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Date : 20091102

Dossier : T-662-09

Référence : 2009 CF 1120

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Mainville

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

 

ELIE SAMIH TAKLA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Il s'agit d'un appel par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le « ministre »), en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté et des dispositions législatives et réglementaires connexes, d'une décision d'un juge de la citoyenneté d'attribuer la citoyenneté canadienne au défendeur.

 

Les faits et la décision portée en appel

[2]               Les faits pertinents à l'appel ne sont pas contestés.

 

[3]               Le défendeur, M. Elie Samih Takla, est un citoyen du Liban. Il est ingénieur et travaille dans un domaine spécialisé lié à l'industrie pétrolière. Lui et sa famille ont obtenu la résidence permanente au Canada le 21 avril 2002, et ils sont arrivés au Canada pour y résider le 16 août 2003.

 

[4]               L'épouse et les enfants du défendeur ont tous aujourd'hui la citoyenneté canadienne puisqu'ils ont réussi à répondre à toutes les exigences de la Loi à cet égard, y compris les exigences concernant la période de résidence au Canada.

 

[5]               Par contre, lorsque le défendeur a déposé sa demande de citoyenneté, le 26 septembre 2006, il a déclaré n'avoir séjourné que 597 jours au Canada dans les quatre années qui ont précédé sa demande.

 

[6]               Sa demande fut donc remise à un juge de la citoyenneté et, par une décision datée du 26 février 2009, la demande de citoyenneté du défendeur fut approuvée. Le juge de la citoyenneté a tenu compte des six critères établis dans la décision Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27 (C.F. 1re inst.).

 

[7]               Selon le constat du juge de la citoyenneté, les absences du défendeur sont presque toutes liées à son travail d'ingénieur spécialisé. En effet, le travail spécialisé du défendeur requiert de nombreux voyages à l'étranger afin de servir les clients de son employeur. Ses voyages l'amènent à séjourner longuement en divers pays, dont la France, les Émirats arabes unis, l'Iran, le Liban, la Tunisie, l'Algérie, la Grande‑Bretagne, la Russie, l'Espagne et la Norvège. Les voyages du défendeur sont surtout en Afrique du Nord et en France, puisque son employeur a son siège à Alger.

 

[8]               Le juge de la citoyenneté a constaté que le défendeur n'a qu'une seule résidence permanente, laquelle est située au Canada, où résident son épouse et ses enfants et à laquelle le défendeur retourne à la fin de chacun de ses nombreux voyages d'affaires. La résidence du défendeur au Canada est une maison dont il est propriétaire; il a aussi acquis d'autres biens immeubles au Canada à titre de placements. Son épouse travaille au Canada et ses enfants y étudient. Le défendeur paye ses impôts au Canada sur ses revenus mondiaux.

 

[9]               Le juge de la citoyenneté conclut donc comme suit : « On balance, the quality of the applicant's connection to Canada is higher than to any other country. Canada has become the applicant's home. Indeed the applicant is what Canada is all about. As such, the applicant, according to the jurisprudence settled by Madame Justice Reed in Re Koo, has met the residence requirements of s. 5(1)(c) of the Act. » (Somme toute, les liens qu'a le demandeur avec le Canada sont plus forts que ses liens avec tout autre pays. Le Canada est devenu le pays du demandeur. En fait, le demandeur illustre l'essence même du Canada. Le demandeur a donc satisfait à l'exigence de résidence à l'alinéa 5(1)c) de la Loi selon la jurisprudence du juge Reed dans l'affaire Koo.)

 

Les positions des parties

[10]           Le ministre conteste cette décision du juge de la citoyenneté au motif que le juge a erré en concluant que le défendeur satisfaisait à l'exigence de résidence prévue par la Loi et qu'il a mal appliqué l'approche à cet égard établie par la Cour fédérale dans l'affaire Koo, précitée. De plus, le ministre reproche au juge de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision. Le ministre est donc d'avis que la décision du juge de la citoyenneté dans ce cas-ci est déraisonnable.

 

[11]           Le procureur du ministre note que le défendeur n'a même pas accumulé 730 jours de présence physique au Canada au cours des cinq années ayant précédé la demande de citoyenneté, de sorte que, dans ce cas‑ci, même les exigences de présence physique au Canada prévues aux paragraphes 28(1) et (2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, reproduits en annexe, ne sont pas encore atteintes. Selon le procureur du ministre, l'interprétation des dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés doit être cohérente avec l'interprétation des dispositions relatives à l'acquisition de la citoyenneté de la Loi sur la citoyenneté.

 

[12]           Le défendeur, lequel se représente lui-même, soutient qu'il s'est bien établi au Canada avec sa famille, mais que ses obligations professionnelles l'obligent à voyager de façon constante hors du pays afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

 

[13]           Le défendeur n'entrevoit pas dans un avenir prévisible être physiquement présent au Canada trois années sur quatre,  mais il dit être en mesure de répondre au critère de deux années de présence physique pendant cinq années prévu par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin de maintenir son statut de résident permanent.

 

[14]           Le défendeur souhaite néanmoins acquérir la citoyenneté canadienne, et il soutient que la décision du juge de la citoyenneté devrait donc être maintenue à son égard vu son établissement au Canada et le fait qu'il ne séjourne de façon aussi constante dans aucun autre pays que le Canada.

 

Les dispositions législatives pertinentes

[15]           Les dispositions législatives pertinentes sont la définition du mot « Cour » au paragraphe 2(1) de la Loi sur la citoyenneté, ainsi que le paragraphe 5(1), l'alinéa 14(1)a), les paragraphes 14(2), (5) et (6), l'article 16 et le paragraphe 26(1) de cette loi, les articles 18.5 et 21 de la Loi sur les Cours fédérales, l'alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales et les paragraphes 28(1) et (2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ces dispositions sont reproduites en annexe.

