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Date : 20090904

Dossier : T-2084-07

Référence : 2009 CF 872

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

2045978 ONTARIO INC. faisant affaire sous le nom de CHAPS THE ORIGINAL

demanderesse

et

 

CHAPS ALDERSHOT INC. faisant affaire sous le nom de LEZLEY’S CHAPS

et KEVIN SAUNDERS

défendeurs

 

et

 

 

2022472 ONTARIO INC. et

JAMES GILLBERRY et ROBERT WILKINSON

 

mis en cause

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse a présenté une requête en jugement sommaire visant à obtenir un jugement déclaratoire portant que les défendeurs avaient usurpé la marque de commerce canadienne enregistrée sous le numéro LMC 636,343, contrairement aux articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi); un jugement déclaratoire portant que les défendeurs avaient appelé l’attention du public sur leurs services et leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi; une injonction permanente à l’encontre des défendeurs; une ordonnance enjoignant aux défendeurs de remettre les marchandises et les enseignes contrevenant à la Loi; une ordonnance portant que toutes les questions relatives aux dommages-intérêts et aux profits seront tranchées en fonction des Règles des Cours fédérales (les Règles); une ordonnance d’adjudication des dépens.

 

[2]               Le 30 mars 2005, la demanderesse est devenue la propriétaire inscrite de la marque de commerce canadienne « CHAPS » enregistrée sous le numéro LMC 636,343 en liaison avec des services de restauration. La demanderesse fait affaire sous le nom de Chaps The Original, un restaurant situé au 3419, rue Fairview, à Burlington, en Ontario. Le certificat d’enregistrement indique que la marque de commerce est employée au Canada depuis, au moins, le 21 novembre 1981 en liaison avec des services, et la demanderesse a fourni la preuve par affidavit que son restaurant est bien connu depuis 1981 et a un historique qui remonte à cette date-là.

 

[3]               En 2006, la société défenderesse a conclu une entente avec la société à numéro mise en cause pour l’achat d’une entreprise de restauration. Le prix d’achat comprenait 100 000 $ pour l’écart d’acquisition et le nom commercial associés à cette entreprise. Par la suite, les défendeurs ont exercé l’activité sous la dénomination commerciale de Lezley’s Chaps. Cette entreprise est située sur la même rue que le restaurant de la demanderesse, mais à 6 kilomètres de distance. Cette entreprise est également un restaurant, quoiqu’elle offre aussi des spectacles musicaux maison produits en direct par des musiciens de rock et de pop.

 

[4]               À l’appui de sa requête en jugement sommaire, la demanderesse a déposé l’affidavit d’Owen Carr, son président, secrétaire et trésorier. La demanderesse a aussi déposé et invoqué la transcription de l’interrogatoire préalable du défendeur Kevin Saunders, en date du 9 mars 2009.

 

[5]               L’action de la demanderesse est une instance à gestion spéciale. Le protonotaire Aalto a été nommé juge responsable de la gestion de l’instance. Dans une lettre en date du 19 juin 2009, la demanderesse a demandé une téléconférence de gestion de l’instance avec le protonotaire Aalto concernant une requête en jugement sommaire et une proposition de calendrier pour la prise des mesures nécessaires aboutissant à la requête. La conférence a eu lieu à Toronto par téléphone, le 14 juillet 2009, en présence des avocats de la demanderesse et des défendeurs. Le calendrier ci-après, tel qu’il est exposé dans une lettre datée du 17 juillet 2009, visait l’achèvement des étapes devant aboutir à la requête en jugement sommaire :

1.      la demanderesse doit signifier et déposer son dossier de requête le 27 juillet 2009 au plus tard;

2.      les défendeurs doivent signifier et déposer leur dossier de requête produit en réponse le 7 août 2009 au plus tard;

3.      tous les contre-interrogatoires relatifs aux affidavits doivent être terminés le 17 août 2009 au plus tard;

4.      les parties doivent signifier et déposer leur mémoire respectif des faits et du droit le 24 août 2009 au plus tard;

5.      la requête en jugement sommaire doit être inscrite sur le rôle général des requêtes de Toronto pour le lundi 31 août 2009.

 

[6]               La demanderesse avait respecté le calendrier, mais pas les défendeurs. Aucun dossier de requête n’a été déposé par ces derniers. Le 24 août 2009, ils ont déposé un affidavit de Kevin Saunders ainsi que leur mémoire des faits et du droit. L’affidavit indique qu’il a été assermenté le 12 août 2009, et l’avocat informe la Cour que cet affidavit a été signifié à la demanderesse le 13 août 2009.

