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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20091118

Dossier : IMM-1414-09

Référence : 2009 CF 1173

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

PATRICIA GONZALEZ PEREA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR), datée du 26 février 2009, qui a rejeté la demande de protection de la demanderesse.

 

[2]               La décision faisant l’objet du contrôle est une nouvelle décision relative au premier ERAR de la demanderesse, daté du 19 juillet 2007, à la suite de l’ordonnance du juge Campbell rendue le 3 avril 2008 (Perea c. Canada (MCI), 2008 CF 432).

 

LES FAITS

Le contexte

[3]               La demanderesse est une citoyenne du Mexique, âgée de quarante (40) ans. Elle est arrivée au Canada le 2 juin 2001, en provenance du Mexique, et a présenté une demande d’asile le 15 novembre 2001. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande le 5 août 2004. Une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été rejetée. La SPR a également rejeté une demande sollicitant la réouverture de sa demande d’asile.

 

[4]               Le 24 février 2006, la demanderesse a présenté sa première demande d’ERAR, qui a été rejetée le 19 juillet 2007. À l’occasion d’un contrôle judiciaire, le juge Campbell énonce le fondement probatoire du premier ERAR de la demanderesse, aux paragraphes 2 et 3 de son ordonnance, datée du 3 avril 2008, qui annulait l’ERAR :

2        La demanderesse présente ainsi ce qu’elle prétend être sa nouvelle preuve :

 

[traduction]

Elle est ciblée par les attaques de son ami de cœur parce qu’elle l’a quitté et elle est depuis longtemps une victime de violence conjugale grave mettant sa vie en danger. Elle est également ciblée par son ami de cœur parce qu’elle a des preuves qu’il est un « madrina » qui pratique l’enlèvement de personnes, la torture et divers actes de violence pour le compte du gouvernement mexicain ou de la police judiciaire. Elle a tenté de le dénoncer auprès du bureau du procureur général, ce qui a rendu impossible le retour dans son pays en raison de la menace à sa vie à laquelle elle serait exposée.

 

[…]

 

 

3        La preuve nouvelle déposée par la demanderesse concerne le meurtre de son oncle en avril 2005 au Mexique. La demanderesse a présenté l’argument suivant à l’agent d’ERAR : le meurtre était directement lié à sa crainte du risque qu’elle pourrait courir. Elle a fondé son argument sur le témoignage du partenaire de son oncle, M. Morales. Ce dernier avait témoigné devant la Section, mais devant l’agent d’ERAR, il a présenté une preuve nouvelle selon laquelle environ 10 jours avant le meurtre de l’oncle, il avait été agressé et menacé par qui il croyait être la police judiciaire ou la police ministérielle, qui tentait de savoir où se trouvait la demanderesse. M. Morales a informé le procureur général de la justice du Mexique de cet incident au moyen d’une lettre en date du 8 avril 2005. De plus, pour appuyer la demande de protection que la demanderesse fondait sur la preuve nouvelle, M. Flores, un membre d’un parti politique qui l’avait aidée à fuir le Mexique, a rédigé une lettre confirmant que la police judiciaire avait abattu l’oncle parce qu’il n’avait pas révélé l’endroit où se trouvait la demanderesse; il prévoit que la demanderesse subira le même sort si elle retourne au Mexique.

 

 

[5]               Le juge Campbell a statué que l’agent d’ERAR avait omis de faire une appréciation indépendante du témoignage de M. Morales, choisissant plutôt de s’appuyer sur les opinions exprimées par la SPR. La Cour a de plus jugé que contester le témoignage de M. Flores au motif qu’il n’était pas une partie désintéressée, sans le prendre dûment en compte, constituait une erreur susceptible de contrôle (Perea, précitée, au paragraphe 7).

 

[6]               En juillet 2008, on a avisé la demanderesse qu’elle pouvait déposer une deuxième demande d’ERAR, et on l’a invitée à présenter des observations et à déposer de nouveaux éléments de preuve.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[7]               Le 26 février 2009, l’agent d’ERAR a rejeté la deuxième demande d’ERAR de la demanderesse.

 

[8]               À la page 4 de la décision d’ERAR, l’agent a déclaré que la SPR avait conclu que les risques invoqués par la requérante concernant son ancien conjoint de fait n’étaient pas crédibles en raison des incohérences et des contradictions de la preuve, et que le comportement de la demanderesse était incompatible avec les allégations de risque.

