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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20091210

Dossier : T-1792-08

Référence : 2009 CF 1254

Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2009

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

GREGORY ALLAN MACDONALD

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en matière d’appel relativement à une demande de réexamen d’admissibilité (la décision) datée du 18 septembre 2008 et rendue par le Tribunal des anciens combattants (le tribunal). Dans cette décision, le tribunal a maintenu ses conclusions du 21 novembre 2007 d’accorder au demandeur un droit à pension de quatre-cinquièmes pour son affection intra-articulaire du genou droit (la blessure au genou droit) et lui a octroyé deux années supplémentaires de pension en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions, L.R., 1985, ch. P-6, pour son état variqueux et ses blessures au genou droit.

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci-dessous, l’appel est rejeté.

 

I.          Les faits

 

[3]               Le demandeur a été membre des Forces canadiennes jusqu’en 1975.  Il s’est blessé au genou droit à deux reprises en 1968 dans le cadre de ses devoirs militaires, lui causant des blessures au genou droit et un état variqueux. En 1998, le demandeur a fait une demande de pension d’invalidité liée entre autres à ses blessures. En 1999, le genou du demandeur a « lâché » une première fois, alors qu’il faisait du jogging, et une seconde fois, en jouant au golf.

 

[4]               C’est la troisième fois que le demandeur saisit la Cour fédérale afin qu’elle révise la décision du tribunal relativement à ces blessures (voir MacDonald c. Canada (Procureur général), 2003 CF 1263, 241 F.T.R. 308, juge François Lemieux et MacDonald c. Canada (Procureur général), 2007 CF 809, 332 F.T.R. 169, propos exprimés par la juge Elizabeth Heneghan). Le demandeur a eu gain de cause à ces deux occasions précédentes et les deux affaires ont été renvoyées à des fins de réexamen. En 2007, la juge Heneghan a conclu que le tribunal a erré en ignorant l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants, L.C. 1995, ch. 18, qui prévoit que toute incertitude quant à la crédibilité de la preuve doit être tranchée en faveur du demandeur. La juge Heneghan a également statué que le tribunal a erré en rejetant la demande de prestation du demandeur relativement à son état variqueux.

 

[5]               Le 21 novembre 2007, après que l’affaire eut été réentendue par un nouveau tribunal en tant qu’appel relativement à une demande de réexamen d’admissibilité, le demandeur s’est vu accorder le plein droit à pension (cinq-cinquièmes) pour son état variqueux et un droit à pension de quatre-cinquièmes pour sa blessure au genou droit (la décision de 2007). Le tribunal a déclaré qu’il a retenu un droit à pension d’un-cinquième pour la partie de l’invalidité attribuable à des activités après-service comme le jogging et le golf. Ces droits à pension ont été rendus rétroactifs au 21 novembre 2004. Cela représentait la période entière de la rétroactivité possible en vertu du paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions. Insatisfait, le demandeur a demandé le réexamen de cet appel en admissibilité. C’est cette décision en réexamen qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

A.        La décision du tribunal du 18 septembre 2008

 

[6]               Dans le cadre de la décision en appel relativement à la demande de réexamen d’admissibilité, le tribunal a maintenu ses conclusions de 2007 d’accorder au demandeur un droit à pension de quatre-cinquièmes pour sa blessure au genou droit. En outre, le tribunal a accordé deux années supplémentaires de pension en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions pour l’état variqueux et la blessure au genou droit.

 

[7]               Le paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants prévoit que le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées, ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés. Comme c’est le cas en l’espèce, si le demandeur demande un réexamen, il a le fardeau de persuader le comité qu’il existe des motifs pour réexaminer l’affaire.

 

[8]               Le demandeur a soulevé deux motifs de réexamen. En ce qui a trait au premier motif, soit la blessure au genou droit, le demandeur a fait valoir que lors de la décision rendue en 2007, le tribunal a erré en formulant une conclusion médicale selon laquelle la blessure à son genou droit a été aggravée par les activités qu’il a pratiquées après avoir quitté les Forces en 1975. Le tribunal a statué que le demandeur n’avait pas établi que le réexamen de la décision de 2007 quant au montant du droit à pension pour sa blessure au genou droit était justifié. Le tribunal a déclaré qu’en accordant le droit à pension de quatre-cinquièmes en 2007, il n’avait pas écarté un rapport du chirurgien orthopédique du demandeur, comme l’a suggéré ce dernier, mais l’a plutôt accepté et apprécié.

