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Date : 20090925

Dossier : IMM-5086-08

Référence : 2009 CF 970

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 25 septembre 2009

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

ALEXEY CHEKHOVSKIY

OLGA ANATOLIEVNA BOYKO

DARIA ALEKSEEVNA CHEKHOVSKAYA

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR), laquelle a décidé qu’ils ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. La SPR a rejeté les demandes d’asile des demandeurs parce que la crainte qu’ils ont invoquée n’est pas liée à un motif prévu dans la Convention. Elle a aussi rejeté leurs demandes visant à obtenir la qualité de personnes à protéger parce que les risques allégués étaient hypothétiques et que la preuve était insuffisante pour démontrer qu’ils étaient exposés à un risque selon la prépondérance des probabilités.

 

[2]               Après avoir attentivement examiné le dossier et les observations présentées par les parties, je conclus que les conclusions de la SPR devraient être maintenues et que la demande de contrôle judiciaire devrait donc être rejetée. Les motifs de ma décision sont exposés ci-dessous.

 

LES FAITS

[3]               Les demandeurs sont tous des citoyens de la Russie. Le demandeur principal est né en 1976. Les deux autres demandeurs sont sa conjointe de fait et leur fille de huit ans. Le demandeur principal est arrivé au Canada en janvier 2003 muni d’un permis de travail d’un an; les autres demandeurs sont arrivés en avril 2004.

 

[4]               Le demandeur principal a affirmé qu’en 1997, il a présenté une proposition au comité du logement du gouvernement fédéral dans le but d’achever la construction d’un immeuble d’habitation qui avait été entamée, puis abandonnée pendant la séparation d’avec l’ancienne Union soviétique. Aux termes de la proposition, l’entreprise du demandeur devait agir comme entrepreneur général et trouver des investisseurs pouvant fournir des fonds et des matériaux pour mener à bien la construction de l’immeuble. Ces investisseurs, des particuliers ou des entreprises, devaient obtenir des appartements qu’ils pouvaient habiter ou louer à d’autres. Aux termes de la proposition, telle qu’elle a été acceptée par les autorités gouvernementales, ces dernières recevaient cinq appartements, l’OITC (une usine avoisinante) en obtenait 28 et les autres investisseurs avaient les 63 appartements restants.

 

[5]               Les problèmes du demandeur ont commencé quand il a été révélé qu’un homme nommé Lvov Yurity, le propriétaire de l’OITC, avait prétendument vendu 28 appartements appartenant à son entreprise à des investisseurs sans réinvestir l’argent ou les matériaux dans l’immeuble. Le demandeur principal a affirmé que M. Yurity était un homme puissant, un ancien membre du Parti communiste de l’URSS qui entretenait de très bonnes relations.

 

[6]               En raison du manque de fonds en provenance de l’OITC, il n’y avait pas suffisamment de ressources pour terminer les 28 appartements. Pour combler cette insuffisance, le demandeur principal a vendu ces 28 appartements à un nouvel investisseur, Anatoly Sugidak. Il n’a pas demandé l’autorisation du comité du logement ou de son président avant de le faire; il croyait que le recours approprié des investisseurs initiaux de l’OITC était de poursuivre M. Yurity, qui avait pris l’argent, et pas de lui demander une réparation. Comme il fallait s’y attendre, un conflit a éclaté au sujet de l’enregistrement des 28 appartements.

 

[7]               Le demandeur principal a ensuite été appelé dans le bureau du ministère public et s’est fait dire de signer et de fournir les titres de propriété des investisseurs de l’OITC, ce qu’il a refusé. Il a affirmé que les autorités l’avaient menacé de l’emprisonner pendant quelques semaines. L’affaire a été renvoyée à la cour, où le comité fédéral du logement a pris la part de M. Yurity, alléguant que les 28 appartements appartenaient aux personnes auxquelles M. Yurity les avait vendus. La cour a tranché en faveur du comité du logement.

 

[8]               Le demandeur a alors appris qu’un ami, qui se trouvait au Canada, pouvait lui trouver un emploi qui lui permettrait d’aller travailler à Toronto. Selon son avocat, le ministère public essayait de trouver une façon de l’inciter à plaider coupable de fraude, ce qui pouvait entraîner une sentence d’emprisonnement de huit à dix ans. Par conséquent, le demandeur a conclu que ce serait une bonne idée de quitter le pays pendant un certain temps, jusqu’à ce que les avocats et les investisseurs parviennent à une entente. Il a obtenu un visa de travail et est arrivé à Toronto en janvier 2003.