 

La norme de contrôle applicable – Introduction

[16]           S'appuyant sur certaines décisions de la Cour fédérale, le procureur du ministre suggère que la norme de contrôle applicable au présent appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté est celle de la décision raisonnable.

 

[17]           Cette approche mérite plusieurs précisions et commentaires en raison du régime particulier d'appel en cause.

 

[18]           Le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, reproduit en annexe, prévoit explicitement qu'on peut interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté à la Cour fédérale. L'article 21 de la Loi sur les Cours fédérales le prévoit également. L'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit expressément qu'il ne peut y avoir de révision judiciaire par la Cour fédérale d'une décision qui peut être portée en appel en vertu d'une loi fédérale. De plus, l'article 16 de la Loi sur la citoyenneté enlève toute compétence à la Cour d'appel fédérale pour entendre et juger une demande de révision judiciaire dans de tels cas.

 

[19]           Le législateur a donc clairement et expressément prévu qu'il s'agit ici d'un appel et non d'une révision judiciaire : voir les décisions de la Cour fédérale dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 164 F.T.R. 177, [1999] A.C.F. no 410 (QL), au par. 9; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chiu,  [1999] A.C.F. no 896 (QL), au par. 8; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Sun,  191 F.T.R. 62, [2000] A.C.F. no 812 (QL), au par. 2; et Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1536, [2006] A.C.F. no 1923 (QL), au par. 38.

 

[20]           Néanmoins, la norme de contrôle à appliquer lors de l'appel d'une décision d'un tribunal administratif n'est pas toujours simple à déterminer. Dans le contexte juridique découlant de la décision Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, il y a lieu de procéder à une réévaluation de la détermination de la norme de contrôle applicable à l'appel de la décision d'un juge de la citoyenneté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[21]           Avant la décision Dunsmuir, précitée, la jurisprudence nettement majoritaire de la Cour fédérale était que la norme de contrôle applicable lors d'un appel sur la question de savoir si le demandeur satisfaisait à l'exigence de résidence était celle de la décision raisonnable simpliciter : Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), précité; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 85, au par. 6; Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1641, au par. 5; Eltom c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1555, [2005] A.C.F. no 1979 (QL), au par. 14; Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 981, [2005] A.C.F. no 1204 (QL); Morales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 778, [2005] A.C.F. no 982 (QL), au par. 6; Xu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 700, au par. 13; Zeng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1752, [2004] A.C.F. no 2134 (QL); Gunnarsson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1594, [2004] A.C.F. no 1915 (QL), aux par. 19 à 21; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Fu, 2004 CF 60, au par. 7; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chang, 2003 CF 1472.

 

[22]           La norme de contrôle qu'appliquait généralement la Cour fédérale dans les appels des décisions des juges de la citoyenneté se rapprochait souvent de la norme de l'« erreur manifeste et dominante » qui caractérise les appels sur les questions de fait. Comme le signalait à juste titre le juge Lutfy (maintenant juge en chef) dans l'affaire Lam, précitée, au par. 33 :

La justice et l'équité, tant pour les demandeurs de citoyenneté que pour le ministre, appellent la continuité en ce qui concerne la norme de contrôle pendant que la Loi actuelle est encore en vigueur et malgré la fin des procès de novo. La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte. Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition.

 

 

 

[23]           Depuis la décision Dunsmuir, précitée, les décisions de la Cour fédérale favorisent pour la plupart l'application de la norme de contrôle de la décision raisonnable lors d'un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tarfi, 2009 CF 188, [2009] A.C.F. no 244 (QL), au par. 8; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Zhou, 2008 CF 939, [2008] A.C.F. no 1170 (QL), au par. 7; et Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 483, 167 A.C.W.S. (3d) 38, au par. 8.

 

[24]           Quoique je sois également d'avis que la norme de la décision raisonnable s'applique en l'espèce, au regard des enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Dunsmuir, l'application de cette norme n'est pas uniforme et varie selon l'analyse que doit faire la Cour en vertu de cette décision. En raison de l'analyse qui suit, je suis d'avis que la norme de contrôle de la décision raisonnable appelle ici une déférence restreinte lorsque la cour est saisie d'un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté.

 

La norme de contrôle applicable — Analyse

[25]           Presque toutes les décisions de la Cour fédérale appliquaient, avant Dunsmuir, la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter aux appels des décisions des juges de la citoyenneté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté. Cette norme de la décision raisonnable simpliciter découlait des principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans une série de décisions, notamment : Bell Canada c. Canada (CRTC), [1989] 1 R.C.S. 1722; Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; et Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226.

 

[26]           La question soulevée dans tous ces jugements était celle des appels des décisions des tribunaux administratifs spécialisés. La Cour suprême du Canada devait décider si la retenue judiciaire s'imposait même si la loi en cause prévoyait un droit d'appel des décisions de ces tribunaux et ne protégeait pas leurs décisions par une clause privative. Dans ces quatre décisions, la Cour suprême du Canada était d'avis qu'une norme de contrôle particulière s'appliquait dans de telles circonstances, norme à laquelle elle a donné le nom de norme de la décision « raisonnable simpliciter ».

 

[27]           La Cour suprême du Canada a également noté que cette norme particulière se rapprochait de la norme de contrôle applicable aux appels à l'encontre des conclusions de fait des juges de première instance. Il ne fait aucun doute que cette norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter a fait l'objet de nombreuses critiques et de controverses. Les motifs qui ont poussé la Cour suprême du Canada à établir une nouvelle norme de contrôle plutôt que d'appliquer dans de tels cas la norme de contrôle bien connue applicable aux appels semblent liés à la volonté de respecter l'expertise et la spécialisation de ces tribunaux. Ainsi, dans Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), précité, la norme applicable lors d'un appel d'une décision de la commission des valeurs mobilières fut établie comme suit à la page 591 de cette décision :

[...] D'une part, il existe en l'espèce un droit d'appel conformément à l'art. 149 de la Loi. D'autre part, il s'agit d'un appel contre la décision d'un tribunal très spécialisé sur une question qui, peut‑on soutenir, touche directement le mandat et l'expertise que lui confère le texte réglementaire.