 

[9]               Dans la décision qui fait l’objet du présent contrôle, le tribunal a accueilli la décision de 2007 et a déclaré à la page 4, au paragraphe 3 :

[traduction]

 

En accordant un droit à pension de quatre-cinquièmes, le tribunal n’a pas écarté le rapport du Dr Wiltshire, comme l’a suggéré le demandeur, mais l’a plutôt accepté et apprécié. Le rapport du Dr Wiltshire n’était pas entièrement concluant sur la question du lien de causalité. Des symptômes aigus étaient clairement présents lorsqu’il faisait du jogging en mai 1999, et il semble logique par conséquent de conclure qu’il a subi certaines blessures à ce moment-là. Tel qu’indiqué ci-dessus, le Dr Wiltshire laisse entendre qu’il est possible que les dommages subis au ménisque se soient produits après la seconde chirurgie.

 

[10]           Sur la deuxième question, soit la rétroactivité, le tribunal a déterminé qu’il s’agissait d’un cas où les délais en la matière, la difficulté indépendante de la volonté du demander à obtenir de la documentation, et les deux audiences de la Cour fédérale, ont entraîné des retards importants qui n’étaient pas entièrement sous le contrôle du demandeur. Par conséquent, le tribunal a appliqué le paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions en accordant par conséquent les deux années supplémentaires de pension prévues à ce paragraphe pour les blessures au genou droit et l’état variqueux.

 

B.         La preuve médicale

 

[11]           La juge Heneghan a brièvement rappelé, aux paragraphes 3 à 42 de sa décision, les faits et le contentieux relativement à la demande de pension du demandeur pour les blessures qu’il a subies, et j’intègre cette discussion dans les présents motifs et je m’y fonde.

 

[12]           Tout particulièrement pertinent en l’espèce est le témoignage du Dr Wiltshire, le chirurgien orthopédique du demandeur.  Dr Wiltshire a fourni trois rapports relatifs à la blessure au genou droit, le plus récent et le plus détaillé étant l’opinion datée du 31 mai 2005. La juge Heneghan exprime cet avis au paragraphe 33 de sa décision. Dans le rapport de mai 2005, le Dr Wiltshire a déclaré que bien que ses conclusions arthroscopiques en 1999 n’aient pas permis de révéler une preuve de lésion méniscale, il est possible qu’il ait manqué la déchirure du ménisque. Le Dr Wiltshire a également écrit qu’il était d’accord avec un autre médecin qui est venu témoigner pour le tribunal, le Dr Stanish, que cet inconfort au genou droit et cette pathologie étaient courants chez les hommes de plus de 40 ans.

 

[13]           À un certain moment, une partie des dossiers médicaux du demandeur, à partir de 1968, étaient manquants. Le défendeur n’a pas directement traité de cette question. La juge Heneghan a discuté des dossiers manquants aux paragraphes 72 à 75 de ses motifs. Cependant, la question des dossiers manquants, et toute observation relative à leur perte, ne s’applique pas à la décision dont le contrôle est demandé. Les dossiers manquants étaient un élément important pour la détermination du lien de causalité de la blessure initiale subie en 1968. La preuve de cette blessure initiale a été établie. La présente cause concerne la mesure, le cas échéant, avec laquelle le stress et la blessure au genou droit au cours des trente années qui ont suivi ont contribué à la blessure causée en 1968 ou l’ont aggravée, rendant ainsi le demandeur inadmissible à recevoir une pension d’invalidité entière.

 

C.        Article 39 de la Loi sur les pensions

 

[14]           L’article 39 de la Loi sur les pensions prévoit une date d’entrée en vigueur à partir de laquelle une pension d’invalidité est payable. L’article 39 se lit comme suit :

Date à partir de laquelle est payable une pension d’invalidité :

 

39. (1) Le paiement d’une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l’autre :

 

a) la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu;

 

b) une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée au pensionné.

 

Compensation supplémentaire :

 

(2) Malgré le paragraphe (1), lorsqu’il est d’avis que, en raison soit de retards dans l’obtention des dossiers militaires ou autres, soit d’autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension devrait être accordée à partir d’une date antérieure, le ministre ou le Tribunal, dans le cadre d’une demande de révision ou d’un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire dont le montant ne dépasse pas celui de deux années de pension.