 

[9]               Les observations présentées dans le cadre de l’ERAR comportaient des documents qui décrivaient les problèmes auxquels étaient exposés l’oncle de la demanderesse et son partenaire de même sexe en avril 2005 de la part de l’ancien conjoint de fait de la demanderesse qui la recherchait. La demanderesse a présenté un affidavit, daté du 15 novembre 2005, de M. Fransisco Rico-Martinez, du Centre de réfugiés des Fidèles Compagnes de Jésus à Toronto, qui avait entrepris une mission de recherche des faits au Mexique pour se renseigner sur la violence conjugale à l’encontre des femmes et le danger auquel s’exposent les femmes qui tentent de fuir leur conjoint violent, comme dans le cas de la demanderesse.

 

[10]           L’agent d’ERAR a exprimé plusieurs réserves concernant la preuve. Premièrement, un article de journal décrivant une agression contre l’oncle de la demanderesse ne mentionnait étrangement pas la mort de celui-ci, même si l’article avait été publié après l’incident. Deuxièmement, M. Flores, l’auteur de la lettre présentée, n’avait pas une connaissance directe du meurtre allégué de l’oncle. Troisièmement, il existe peu d’éléments de preuve pour lier les circonstances du décès de l’oncle au risque déclaré par la demanderesse. Quatrièmement, il était invraisemblable que l’oncle de la demanderesse et son partenaire aient continué à vivre à Acapulco pendant la période des menaces à leur sécurité et le meurtre de l’oncle si l’ancien conjoint de fait de la demanderesse était vraiment aussi dangereux qu’on le dit. Cinquièmement, le meurtre de l’oncle aurait tout aussi bien pu avoir été commis par des criminels déguisés, une pratique qui n’est pas inhabituelle au Mexique. Sixièmement, l’agent n’était pas en mesure de comprendre tout le contenu de la lettre originale du médecin, parce qu’aucune traduction n’y était jointe.

 

[11]           Le fait que la demanderesse a été en mesure de partir par ses propres moyens avec son propre passeport, de communiquer avec M. Morales et son oncle au fil des ans et d’éviter d’être découverte par son ancien conjoint de fait était invraisemblable, de l’avis de l’agent.

 

[12]           L’agent a déterminé que, de toute manière, la question déterminante devant la SPR était la possibilité de refuge intérieur (la PRI). La demanderesse était par conséquent tenue d’aborder cette question à l’étape de l’ERAR.

 

[13]           La demanderesse n’a pas traité de la question de PRI dans ses observations présentées à l’égard de l’ERAR. L’agent a comparé les éléments de preuve et a décidé que les documents récents sur la situation dans le pays devaient être préférés à l’affidavit de M. Rico-Martinez, qui avait entrepris une mission de recherche des faits au Mexique et établi qu’il n’existait pas de PRI pour les femmes qui avaient auparavant été victimes de violence. Les documents objectifs sur la situation dans le pays ne traitaient pas de la question de la possibilité que les femmes victimes de violence soient retrouvées par les auteurs des actes de violence.

 

[14]           L’agent a déterminé que la preuve fournie n’était pas suffisante pour réfuter la viabilité et le caractère raisonnable des PRI déterminées par la SPR.

 

[15]           L’agent d’ERAR a conclu que, puisqu’il existait une PRI, la demanderesse ne répondait pas aux exigences en matière de protection, sous le régime des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

LES Dispositions législatives

[16]           L’article 96 de la LIPR accorde la protection aux personnes qui sont des réfugiés au sens de la Convention :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions

politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette

crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa

résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

[17]           L’article 97 de la LIPR accorde la protection aux personnes exposées personnellement à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités ou à un risque d’être soumises à la torture :

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au

sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans

le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires

de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not

have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning

of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the

protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard

of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

[18]           L’alinéa 113a) de la LIPR permet à un demandeur d’ERAR de ne présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de la demande d’asile. L’alinéa 113b) permet au ministre de tenir une audience :

113. Il est disposé de la demande comme il

suit :

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter

que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

[…]

113. Consideration of an application for protection

shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only

new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected

in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

[19]           Le paragraphe 161(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés exige que le demandeur désigne les nouveaux éléments de preuve :

[…]

 

(2) Il désigne, dans ses observations écrites, les éléments de preuve qui satisfont aux exigences prévues à l’alinéa 113a) de la Loi et indique dans quelle mesure ils s’appliquent dans son cas.

 

(2) A person who makes written submissions must identify the evidence presented

that meets the requirements of paragraph 113(a) of the Act and indicate how that evidence relates to them.

 

LA Question en litige

[20]           La demanderesse soulève la question suivante :

1.      L’agent d’ERAR a‑t‑il mal appliqué, dans le cadre de la deuxième demande d’ERAR, l’alinéa 113a) de la LIPR et l’appréciation de la « protection de l’État » aux faits et circonstances propres à la demanderesse?

