Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20090810

Dossier : IMM‑215‑09

Référence : 2009 CF 814

Ottawa (Ontario), le 10 août 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

 

ENTRE :

KIMBERLY ELAINE RIVERA

MARIO RIVERA

CHRISTIAN ALEXANDER RIVERA

REBECCA ANGELINA RIVERA

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), qui vise la décision par laquelle l’agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR) (l’agente) a rejeté, le 8 décembre 2008, la demande d’ERAR des demandeurs.

 

CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont tous citoyens des États‑Unis (É.‑U.).

 

[3]               La demanderesse principale (Kimberly Rivera) a obtenu son diplôme d’études secondaires en 2001 et s’est jointe à la réserve de l’armée américaine afin de financer ses études postsecondaires. Elle a été libérée de l’armée en novembre 2001 après avoir appris qu’elle était enceinte de son premier enfant (Christian). En 2006, la demanderesse principale était mariée et avait deux enfants. Elle travaillait pour Wal‑Mart, mais son mari (Mario) et elle ne gagnaient pas suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins et étaient obligés de demeurer chez ses parents. Comme les relations avec ceux‑ci étaient devenues tendues, elle a décidé de joindre l’armée américaine. Elle a pris son service avec la force régulière le 1er mars 2006.

 

[4]               Après avoir suivi une formation avancée au Aberdeen Proving Ground au Maryland, Kimberly a obtenu le titre de chauffeuse de camion et est arrivée à Bagdad (Iraq) le 27 octobre 2006. Peu après, à la suite d’une querelle avec son mari au téléphone, elle s’est fait harceler par son sergent de peloton. Selon elle, le sergent ne voulait pas qu’elle communique avec son mari.

 

[5]               Kimberly a été affectée à la garde de la grille d’entrée d’une base d’opérations avancée; elle devait travailler avec un partenaire iraquien et veiller à ce qu’aucun objet ou engin dangereux ne puisse être introduit sur la base. Après que son partenaire ait demandé de quitter l’armée parce que sa sœur avait été atteinte par un obus de mortier, Kimberley a commencé à se questionner et s’est tournée vers la prière; elle est arrivée à la conclusion que l’armée américaine se souciait peu de faire des victimes civiles.

 

[6]               Lors d’un entretien téléphonique avec son mari, Kimberly s’est rendu compte qu’ils avaient été interpellés par le même verset de la Bible et elle a conclu que la guerre en Iraq ne correspondait pas aux enseignements de la Bible.

 

[7]               Il était prévu que Kimberly retournerait aux États‑Unis lors de son congé en janvier 2007. Son sergent de peloton adjoint l’avait avertie que si elle désertait elle serait sévèrement punie et ne pourrait se trouver d’emploi. Il lui a dit qu’elle pourrait aller en prison ou même être exécutée.

 

[8]               À son retour aux États-Unis, en congé pour deux semaines, Kimberley a commencé à examiner la possibilité de demander le statut d’objecteur de conscience, estimant toutefois que sa demande ne serait pas acceptée étant donné qu’elle s’était volontairement jointe à l’armée. Elle était convaincue que les forces américaines la réaffecteraient en Iraq.

 

[9]               À la mi‑février 2007, Kimberly et sa famille ont décidé de partir pour le Canada. Ils y sont entrés le 18 février 2007 et y ont demandé l’asile.

 

[10]           Le 26 octobre 2007, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (SPR) a rendu une décision défavorable et, le 25 mars 2008, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision.

 

[11]           Les demandeurs ont par la suite présenté une demande d’ERAR et une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Ces deux demandes ont été refusées le 8 décembre 2008 par l’agente d’ERAR et la décision a été communiquée aux demandeurs en personne le 7 janvier 2009.

 

[12]           Le 12 mars 2009, il a été déterminé qu’il n’existait aucune question sérieuse au regard de la décision relative aux motifs d’ordre humanitaire, et la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée. L’autorisation relative au contrôle judiciaire de la décision d’ERAR a été accordée le 21 avril 2009.

