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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20091014

Dossier : IMM-3554-08

Référence : 2009 CF 1032

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2009

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

JI HYUN AN

ANDREW LEE FILS

 

 

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 16 juillet 2008, dans laquelle une agente d’immigration (l’agente) a rejeté la demande de résidence permanente présentée au Canada pour des motifs humanitaires (CH).

 


CONTEXTE

 

[2]               Les demandeurs sont une mère (la mère) et son fils de 11 ans (le fils). Le père du fils (le père) est un citoyen canadien ayant demandé la résidence permanente par l’entremise du bureau de Citoyenneté et Immigration Canada à Séoul, en Corée du Sud. Sur les conseils de son consultant, il n’a pas déclaré qu’il avait une épouse et un enfant.

 

[3]               La mère et le père se sont rencontrés lorsqu’ils étudiaient aux États-Unis. Ils se sont mariés en Corée du Sud au mois d’octobre 1996, et leur fils est né aux États-Unis le 29 août 1997. Entre 1998 et 2000, la mère et le fils ont tous les deux vécu en Corée du Sud et aux États-Unis, alors que le père terminait ses études. De juillet 2003 à octobre 2004, la mère et le père ne formaient plus un couple, mais il semble qu’ils ont repris leur relation par la suite.

 

[4]               La mère a un visa américain B1/B2, qui est valide de 2002 à 2012. Il s’agit d’un visa pour séjours multiples donnant droit à des visites temporaires. Le visa ne garantit pas le droit d’entrée et ne permet pas à la mère de devenir une citoyenne américaine.

 

[5]               Le père subvient aux besoins de son épouse et de son fils au Canada, et son témoignage du 31 mars 2008 fait état de son désir de continuer à vivre avec eux, en famille.

 


LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[6]               Les demandeurs affirment que la décision CH défavorable était entachée des erreurs suivantes :

(i)                  L’agente a commis une erreur en concluant que son fils avait une bonne maîtrise de la langue coréenne;

(ii)                L’agente a commis une erreur en concluant que son fils ne serait pas victime d’intimidation à l’école, en tant que coréen étranger ne comprenant rien aux coutumes coréennes;

(iii)               L’agent a commis une erreur en concluant que la mère et le fils pourraient résider aux États-Unis, si la demande CH échouait;

(iv)              L’agente a commis une erreur en concluant que la mère et le fils avaient passé tellement de temps en Corée du Sud et aux États-Unis que leur retour ne serait qu’une question de « réintégration »;

(v)                L’agente a omis de tenir compte du choc émotif qui serait causé au fils par la perte de son père.

 

ANALYSE

(i)     La maîtrise du coréen par le fils

 

[7]               Le témoignage de la mère révèle que le fils ne parle pas couramment le coréen. Elle a affirmé qu’il parle « quelque peu » le coréen, mais pas assez pour suivre les consignes d’un enseignant. D’un autre côté, elle a aussi indiqué que le coréen était la langue maternelle de son fils, ainsi que la langue de son choix pour l’entrevue d’immigration. L’agente savait que le fils avait visité la Corée du Sud à plusieurs reprises avec sa mère et, qu’à une occasion, il avait vécu à la résidence de son oncle en Corée du Sud pour une période de neuf mois. Au cours de cette période, il est allé à une école coréenne.

 

[8]               Contrairement à l’allégation des demandeurs, l’agente n’a pas conclu que le fils avait une bonne maîtrise du coréen. Cependant, elle semble avoir conclu que les problèmes de langue n’étaient pas un facteur négatif dans l’évaluation de l’intérêt supérieur de son fils. À mon avis, cette conclusion était raisonnable, compte tenu de la preuve disponible.

 

(ii)   L’intimidation

 

[9]               Selon le témoignage de la mère, celle-ci croyait que les étudiants coréens de naissance, mais ayant vécu à l’extérieur de la Corée du Sud et y retournant pour les études, étaient victimes d’intimidation. Elle a affirmé que son fils en avait été victime. Cependant, elle n’a produit aucune preuve corroborant l’intimidation, et aucune preuve documentaire étayant ses préoccupations. Dans ces circonstances, le rejet de son opinion par l’agente était raisonnable.

 

(iii)  et (iv)  Le visa américain et la réintégration

 

[10]           L’agente décrivait les États-Unis de cette façon :

[traduction]

[…] Je ne suis pas convaincue que le fils de la demanderesse serait grandement et négativement touché s’il devait quitter le Canada. Les quatre pages de son passeport des États-Unis qui ont été choisies révélaient des voyages entre la Corée du Sud et le Canada en 2004, 2005, 2006 et 2007. Il y a eu de longues périodes de séparation avant 2004. De plus, la demanderesse a un visa des États-Unis valide jusqu’en 2012, et son fils est un citoyen américain. La demanderesse et son fils n’ont pas l’obligation de retourner en Corée du Sud, s’ils devaient quitter le Canada. La demanderesse n’a pas produit suffisamment d’information pour me convaincre que son fils serait aux prises avec des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives, si lui ou sa mère devaient quitter le Canada.

 

[…]

 

[…] Je suis convaincue que, si la demanderesse et son fils devaient quitter le Canada, l’éducation et l’expérience de travail antérieure, combinées au soutien financier de son époux, seraient suffisants pour les aider dans leur réintégration dans son pays d’origine, ou aux États-Unis, où elle détient un visa valide et où son fils possède la citoyenneté.

[Non souligné dans l’original.]

 

[11]           À mon avis, l’agente n’était manifestement pas convaincue que la mère et le fils auraient été contraints de se diriger en Corée du Sud à leur départ du Canada. Elle croyait visiblement qu’ils avaient le droit d’aller aux États-Unis. Il s’agissait d’une erreur, puisque comme il a été mentionné précédemment, le visa de la mère ne donnait droit qu’à des visites temporaires, et ne lui garantit ni un droit d’entrée, ni le droit de devenir une résidente américaine.

 

[12]           À mon avis, cette erreur était importante, puisqu’il est impossible d’affirmer que l’agente ne serait pas parvenue à une conclusion différente si la seule destination possible pour les demandeurs était la Corée du Sud.

 

[13]           L’agente a aussi commis une erreur lorsqu’elle a traité de « leur réintégration ». Le fils n’a pas passé assez de temps en Corée du Sud pour s’être intégré, et par conséquent, le concept de réintégration ne peut pas réellement s’appliquer à celui-ci.

 

 

(v)  Le père

 

[14]           L’agente n’était pas convaincue que la mère, le père et le fils constituaient, dans les faits, une famille unie et interdépendante. Compte tenu de longue séparation des parents et de l’absence de corroboration du témoignage du père que celui-ci désire continuer à vivre avec sa famille et à subvenir aux besoins de celle-ci, il s’agissait d’une conclusion raisonnable.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que, pour les raisons susmentionnées, la présente demande est par conséquent accueillie et que la totalité de la demande, notamment toute nouvelle pièce que les parties désirent produire, est par conséquent renvoyée à un autre agent pour une nouvelle décision.

 

Il n’y a pas de question à certifier à des fins d’appel.

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3554-08

 

INTITULÉ :                                       JI HYUN AN et ANDREW LEE FILS c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Simpson

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 14 octobre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marvin Moses

 

POUR LES DEMANDEURS

John Provart

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marin Moses

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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