 

L'arrêt de notre Cour Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722 (Bell Canada), est tout particulièrement utile en l'espèce puisqu'il portait sur un droit d'appel prévu par la loi plutôt que sur une demande de contrôle judiciaire. Le juge Gonthier, s'exprimant au nom de notre Cour, affirme, aux pp. 1745 et 1746 :

 

Il va de soi que la compétence d'un tribunal saisi d'un appel est beaucoup plus large que celle d'un tribunal qui exerce un contrôle judiciaire. En principe, le tribunal saisi d'un appel a le droit d'exprimer son désaccord avec le raisonnement du tribunal d'instance inférieure.

 

Toutefois, dans le contexte d'un appel prévu par la loi d'une décision d'un tribunal administratif, il faut de plus tenir compte du principe de la spécialisation des fonctions. Bien qu'un tribunal d'appel puisse être en désaccord avec le tribunal d'instance inférieure sur des questions qui relèvent du pouvoir d'appel prévu par la loi, les tribunaux devraient faire preuve de retenue envers l'opinion du tribunal d'instance inférieure sur des questions qui relèvent parfaitement de son champ d'expertise. [Je souligne.]

 

Par conséquent, même lorsqu'il n'existe pas de clause privative et que la loi prévoit un droit d'appel, le concept de la spécialisation des fonctions exige des cours de justice qu'elles fassent preuve de retenue envers l'opinion du tribunal spécialisé sur des questions qui relèvent directement de son champ d'expertise. [...]

 

 

[28]           La Cour suprême devait noter dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., précité, que cette norme particulière dite de la décision raisonnable simpliciter devait également s'appliquer aux appels à la Cour d'appel fédérale des décisions du Tribunal de la concurrence, tout en notant ce qui suit aux paragraphes 59 et 60 :

La norme de la décision raisonnable simpliciter se rapproche également de la norme que notre Cour a déclaré applicable pour le contrôle des conclusions de fait des juges de première instance. Dans Stein c. « Kathy K » (Le navire), [1976] 1 R.C.S. 802, à la p. 806, le juge Ritchie a décrit la norme dans les termes suivants :

 

... il est généralement admis qu'une cour d'appel doit se prononcer sur les conclusions tirées en première instance en recherchant si elles sont manifestement erronées et non si elles s'accordent avec l'opinion de la Cour d'appel sur la prépondérance des probabilités. [Je souligne.]

 

Même d'un point de vue sémantique, le rapport étroit entre le critère de la décision « manifestement erronée » et la norme de la décision raisonnable simpliciter est évident. [...] Parce que le critère de la décision manifestement erronée est bien connu des juges au Canada, il peut leur servir de guide dans l'application de la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

 

[29]           La norme de la décision raisonnable simpliciter semblait donc se rapprocher sensiblement de la norme de contrôle normalement applicable en appel des conclusions de fait et des inférences factuelles d'une décision de première instance, en y ajoutant un degré additionnel de déférence vu le rôle spécialisé généralement attribué à un tribunal administratif. La juge Abella a récemment décrit la norme de révision en appel des conclusions de fait et des inférences factuelles dans Rick c. Brandsema, [2009] 1 R.C.S. 295, au par. 30 :

[...] Pour cette raison, les conclusions de fait et les inférences factuelles tirées pendant le procès ne sauraient être écartées que si une « erreur manifeste ou dominante » a été commise, ou si le juge du procès a commis des erreurs fondamentales dans la qualification ou l'appréciation de la preuve (Stein c. Le navire « Kathy K », [1976] 2 R.C.S. 802, p. 808; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 10‑18; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401, par. 52‑76).

 

 

[30]           La norme de la décision raisonnable simpliciter a été fondue dans la norme de la décision raisonnable en raison de la décision Dunsmuir, mais il est utile de rappeler que ce faisant, la Cour suprême n'a pas écarté les principes sous‑jacents de cette norme. La majorité des juges de la Cour se sont d'ailleurs exprimés comme suit à cet égard aux paragraphes 44, 45 et 48 (nous soulignons) :

Nous rappelons que la norme intermédiaire de la raisonnabilité simpliciter a été formulée dans l'arrêt Southam de nombreuses années après celle du manifestement déraisonnable. Elle visait à remédier aux problèmes que voyait la Cour dans le fonctionnement du contrôle judiciaire au Canada, notamment le tout ou rien apparent en matière de déférence, et à moduler davantage le mécanisme de révision (voir également L. Sossin et C. M. Flood, « The Contextual Turn: Iacobucci's Legacy and the Standard of Review in Administrative Law » (2007), 57 U.T.L.J. 581). Toutefois, les difficultés analytiques soulevées par l'application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l'existence de normes de contrôle multiples. Même si nous sommes d'avis que le modèle des trois normes est trop difficile à appliquer pour que son maintien soit justifié, nous estimons qu'aujourd'hui, plusieurs années après l'arrêt Southam, supprimer simplement la norme de la raisonnabilité simpliciter et revenir à l'état antérieur à cet arrêt constituerait un recul. Selon nous, la solution aux problèmes que la Cour a tenté de résoudre dans l'arrêt Southam en introduisant la norme intermédiaire réside dans l'application non pas de trois, mais de deux normes, convenablement circonscrites.

 

Nous concluons donc qu'il y a lieu de fondre en une seule les deux normes de raisonnabilité. Il en résulte un mécanisme de contrôle judiciaire emportant l'application de deux normes — celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Or, la nouvelle approche ne sera plus simple et plus facile à appliquer que si les concepts auxquels elle fait appel sont bien définis.

 

[...]