 

[13]           Les demandeurs disent craindre avec raison d’être persécutés au sens de l’article 96 de la Loi s’ils sont renvoyés aux États‑Unis. Ils prétendent également qu’ils ont des motifs sérieux de croire qu’ils seraient exposés à un risque au sens de l’article 97 de la Loi. Kimberly croit qu’en tant que membre de l’armée américaine, et compte tenu de ses opinions politiques et de son engagement public contre la guerre en Iraq, elle sera accusée d’absence sans permission (ASP) ou de désertion, et traduite devant la cour martiale. Selon elle, elle n’aura pas droit à un procès équitable et sera exposée à une sanction extrajudiciaire disproportionnée en raison de son opposition à la guerre en Iraq.

 

DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

 

[14]           L’agente n’a pas tenu compte des documents produits avant la décision de la SPR, ni de ceux qui auraient pu être mis à la disposition de cette dernière, mais qui n’ont pas été produits sans que l’on sache pourquoi. Les autres éléments de preuve ont été admis à titre de nouveaux éléments de preuve. L’agente a aussi précisé que chaque élément de preuve n’avait pas été évalué et soupesé séparément, mais que tous les éléments qui répondaient aux exigences de la Loi avaient été considérés. Voir Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 331, au paragraphe 9.

 

[15]           L’agente a fait remarquer que le 31 mars 2007, la Cour fédérale a rendu les décisions Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 420, et Hughey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 421, lesquelles portaient sur des déserteurs de l’armée américaine qui avaient demandé l’asile devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Dans ces décisions, la Cour a conclu que la légalité de la guerre en Iraq n’était pas un élément d’appréciation pertinent. Ce point de vue a été confirmé par la Cour d’appel fédérale le 30 avril 2007.

 

[16]           La SPR a établi que la protection de l’État constituait la question déterminante et que, même si Kimberly était en désaccord avec la guerre américaine en Iraq et qu’elle avait cherché de l’information sur Internet, elle [traduction] « n’avait pas poussé plus loin ses tentatives pour obtenir le statut d’objecteur de conscience ». La SPR a aussi conclu que [traduction] « toute sanction infligée à la demanderesse d’asile aux États‑Unis serait conforme à une loi d’application générale, après un jugement de la cour martiale ou tout autre processus équitable dans le cadre duquel elle aurait droit à un avocat et bénéficierait d’une procédure équitable, ouverte et transparente ».

 

[17]           La SPR a conclu que [traduction] « l’armée américaine dispose de garanties procédurales et juridiques adéquates pour protéger la demanderesse, dont les convictions personnelles profondes l’opposent au gouvernement américain ou à sa politique militaire. Sa désertion, ou son refus de servir, aurait selon toute probabilité été traitée par voie administrative; de plus, elle disposait de recours judiciaires adéquats dans son propre pays et la notion d’application régulière de la Loi y est reconnue ». Kimberly n’a pas [traduction] « démontré l’existence de circonstances exceptionnelles qui l’exempteraient de demander la protection de son propre pays avant de demander la protection auxiliaire offerte par le droit international relatif aux réfugiés ».

 

[18]           L’agente a fait remarquer que la demande d’ERAR était en substance la même que celle que la SPR avait examinée. La demanderesse n’avait fait état d’aucun nouveau risque au soutien de sa demande. L’agente a estimé que les épreuves subies par la demanderesse principale dans le passé ne justifiaient pas en soi de lui accorder une protection, et n’indiquaient pas nécessairement qu’elle serait exposée à un risque vu la preuve documentaire relative à la situation du pays et vu sa situation personnelle.

 

Sanction judiciaire

 

[19]           L’agente a fait remarquer que les observations de Kimberly et une recherche indépendante indiquent que la peine maximale que commande la désertion est la peine de mort. Dans ses observations, Kimberly fait surtout allusion à l’emprisonnement pour désertion et à l’infliction d’une peine plus sévère en ce qui la concerne, compte tenu du caractère hautement médiatique de son cas et de ses discours publics visant à dénoncer la guerre en Iraq.