Date from which disability pension payable:

 

 

39. (1) A pension awarded for disability shall be made payable from the later of

 

 

 

(a) the day on which application therefore was first made, and

 

(b) a day three years prior to the day on which the pension was awarded to the pensioner.

 

Additional award:

 

(2) Notwithstanding subsection (1), where a pension is awarded for a disability and the Minister or, in the case of a review or an appeal under the Veterans Review and Appeal Board Act, the Veterans Review and Appeal Board is of the opinion that the pension should be awarded from a day earlier than the day prescribed by subsection (1) by reason of delays in securing service or other records or other administrative difficulties beyond the control of the applicant, the Minister or Veterans Review and Appeal Board may make an additional award to the pensioner in an amount not exceeding an amount equal to two years pension.

 

 

[15]           Par conséquent, le tribunal a accordé au demandeur le délai de paiement rétroactif admissible entier permis en vertu de l’article 39.

 

D.        La contestation constitutionnelle

 

[16]           Le demandeur conteste la validité constitutionnelle, l’application et l’effet de l’article 39 de la Loi sur les pensions (la question constitutionnelle). Il a déposé un Avis de question constitutionnelle et s’est conformé à l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 et à l’article 69 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

 

[17]           Essentiellement, le demandeur fait valoir que l’article 39 l’a empêché de recevoir approximativement quatre années de pension. Le 24 novembre 1998, il a fait une demande initiale de pension auprès du ministère des Anciens combattants pour ses blessures au genou droit et son état variqueux. La demande a été initialement refusée le 24 décembre 1999, et a finalement été accueillie en 2007. Cependant, par application du paragraphe 39(1), son admissibilité ne peut être rétroactive qu’au 21 novembre 2004. Le tribunal lui a accordé deux années supplémentaires de pension en vertu du paragraphe 39(2), mais il reste encore environ quatre années qui ne sont pas couvertes.

 

[18]           Le demandeur prétend qu’il a été tenu de faire réviser les décisions par la Cour fédérale pour obtenir la pension qu’il méritait en 1998 et que les dossiers médicaux manquants ont causé une bonne partie des retards. Par conséquent, il devrait être dans la même situation que ceux qui se sont vu accorder des pensions lorsqu’ils ont fait une demande initiale.

 

[19]           Au cours de l’audience devant le tribunal, le demandeur a admis que le droit exprimé à l’article 39 indique clairement que le tribunal est limité à accorder rétroactivement trois années à partir de la date d’audience et deux années supplémentaires lorsque des circonstances inhabituelles indépendantes de la volonté du demandeur le justifient.

 

II.         Norme de révision

 

[20]           La norme de révision applicable pour la révision d’une décision du tribunal est la norme de la décision raisonnable. (Rioux c. Canada (Procureur général), 2008 CF 991, [2008] A.C.F. no 1231 au paragraphe 17; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

III.       Questions en litige

 

[21]           Trois questions doivent être examinées dans la présente cause :

(a)        La Cour fédérale peut-elle tirer une conclusion concernant l’observation du demandeur selon laquelle l’article 39 de la Loi sur les pensions viole le droit à l’égalité de l’article 15 de la Charte des droits et libertés lorsque le tribunal, dont la décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire, n’a pas statué sur cette question?

 

(b)        Si la réponse à la première question est positive, l’article 39 de la Loi sur les pensions viole-t-il le paragraphe 15(1) de la Charte et ne constitue pas une limite raisonnable?

 

(c)        Le tribunal a-t-il agi de manière raisonnable en confirmant ses conclusions du 21 novembre 2007, d’accorder au demandeur un droit à pension de quatre‑cinquièmes pour la blessure au genou droit?

 

[22]           Je vais maintenant examiner ces questions.

 

A.        La Cour fédérale peut-elle tirer une conclusion concernant l’observation du demandeur selon laquelle l’article 39 de la Loi sur les pensions viole le droit à l’égalité de l’article 15 de la Charte des droits et libertés lorsque le tribunal, dont la décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire, n’a pas statué sur cette question?

