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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20091204

Dossier : IMM-2181-09

Référence : 2009 CF 1237

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

MAHENDRAN, INDRAKUMAR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre de la décision défavorable rendue par une agente d’examen des risques avant renvoi (l’agente) à l’égard d’Indrakumar Mahendran (le demandeur).

 

Le contexte factuel

[2]               Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka âgé de 32 ans. Il est d’ethnicité tamoule et originaire du Nord du Sri Lanka. En 2001, il a quitté ce pays à destination de la France, où il a vécu jusqu’au rejet de sa demande d’asile. En novembre 2004, le demandeur est arrivé au Canada, où il a également présenté une demande d’asile. Celle-ci a été rejetée le 15 novembre 2006, de même que la demande de contrôle judiciaire visant cette dernière décision.

 

[3]               Ensuite, le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi, laquelle a été rejetée le 17 mars 2009; c’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

La décision contestée

[4]               L’agente a commencé par inscrire brièvement l’affaire dans son contexte. Elle a fait remarquer que la Section de la protection des réfugiés (la SPR) avait fait état de problèmes quant à la crédibilité comme élément déterminant de sa décision de rejeter la demande d’asile du demandeur. L’agente a ensuite reproduit des extraits de l’exposé par la SPR de certains de ces problèmes. La SPR y tirait, notamment, des conclusions défavorables se fondant sur le défaut du demandeur d’établir son lieu de résidence pendant les cinq ans ayant précédé son départ du Sri Lanka, sur son défaut de produire de la documentation liée à la demande d’asile en France au moment de l’instruction et sur l’existence, entre les deux demandes d’asile, d’éléments contradictoires.

 

[5]               L’agente a dit s’appuyer sur les décisions de la Cour dans Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1385, 304 F.T.R. 46, et Kaba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 647, [2007] A.C.F. n° 874 (QL), pour conclure qu’il ne suffisait pas que la preuve documentaire révèle l’existence de problèmes de respect des droits de la personne dans le pays concerné pour conclure en l’existence d’un risque avant renvoi; l’existence d’un risque personnel doit également être démontrée. L’agente a souligné avoir lu et pris en compte la documentation soumise par le conseil du demandeur. Elle en est finalement venue à la conclusion suivante : [traduction] « […] Rien dans la documentation ne réfute les graves conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité, ni ne constitue un élément de preuve quant à un risque personnel couru par le demandeur. […] »

 

[6]               L’agente a ensuite passé en revue la preuve documentaire sur la situation régnant au Sri Lanka. Elle a reproduit des extraits tant des Country Reports on Human Rights Practices 2008 pour le Sri Lanka du Département d’État des États-Unis que du document UNHCR Position on the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Sri Lanka, qui traitaient de la situation des Tamouls au Sri Lanka. L’agente a dit reconnaître que la situation avait évolué au Sri Lanka, mais que, par suite des événements récents, presque tout le pays se trouvait désormais sous l’autorité de l’État; elle s’est référée à cet égard au document BBC News Country Profile: Sri Lanka dans une note de bas de page adjointe à sa conclusion. Elle a finalement conclu qu’aucune preuve objective ne démontrait que des citoyens tamouls se voyaient privés de droits de la personne fondamentaux par le gouvernement sri lankais, ni que celui-ci, l’armée, les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) ou tout autre groupe faisaient courir un risque au demandeur.

 

[7]               L’agente en est arrivée à cette conclusion même si elle a reconnu que le demandeur était bien un Tamoul du Nord du Sri Lanka. Elle a estimé qu’il n’avait pas présenté la preuve suffisante d’un risque personnel.

 

Les questions en litige

[8]               Le demandeur a soulevé un certain nombre de questions. J’ai reformulé, comme suit, les questions auxquelles je vais maintenant répondre.

a.       L’agente a-t-elle commis une erreur en concluant qu’aucune preuve nouvelle n’avait été présentée au regard d’éléments importants de la demande d’asile?

b.      L’agente a-t-elle commis une erreur en exigeant que le demandeur établisse l’existence d’un risque personnel, et en n’appréciant pas convenablement la question de savoir si le demandeur craignait avec raison d’être persécuté en tant que jeune homme tamoul du Nord du Sri Lanka?

c.       L’agente a-t-elle manqué à l’obligation d’équité en ne dévoilant pas son intention de fonder sa décision sur l’évolution de la situation au Sri Lanka et sur la preuve documentaire s’y rapportant?

d.      L’agente a-t-elle apprécié erronément les répercussions de l’évolution de la situation sur le fondement objectif de la crainte du demandeur?