 

[9]               Plus tard, après avoir découvert que sa conjointe de fait avait été menacée en Russie, le demandeur principal a fait venir les autres demandeurs au Manitoba, où il avait trouvé un nouvel employeur. Ils sont arrivés en avril 2004 et, en juin de cette année-là, ils ont tous présenté une demande pour demeurer au pays comme immigrants en vertu du programme des candidats provinciaux du Manitoba. Le processus a toutefois cessé après que la GRC, qui a répondu à une demande du ministère public de la Russie, eut interrogé le demandeur principal à propos de son rôle dans le litige relatif à la construction de l’immeuble.

 

[10]           Comme le demandeur principal ne pouvait pas renouveler son visa de travail parce que son passeport russe n’était valide que pour sept mois, et qu’il n’avait aucun statut juridique au Canada, lui et les autres demandeurs ont décidé qu’ils devraient présenter une demande d’asile ou retourner en Russie, où le demandeur principal affirme qu’il serait arrêté et emprisonné.

 

[11]           Le demandeur principal prétend qu’il serait exposé à des risques s’il retournait en Russie parce que, s’il témoigne, le jugement du tribunal russe serait susceptible d’être infirmé en appel. Il pense qu’il serait détenu et maltraité jusqu’à ce qu’il convienne de fournir une preuve à l’appui de la position des investisseurs de M. Yurity.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[12]           Le demandeur principal a déclaré que les personnes responsables des projets de construction forment un groupe social. Compte tenu des faits de la présente affaire, la SPR a conclu que ses craintes [traduction] « de persécution découlent de ce qu’il a fait en tant que personne, et non du fait qu’il était membre d’un groupe d’entrepreneurs ». La SPR a ajouté ce qui suit : [traduction] « Le fait d’être un entrepreneur l’a peut-être placé dans la situation à l’origine de cette crainte, mais cette crainte était fondée sur la situation particulière dans laquelle il se trouvait et non sur son association au groupe de constructeurs en Russie ».

 

[13]           En se fondant sur l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, la SPR a aussi conclu que, de toute façon, les constructeurs ne font pas partie de l’une des trois catégories de « groupe social ». Ils ne sont pas définis par une caractéristique innée ou immuable et ils ne s’associent pas volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas contraints à renoncer à cette association. La SPR a admis que le demandeur pouvait entrer dans la troisième catégorie, c’est-à-dire qu’après s’être acquitté de ses responsabilités en tant qu’entrepreneur en construction, sa participation à ce groupe est devenue une réalité historique qui ne pouvait être modifiée; mais là encore, la SPR a répété, dans un raisonnement quelque peu tautologique, que les risques auxquels le demandeur serait exposé en Russie ne résultent pas de son appartenance au groupe de constructeurs, mais de sa participation à un projet de construction précis.

 

[14]           Enfin, la SPR a aussi conclu que la persécution à laquelle le demandeur prétend être exposé ne découle pas de ses opinions politiques ou des opinions politiques qu’on lui imputait. Il n’a jamais dénoncé la corruption et ne s’en est jamais plaint, soit de façon générale, soit en ce qui concerne une personne mêlée à cette affaire.

 

[15]           Après avoir rejeté la demande d’asile des demandeurs, la SPR a examiné la question de savoir s’ils étaient des personnes à protéger au sens du par. 97(1) de la Loi. Compte tenu de la preuve et des circonstances, la SPR a conclu que [traduction] « les divers scénarios sur lesquels le demandeur se fonde pour alléguer des risques et des menaces décrits à l’article 97 sont hypothétiques ». Le commissaire de la SPR a en partie basé sa décision selon laquelle la norme de preuve de la prépondérance des probabilités n’avait pas été établie sur la conclusion selon laquelle aucune accusation criminelle n’a été portée. Selon le commissaire, les autorités de l’État n’ont aucune raison d’obliger le demandeur à prendre part aux autres procédures puisqu’elles ont déjà eu gain de cause. En ce qui concerne M. Yurity, il ressortait de la preuve qu’il avait fait faillite et que ses investisseurs n’avaient pas eu gain de cause dans leurs demandes devant la cour; malgré les allégations selon lesquelles il était un homme puissant et qu’il entretenait de très bonnes relations, la SPR ne pouvait pas conclure, selon la prépondérance des probabilités, que M. Yurity avait suffisamment de pouvoir pour inciter l’État à arrêter le demandeur et à l’agresser dans le but d’obtenir une preuve à l’appui de la position des investisseurs de l’OITC, car cela entraînerait l’annulation du jugement en faveur du comité du logement. Enfin, la SPR n’était pas convaincue selon la prépondérance des probabilités que le troisième intervenant, M. Anatoly, pouvait lui causer un préjudice parce que son entreprise avait, semble-t-il, perdu son permis et qu’elle était sur le point d’abandonner l’appel.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[16]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève essentiellement deux questions :

