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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

                      

 

Federal Court


Date : 20091007

Dossier : IMM-1373-09

Référence : 2009 CF 1014

Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

KAYVAN GHARGHI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision, datée du 12 février 2009, par laquelle un agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a décidé que le demandeur ne pouvait pas fonder son ERAR sur des risques liés à sa foi chrétienne, parce qu’il n’avait pas fourni une preuve suffisante qui expliquerait pour quelle raison il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il ait présenté cette preuve devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) au moment de faire sa demande d’asile fondée sur la crainte d’être persécuté du fait de ses croyances politiques.

 

[2]               La preuve a établi que le demandeur pratiquait la religion chrétienne en Iran avant son arrivée au Canada. Il n’a pas fondé la demande qu’il a présentée à la Commission sur l’apostasie, la renonciation à sa croyance ou à sa foi musulmane, ce qui est un crime en Iran. En outre, il ressort de la preuve qu’il n’a pas fait de prosélytisme pour la religion chrétienne en Iran et qu’aujourd’hui il ne le fait pas non plus au Canada.

 

[3]               De l’avis de la Cour, il était raisonnablement loisible à l’agent d’ERAR de conclure que la preuve relative à la foi chrétienne du demandeur n’est pas un fait qui était survenu ou une circonstance qui était apparue après l’audience de la Commission, et le demandeur n’a pas expliqué de manière raisonnable pour quelle raison il n’aurait pas pu présenter à cette audience une preuve de sa conversion à la foi chrétienne. En conséquence, l’agent d’ERAR a conclu de manière raisonnable que cette preuve ne satisfaisait pas aux exigences d’un ERAR qui sont énoncées à l’alinéa 113a) et qu’il ne pouvait donc pas la considérer comme une nouvelle preuve.

 

LES FAITS

[4]               Le demandeur, âgé de 35 ans, est citoyen de l’Iran. Il est arrivé au Canada le 25 décembre 2002 et il a demandé l’asile à la même date.

 

[5]               Le demandeur a fondé sa demande d’asile sur la crainte d’être victime de persécution politique pour avoir écrit des poèmes contre le régime ou le clergé. Il a aussi « coché » la religion comme étant l’un des motifs de sa demande d’asile et, au point d’entrée, il a déclaré à l’agent que la religion était l’un des motifs pour lesquels il demandait l’asile.

 

[6]               Le demandeur n’a toutefois pas fondé la demande d’asile qu’il a soumise à la Commission sur sa crainte d’être victime de persécution religieuse pour avoir renoncé à l’islam et s’être converti au christianisme. Il a déclaré ce qui suit à la page 19 de son formulaire de renseignements personnels (FRP) :

[traduction]

 

[…] De temps à autre, je retournais à Ahwas pour rendre visite à mes parents et rencontrer Hamid. Hamid m’a parlé du christianisme; malgré tout ce que j’ai appris, dans mon cœur j’ai l’impression d’être chrétien, mais ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai fui l’Iran.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Le demandeur a signalé, à la page 19 de son FRP, que les autorités iraniennes avaient plus tard dit à son père que son ami Hamid avait révélé à des enquêteurs iraniens que lui, le demandeur, s’était converti à la religion chrétienne :

[traduction]

 

[…] Après que mon père eut été relâché, il m’a informé que le Sepah m’accusait d’être antirévolutionnaire, d’être opposé au clergé, d’être actif dans un groupe antirévolutionnaire qui était l’ennemi de l’islam. Le Sepah a dit à mon père que Hamid avait été arrêté et qu’on l’accusait de s’être servi de son emploi au supermarché comme une façade pour ses activités politiques; le Sepah a dit à mon père que Hamid avait avoué mes activités politiques et avoué que j’étais un infidèle, un non-croyant et que j’étais opposé à l’islam et au prophète. On a dit à mon père que j’étais mortad, corrompu sur la terre. On a dit à mon père que j’avais insulté l’imam, l’islam et le fondement de l’islam. On a dit à mon père qu’il fallait m’exécuter.

 

[7]               Cependant, le 26 juillet 2004, la Section de la protection des réfugiés de la Commission a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), pour cause de persécution politique. La Commission a conclu que le demandeur n’était pas digne de foi et qu’il n’avait pas de crédibilité au vu des incohérences relevées dans son témoignage et dans son FRP.

 

[8]               Par la voie d’une ordonnance de la Cour, datée du 16 novembre 2004, l’autorisation de soumettre la décision de la Commission à un contrôle judiciaire a été refusée.

 

[9]               Le demandeur a par la suite présenté une demande d’ERAR.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[10]           Le 9 septembre 2008, le demandeur a présenté une demande d’ERAR, dans laquelle il a fait valoir qu’en raison de ses antécédents religieux, c’est-à-dire sa conversion de l’islam au christianisme, il risquait d’être arrêté, détenu, torturé et peut-être même tué s’il était contraint de retourner en Iran.

