée par la juge L’Heureux-Dubé sur la base du même principe dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 42.

 

[34]           David Phillip Jones et Anne de Villars ont soulevé cet argument dans Principles of Administrative Law, 5th ed. (Toronto : Carswell, 2009), à la p. 374 :

 

[traduction] Sans motifs, il peut être impossible de démontrer au tribunal de révision qu’une erreur de droit a été commise et, par conséquent, il peut être impossible de corriger une conclusion fondée sur une preuve non pertinente, la mauvaise foi ou une irrégularité.

 

 

[35]            Aucune allégation d’irrégularité n’est soulevée à l’encontre du juge de la citoyenneté en l’espèce. Cependant, le rôle du ministre est de protéger le droit à la citoyenneté et il devrait pouvoir compter sur des motifs pour s’acquitter de sa tâche. Le ministre ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire après qu’un juge de la citoyenneté a rendu une décision. Le seul recours dont dispose le ministre pour contester la décision d’un juge de la citoyenneté est d’interjeter appel devant notre cour. Pour décider s’il convient ou non d’interjeter appel, le ministre doit connaître les motifs pour lesquels le juge de la citoyenneté a rendu sa décision concernant les questions soulevées par la demande.

 

[36]            Le juge Russell a examiné le caractère suffisant des motifs dans l’affaire Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 391, au paragraphe 25, où une personne avait interjeté appel à l’égard d’une demande de citoyenneté refusée :

26     Non seulement les motifs favorisent une meilleure prise de décision, car ils veillent à ce que les questions et l’analyse soient bien formulées, mais ils servent également de point de départ à une évaluation des moyens d’appel ou de contrôle possibles. Cet aspect est particulièrement important lorsque la décision est assujettie à une norme de contrôle fondée sur la retenue (VIA Rail Canada Inc. c. L’Office national des transports, 193 D.L.R. (4th) 357, aux paragraphes 17 et 19 (C.A.F.) (Via Rail)).

27     Le devoir exige que l’on donne des motifs suffisants. Ils doivent exposer les conclusions de fait et tenir compte des questions en litige. Le raisonnement suivi par le décideur doit être présenté, et il doit faire état de l’analyse des principaux éléments pertinents. En outre, la réponse à la question de savoir si les motifs sont adéquats tiendra compte des circonstances particulières de chaque affaire.  Lorsque le statut d’une personne est au cœur du litige, les exigences sont plus strictes (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, paragraphes 25 et 75; Via Rail, précité, paragraphes 21 et 22). (Non souligné dans l’original.)

 

[37]           On peut inférer que les motifs sont suffisants si les notes du juge de la citoyenneté démontrent que la preuve a été de quelque façon examinée et analysée. Au paragraphe 44 de Baker, la juge L’Heureux-Dubé a écrit :

…[l’admission de documents] fait partie de la souplesse nécessaire […] quand des tribunaux évaluent les exigences de l’obligation d’équité tout en tenant compte de la réalité quotidienne des organismes administratifs et des nombreuses façons d’assurer le respect des valeurs qui fondent les principes de l’équité procédurale.  Cela confirme le principe selon lequel les individus ont droit à une procédure équitable et à la transparence de la prise de décision, mais reconnaît aussi qu’en matière administrative, cette transparence peut être atteinte de différentes façons. (Non souligné dans l’original.)

 

 

[38]           Le juge de la citoyenneté n’a pas indiqué les renseignements qu’il a pris en compte en ce qui concerne la résidence de Mme Wang. Il n’a pas non plus fait référence à la nature des renseignements qu’il a reçus, ni aux documents qu’il a examinés à l’audience. Le juge de la citoyenneté a simplement conclu qu’après avoir examiné les renseignements et les documents, il estimait que Mme Wang satisfaisait au critère de résidence. Le juge de la citoyenneté a l’obligation légale de motiver sa décision en vertu du paragraphe 14(2) de la Loi. Il ne s’est pas acquitté de son obligation et sa décision ne peut donc être maintenue.

 

[39]           Concernant ma conclusion concernant l’insuffisance des motifs, j’estime que je n’ai pas à décider si le juge de la citoyenneté a réussi à circonscrire le critère juridique utilisé pour trancher la question de la résidence.

 

Réparation

[40]           Mme Wang fait valoir qu’elle a fourni des renseignements supplémentaires au juge de la citoyenneté et que ceux-ci ne figurent pas au dossier. Dans ces circonstances, j’estime que la réparation appropriée consiste à renvoyer l’affaire pour réexamen par un autre juge de la citoyenneté et à donner à Mme Wang l’occasion à de présenter des renseignements supplémentaires si elle le juge nécessaire.

 

[41]           Le ministre cherche à obtenir l’adjudication des dépens pour le présent appel. Je choisis de suivre la décision du juge Hughes dans Mahmoud de ne pas adjuger de dépens. Même si je donne raison au ministre, ce dernier partage une partie de la responsabilité parce que le formulaire qu’il a fourni aux juges de la citoyenneté incite ces derniers à abréger leurs motifs.

 

Conclusion

[42]           L’appel est accueilli. La décision du juge de la citoyenneté est annulée et l’affaire est renvoyée pour être réexaminée par un autre juge de la citoyenneté.

 

[43]           Je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT

1.                  La décision du juge de la citoyenneté refusant la citoyenneté est annulée.

2.                  L’affaire est renvoyée pour réexamen par un autre juge de la citoyenneté.

3.                  La défenderesse peut déposer les renseignements ou les documents qu’elle considère nécessaires pour le réexamen.

4.                  Je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.

 

 

___« Leonard S. Mandamin »____

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1871-08

 

 

INTITULÉ :                                       MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE LA L’IMMIGRATION

                                                            c. FANG WANG

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               24 NOVEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 18 DÉCEMBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Catherine Vasilaros

 

POUR LE DEMANDEUR

Matthew Jeffery

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c. r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Matthew Jeffery

Barrister & Solicitor

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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