 

[23]           Il est clair que la question constitutionnelle soulevée par le demandeur a été discutée par le tribunal (voir à la page 2, au paragraphe 4 de la décision). Cependant, comme le rapporte la décision, le demandeur n’a pas déposé de plainte ou de contestation officielle accompagnée de la signification requise de la question d’application de la Charte avant l’audience devant le tribunal. Le tribunal a également noté à la page 3, au paragraphe 2 que le demandeur a déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce que le tribunal décide si ses droits en vertu de la Charte avaient été violés. Le tribunal n’a pas ainsi statué.

 

[24]           Préalablement à l’audience, j’ai invité les parties à soumettre des observations supplémentaires sur la question de la capacité de la Cour fédérale à formuler une conclusion selon laquelle l’article 39 de la Loi sur les pensions violait l’article 15 de la Charte des droits et libertés si le tribunal ne s’était pas prononcé sur la question. Le demandeur a fourni d’autres éléments matériels et les deux parties ont soumis des plaidoiries lors de l’audience.

 

[25]           Le demandeur fait valoir qu’il a soulevé la question constitutionnelle auprès du tribunal, que le silence du tribunal sur la question doit être vu comme un refus de la position du demandeur selon lequel le paragraphe 39(1) viole la Charte, et qu’il serait erroné, à son avis, pour les tribunaux fédéraux de statuer sur des questions constitutionnelles qui vont au-delà de leurs domaines de compétence reconnus.

 

[26]           Le demandeur déclare que la question constitutionnelle a été soulevée auprès du tribunal. Cependant, il n’a pas déposé les formulaires appropriés et a abandonné cette démarche à l’audience devant le tribunal. Je ne peux pas accepter la position du demandeur selon laquelle en ne tranchant pas directement une question, en « demeurant silencieux », selon ses propres mots, le tribunal rend une décision.

 

[27]           Il est également clairement établi que les tribunaux administratifs ont compétence pour appliquer la Charte. Cette compétence a été examinée dans l’affaire Nouvelle‑Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54, où le juge Gonthier a exposé un critère à quatre volets qui doit être utilisé lors d’un examen de la compétence des tribunaux administratifs en vue de soumettre des dispositions législatives à un examen fondé sur la Charte (voir le paragraphe 48). le critère peut se résumer ainsi :

1.         Déterminer si le tribunal administratif a expressément ou implicitement compétence pour trancher les questions de droit découlant de l’application de la disposition contestée;

2.         La compétence expresse doit être exprimée dans le libellé de la disposition habilitante;

3.         S’il est jugé que le tribunal a le pouvoir de trancher les questions de droit découlant de l’application d’une disposition législative, ce pouvoir sera présumé inclure celui de se prononcer sur la constitutionnalité de cette disposition au regard de la Charte;

4.         La partie qui prétend que le tribunal n’a pas compétence pour appliquer la Charte peut réfuter la présomption.

 

[28]           En l’espèce, la disposition contestée est l’article 39 de la Loi sur les pensions. Les articles 16 et 18 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants énoncent les pouvoirs du tribunal en ce qui a trait à la Loi sur les pensions. Aux termes de ces articles, le tribunal s’est vu accorder la compétence explicite et exclusive pour trancher les questions de droit découlant de l’application de la Loi sur les pensions. Par conséquent, le tribunal a compétence pour trancher les questions de droit découlant d’une disposition législative et le pouvoir du tribunal est présumé inclure celui de se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 39 en vertu de la Charte. Il appartient au demandeur, en tant que partie qui allègue que le tribunal n’a pas compétence, de réfuter cette présomption. Je ne considère pas que cette présomption a été réfutée.

 

[29]           Ayant conclu que le tribunal avait compétence pour entendre la question constitutionnelle, je conclus maintenant que je ne suis pas en mesure en ce moment de trancher la question constitutionnelle du demandeur. La procédure de contrôle judiciaire a une portée limitée et ne constitue pas un procès de novo. Comme l’a exprimé le juge Rothstein dans l’affaire Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees’ Union, [2000] 1 C.F. 135, 1999 A.C.F. no 1192 (C.A.F.) au paragraphe 15, le but d’un contrôle judiciaire est de contrôler une décision. Par conséquent, à moins de circonstances exceptionnelles comme l'existence de questions relatives à la partialité ou à la compétence (aucune n’étant soulevée dans la présente affaire), l’instance révisionnelle est liée par « le dossier dont le juge ou l'office était saisi » et est limitée à ce dossier (voir Bekker c. Canada, 2004 C.A.F. 186, 323 N.R. 195 au paragraphe 11, où la Cour a estimé si elle devait entendre une contestation fondée sur la Charte soulevée en Cour d’appel seulement).