 

[7]               La demanderesse s’oppose à ce que cet affidavit fasse partie du dossier de la présente requête, à la lumière du non‑respect par les défendeurs du calendrier établi et de leur défaut de demander l’autorisation de la Cour ou le consentement de la demanderesse pour déposer tardivement cet affidavit.

 

[8]               La seule explication fournie par l’avocat est que M. Saunders avait été malade et qu’il n’avait pu venir au bureau de son avocat pour souscrire l’affidavit que le 12 août 2009. Aucun affidavit de la part de M. Saunders attestant son incapacité à souscrire l’affidavit, qui était dû le 7 août 2009, n’a été présenté, et aucune explication n’a été offerte pour expliquer la raison pour laquelle un commissaire à l’assermentation n’avait pu aider M. Saunders à souscrire l’affidavit.

 

[9]               La seule explication fournie par les défendeurs pour avoir omis de demander l’autorisation de la Cour en vue du dépôt tardif de l’affidavit est qu’ils pensaient que ce ne serait pas un problème. Comme l’avocat doit bien le savoir, un défaut de se conformer à une directive de la Cour est toujours un problème et, de plus, en est un dont on doit s’occuper immédiatement. À mon avis, il n’y a pas eu d’explication adéquate ou acceptable quant au défaut des défendeurs de déposer leur dossier de requête à temps, et il n’y a pas eu non plus d’explication adéquate ou acceptable pour ne pas avoir communiqué avec la Cour ou avec l’avocat de la partie adverse pour demander une prorogation du délai. En conséquence, la Cour n’accepte pas l’affidavit comme formant une partie quelconque de la preuve dans la présente requête.

 

 

[10]           En tout état de cause, si j’avais été enclin à accepter cet affidavit, j’y aurais accordé très peu ou pas de poids, vu que M. Saunders tente, dans cet affidavit, de revenir sur les admissions qu’il a déjà faites sous serment lors de son interrogatoire préalable.

 

[11]           Il est bien établi que la réponse à une requête en jugement sommaire doit énoncer les faits précis démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse. La partie défenderesse ne peut pas simplement s’appuyer sur les déclarations et les dénégations contenues dans ses actes de procédure, mais doit « présenter ses meilleurs arguments » par une preuve et une argumentation démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse nécessitant un procès. En l’espèce, les défendeurs n’ont présenté aucune preuve. La requête devrait être accueillie sur cette seule base. Toutefois, la demanderesse, aux paragraphes 66 à 115 de son mémoire, a présenté un résumé des admissions tirées de l’interrogatoire préalable de Kevin Saunders qui établit, selon la prépondérance des probabilités, que toutes les prétentions importantes contenues dans la déclaration ont été prouvées.

[12]           Selon mon examen de la documentation présentée à la Cour, les éléments suivants ont été démontrés :

a)      La demanderesse est la propriétaire inscrite de la marque de commerce CHAPS employée en liaison avec des services de restauration;

b)      la marque de commerce est valide;

c)      les défendeurs admettent qu’ils fournissent des services de restauration au public au Lezley’s Chaps;

d)     les deux restaurants sont du même style et de la même catégorie et sont situés sur la même route à 6 kilomètres l’un de l’autre;

e)      le nom Lezley’s Chaps est destiné à faire comprendre au public qu’il s’agit d’un restaurant Chaps, détenu et exploité par Lezley;

f)       le mot le plus important dans l’enseigne et la publicité de Lezley’s Chaps est le mot « Chaps »;

g)      il y a eu des cas où le public a confondu le restaurant Lezley’s Chaps avec celui de la demanderesse; surtout

h)      les défendeurs ont admis que leur emploi de l’appellation « Chaps » à l’égard des services et marchandises du Lezley’s Chaps constituait une usurpation de la marque de commerce de la demanderesse.

 

[13]           Je conclus qu’il y a une preuve de commercialisation trompeuse aux termes de l’alinéa 7b) de la Loi. Les défendeurs ont appelé l’attention du public sur leur restaurant, le Lezley’s Chaps, de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils ont commencé à y appeler ainsi l’attention. L’enseigne, la publicité et les autres documents des défendeurs qui affichent la marque de commerce CHAPS sont destinés à attirer les clients dans leur restaurant. En outre, les défendeurs ont admis que cela était destiné à faire comprendre au public que leur restaurant était un restaurant Chaps appartenant à Lezley.