 

[21]           La Cour conclut que la question à trancher en l’espèce est la suivante :

                        L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en concluant à l’existence d’une PRI raisonnablement viable?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[22]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, au paragraphe 62, la Cour suprême du Canada a statué que la première étape d’une analyse relative à la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». (Voir aussi Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, le juge Binnie, au paragraphe 53.)

[23]           La question de la PRI concerne le poids relatif accordé à la preuve, l’interprétation et l’appréciation de cette preuve ainsi que la question de savoir si, en rendant sa décision, l’agent a adéquatement pris en compte l’ensemble de la preuve. Il est clair qu’à la suite des arrêts Dunsmuir et Khosa, ces questions doivent être examinées selon la norme de la raisonnabilité [voir mes décisions Christopher c. Canada (MCI), 2008 CF 964, Ramanathan c. Canada (MCI), 2008 CF 843, et Erdogu c. Canada (MCI), 2008 CF 407, [2008] A.C.F. no 546 (QL)]. La jurisprudence récente a réaffirmé que la norme de contrôle des questions touchant la protection de l’État ou la possibilité de refuge intérieur est la raisonnabilité (Okpiaifo c. Canada (MCI), 2009 CF 906, le juge suppléant Tennenbaum, au paragraphe 9).

 

[24]           En utilisant la norme de la raisonnabilité pour contrôler la décision de l’agent, la Cour prendra en compte « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu[e] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (Dunsmuir, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59.)

 

ANALYSE

La question en litige :            L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en concluant à l’existence d’une PRI raisonnablement viable?

[25]           La demanderesse soutient que l’agent d’ERAR a commis une erreur en concluant qu’elle disposait d’une PRI viable à Mazatlán, à Guadalajara ou à Monterrey.

 

[26]           En l’espèce, la demanderesse a négligé de présenter des observations sur la question d’une PRI même si la SPR l’avait avisée que la question concernant une PRI existait toujours. La demanderesse a choisi d’aborder les conclusions de la SPR quant au risque et de s’appuyer sur le profil prétendu de son ancien conjoint de fait à titre d’agent de l’État pour affirmer qu’aucune PRI ne serait viable. L’agent d’ERAR a décidé que, si son ancien conjoint de fait, en qualité d’agent de l’État, pouvait la retracer n’importe où au Mexique, il aurait su qu’elle avait quitté le pays huit ans auparavant, en utilisant son propre passeport, et n’aurait pas ennuyé l’oncle de la demanderesse, maintenant décédé, ou le partenaire de même sexe de l’oncle. Il était raisonnablement loisible à l’agent d’ERAR de tirer cette conclusion. De plus, la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver qu’elle était toujours recherchée huit ans après avoir fui ou que son ancien conjoint de fait pourrait la retrouver dans l’une des trois PRI.

 

L’ordonnance du juge Campbell

[27]           L’ordonnance du juge Campbell, datée du 3 avril 2008, a annulé la première décision d’ERAR relative à la demanderesse pour les motifs suivants : (1) le premier agent d’ERAR a conclu que le témoignage de M. Morales n’était pas crédible, parce que la SPR avait jugé qu’il n’était pas une [traduction] « partie désintéressée » quant à la demande de la demanderesse. Le juge Campbell a statué que l’agent d’ERAR n’avait pas procédé à une appréciation indépendante de la nouvelle preuve de M. Morales, mais qu’il s’en était simplement rapporté à l’opinion exprimée par la SPR; (2) l’agent d’ERAR n’a pas accepté la preuve de M. Flores, parce qu’il n’était pas considéré comme une [traduction] « partie désintéressée » quant à la demande de la demanderesse. Le juge Campbell a statué qu’il était injuste d’ignorer cette preuve parce que M. Flores n’était pas « désintéressé ». Cette preuve concernait le risque auquel était exposée la demanderesse dans son État d’origine, et non les PRI déterminées par la SPR.

 

[28]           De manière générale, le juge Campbell a conclu que le premier agent d’ERAR avait analysé la preuve de la demanderesse « de manière suspicieuse » et qu’il s’était « fondé sur un critère [le témoin désintéressé] quasi impossible à respecter ». Voici ce qu’a déclaré le juge Campbell au paragraphe 7 :

[…] À mon avis, dire avec désinvolture qu’aucune valeur ne doit être accordée au témoignage de ces personnes parce qu’elles ne sont pas des parties désintéressées quant à la demande de la demanderesse est une approche particulièrement injuste à adopter.

 

 

[29]           Pour ces motifs, le juge Campbell a annulé la première décision d’ERAR et renvoyé l’affaire à un autre agent d’ERAR pour qu’il statue à nouveau sur celle‑ci. La Cour est maintenant saisie du contrôle judiciaire de la décision de ce deuxième agent d’ERAR, mais sur une question non liée à la preuve sur laquelle s’est appuyé le juge Campbell pour rendre sa décision.