 

Les dispositions législatives pertinentes

[9]               Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet […]

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection […]

 

Analyse

La norme de contrôle

[10]           Les parties ont soutenu que les questions en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire qui concernent des conclusions de fait appellent la norme de contrôle de la raisonnabilité, et que la retenue est de mise à leur endroit. Je partage cet avis. Lorsqu’elle procède à un tel contrôle, la Cour examine la justification, la transparence et l’intelligibilité de la décision, et son appartenance aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 47). J’ajouterais qu’un manquement à l’équité procédurale constitue une erreur de droit, à laquelle s’applique la norme de la décision correcte (Soares c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 190, 308 F.T.R. 280). On a aussi jugé que la norme de la décision correcte s’appliquait à la question de savoir si l’agent avait commis une erreur en fusionnant les critères prévus à l’article 96 et à l’article 97 de la Loi (Pillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1312, 339 F.T.R. 32).

 

L’agente a-t-elle commis une erreur en concluant qu’aucune preuve nouvelle n’avait été présentée au regard d’éléments importants de la demande d’asile?

[11]           Le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur en concluant qu’aucune preuve nouvelle n’avait été présentée relativement à des éléments importants de la demande d’asile, et que la preuve documentaire produite au soutien de la demande d’ERAR démontrait que de nombreux changements significatifs étaient survenus, notamment une détérioration radicale de la situation des jeunes hommes tamouls.

 

[12]           Le défendeur réplique que c’est de manière raisonnable que l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas présenté de nouveaux éléments de preuve permettant de réfuter les graves conclusions quant à la crédibilité tirées par la SPR, et qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve suffisants pour que l’agente puisse en arriver à une conclusion différant de celles de la SPR.

 

[13]           Il s’agit là d’une question exclusivement de fait, et le demandeur admet lui-même que les seuls nouveaux éléments de preuve produits consistaient en une preuve documentaire sur la situation dans le pays. Le demandeur n’a présenté aucun nouvel élément de preuve visant à réfuter les conclusions de la SPR quant à la crédibilité ou lié à un risque nouveau, outre la détérioration de la situation dans le pays. De plus, il est bien clair que l’agente a prise en compte la preuve relative à cette détérioration pour en arriver à sa conclusion. Non seulement l’a-t-elle déclaré explicitement, mais elle a aussi procédé à une analyse de la situation régnant au Sri Lanka et de son incidence sur la situation personnelle du demandeur. Il ressort manifestement de l’ensemble de la décision que l’agente a bien examiné les prétentions fondées sur la détérioration des conditions dans le pays; aucune erreur susceptible de révision n’a été commise sur ce point.

 

L’agente a-t-elle commis une erreur en exigeant que le demandeur établisse l’existence d’un risque personnel, et en n’appréciant pas convenablement la question de savoir si le demandeur craignait avec raison d’être persécuté en tant que jeune homme tamoul du Nord du Sri Lanka?

[14]           Le demandeur soutient également que l’agente a commis une erreur de droit en fusionnant les différents critères prévus aux articles 96 et 97 de la Loi. Selon lui, l’article 96 ne requérait pas qu’il établisse l’existence d’un risque personnel, et l’agente a commis une erreur de droit en ne procédant pas à l’analyse appropriée aux fins de l’article 96, et en mettant uniquement l’accent sur l’existence du risque personnel requis dans le cadre de l’article 97.

 

[15]           Le demandeur souligne que, bien qu’il ne ressorte pas clairement des motifs de l’agente quelles répercussions ont eu sur son appréciation les conclusions de la SPR quant à la crédibilité, l’agente a néanmoins reconnu explicitement qu’il était un jeune homme tamoul du Nord du Sri Lanka. L’agente aurait par conséquent dû apprécier la preuve et évaluer si le demandeur craignait avec raison, sur ce fondement, d’être persécuté; le défaut de ce faire a constitué une erreur.

 

[16]           Le défendeur insiste pour dire que la preuve documentaire générale ne saurait justifier, à elle seule, l’octroi de l’asile. Il fait valoir qu’un lien est requis entre la situation du demandeur et la preuve aux fins tant de l’article 96 que de l’article 97 de la Loi. L’argument du demandeur revient à dire, selon le défendeur, qu’il faudrait accorder l’asile à tous les jeunes hommes tamouls du Nord du Sri Lanka.

 

[17]           Le demandeur fonde ses prétentions sur la décision Fi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1125, [2006] A.C.F. n° 1401 (QL), du juge Martineau. J’estime toutefois que cette affaire ne peut guère nous servir de guide en raison des nombreuses différences existant entre les faits alors en cause et les faits de l’espèce. Je souscris plutôt aux précédents invoqués par le défendeur, où l’on a statué que le simple emploi d’expressions comme « risque personnel » ne signifie pas qu’on a fusionné les différents critères prévus aux articles 96 et 97 (se reporter à Pillai et à Kaba). Je suis moi aussi d’avis que la simple mention par l’agente de la nécessité d’un risque personnel ne signifie pas qu’elle a mal compris la différence existant entre les deux critères.