 

[11]           Devant l’agent d’ERAR, le demandeur a fait valoir que, même s’il était né de parents musulmans, il avait commencé à l’âge adulte à pratiquer le christianisme et en avait plus tard fait sa religion. À l’appui de sa demande, il a produit quatre nouveaux affidavits signés par :

  1. le demandeur lui-même;

 

  1. Hossein Aznavehzadeh;

 

  1. Vida Shahsavar;

 

  1. Beren Yousef.

 

 

 

[12]           Dans son propre affidavit, le demandeur a décrit sa naissance dans une famille musulmane en Iran et sa conversion au christianisme après avoir rencontré un ami nommé Hamid. Il a assisté à douze réunions religieuses chrétiennes clandestines en Iran avant son départ pour le Canada.

 

[13]           L’affidavit de Hossein Aznavehzadeh, l’interprète qui a aidé le demandeur à remplir le FRP, traite généralement de sa connaissance du sort que subissent les Iraniens qui retournent dans leur pays, et surtout les demandeurs d’asile déboutés qui ont fui le pays après s’être convertis au christianisme. Cet affidavit indique également ce qui suit :

[traduction]

 

[…] Au moment de remplir le FRP et lors de son entretien au point d’entrée, le demandeur a systématiquement indiqué qu’il pratiquait la religion chrétienne;

 

[…]

6. La religion chrétienne du demandeur n’a pas été invoquée en tant que fondement de sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, car celui-ci a indiqué que le gouvernement n’était pas au courant qu’il avait adopté la religion chrétienne et que cela ne lui avait donc pas causé de difficultés;

 

[14]           Les affidavits de Vida Shahsavar et de Beren Yousef confirment que le demandeur a fréquenté une église chrétienne au Canada et qu’il croit en la religion chrétienne, de même que leurs propres convictions quant au risque que courrait le demandeur s’il était renvoyé en Iran.

 

[15]           L’agent d’ERAR a admis la preuve du demandeur qui étayait la prétention de ce dernier selon laquelle il avait pratiqué en secret la religion chrétienne en Iran et qu’au Canada, il l’avait fait de manière discrète.

 

[16]           L’agent d’ERAR a fait référence à la décision Kaybaki c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 32, où on a jugé qu’un ERAR n’avait pas pour objet de plaider à nouveau des questions qui avaient été soumises à la Commission lors d’une audience relative à une demande d’asile, mais plutôt d’évaluer les nouveaux éléments de risque survenus entre cette audience-là et la date de renvoi. L’agent d’ERAR mentionne à la page 5 de la décision que le demandeur aurait dû fournir à la Commission des éléments de preuve concernant le risque de persécution religieuse et que, comme il ne l’a pas fait, on ne pouvait pas considérer ses observations comme une nouvelle preuve :

[traduction]

 

[…] Le demandeur a eu l’occasion d’évoquer ce risque à l’audience relative à sa demande d’asile. Il a dit dans son FRP qu’il était chrétien. À l’audience relative à la demande d’asile, il était représenté par un conseiller juridique. Il n’indique pas pourquoi il craint maintenant d’être persécuté du fait de sa religion, parce qu’il était chrétien en Iran. Le demandeur n’a pas prouvé de manière suffisante pourquoi il n’était pas raisonnable de s’attendre dans les circonstances à ce qu’il ait fait état de ce risque à l’audience relative à la demande d’asile. Par conséquent, je ne considère pas ce risque, ainsi que la preuve documentaire présentée à l’appui, comme une nouvelle preuve. Je conclus que cette preuve ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[17]           L’agent d’ERAR a admis en tant que nouvelle preuve la traduction d’une citation à comparaître devant un tribunal iranien et d’une feuille d’enquête, de pair avec une photocopie du document original daté du 5 mai 2009. L’agent d’ERAR y a accordé peu de poids, parce que les préoccupations relatives à la crédibilité que la Commission avait signalées au sujet de la première citation à comparaître s’appliquaient aussi à la seconde. Le demandeur n’a pas traité des préoccupations concernant la crédibilité de la citation à comparaître, notamment en omettant de donner le nom et l’adresse de la personne qui a avait reçu le document et d’indiquer de quelle façon ce dernier avait été reçu, et quand. Le demandeur n’a pu fournir l’enveloppe dans laquelle le document était arrivé, ni expliquer pourquoi une citation à comparaître était arrivée six ans après la citation précédente.