 

La deuxième décision d’ERAR

 

[30]           La deuxième décision d’ERAR compte 14 pages. Elle est exhaustive. La deuxième décision d’ERAR a examiné l’analyse de trois pages de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité, laquelle a conclu que la demanderesse n’était pas crédible pour des motifs détaillés. L’agent d’ERAR peut uniquement examiner les nouveaux éléments de preuve qui sont survenus après la décision de la Section de la protection des réfugiés.

 

[31]           La partie importante et déterminante de la deuxième décision de l’agent d’ERAR se trouve à la page 7 de la décision :

[traduction]

 

[…] Ce qui n’est pas clair, c’est la raison pour laquelle, presque huit ans plus tard, son ancien conjoint de fait souhaiterait la retracer ou lui faire du mal.

 

Ensuite, l’agent d’ERAR déclare que, même en acceptant que l’ancien conjoint de fait s’intéresse toujours à elle et qu’il continue à menacer ses proches, la conclusion déterminante de la Section était qu’il existait, pour la demanderesse, une PRI au Mexique. La décision d’ERAR énonce ce qui suit à la page 8 :

[traduction]

 

La demanderesse et son avocat doivent se pencher sur cette conclusion en présentant une preuve de nouveaux développements dans la situation personnelle de la demanderesse ou dans la situation du pays, de sorte que la PRI n’existe plus pour elle.

 

[32]           Concernant la question de la PRI, l’agent d’ERAR a conclu comme suit :

1.        Il n’y avait aucune preuve de la présence de nouveaux risques relativement à la conclusion de la SPR selon laquelle il existait une PRI pour la demanderesse.

2.        Aucun poids n’a été accordé à l’affidavit de Francisco Rico-Martinez, qui a effectué une mission de recherche des faits d’une semaine au Mexique, parce que son auteur n’avait aucune expertise ni aucune connaissance de la situation au Mexique, outre sa visite d’une semaine dans ce pays, et que son affidavit ne contenait aucun renseignement concernant de nouveaux développements au Mexique relativement aux PRI.

3.        L’agent d’ERAR a soupesé cet affidavit, mais ne lui a pas accordé plus de poids qu’aux rapports récents sur la situation du pays qui n’indiquent aucun changement dans la situation de ce pays au regard d’une PRI pour la demanderesse.

4.        L’agent d’ERAR a rejeté les énoncés de l’affidavit concernant la [traduction] « possibilité de retracer les femmes victimes de violence », parce qu’ils n’étaient pas corroborés par d’autres rapports sur le pays. L’agent d’ERAR a conclu que si les autorités mexicaines, y compris la police, aidaient les auteurs de violence à retrouver leurs victimes dans d’autres régions du Mexique, il était raisonnable de supposer que ces incidents seraient consignés dans les rapports sur la situation du pays traitant de la violence conjugale.

5.        Sans devoir se prononcer sur la question de savoir si l’agresseur allégué de la demanderesse était un [traduction] « agent de l’État » ayant des accointances, si l’agresseur était un agent de l’État avec des accointances, il aurait réalisé que la demanderesse avait quitté le Mexique huit ans auparavant en utilisant son propre passeport et qu’elle était en communication avec les membres de sa famille depuis qu’elle avait quitté le pays.

6.        À la page 10 de la décision, l’agent d’ERAR a conclu comme suit :

[traduction]

 

Je conclus, à l’instar de la Commission, qu’il est raisonnable que la demanderesse soit en mesure de se rendre dans une région où elle n’est pas connue et de se réinstaller sans que son ancien conjoint de fait puisse la trouver. Si la demanderesse retournait dans son pays, il serait raisonnable de supposer que son ancien conjoint de fait ne serait même pas au courant de son retour au pays, et encore moins dans quelle ville elle se trouverait, d’autant plus que, depuis plus de sept ans, il ne semble pas savoir que la demanderesse est au Canada.

 

 

[33]           Selon la norme de contrôle de la raisonnabilité, je suis d’avis qu’il était raisonnablement loisible à l’agent d’ERAR de tirer cette conclusion quant à la PRI et que, pour ce motif, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

Question À certifieR

[34]           Les deux parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulevait pas de question grave de portée générale à certifier. La Cour est d’accord.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1414-09

 

INTITULÉ :                                       PATRICIA GONZALEZ PEREA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 27 octobre 2009

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       le 18 novembre 2009

 

 

 

Comparutions :

 

Robert Blanshay

 

Pour la demanderesse

Ada Mok

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert I. Blanshay

Avocat

 

Pour la demanderesse

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

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