 

[18]           Bien que l’agente ait déclaré que la preuve documentaire ne suffisait pas à elle seule, celle d’un risque individualisé étant aussi nécessaire, je suis convaincu que l’ensemble de ses motifs démontre qu’elle comprenait la différence existant entre les deux critères et qu’elle a appliqué ceux-ci en conséquence. L’agente a pris en compte la preuve sur les conditions au Sri Lanka, notamment en ce qui touche les personnes dans une situation semblable à celle du demandeur, et elle a rejeté la demande sur le fondement de ses conclusions sur l’évolution de la situation dans le pays et de sa conclusion quant à l’absence de caractéristiques individuelles pouvant exposer le demandeur à un risque. Ce faisant, elle a bien évalué les risques courus par le demandeur en tant que jeune homme tamoul, mais a estimé que l’évolution de la situation au Sri Lanka venait contrer ces risques. L’agente a en outre conclu en l’absence de risque personnel, le demandeur n’étant doté d’aucune des caractéristiques qui l’exposeraient à un risque de la part du gouvernement ou des TLET. Je conviens que l’agente aurait pu formuler plus clairement son analyse, mais celle-ci n’avait pas un caractère déraisonnable.

 

L’agente a-t-elle manqué à l’obligation d’équité en ne dévoilant pas son intention de fonder sa décision sur l’évolution de la situation au Sri Lanka et sur la preuve documentaire s’y rapportant?

[19]           Le demandeur prétend qu’en s’appuyant sur le document BBC News Country Profile, l’agente a manqué à l’obligation d’équité lui incombant tel que l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.) (QL). Le demandeur soutient que l’agente, en concluant en l’absence de preuve objective démontrant le déni systémique de droits fondamentaux de la personne, recherchait des éléments de preuve postérieurs à l’article de la BBC News; or, il n’avait pu présenter de tels éléments de preuve, n’ayant pas été informé de l’intention de l’agente de se fonder sur les renseignements concernant l’évolution de la situation dans le pays. Le demandeur affirme avoir produit une importante preuve objective sur le déni systémique des droits fondamentaux de la personne par le gouvernement du Sri Lanka, preuve visant toutefois la période antérieure au BBC News Country Profile. Il souligne que cela démontre clairement que l’agente a considéré ce document comme étant une source d’information de premier ordre attestant l’évolution de la situation générale au Sri Lanka, et qu’il a eu un effet déterminant sur la décision rendue en l’espèce.

 

[20]           Le défendeur soutient pour sa part que la divulgation n’était pas requise, et que l’agente n’a pas manqué à son obligation d’équité envers le demandeur. Selon le défendeur, l’agente s’est simplement fondée sur un dossier d’information mis à jour sur le Sri Lanka, comme elle avait le droit de le faire, et elle ne saurait se limiter aux pièces produites par le demandeur (se reporter à Hassaballa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 489, [2007] A.C.F. n° 658 (QL)). Le défendeur ajoute que le demandeur n’a pas été privé d’une occasion réelle de présenter pleinement ses arguments relatifs au risque, puisque le BBC News Country Profile était un document accessible au public qui renfermait des renseignements largement diffusés, et qu’on pouvait présumer que le demandeur et son avocat seraient au fait de son existence (Al Mansuri c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 22, [2007] A.C.F. n° 16 (QL)).

 

[21]           Dans l’arrêt Mancia, la Cour d’appel fédérale a clairement établi ce qu’exige l’équité procédurale lorsqu’un agent invoque un document provenant d’une source publique, qui concerne les conditions générales en vigueur dans un pays et qui est devenu accessible après le dépôt des observations. Pour se conformer à l’obligation d’équité, l’agent doit divulguer de tels documents lorsqu’ils sont « inédits et importants et qu’ils [font] état de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d’avoir une incidence sur sa décision » (paragraphe 28). 

 

[22]           Le demandeur soutient que l’agente aurait dû divulguer le BBC News Country Profile dont elle s’est servie. Dans ses motifs, l’agente a passé en revue deux éléments de preuve documentaire, l’un daté de 2008, l’autre de 2006, décrivant diverses violations des droits de la personne survenues au Sri Lanka et visant majoritairement des Tamouls. L’agente s’est ensuite exprimée comme suit : [traduction] « Je reconnais que la situation a évolué au Sri Lanka; toutefois, des événements récents font voir que le gouvernement exerce pratiquement désormais sa pleine autorité sur le pays. Je ne suis par ailleurs saisie d’aucune preuve objective démontrant que les citoyens tamouls font l’objet de la part du gouvernement sri lankais d’un déni systémique et continu de leurs droits fondamentaux de la personne ». L’agente a renvoyé au BBC News Country Profile au soutien de sa première assertion.