-    La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun lien entre la crainte du demandeur principal et l’un des motifs prévus dans la Convention?

 

-    La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas établi l’existence des risques invoqués selon la prépondérance des probabilités?

 

ANALYSE

[17]           Les demandeurs prétendent que la SPR a commis une erreur dans son application de l’exigence de l’existence d’un lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention. La déclaration de la SPR selon laquelle [traduction] « l’appartenance au groupe doit être la cause de la persécution, et non les activités individuelles du demandeur » est, selon le demandeur, erronée en droit puisqu’elle nie le caractère individuel de la décision quant à la demande d’asile. En d’autres termes, les demandeurs soutiennent que la SPR a énoncé une fausse dichotomie entre la persécution attribuable à l’appartenance à un groupe et la persécution attribuable aux activités individuelles.

 

[18]           Il s’agit clairement d’une question mixte de fait et de droit; elle doit donc être examinée selon la norme de la raisonnabilité. Même si j’étais disposé à accepter l’argument du demandeur selon lequel il s’agit d’abord et avant tout d’une question de droit, car elle requiert l’interprétation correcte d’un concept juridique, la norme de la raisonnabilité serait tout de même la norme de contrôle applicable parce que la SPR interprétait la loi qui se rapproche le plus de ses fonctions. Par conséquent, notre Cour interviendra seulement si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47.

 

[19]           Après avoir lu attentivement les motifs du juge LaForest dans Ward, précité, je ne vois aucune erreur dans le raisonnement de la SPR. Le juge LaForest a très clairement affirmé dans ses motifs qu’il convient d’utiliser les notions de discrimination pour dégager le contenu de l’expression « groupe social » trouvée dans la définition de « réfugié au sens de la Convention ». C’est la raison pour laquelle il s’est fondé sur la méthode des « motifs analogues », utilisée dans les affaires relatives à l’art. 15 de la Charte, pour identifier les trois catégories possibles de groupes qui répondent à la définition de « groupe social ». Ces trois catégories sont les suivantes :

(1) les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable;

 

(2) les groupes dont les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association;

 

(3) les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

Ward, précité, p. 739

 

 

[20]           Il n’est pas contesté que les entrepreneurs en construction n’entrent pas dans l’une ou l’autre des deux premières catégories. Peut-on dire qu’ils entrent dans la troisième catégorie? Je ne crois pas. Au départ, cette troisième catégorie a été ajoutée pour assurer un havre aux capitalistes qui fuyaient la persécution à laquelle ils faisaient face dans les régimes du bloc de l’Est, après la Deuxième Guerre mondiale (voir Ward, précité, p. 731). La portée de cette catégorie n’était pas destinée à être limitée à cette situation historique, mais elle devait tout de même être évaluée en fonction des principes fondamentaux qui sous-tendent la Convention des réfugiés. Comme l’a expliqué le juge LaForest :

L’obligation qui incombe au Canada de donner asile aux personnes qui fuient leur pays d’origine n’est pas illimitée. Les gouvernements étrangers devraient avoir une certaine liberté d’action en définissant ce qui constitue un comportement antisocial de la part de leurs ressortissants. Le Canada ne devrait pas outrepasser son rôle sur le plan international en engageant sa responsabilité dès qu’un groupe est visé. Il existe sûrement des groupes auxquels l’affiliation de la personne en cause n’est pas à ce point importante pour elle qu’il conviendrait davantage qu’elle s’en dissocie pour que la responsabilité du Canada soit engagée. La façon la plus simple de faire la distinction consiste peut-être à mettre en opposition ce à quoi une personne s’oppose et ce qu’elle fait, à un moment donné.

Ward, précité, p. 738-739.