 

[14]           Je suis également convaincu que le défendeur particulier, à la lumière de ces admissions et du fait qu’il est l’âme dirigeante de la société défenderesse, n’a aucune défense valable à faire valoir à l’encontre de la déclaration. Il est le seul dirigeant de la société défenderesse, occupant les postes de président, secrétaire et trésorier tout en étant le seul administrateur. Lui et sa femme sont les seuls actionnaires. Il consulte un ami, un certain M. Baird, concernant les décisions opérationnelles, mais, au bout du compte, il est celui qui prend ces décisions et les exécute.

 

[15]           La preuve présentée devant la Cour dans le cadre de la présente requête ne peut conduire qu’à la conclusion que Kevin Saunders a adopté délibérément, volontairement et sciemment une conduite dont il savait qu’elle constituait une usurpation de la marque de commerce de la demanderesse. Sa participation à la société défenderesse dépassait le fait de la simple gestion des opérations du restaurant. Dans de telles circonstances, il est personnellement responsable de l’usurpation : Voir l’arrêt Mentmore Manufacturing Co c National Merchandise Manufacturing Co (1978), 40 CPR (2d) 164 (CAF).

 

[16]           Par conséquent, la présente requête en jugement sommaire est accueillie.


ORDONNANCE

            LA COUR :

 

1.                 DÉCLARE que les défendeurs Chaps Aldershot Inc. et Kevin Saunders ont usurpé la marque de commerce canadienne enregistrée sous le numéro LMC 636,343, contrairement aux articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce;

 

2.                  DÉCLARE que les défendeurs Chaps Aldershot Inc. et Kevin Saunders ont appelé l’attention du public sur leurs services et leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils ont commencé à y appeler ainsi l’attention, entre leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;

 

 

3.                  PRONONCE une injonction permanente interdisant à la défenderesse Chaps Aldershot Inc. et à ses dirigeants et administrateurs, et au défendeur Kevin Saunders, ainsi qu’à leurs employés, mandataires, licenciés, ayants cause et ayants droit respectifs, et à toute autre personne sur laquelle l’une quelconque des personnes susmentionnées exerce une autorité :

 

a)                  d’usurper la marque de commerce CHAPS de la demanderesse, contrairement à l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce;

 

b)                  d’employer la marque de commerce Lezley’s CHAPS ou toute autre marque ou tout nom commercial créant de la confusion avec la marque de commerce CHAPS de la demanderesse, contrairement à l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce;

 

c)                  d’appeler l’attention du public sur leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils commencent à y appeler ainsi l’attention, entre leurs services et leur entreprise et ceux de la demanderesse, contrairement à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;

 

4.                  ORDONNE aux défendeurs Chaps Aldershot Inc. et Kevin Saunders, ainsi qu’à leurs employés, représentants, mandataires ou toute personne sous leur contrôle direct ou indirect de ne pas vendre, transférer, céder, mettre en gage ou grever le nom de domaine www.lezleychaps.ca à quiconque ou à toute entité autre que la demanderesse;

 

5.                  ORDONNE aux défendeurs Chaps Aldershot Inc. et Kevin Saunders à remettre immédiatement à la demanderesse, ou de détruire sous serment, toutes les marchandises, tout le matériel publicitaire, tout le matériel promotionnel et/ou d’étiquetage ainsi que toutes les enseignes, y compris celle se trouvant à l’extérieur du Lezley’s Chaps, sous quelque forme que ce soit, qui sont en leur possession, en leur pouvoir ou sous leur contrôle et dont l’emploi violerait les droits de la demanderesse;

 

6.                  ORDONNE que toutes les questions concernant uniquement les dommages découlant de l’usurpation faite par les défendeurs et les profits tirés de cette usurpation seront tranchées en fonction des articles 153 et suivants des Règles;

 

7.                  SE RÉSERVE le droit de rendre une ordonnance relative aux dépens pouvant être alloués jusqu’à ce jour, à l’égard de la présente requête et de l’action, après la réception des observations des parties. La demanderesse doit signifier et déposer ses observations dans les 7 jours des présentes, les défendeurs auront ensuite 7 jours pour signifier et déposer leurs observations et la demanderesse aura par la suite 3 jours pour déposer toute réplique. Les observations doivent être limitées à un maximum de 5 pages, et toute réplique est limitée à 2 pages.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2084-07

 

INTITULÉ DE L’ACTION :          2045978 ONTARIO INC (CHAPS THE ORIGINAL) c CHAPS ALDERSHOT INC ET AUTRE                                                                                                                              

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 31 août 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :           Le 4 septembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Laurent Massam

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Chris Argiropolous

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING, LAFLEUR HENDERSON LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

BURNS, VASAN & ARGIROPOULOS LLP

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

SCARFONE HAWKINS LLP

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

POUR LES MIS EN CAUSE

 

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