 

[23]           Il ressort manifestement des motifs que l’article a eu une forte incidence sur la décision de l’agente. Prêtant foi à la description faite dans le BBC News Country Profile de l’évolution de la situation au Sri Lanka, l’agente a fait abstraction à toutes fins utiles de tous les autres éléments de preuve documentaire présentés par le demandeur au soutien de sa demande d’asile. Cela diffère considérablement de la situation dans les affaires invoquées par le défendeur, où les documents en cause étaient des versions mises à jour de rapports soumis par les demandeurs d’asile, et où ceux-ci avaient aussi présenté d’autres documents portant sur des questions similaires. En l’espèce, le demandeur a produit une volumineuse preuve documentaire émanant de sources notoires, et il ne pouvait pas savoir qu’on en ferait abstraction sur la foi d’un seul article attestant de l’évolution de la situation dans le pays. J’estime comme le demandeur que l’agente a fait davantage que simplement s’appuyer sur un dossier d’information mis à jour sur le pays, de telle sorte qu’il n’a pu présenter pleinement et équitablement ses arguments. Je conclus donc que le document aurait du être divulgué et que le défaut de ce faire a constitué un manquement à l’obligation d’équité.

 

L’agente a-t-elle apprécié erronément les répercussions de l’évolution de la situation sur le fondement objectif de la crainte du demandeur?

[24]           Le demandeur soutient qu’un agent d’ERAR, tout comme la SPR, doit tenir compte de la durabilité du changement survenu dans la situation du pays et de la stabilité de la situation, avant de pouvoir conclure à une absence de risque (Boateng c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 479 (QL), 64 F.T.R. 197 (C.F. 1re inst.)). Le langage clair des motifs révèle, ajoute-t-il, que l’agente n’a pas évalué les répercussions du changement dans la situation du pays sur les risques courus par les jeunes hommes tamouls, et ne s’est pas penchée sur la durabilité de ce changement ni sur la stabilité de la situation. En outre, l’agente n’était saisie d’aucune preuve pouvant servir de fondement factuel à sa conclusion selon laquelle le changement de situation éliminerait la raison d’être de la crainte du demandeur.

 

[25]           Le défendeur soutient pour sa part que l’évaluation de la preuve relevait strictement du rôle de l’agente. En outre, dans la mesure où l’agente avait conscience de la situation générale dans le pays et du contexte entourant la demande d’asile du demandeur, la décision n’est pas susceptible de révision. Selon le défendeur, ce qu’allègue le demandeur, cela revient à demander à la Cour d’apprécier la preuve de nouveau; or, la Cour doit s’abstenir de le faire.

 

[26]           Vu ma conclusion relativement à la question précédente, j’estime que la présente question concerne non pas tant les répercussions du changement de situation dans le pays sur la crainte du demandeur, que la question de savoir comment l’agente aurait pu valablement apprécier la preuve sur les droits de la personne depuis ce changement sans véritablement disposer de la moindre preuve, le demandeur n’ayant jamais eu l’occasion de présenter de réponse. La Cour a statué que la SPR, avant de pouvoir conclure à une absence de risque en raison d’un changement survenu dans la situation du pays, doit tenir compte de la durabilité de ce changement et de la stabilité de la situation (se reporter à Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 290, [2008] A.C.F. n° 368 (QL)). En l’espèce, l’agente ne disposait d’aucun élément lui permettant d’évaluer cette question ni d’apprécier valablement la preuve, dans un sens ou dans l’autre, relativement au changement survenu dans la situation du pays et à ses répercussions possibles sur le demandeur.

     

[27]           Compte tenu de mes conclusions précédemment exposées, j’estime qu’il y a eu manquement à l’obligation d’équité.

 

[28]           On n’a proposé aucune question en vue de sa certification, et il n’y a aucune question à certifier en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est renvoyée à un agent nouvellement désigné pour qu’il statue à nouveau sur celle-ci. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                       IMM-2181-09

 

INTITULÉ :                                      MAHENDRAN, INDRAKUMAR

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :              LE 2 DÉCEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                             LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                      LE 4 DÉCEMBRE 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John W. Grice                                                                          POUR LE DEMANDEUR

 

Nimanthika Kaneira                                                                  POUR LES DÉFENDEURS

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John W. Grice                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

                                                                                               

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

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