 

 

[21]           Il est vrai que le commissaire de la SPR a peut-être été trop catégorique lorsqu’il a affirmé que l’appartenance au groupe doit être la seule cause de la persécution. À cet égard, le demandeur a raison de dire qu’un réfugié qui craint d’être persécuté en raison de son appartenance à un groupe craint généralement d’être persécuté en raison de ses activités individuelles. Il me semble que le critère approprié est celui de savoir si l’appartenance à un groupe est la principale et plus importante cause de persécution. Quoi qu’il en soit, il ressort clairement d’une lecture attentive des motifs de la SPR que la crainte de persécution du demandeur ne découlait pas de son appartenance à un groupe. Cette conclusion en soi permettait de dire qu’il n’y avait aucun lien entre la crainte du demandeur et un motif prévu dans la Convention.

 

[22]           Dans Ward, le juge LaForest a clairement démontré que le fait qu’un demandeur ne fasse pas partie d’un groupe social était en soi suffisant pour le priver de la protection des réfugiés. Après avoir conclu que le groupe auquel M. Ward avait été associé ne répondait pas à la définition de « groupe social », le juge LaForest a formulé les commentaires suivants, lesquels sont clairement une deuxième raison de l’exclure de la protection :

En outre, je n’accepte pas que la crainte de Ward soit fondée sur son appartenance au groupe en question. À mon avis, Ward faisait plutôt l’objet d’un type de persécution fort individualisée et il ne craint pas la persécution à cause des caractéristiques de son groupe. Ward se sent menacé à cause de ce qu’il a fait à titre individuel, et non expressément à cause de son association. Son appartenance à l’INLA l’a placé dans la situation à l’origine de la crainte qu’il éprouve, mais la crainte elle-même était fondée sur son action, et non sur son affiliation.

Ward, précité, p. 745.

 

 

[23]           Le demandeur a aussi essayé d’accorder beaucoup d’importance au fait que la SPR a accepté qu’il, en tant que membre du groupe formé d’entrepreneurs en construction, faisait partie d’un groupe associé par un ancien statut volontaire, immuable en raison de sa permanence historique. À cet égard, je veux souligner deux points. D’abord, la SPR n’était pas catégorique; elle n’a fait qu’indiquer que [traduction] « quelqu’un pourrait ne pas être d’accord » à ce propos. Mais, fait encore plus important, il me semble qu’on banaliserait la notion de « groupe social » si on devait considérer ces groupes professionnels comme étant liés à ce concept. Ce serait incompatible avec les origines historiques de cette notion, incompatible avec l’analyse fondée sur les motifs analogues élaborée dans le contexte du droit en matière de lutte contre la discrimination et peu favorable à la réalisable de l’objet de la protection des réfugiés au sens de la Convention.

 

[24]           Enfin, les demandeurs prétendent que la SPR a commis une erreur en omettant d’effectuer la sorte d’analyse requise par l’affaire Guzman (Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 179 F.T.R. 309). Les demandeurs avaient soutenu qu’ils étaient particulièrement vulnérables en raison de la corruption généralisée dans l’appareil étatique et de la participation nécessaire du gouvernement dans le domaine de la construction. Dans Guzman, la juge Reed a annulé la décision faisant l’objet du contrôle parce qu’elle était d’avis que la SPR n’avait pas effectué l’analyse requise pour évaluer l’ampleur de la corruption de l’État.

 

[25]           Cette évaluation était toutefois nécessaire pour déterminer si l’opposition aux activités criminelles peut devenir une opposition aux autorités de l’État. C’est ce qui se produit lorsque les activités criminelles sont répandues dans l’appareil étatique et quand l’État tolère de telles activités, ou qu’il en est complice. Dans ces circonstances, la dénonciation de la corruption de représentants de l’État peut constituer l’expression d’une opinion politique : voir Klinko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 C.F. 327 (C.A.F.). En l’espèce, comme l’a indiqué la SPR, le demandeur n’a fait aucune déclaration publique avant de quitter la Russie dans lesquelles il dénonçait la corruption, relativement à sa situation particulière ou de façon plus générale. Il est tout au plus un témoin potentiel d’activités criminelles ou corrompues. Par conséquent, la SPR a appliqué les bons principes juridiques aux faits de l’affaire en tirant sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient pas établi un lien avec l’un des motifs prévus dans la Convention.