 

[20]           Cependant, l’agente a cité l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] CAF 171, au paragraphe 58 :

Des statistiques produites par la Couronne révèlent qu’environ 94 % des déserteurs de l’armée américaine n’ont pas été poursuivis ni emprisonnés, mais ont simplement vu leur cas être réglé administrativement en recevant une libération moins qu’honorable de l’armée. Bien sûr, un soldat qui tente de négocier sa libération avant de déserter aura encore plus de chance d’être réformé par une mesure administrative.

 

 

[21]           Quoique l’agente ait reconnu que le pourcentage de soldats qui s’absentent sans permission (ASP) de l’armée américaine varie d’une période à l’autre, elle a estimé que le fait que ce nombre puisse varier n’indique d’aucune façon que la peine qui pourrait être infligée à Kimberly équivaudrait à de la persécution. L’agente a conclu que la preuve ne démontrait pas que les forces américaines avaient suspendu ou modifié en profondeur les garanties d’application régulière de la loi offertes par le système de justice militaire en raison d’une augmentation du nombre de soldats absents sans permission. L’agente a aussi déclaré que les affidavits et les lettres présentés par les demandeurs ne démontraient pas que les États‑Unis n’ont pas la capacité ni la volonté d’accorder une protection aux demandeurs, ou que Kimberly ne bénéficierait pas de l’application régulière de la loi au sein des systèmes de justice militaire et civile aux États‑Unis. L’agente a une fois de plus cité l’arrêt Hinzman de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 47 : « Bien que les États‑Unis, comme d’autres pays, aient adopté des dispositions punissant les déserteurs, ils ont également mis sur pied un système complet comprenant de nombreuses protections d’ordre procédural pour l’application juste de ces dispositions. »

 

[22]           L’agente a estimé que la possibilité que des poursuites soient engagées suivant une loi d’application générale ne constitue pas en soi une preuve suffisante qu’un demandeur risque d’être persécuté ou de subir toute autre forme de préjudice au sens des articles 96 et 97 de la Loi. La preuve documentaire démontre également que Kimberly pourra bénéficier de l’application régulière de la loi et se prévaloir de la protection de l’État.

 

[23]           L’agente a aussi fait remarquer que Kimberly n’a présenté aucune demande pour obtenir le statut d’objecteur de conscience et que ses explications pour ne pas l’avoir fait reposaient sur des [traduction] « hypothèses » et ne démontraient pas qu’elle ne remplirait pas les conditions lui permettant d’obtenir le statut d’objecteur de conscience en vertu du droit militaire américain. L’agente a conclu que [traduction] « si la demanderesse principale décide de ne pas présenter de demande visant à obtenir le statut d’objecteur de conscience, les éléments de preuve me démontrent qu’elle bénéficierait tout de même de l’application régulière de la loi au sein du système de justice militaire ».

 

Sanction extrajudiciaire

 

[24]           Kimberly a soutenu qu’elle craignait que ses supérieurs lui infligent des brimades et des châtiments corporels, qu’ils la ridiculisent pour s’être absentée de son unité sans permission (ASP), et que cette sanction extrajudiciaire équivalait à de la persécution. Au sein des forces américaines, la sanction extrajudiciaire est une mesure disciplinaire autorisée par l’article 15 du Uniform Code of Military Justice (UCMJ) (le code uniforme de justice militaire). L’agente a conclu que [traduction] « la simple existence de ce code ne signifie pas en soi qu’il sera appliqué à la demanderesse principale d’une manière équivalant à des traitements ou peines cruels et inusités ». L’agente a aussi déclaré que même si Kimberly [traduction] « affirme qu’elle craint de subir des traitements ou peines arbitraires, cruels et inusités sous forme de sanction extrajudiciaire, les observations n’indiquent pas qu’elle a subi de tels traitements dans le passé ». Les affidavits relatant les expériences d’autres officiers ne constituaient pas [traduction] « une preuve documentaire objective qui confirme que la demanderesse principale subira à son retour une sanction extrajudiciaire équivalant à des traitements ou peines cruels et inusités parce qu’elle a décidé de se prononcer publiquement contre la guerre en Iraq ». L’agente a conclu que le pouvoir des commandants militaires d’infliger une sanction extrajudiciaire découle d’[traduction] « une loi d’application générale sous le régime laquelle la demanderesse principale bénéficierait d’un processus équitable si cette sanction était infligée injustement ».