 

 

L'application d'une seule norme de raisonnabilité n'ouvre pas la voie à une plus grande immixtion judiciaire ni ne constitue un retour au formalisme d'avant l'arrêt Southam. À cet égard, les décisions judiciaires n'ont peut‑être pas exploré suffisamment la notion de déférence, si fondamentale au contrôle judiciaire en droit administratif. Que faut‑il entendre par déférence dans ce contexte? C'est à la fois une attitude de la cour et une exigence du droit régissant le contrôle judiciaire. Il ne s'ensuit pas que les cours de justice doivent s'incliner devant les conclusions des décideurs ni qu'elles doivent respecter aveuglément leurs interprétations. Elles ne peuvent pas non plus invoquer la notion de raisonnabilité pour imposer dans les faits leurs propres vues. La déférence suppose plutôt le respect du processus décisionnel au regard des faits et du droit. [...]

 

 

[31]           Pour déterminer la norme de contrôle applicable, la Cour suprême du Canada nous invite à faire une analyse en deux étapes. « Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » (Dunsmuir, au par. 62). Ici, comme nous l'avons noté ci‑dessus, la nette majorité des décisions de la Cour fédérale soutenait que la norme de contrôle applicable lors d'un appel en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté sur la question de savoir si le demandeur satisfaisait à l'exigence de la période de résidence était celle de la décision raisonnable simpliciter. Or, cette norme se rapprochait de la norme de contrôle applicable aux appels des conclusions de fait des juges de première instance. Dans ce contexte, appliquer ici la norme de la décision raisonnable sans plus d'analyse ne m'apparaît pas satisfaisant.

 

[32]           La Cour suprême du Canada nous invite plutôt à pousser l'analyse à une deuxième étape, soit l'analyse des éléments qui permettent d'arrêter la bonne norme de contrôle (Dunsmuir, au par. 64) :

L'analyse doit être contextuelle. Nous rappelons que son issue dépend de l'application d'un certain nombre de facteurs pertinents, dont (1) l'existence ou l'inexistence d'une clause privative (2) la raison d'être du tribunal administratif suivant l'interprétation de sa loi habilitante, (3) la nature de la question en cause et (4) l'expertise du tribunal administratif. Dans bien des cas, il n'est pas nécessaire de tenir compte de tous les facteurs, car certains d'entre eux peuvent, dans une affaire donnée, déterminer l'application de la norme de la décision raisonnable.

 

 

[33]           Ici, aucune clause privative n'est prévue dans la Loi sur la citoyenneté. Les décisions des juges de la citoyenneté sont plutôt soumises à un droit général d'appel à la Cour fédérale qui n'exige aucune autorisation d'appel. La raison d'être des juges de la citoyenneté aux termes du paragraphe 14(1) de la Loi sur la citoyenneté est d'examiner les demandes de citoyenneté et de décider si les conditions du paragraphe 5(1) de cette loi sont remplies. Les questions en cause dans de tels cas sont essentiellement des questions de fait ou des questions mixtes de droit et de fait. Les juges de la citoyenneté n'ont pas d'expertise spécialisée : aucune formation ou expertise particulière n'est requise en vertu de la Loi sur la citoyenneté, celle‑ci prévoyant simplement au paragraphe 26(1) que le « gouverneur en conseil peut nommer tout citoyen juge de la citoyenneté ».

 

[34]           Les juges de la citoyenneté n'ont pas le même degré d'expertise ou de spécialisation que le CRTC, la commission des valeurs mobilières, le Tribunal de la concurrence ou le collège des médecins qui ont fait l'objet des décisions Bell Canada c. Canada (CRTC), Pezim c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Brokers), Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., et Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, précitées. Néanmoins le Parlement a confié une tâche spécialisée aux juges de la citoyenneté et il convient de respecter ce choix dans le cadre de l’appel d’une décision d’un tel juge.

 

[35]           Plusieurs facteurs militent en faveur de la norme de la décision correcte lorsque cette cour

est saisie d’un appel d’une décision d’un juge de la citoyenneté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté. Cependant le respect du choix du Parlement de confier une tâche spécialisée à ces juges incite à plutôt choisir la norme de contrôle de la décision raisonnable, dans la mesure que la déférence qui se rattache à cette norme soit suffisamment souple pour répondre au contexte particulier de ces appels.

 

[36]           En effet, l'application de la norme de la décision raisonnable doit être suffisamment élastique pour tenir compte des divers types de tribunaux administratifs en cause. Comme le note le juge Binnie dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au par. 28 :

À mon avis, le sens de l'art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales doit être suffisamment élastique pour s'appliquer aux décisions de centaines de « types » différents de décideurs administratifs, du ministre au fonctionnaire le moins expérimenté, exerçant dans des contextes décisionnels variés les pouvoirs distincts qui leur sont conférés par des lois particulières. Certaines de ces attributions de pouvoir par le législateur comportent des clauses privatives, d'autres non. Certaines prévoient un droit d'appel auprès des tribunaux judiciaires, d'autres non. Le législateur ne peut avoir eu l'intention de créer, par l'art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, une norme de contrôle unique et rigide, à l'image du lit de Procuste, qui s'appliquerait sans égard au contexte à tous les « offices fédéraux », c'est‑à‑dire à tous les décideurs administratifs fédéraux en général, selon la définition de cette expression qui figure à l'art. 2. Une application souple et contextuelle de l'art. 18.1 épargne au législateur la nécessité d'établir des normes de contrôle sur mesure pour chacun des décideurs fédéraux.

 

 

[37]           Le juge Binnie indique également dans Khosa, précité, au par. 59 que « [l]a raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte. L’arrêt Dunsmuir avait pour objectif de libérer les cours saisies d’une demande de contrôle judiciaire de ce que l’on est venu à considérer comme une complexité et un formalisme excessif. »

 

[38]           Les caractéristiques d’élasticité et d’adaptabilité de la norme de contrôle de la raisonnabilité suggérées par le juge Binnie s'appliquent d'autant plus ici, puisque le législateur a expressément écarté l'application de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales en faveur d'un droit d'appel à la Cour fédérale. Comme l'a souligné à de nombreuses reprises la Cour suprême du Canada, si le législateur a clairement révélé son intention, c'est la norme de contrôle qu'il a ainsi établie qu'il convient d'appliquer en l'absence de contestation constitutionnelle : R. c. Owen, [2003] 1 R.C.S. 779, Dunsmuir, précité, au par. 30, Khosa, précité, au par. 30.