 

[26]           Après avoir conclu que les demandes d’asile devaient être rejetées, la SPR a examiné la question de savoir si les demandeurs sont des personnes à protéger au sens du par. 97(1) de la Loi. Comme je l’ai déjà dit, la SPR a conclu que [traduction] « les divers scénarios sur lesquels le demandeur se fonde pour alléguer des risques et des menaces décrits à l’article 97 sont hypothétiques ». Il s’agit clairement d’une conclusion de fait qui devrait faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la raisonnabilité.

 

[27]           Selon les demandeurs, la SPR a mal compris la preuve et a cru à tort que l’autorité fédérale du logement était du côté du demandeur principal et que M. Yurity et les investisseurs de l’OITC avaient un intérêt opposé à celui du comité fédéral du logement. Le défendeur reconnaît que les motifs de la SPR contiennent une erreur factuelle quant à l’issue de la décision judiciaire rendue en Russie, et accepte que le témoignage du demandeur principal indiquait que le comité fédéral du logement faisait valoir les droits des investisseurs de l’OITC. Par conséquent, on ne peut pas dire que l’autorité fédérale du logement était du côté du demandeur principal.

 

[28]           Selon les demandeurs, cette erreur suffirait à remettre en question la conclusion tirée par la SPR puisqu’elle est fondée sur la présomption qu’un des agents de persécution, M. Yurity, n’a pas suffisamment de pouvoir pour inciter l’État à persécuter le demandeur principal si la décision était d’annuler la décision favorable au comité fédéral du logement. Les demandeurs prétendent que cette analyse ne tient pas la route étant donné que la décision recherchée et obtenue par le comité fédéral du logement est favorable à M. Yurity.

 

[29]           Cependant, après avoir attentivement examiné le dossier, j’estime que la décision demeure raisonnable en me fondant sur d’autres facteurs relevés par la SPR. Le demandeur principal allègue qu’il risque d’être persécuté ou faussement emprisonné pour l’empêcher de fournir des éléments de preuve ou pour le contraindre à produire de fausses preuves dans le but de cacher la corruption du gouvernement associée aux fonds fournis par les 28 investisseurs initiaux à l’usine de l’OITC. En examinant cet argument, la SPR a souligné quatre raisons de conclure que les risques allégués sont hypothétiques. Premièrement, elle a noté qu’un tribunal russe avait rendu une décision, en vertu de laquelle le comité fédéral du logement obtenait les 28 appartements. Deuxièmement, l’appel de la décision qui a été déposé par l’avocat de M. Anatoly était sur le point d’être abandonné vu que l’entreprise de M. Anatoly avait perdu son permis. Troisièmement, les demandeurs ont vendu l’appartement auquel ils avaient droit en vertu de l’entente initiale conclue avec le comité du logement et ils ont reçu les produits de cette vente; les demandeurs n’ont donc aucun motif personnel de se présenter devant un tribunal. Enfin, la possibilité de porter l’affaire en appel devant la Cour européenne a aussi été soulevée; mais il n’existe aucune preuve permettant d’établir que le demandeur principal pourrait être contraint à témoigner devant cette cour ou, d’ailleurs, que la preuve de vive voix joue un rôle quelconque dans de tels appels.

 

[30]           En résumé, il semble que l’État, qui appuie la position de M. Yurity et des 28 investisseurs initiaux, a déjà eu gain de cause, de sorte qu’il est peu probable que l’appel soit accueilli. La SPR pourrait donc conclure que les risques allégués sont hypothétiques au motif que la preuve ne permettait pas d’établir que l’État avait un motif pour prendre des mesures contre les demandeurs.

 

[31]           Pour ces raisons, la décision de la SPR est raisonnable et il ne servirait à rien de renvoyer l’affaire pour une nouvelle décision malgré l’erreur factuelle relevée précédemment dans les motifs de la SPR. La présente demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée.

 

[32]           À la fin de l’audience, l’avocat des demandeurs a demandé l’autorisation de soumettre une question à des fins de certification après avoir pris connaissance de mes motifs. Je lui ai accordé cette autorisation et, par conséquent, je lui accorde sept jours à partir de la publication des présents motifs pour rédiger toute question qui, à son avis, devrait être certifiée. S’il décide de soumettre une telle question, le défendeur aura sept jours pour répondre.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5086-08

 

INTITULÉ :                                       ALEXEY CHEKHOVSKIY et al. c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 juin 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 septembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

 

POUR LES DEMANDEURS

Sharlene Telles-Langdon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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