 

Conclusion

 

[25]           L’agente a conclu que si Kimberly demandait la protection de l’État, cette protection lui serait accordée et qu’il lui incombait [traduction] « de démontrer qu’elle avait épuisé toutes les voies de recours dont elle disposait dans son pays de nationalité ».

 

[26]           L’agente a conclu que la protection de l’État, quoiqu’imparfaite, était adéquate. Elle s’est fondée sur l’arrêt Hinzman de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 46 :

46     Les États‑Unis sont un pays démocratique où les pouvoirs des trois branches du gouvernement sont limités par un système de freins et contrepoids, ce qui comprend un appareil judiciaire indépendant et des protections constitutionnelles assurant l’équité du processus. Les appelants ont donc le lourd fardeau de devoir réfuter la présomption selon laquelle les États‑Unis sont en mesure de les protéger et, pour ce, ils doivent prouver qu’ils ont épuisé tous les recours disponibles aux États‑Unis sans avoir obtenu gain de cause avant de demander l’asile au Canada […]

 

[27]           L’agente a conclu que Kimberly n’avait pas établi que, si elle retournait aux États-Unis, elle ne pourrait pas se prévaloir des mécanismes de protection de l’État, notamment des systèmes de justice militaire et civile. De plus, il n’existait aucun motif sérieux de croire que les demandeurs risquaient d’être soumis à la torture, ni aucun motif raisonnable de croire qu’ils seraient exposés à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[28]           Les demandeurs soulèvent les questions suivantes dans le cadre du présent contrôle :

a.                   L’agente a-t-elle mal interprété les risques allégués par les demandeurs?

b.                   L’agente a‑t‑elle écarté des éléments de preuve contenus au dossier?

c.                   La conclusion de l’agente selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État était-elle déraisonnable et a­t­elle été tirée sans tenir compte de la preuve?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[29]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Examen de la demande

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

 

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

Consideration of application

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[30]           De façon générale, les questions soulevées par les demandeurs me commandent d’appliquer la norme du caractère raisonnable. Dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a reconnu que la norme du caractère raisonnable simpliciter et celle du caractère manifestement déraisonnable sont en théorie différentes, mais que « [...] les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples ». (Dunsmuir, au par. 44) En conséquence, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de « raisonnabilité ».

 

[31]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a aussi conclu qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer l’analyse de la norme de contrôle pour chaque affaire. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche ne porte pas fruit que la cour de révision doit examiner les quatre facteurs sur laquelle repose l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[32]           Ainsi, compte tenu de l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et de la jurisprudence antérieure de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable aux questions en litige dans la présente demande est celle du caractère raisonnable. Dans le cadre du contrôle d’une décision selon la norme du caractère raisonnable, l’analyse tient à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (Dunsmuir, au par. 47). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

ARGUMENTS

            Les demandeurs

Interprétation erronée du risque de traitement différent

 

[33]           Les demandeurs prétendent que l’agente a vraiment mal interprété le risque qu’ils fassent l’objet d’un traitement différent en raison de leurs opinions politiques comme ils l’ont invoqué dans leur demande. Ils affirment qu’il s’agit là d’un nouveau risque qui n’a pas été soulevé devant la SPR et que cette dernière n’a pas examiné.