 

[39]           Dans ce contexte, je suis d'avis que la norme de contrôle de la décision raisonnable doit s’appliquer avec flexibilité et s’adapter au contexte particulier en cause. La cour doit ainsi faire preuve de déférence, mais d’une déférence restreinte, lorsqu’elle est saisie d'un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté  concernant la détermination du respect de l'obligation de résidence. Les questions de compétence, d'équité procédurale et de justice naturelle que posent de tels appels demeurent néanmoins soumises à la norme de la décision correcte, selon les principes exposés dans Dunsmuir. Il s'agit là d'une approche qui concorde à la fois avec la volonté expresse du législateur d'assujettir ces décisions à un droit d'appel et avec les enseignements de la Cour suprême du Canada concernant le devoir de réserve des tribunaux judiciaires siégeant en appel des décisions des tribunaux administratifs.

 

L'interprétation de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté

[40]           Bien que le texte de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté semble très clair, la jurisprudence en a décidé autrement. En effet, le texte du paragraphe en question, reproduit en annexe, indique clairement qu'un résident permanent doit avoir, « dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout », la durée de sa résidence étant calculée en comptant un demi‑jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent, et un jour pour chaque jour de résidence après son admission à titre de résident permanent.

 

[41]           Il est difficile d'imaginer un texte plus clair. Trois écoles jurisprudentielles s'affrontent néanmoins à cet égard. La première, dont font état les décisions du juge Muldoon dans Pourghasemi (Re),  62 F.T.R. 122, [1993] A.C.F. no 232 (QL), et Harry (Re), 144 F.T.R. 141, [1998] A.C.F. no 189, soutient que le texte de la loi est clair et qu'il requiert une présence physique au Canada pendant trois ans. La seconde, illustrée par la décision du juge Thurlow dans Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, soutient que la simple intention de résider au Canada suffit afin d'acquérir la citoyenneté canadienne dans la mesure où une certaine connexion avec le Canada est maintenue. Dans le cas Papadogiorgakis, le résident canadien en cause avait passé très peu de temps au Canada, car il étudiait à l'étranger, mais il maintenait une résidence chez des amis en Nouvelle‑Écosse.

 

[42]           La troisième école jurisprudentielle est devenue dominante avec le temps et elle s'appuie sur l'analyse du juge Reed dans Koo, précité. Cette école jurisprudentielle soutient que le critère applicable est celui de la centralisation du mode de vie au Canada. Pour déterminer si ce critère est satisfait, six questions doivent être posées (Koo, aux pages 293 et 294) :

1)         la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

 

2)         où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

3)         la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

 

4)         quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

 

5)         l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

 

6)         quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont‑elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

 

[43]           Le critère de la décision Koo a été repris par la jurisprudence de cette Cour au point qu'il constitue aujourd'hui, et de loin, le critère dominant, « peut‑être en partie en raison des six questions qui ont été énoncées spécifiquement dans le formulaire utilisé par les juges de la citoyenneté », comme le note d'ailleurs le juge Martineau dans la décision récente Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Zhou, précitée, au par. 9.

 

[44]           Compte tenu de ces trois écoles de jurisprudence, le juge Lutfy (maintenant juge en chef), dans sa décision étoffée dans Lam, précitée, énonçait le principe suivant (au par. 14) : « le juge de la citoyenneté peut adhérer à l'une ou l'autre des écoles contradictoires de la Cour, et, s'il appliquait correctement aux faits de la cause les principes de l'approche qu'il privilégie, sa décision ne serait pas erronée ». Cette approche a été largement suivie par la suite : voir entre autres Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1999, 168 F.T.R. 235, [1999] A.C.F. no 786 (QL), au par. 11, So c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 733, [2001] A.C.F. no 1232 (QL), au par. 29, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Zhou, précité, au par. 10.

 

[45]           Par contre, le principe énoncé dans Lam doit être compris dans le contexte particulier de cette décision. En effet, cette décision fut rendue dans le cadre d'une situation qui était perçue comme transitoire vu les modifications législatives qui étaient alors à l'étude (Lam, au par. 15) :

La difficulté que posent les interprétations contradictoires que la Cour a données de l'alinéa 5(1)c) pourrait bientôt disparaître. En effet, le projet de loi C‑63 propose la promulgation d'une nouvelle Loi sur la citoyenneté au Canada qui entend préciser la condition en matière de résidence. Selon les nouvelles dispositions proposées, une personne ne réside au Canada « que lorsqu['elle] y est effectivement présente ». Ce changement paraît enlever le pouvoir discrétionnaire de reconnaître à l'auteur d'une demande de citoyenneté des jours de résidence lorsqu'il est en fait absent du Canada. Le projet de loi C‑63 supprimera en outre le droit d'appel actuellement prévu au paragraphe 14(5). Par conséquent, si le projet de loi C‑63 est édicté, le débat actuel sur le critère juridique applicable à la résidence et la question de la norme de contrôle applicable dans un appel prévu par la loi en matière de citoyenneté n'aura plus de raison d'être.

 

 

 

[46]           Dans le présent contexte, puisque cette situation alors perçue comme transitoire est devenue permanente, il m'apparaît approprié de fixer une interprétation unique de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Compte tenu de la jurisprudence nettement majoritaire de cette Cour, le critère de la centralisation du mode de vie au Canada établi dans Koo, précité, et les six questions qui y sont rattachées aux fins d'analyse devraient devenir l'unique critère et l'unique analyse applicables.