 

[30]           Tout récemment, la juge Layden-Stevenson a traité la question de savoir si la Cour devait entendre un argument fondé sur la Charte qui n’avait pas été entendu par l’instance décisionnelle précédente. Dans l’affaire Somodi c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2009 CAF 268, [2009] A.C.F. no 1152, la juge Layden-Stevenson, au nom de la Cour, a refusé d’entendre une contestation constitutionnelle de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27 qui n’avait pas été soulevée devant la Cour fédérale. La juge Layden-Stevenson s’est fondée sur le fait que de donner droit à un tel argument priverait la Cour d’appel du bénéfice que constituent les motifs du jugement et l’analyse des arguments présentés. Bien que cette décision vise la Cour d’appel, son raisonnement s’applique en l’espèce.

 

[31]           Étant donné que le tribunal n’a pas tranché la question constitutionnelle soulevée par le demandeur dans la présente cause, je ne peux pas l’examiner dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[32]           Selon ma conclusion à la question (a), il n’est pas nécessaire d’examiner la question (b).

 

C.        Le tribunal a‑t‑il agi de manière raisonnable en confirmant ses conclusions du 21 novembre 2007, d’accorder au demandeur un droit à pension de quatre‑cinquièmes pour la blessure au genou droit?

 

[33]           Le demandeur fait valoir que la décision de ne pas lui accorder un plein droit à pension pour sa blessure au genou droit est arbitraire et n’est pas fondée sur la preuve. Il prétend qu’en concluant qu’une partie de sa blessure avait été causée par ses activités post-militaires, le tribunal émet une opinion médicale qui va au-delà de son domaine de compétence.

 

[34]           Le défendeur fait valoir que le tribunal s’est fondé sur les conclusions médicales du Dr Wiltshire, le médecin du demandeur. Selon le défendeur, le tribunal a apprécié la preuve du Dr Wiltshire et a décidé qu’elle n’était pas concluante quant à la cause de la blessure au genou droit pour trois raisons : les symptômes aigus se sont produits en 1999 alors que le demandeur faisait du jogging, le Dr Wiltshire a indiqué qu’une déchirure méniscale a pu se produire après la seconde arthroscopie, et ce dernier a déclaré que la déchirure du ménisque n’a pu se produire qu’en 1968.

 

[35]           Les décisions du comité d’appel sont définitives et exécutoires (voir l’article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants). Cependant, le paragraphe 32(1) de la Loi autorise le tribunal à réexaminer une décision antérieure s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées, ou si de nouveaux éléments de preuve sont présentés au comité d’appel.

 

[36]           Il est clair que le tribunal doit s’abstenir de tirer des conclusions médicales de son propre chef car il n’a aucune compétence médicale propre (voir l’affaire MacDonald, ci-dessus, opinion du juge Lemieux). Afin de déterminer s’il devait procéder à une nouvelle audience de l’affaire, le tribunal a examiné les prétentions du demandeur, toutes les décisions antérieures, ainsi que la preuve. Le tribunal a porté une attention particulière à l’avis médical du Dr Wiltshire. Comme l’a établi le défendeur, le tribunal s’est appuyé sur cet avis médical pour conclure qu’une partie de la blessure au genou droit était attribuable aux événements qui se sont produits au cours des trente années qui ont suivi.

 

[37]           L’arrêt Dunsmuir, précité, nous apprend que le caractère raisonnable est une norme empreinte de déférence qui tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, et que les décisions « raisonnables » appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[38]           Pour ces motifs, la décision du tribunal était raisonnable.


 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE QUE :

1.         la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         aucuns dépens ne soient adjugés.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1792-08

 

INTITULÉ :                                       MACDONALD

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 décembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gregory Allan MacDonald

613-284-0886

 

POUR LUI‑MÊME

Agnieszka Zagorska

613-948-7424

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gregory Allan MacDonald

Merrickville (Ontario)

 

POUR LUI‑MÊME

Agnieszka Zagorska

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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