 

[18]           L’agent d’ERAR a reconnu que les documents que le conseil avait soumis en rapport avec la situation des droits de la personne en Iran montraient que cette situation était [traduction] « loin d’être favorable ». Il a néanmoins conclu, à la page 6 de sa décision, que les renseignements fournis par le conseil [traduction] « n’avaient pas effacé les doutes du tribunal de la SPR quant à la crédibilité » :

[traduction]

 

[…] cependant, les renseignements qui figurent dans ces documents sont propres au demandeur. Les renseignements auraient une incidence sur n’importe quel citoyen et résident de l’Iran. Ils n’effacent pas les doutes du tribunal de la SPR quant à la crédibilité.

 

[19]           Cela étant, l’agent d’ERAR a rejeté la demande du demandeur. C’est cette décision-là que le demandeur souhaite soumettre à un contrôle judiciaire.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[20]      Pour plus de commodité, la Cour reproduit ici les articles 96 et 97 de la LIPR :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions

politiques  :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette

crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa

résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

[21]      L’article 97 de la LIPR :

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée  :

 

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au

sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans

le cas suivant  :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires

de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not

have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning

of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the

protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard

of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

[22]           Le paragraphe 112(1) de la LIPR autorise les personnes visées par une mesure de renvoi à demander la protection au ministre :

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1)

peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

[…]

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in

accordance with the regulations, apply to the

Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

 

[23]           L’alinéa 113a) de la LIPR permet au demandeur d’un ERAR de ne présenter que les éléments de preuve qui sont survenus après le rejet de la demande d’asile :

113. Il est disposé de la demande comme il

suit  :

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter

que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

[…]

113. Consideration of an application for protection

shall be as follows :

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only

new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected

in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

 

[24]           Le paragraphe 161(2) de la LIPR oblige le demandeur à indiquer quels sont les nouveaux éléments de preuve :

[…]

 

(2) Il désigne, dans ses observations écrites, les éléments de preuve qui satisfont aux exigences prévues à l’alinéa 113a) de la Loi et indique dans quelle mesure ils s’appliquent dans son cas.

 

(2) A person who makes written submissions must identify the evidence presented

that meets the requirements of paragraph 113(a) of the Act and indicate how that evidence relates to them.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[25]           Le demandeur soulève les questions suivantes dans ses observations :

               i.      L’agent a-t-il agi de manière déraisonnable en excluant le nouveau risque de persécution religieuse et la preuve à l’appui dont il est question à l’alinéa 113a) de la LIPR?

 

             ii.      L’agent a-t-il fait abstraction d’éléments de preuve pertinents, leur a-t-il attribué une valeur déraisonnablement faible ou les a-t-il mal interprétés, relativement au risque de persécution religieuse dont le demandeur serait victime en Iran?

 

            iii.      L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que le risque que courait le demandeur n’était pas personnalisé au sens de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR?

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[26]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada déclare, au paragraphe 62, que la première étape d’une analyse relative à la norme de contrôle consiste à vérifier « si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » (voir aussi Khosa c. Canada (MCI), 2009 CSC 12, le juge Binnie, au paragraphe 53).

 

[27]           Les questions que soulève le demandeur ont trait au caractère raisonnable de la décision de l’agent d’ERAR ainsi qu’au fait de savoir si cet agent, au moment de rendre sa décision, a tenu convenablement compte de la totalité des éléments de preuve. Il ressort clairement des arrêts Dunsmuir et Khosa que les facteurs de cette nature doivent être contrôlés selon la norme de la décision raisonnable : voir les décisions Christopher c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 964, Ramanathan C. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 843, et Erdogu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 407, [2008] A.C.F. no 546 (QL).

 

[28]           Pour contrôler la décision de l’agent en fonction de la norme de la décision raisonnable, la Cour examinera si le caractère raisonnable de cette décision tient principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, Khosa, précité, au paragraphe 59).

 

ANALYSE

Première question en litige : L’agent a-t-il agi de manière déraisonnable en excluant le nouveau risque de persécution religieuse et la preuve à l’appui dont il est question à l’alinéa 113a) de la LIPR?

 

[29]           Le demandeur soutient que l’agent d’ERAR a commis une erreur en refusant d’admettre une preuve de persécution religieuse au motif que cette preuve n’était pas liée à un risque nouveau survenu depuis l’audience de la Commission.

 

[30]           Dans la décision Kaybaki, précitée, j’ai conclu au paragraphe 11 qu’une demande d’ERAR ne porte que sur les faits qui surviennent après l’audience de la Commission. Dans Kaybaki, cela voulait dire que l’agent d’ERAR n’aurait pas pu admettre la lettre d’un avocat, qui était raisonnablement disponible à l’époque de l’audience de la Commission et qui confirmait l’arrestation du demandeur.