[47]           Quoique je sois d'avis que le critère de la présence physique pendant trois ans soutenu par la première école jurisprudentielle est conforme au texte de la loi, il m'apparaît préférable de favoriser une approche uniforme à l'interprétation et à l'application de la disposition législative en cause. J'arrive à cette conclusion dans un effort d'uniformisation du droit applicable. En effet, il n'est pas cohérent que le sort d'une demande de citoyenneté soit déterminé selon des grilles d'analyse et des critères qui divergent d'un juge à un autre. Dans la mesure du possible, il faut favoriser la cohérence des décisions des tribunaux administratifs, comme le signalait à juste titre le juge Gonthier dans SITBA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, à la page 327 :

Il est évident qu'il faut favoriser la cohérence des décisions rendues en matière administrative. L'issue des litiges ne devrait pas dépendre de l'identité des personnes qui composent le banc puisque ce résultat serait « difficile à concilier avec la notion d'égalité devant la loi, l'un des principaux corollaires de la primauté du droit, et peut‑être aussi le plus intelligible » : Morissette, Le contrôle de la compétence d'attribution : thèse, antithèse et synthèse (1986), 16 R.D.U.S. 591, à la p. 632.

 

 

 

[48]           La Cour d'appel fédérale a d'ailleurs repris ce principe dans Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 198, [2008] 1 R.C.F. 385, au par. 61 :

Le principe même de la justice exige que les décideurs, tant dans les tribunaux administratifs que dans les cours de justice, s'efforcent de veiller à ce que des cas semblables soient traités de la même façon. Le juge Gonthier, s'exprimant au nom de la majorité de la Cour dans l'arrêt SITBA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, à la page 327 (Consolidated-Bathurst), a exposé ce point avec éloquence [...]

 

 

[49]           Tout récemment la Cour d’appel fédérale notait qu’il n’est pas raisonnable de maintenir deux écoles d’interprétation jurisprudentielle d’une même disposition législatives : Procureur général du Canada c. Mowat, 2009 CAF 309, au par. 45. À cet égard la Cour d’appel fédérale endosse les propos suivants du juge Juriansz dans la récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario intitulée Abdoulrab v. Ontario (Labour Relations Board), 2009 ONCA 491, [2009] O.J. No. 2524 (QL), au par. 48 :

From a common sense perspective, it is difficult to accept that two truly contradictory interpretations of the same statutory provision can both be upheld as reasonable. If two interpretations of the same statutory provision are truly contradictory, it is difficult to envisage that they both would fall within the range of acceptable outcomes. More importantly, it seems incompatible with the rule of law that two contradictory interpretations of the same provision of a public statute, by which citizens order their lives, could both be accepted as reasonable.

 

 

 

[50]           Finalement, comme dernier point, il est utile de souligner que l’application du critère de la décision Koo et l’analyse en six questions qui y est rattaché ne sont utiles que dans la mesure où la résidence au Canada a été effectivement établie à une date préalable à la demande de citoyenneté afin de permettre effectivement le calcul d’une période de résidence en vertu de la Loi sur la citoyenneté. En effet, si la résidence n’a pas été établie au préalable, il n’y a pas lieu de procéder à une analyse plus poussée. Les propos du juge Layden-Stevenson à cet égard dans Goudimenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 A.C.F. no. 581 (Q.L.), au par. 13, sont pertinents :

Le problème que pose le raisonnement de l’appelant est qu’il ne tient pas compte de la question préliminaire, soit l’établissement de sa résidence au Canada. Si le critère préliminaire n’est pas respecté, les absences du Canada ne sont pas pertinentes.  […] Autrement dit, à l’égard des exigences de résidence de l’alinéa 5(1)c) de la Loi, l’enquête se déroule en deux étapes. À la première étape, il faut décider au préalable si la résidence au Canada a été établie et à quel moment. Si la résidence n’a pas été établie, l’enquête s’arrête là. Si le critère est respecté, la deuxième étape de l’enquête consiste à décider si le demandeur en cause a été résident pendant le nombre total de jours de résidence requis. C’est à l’égard de la deuxième étape de l’enquête, et particulièrement à l’égard de la question de savoir si les périodes d’absence peuvent être considérées comme des périodes de résidence, qu’il y a divergence d’opinion au sein de la Cour fédérale. 

 

Voir aussi à cet égard : Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 A.C.F. no. 1415 (Q.L.), au par. 4, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Farag, 2009 FC 299, 2009 A.C.F. no. 674 (Q.L.), au par. 21.

 

 

Analyse de la décision

[51]           À la lumière de ces considérations, je procéderai donc à l'analyse de la décision du juge de la citoyenneté dans la présente affaire.

 

[52]           En l'espèce, le juge de la citoyenneté est d'avis que le défendeur a centralisé son mode de vie au Canada et qu'il devrait en conséquence lui être conféré le statut de citoyen canadien bien qu'il n'ait séjourné physiquement que 590 jours au Canada au cours des quatre années ayant précédé sa demande. Cette décision est‑elle raisonnable?  Autrement dit, la déférence restreinte que la cour doit faire preuve à l’égard du juge de la citoyenneté dans son appréciation de la preuve ou dans ses analyses liées à l’établissement d’une résidence au Canada et à la détermination du critère de la centralisation du mode de vie au Canada permet-elle ou non à la cour d’intervenir?

[53]           La première étape consiste à déterminer si le défendeur a établi sa résidence au Canada à une date préalable à sa demande de citoyenneté afin de permettre le calcul d’une période de résidence au Canada. Ici, le juge de la citoyenneté a conclu que le défendeur avait effectivement établi sa résidence au Canada à compter du 16 août 2003 avec son épouse et ses enfants. En l’occurrence, la première étape de l’analyse prévue à la décision Goudimenko, précitée, trouve une réponse positive auprès du juge de la citoyenneté. Il n’y a aucun élément au dossier qui permet de conclure que cette conclusion de fait du juge de la citoyenneté n’est pas raisonnable.