 

[31]           Dans l’arrêt Raza c. Canada (MCI), 2007 CAF 385, la juge Sharlow a énoncé au paragraphe 13 le critère que les agents d’ERAR doivent appliquer au moment de décider si des éléments de preuve présentés constituent de nouveaux éléments de preuve au sens de l’alinéa 113a) :

[13]      […]

 

3.         Nouveauté : Les preuves sont-elles nouvelles, c’est-à-dire sont-elles aptes :

 

a)         à prouver la situation ayant cours dans le pays de renvoi, ou un événement ou fait postérieur à l’audition de la demande d’asile?

 

b)         à établir un fait qui n’était pas connu du demandeur d’asile au moment de l’audition de sa demande d’asile?

 

c)         à réfuter une conclusion de fait tirée par la SPR (y compris une conclusion touchant la crédibilité)? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

 

[…]

 

5.         Conditions légales explicites :

 

a)         Si les preuves nouvelles sont aptes à établir uniquement un fait qui s’est produit ou des circonstances qui ont existé avant l’audition de la demande d’asile, alors le demandeur a‑t‑il établi que les preuves nouvelles ne lui étaient pas normalement accessibles lors de l’audition de la demande d’asile, ou qu’il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il les ait présentées lors de l’audition de la demande d’asile? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

 

b)         Si les preuves nouvelles sont aptes à établir un fait qui s’est produit ou les circonstances qui ont existé après l’audition de la demande d’asile, alors elles doivent être considérées (sauf si elles sont rejetées parce qu’elles ne sont pas crédibles, pas pertinentes, pas nouvelles ou pas substantielles).

 

 

[32]           La juge Snider a donné des précisions sur l’application de l’alinéa 113a) dans la décision Cupid c. Canada (MCI), 2007 CF 176, où elle déclare, au paragraphe 4, qu’il incombe au demandeur de prouver, après que la Commission a jugé qu’il n’était pas exposé à un risque, qu’il l’est maintenant parce que les conditions de son pays ou ses circonstances personnelles ont changé.

 

[33]           Le défendeur soutient que le fait que le demandeur n’a pas présenté de preuve de persécution religieuse à l’audience de la Commission suffit pour que l’agent fasse raisonnablement abstraction de cette preuve en l’absence d’une explication indiquant pourquoi il n’a pas pu présenter cette preuve de risque à la Commission. Il est demandé à la Cour de se conformer aux décisions rendues dans Kaybaki, précitée, et Cupid, précitée, lesquelles soulignent qu’il incombe au demandeur de prouver que, depuis l’audience, il est survenu des faits nouveaux.

 

[34]           En l’espèce, le demandeur n’a pas soumis sa prétention de persécution religieuse à la Commission, car il était d’avis que, pour ce faire, il fallait qu’il ait déjà été persécuté, et que le conseil qui le représentait à l’époque croyait que sa prétention de crainte de persécution politique serait retenue. Ayant opté pour cette tactique juridique, le demandeur doit en assumer les conséquences, à défaut d’une sérieuse accusation d’incompétence professionnelle, étayée par une preuve corroborante suffisante (Vieira c. Canada (MSPPC), 2007 CF 326, le juge Shore, au paragraphe 29). La preuve relative au fait que le demandeur pratiquait ouvertement sa foi chrétienne au Canada aurait pu être soumise à la Commission, puisque, avant son audience, le demandeur se trouvait au pays depuis près de deux ans. En outre, il avait assisté à douze réunions religieuses chrétiennes clandestines en Iraq avant de fuir le pays.

 

[35]           Il était raisonnablement loisible à l’agent d’ERAR de décider que les éléments de preuve concernant la foi chrétienne du demandeur n’étaient pas des éléments nouveaux qui étaient survenus après l’audience de la Commission ou que le demandeur ignorait à cette époque-là. En outre, l’agent d’ERAR pouvait raisonnablement conclure que les circonstances n’excusaient pas le fait que le demandeur n’avait pas soumis ces éléments de preuve à la Commission, et le demandeur ne peut pas maintenant fonder une demande d’ERAR sur ceux‑ci.

 

Les autres questions en litige

[36]           Compte tenu de la conclusion de la Cour, les deux autres questions en litige ne sont pas probantes et il n’est pas nécessaire que la Cour les examine.

 

[37]           La demande doit donc être rejetée.

 

 

LA CERTIFICATION D’UNE QUESTION

[38]           Les deux parties, après en avoir discuté en audience publique, ont informé la Cour que l’affaire ne soulevait pas de question grave de portée générale qu’il serait utile de certifier en vue d’un appel. La Cour est du même avis.


JUGEMENT

 

LA PRÉSENTE COUR STATUE que :

 

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1373-09

 

INTITULÉ :                                       KAYVAN GHARGHI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 30 SEPTEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 7 OCTOBRE 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Randal Montgomery

 

POUR LE DEMANDEUR

Modupe Oluyomi

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Randal Montgomery

Avocat

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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