 

[54]           Le défendeur ayant ainsi établi une résidence au Canada à compter du 16 août 2003, la seconde étape consiste à décider, à la lumière de la décision Koo, si le défendeur a effectivement centralisé son mode de vie au Canada suite à l’établissement de sa résidence. À cet égard, il faut donc procéder à l’analyse des six questions prévues à la décision Koo.

 

[55]           La première question à être posée selon la grille d'analyse de Koo est de déterminer si le défendeur était physiquement présent au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté. Le juge de la citoyenneté ne répond pas vraiment à cette question, se contentant de constater que le défendeur s'est absenté de façon quasi permanente du Canada jusqu'au 16 août 2003, date où il a établi sa résidence au Canada, et qu'il y a maintenu sa résidence depuis (« has maintained that residence since »). Ainsi, au lieu de répondre à la question, le juge de la citoyenneté fait usage d'un argument circulaire par lequel sa conclusion finale sur la résidence pallie l'absence physique du défendeur au Canada juste avant sa demande.

[56]           Or, le défendeur n’a même pas accumulé les 730 jours de présence au Canada requis en vertu du paragraphe 28 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ce qui est certainement un élément important aux fins de répondre à la première question, dans la mesure qu’il est souhaitable qu’une certaine cohérence soit maintenue entre cette dernière loi et les dispositions relatives à l’acquisition de la citoyenneté prévues à la Loi sur la citoyenneté. De plus, la preuve au dossier révèle que la demande de citoyenneté a été déposée vers le 26 septembre 2006 et que du 1er janvier au 26 septembre 2006, le défendeur était absent du Canada pendant 127 jours sur 269, soit près de la moitié du temps. La preuve révèle donc que la réponse à la première question ne milite pas en faveur de l'octroi de la citoyenneté au défendeur.

 

[57]           La deuxième question concerne le lieu de résidence de la famille proche et des personnes à charge du défendeur ainsi que de sa famille étendue. Le juge de la citoyenneté constate que l'épouse et les enfants du défendeur résident au Canada et y sont pleinement intégrés. Par contre, la famille étendue du défendeur réside au Liban. La réponse à la deuxième question milite certainement en faveur de l'octroi de la citoyenneté si on ne considère que l'épouse et les enfants du défendeur. Par contre, le juge de la citoyenneté n'a fait aucune analyse concernant les liens entre le défendeur et sa famille étendue au Liban.

 

[58]           La troisième question cherche à déterminer si la présence physique du défendeur au Canada dénote qu'il retourne au Canada ou qu'il n'y est qu'en visite. Le juge de la citoyenneté note que le défendeur retourne régulièrement au Canada pour y séjourner avec son épouse et ses enfants lorsque ses affaires à l'étranger sont terminées. Ici, la réponse à la troisième question milite en faveur de l'octroi de la citoyenneté.

 

[59]           La quatrième question cherche à évaluer l'étendue des absences physiques du défendeur afin de déterminer s'il manque peu de jours de résidence ou si le manque est plus important; le manque de quelques jours pourrait permettre de conclure à une résidence réputée. Le juge de la citoyenneté conclut à juste titre que la réponse à cette question ne milite pas en faveur de l'octroi de la citoyenneté vu le nombre important de jours d'absence.

 

[60]           La cinquième question cherche à déterminer si l'absence physique du défendeur est de nature temporaire ou récurrente. Le juge de la citoyenneté conclut de façon laconique, en une seule phrase, que les absences du défendeur sont de nature temporaire, puisqu'elles sont liées à son emploi. Cette conclusion est déficiente. Le juge de la citoyenneté confond la nature des absences avec la pérennité de leur récurrence. Ici, le défendeur travaille pour une société étrangère, et son travail spécialisé ne permet pas d'entrevoir qu'il pourra travailler au Canada dans son domaine de spécialisation dans un avenir prévisible. Le défendeur est lui-même d'avis qu'il est improbable qu'il puisse travailler au Canada dans son domaine dans un avenir prévisible, vu la situation économique actuelle et l'état de développement de l'industrie pétrolière au Canada en général et en Alberta en particulier. Contrairement à ce qu'a conclu le juge de la citoyenneté à cet égard, une réponse raisonnable à la cinquième question ne milite pas en faveur de l'octroi de la citoyenneté.

 

[61]           La sixième question concerne la qualité des attaches du requérant avec le Canada afin de déterminer si elles sont plus importantes que celles qui existent avec un autre pays. Le juge de la citoyenneté note que la famille du défendeur est bien établie et intégrée au Canada, que celui‑ci retourne au Canada de façon habituelle et récurrente, et qu'il paye ses impôts au Canada sur ses revenus mondiaux. Il conclut que les attaches du défendeur avec le Canada sont plus importantes que celles qui existent avec un autre pays. Je n'ai aucun élément dans le dossier qui me permette de conclure que la conclusion du juge de la citoyenneté à cet égard est déraisonnable. Comme le signale le défendeur dans sa demande de citoyenneté et comme il l'a répété devant moi lors de l'audition de l'appel, le Canada est maintenant son pays d'attache. En l'absence d'un élément de preuve concluant au contraire, je dois déférer au juge de la citoyenneté à cet égard. La réponse à la sixième question milite donc en faveur de l'octroi de la citoyenneté au défendeur.

 

[62]           Nous sommes donc en présence d'un cas où les réponses à plusieurs des six questions pertinentes ne permettent pas de conclure que le défendeur ait centralisé son mode de vie au Canada durant la période pertinente.

 

[63]           Au contraire, le défendeur a passé bien plus de temps hors du Canada qu'au pays durant la période pertinente, et la preuve révèle que cette situation n'est pas temporaire ou inhabituelle.

 

[64]           La décision du juge de la citoyenneté n’est donc pas raisonnable à plusieurs égards, ce qui permet ainsi à cette cour d'intervenir et d'accueillir l'appel. En conséquence, l'appel sera accueilli.

[65]           Le défendeur pourra bien sûr présenter une nouvelle demande de citoyenneté s'il le juge opportun, laquelle sera examinée en fonction d'une autre période de référence.

 

[66]           Le ministre n'a pas demandé de frais lors du dépôt de son appel, mais à l'audience son procureur a fait une demande verbale d’amendement afin d'ajouter une demande de frais. Vu la demande tardive de frais et la nature particulière de l'affaire, je n'accorde pas de frais.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que l'appel soit accueilli et qu'en conséquence l'attribution de la citoyenneté au défendeur sur la base de sa demande datée du 26 septembre 2006 soit refusée.

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge


ANNEXE

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

Loi sur la citoyenneté

 

2.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

 

[...]

 

 « Cour » La Cour fédérale.

 

[...]

 

5.(1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

 

b) est âgée d'au moins dix‑huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(i) un demi‑jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

 

 

d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

f) n'est pas sous le coup d'une mesure de renvoi et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

 

14.(1) Dans les soixante jours de sa saisine, le juge de la citoyenneté statue sur la conformité — avec les dispositions applicables en l'espèce de la présente loi et de ses règlements — des demandes déposées en vue de :

 

a) l'attribution de la citoyenneté, au titre des paragraphes 5(1) ou (5);

 

[...]

 

 

 

 

(2) Aussitôt après avoir statué sur la demande visée au paragraphe (1), le juge de la citoyenneté, sous réserve de l'article 15, approuve ou rejette la demande selon qu'il conclut ou non à la conformité de celle-ci et transmet sa décision motivée au ministre.

 

[...]

 

 

 

 

(5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d'appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :

 

 

a) de l'approbation de la demande;

 

 

b) de la communication, par courrier ou tout autre moyen, de la décision de rejet.

 

 

(6) La décision de la Cour rendue sur l'appel prévu au paragraphe (5) est, sous réserve de l'article 20, définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.

 

16. Nonobstant l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour d'appel fédérale n'a pas compétence pour entendre et juger une demande de révision et d'annulation d'une décision rendue sous le régime de la présente loi et susceptible d'appel en vertu de l'article 14.

 

26.(1) Le gouverneur en conseil peut nommer tout citoyen juge de la citoyenneté.

 

[...]

 

2.(1) In this Act,

 

[...]

 

"Court" means the Federal Court;

 

[...]

 

 

5.(1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one‑half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

14.(1) An application for

 

(a) a grant of citizenship under subsection 5(1) or (5),

 

[...]

 

shall be considered by a citizenship judge who shall, within sixty days of the day the application was referred to the judge, determine whether or not the person who made the application meets the requirements of this Act and the regulations with respect to the application.

 

(2) Forthwith after making a determination under subsection (1) in respect of an application referred to therein but subject to section 15, the citizenship judge shall approve or not approve the application in accordance with his determination, notify the Minister accordingly and provide the Minister with the reasons therefor.

 

[...]

 

(5) The Minister or the applicant may appeal to the Court from the decision of the citizenship judge under subsection (2) by filing a notice of appeal in the Registry of the Court within sixty days after the day on which

 

(a) the citizenship judge approved the application under subsection (2); or

 

(b) notice was mailed or otherwise given under subsection (3) with respect to the application.

 

(6) A decision of the Court pursuant to an appeal made under subsection (5) is, subject to section 20, final and, notwithstanding any other Act of Parliament, no appeal lies therefrom.

 

16. Notwithstanding section 28 of the Federal Courts Act, the Federal Court of Appeal does not have jurisdiction to hear and determine an application to review and set aside a decision made under this Act if the decision may be appealed under section 14 of this Act.

 

26.(1) The Governor in Council may appoint any citizen to be a citizenship judge.

 

[...]

 

Loi sur les Cours fédérales

 

18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu'une loi fédérale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l'impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d'une décision ou d'une ordonnance d'un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

 

21. La Cour fédérale a compétence exclusive en matière d'appels interjetés au titre du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté.

 

18.5 Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the Federal Court, the Federal Court of Appeal, the Supreme Court of Canada, the Court Martial Appeal Court, the Tax Court of Canada, the Governor in Council or the Treasury Board from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

 

 

 

21. The Federal Court has exclusive jurisdiction to hear and determine all appeals that

may be brought under subsection 14(5) of the

Citizenship Act.

 

Règles des Cours fédérales

 

300. La présente partie [Partie 5 – Demandes] s'applique :

 

[...]

 

c) aux appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté;

 

[...]

 

300. This Part [Part V — Applications] applies to

 

[...]

 

(c) appeals under subsection 14(5) of the Citizenship Act;

 

[...]

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés

 

28.(1) L'obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

 

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l'obligation de résidence :

 

 

a) le résident permanent se conforme à l'obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

 

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d'un enfant, l'un de ses parents,

 

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l'administration publique fédérale ou provinciale,

 

 

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d'un enfant, l'un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l'administration publique fédérale ou provinciale,

 

 

(v) il se conforme au mode d'exécution prévu par règlement;

 

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu'il se conformera à l'obligation pour la période quinquennale suivant l'acquisition de son statut, s'il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu'il s'y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

c) le constat par l'agent que des circonstances d'ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l'inobservation de l'obligation précédant le contrôle.

 

28.(1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five‑year period.

 

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five‑year period if, on each of a total of at least 730 days in that five‑year period, they are

 

(i) physically present in Canada,

 

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common‑law partner or, in the case of a child, their parent,

 

(iii) outside Canada employed on a full‑time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

 

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common‑law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full‑time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

 

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

 

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

 

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five‑year period immediately after they became a permanent resident;

 

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

 

(c) a determination by an officer that humanitarian

and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-662-09

 

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. ELIE SAMIH TAKLA

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 14 octobre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 2 novembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alexandre Tavadian

POUR LE DEMANDEUR

 

M. Elie Samih Takla

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

Aucun

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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