 

[34]           Les demandeurs affirment que le fait d’appliquer la loi d’une manière qui n’est pas neutre au regard des motifs pouvant justifier l’octroi du statut de réfugié, pour des opinions politiques par exemple, équivaut à de la persécution. Cette forme de persécution peut avoir lieu peu importe si l’objet de la peine ou de la sanction équivaut à de la persécution. Les demandeurs soulignent qu’ils ne prétendaient pas que les États‑Unis ne devraient pas punir les déserteurs, mais que de punir les déserteurs d’une façon différente en raison de leurs opinions politiques équivaut à de la persécution. Voir : Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 78; Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 C.F. 540 (C.A.F.), Samhat c. Canada (Ministre de la Citoyennté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1530 (C.F.), et Djebli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 A.C.F. no 1024 (C.F.).

 

[35]           Les demandeurs citent le Guide de l’Agence des Nations‑Unies pour les réfugiés (UNHCR), au paragraphe 169 :

Un déserteur ou un insoumis peut donc être considéré comme un réfugié s’il peut démontrer qu’il se verrait infliger pour l’infraction militaire commise une peine d’une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

 

 

[36]           Les demandeurs prétendent que l’agente ne s’est pas penchée sur la décision de poursuivre les déserteurs pour un motif aussi illégitime que leurs opinions politiques. L’agente s’est simplement intéressée à l’écart qui existe entre les sanctions judiciaires infligées après que la décision de poursuivre le déserteur et de le traduire devant la cour martiale ait été prise. L’agente n’a pas traité de l’élément principal du risque de traitement différent.  Décider de poursuivre quelqu’un en raison de ses opinions politiques pourrait contrevenir aux principes de justice naturelle et aux normes établies.

 

[37]           Les demandeurs font également remarquer que la différence de traitement fondée sur des opinions politiques n’a pas été examinée par la Cour fédérale ni par la Cour d’appel fédérale dans les décisions Hinzman. Ces décisions traitent de la question de savoir si [traduction] « une peine infligée pour refus de servir lors d’une “guerre illégale” équivaudrait en soi à de la persécution ». Donc, l’appréciation de la preuve faite par l’agente dans le cadre de la demande d’ERAR et de l’analyse de la protection offerte par les États‑Unis démontre que l’agente n’a pas compris que le risque qu’une peine différente soit infligée découle du fait d’être avant tout choisi comme cible de poursuites en raison d’opinions politiques.

 

[38]           L’agente n’a pas non plus tenu compte des affidavits qui démontraient que des soldats sont choisis pour être traduits devant la cour martiale en raison de leurs opinions politiques. L’agente a erronément conclu qu’un procès devant la cour martiale constitue en soi « une application régulière de la loi » et une protection de l’État. Selon les demandeurs, le simple fait que Kimberly puisse être poursuivie et subir un procès constitue une application différente de la loi et équivaut à de la persécution fondée sur ses opinions politiques. L’existence de garanties procédurales pendant le processus d’audience n’aurait pas pour effet de la protéger contre la persécution que constitue en soi le fait qu’elle soit poursuivie, ni de faire disparaître cette persécution. Cette persécution découle du fait qu’elle soit poursuivie en raison de ses opinions personnelles et non de la manière dont se déroule l’instance.

 

[39]           Selon les demandeurs, la principale question à laquelle il faut répondre relativement au risque de traitement différent est la suivante : [traduction] « Dans quelles circonstances l’armée poursuit‑elle les déserteurs? » Ils affirment que l’agente n’a pas répondu à cette question et n’a pas compris que le risque de se voir infliger une peine différente soulevé par les demandeurs s’entendait aussi du risque de se voir infliger une peine plus sévère. L’agente n’a pas compris que le risque de se voir infliger une peine différente et plus sévère dépend avant tout de la décision d’intenter ou non la poursuite.

 

[40]           Selon les demandeurs, l’agente a vraiment mal interprété la nature du risque de se voir infliger une peine différente et n’a pas de ce fait apprécié raisonnablement le risque principal soulevé dans leur demande.

 

[41]           Les demandeurs concluent sur cette question en soutenant que la décision de l’agente est déraisonnable et que l’agente [traduction] « interprète mal le risque de traitement différent soulevé dans leur demande, et que de ce fait, elle n’aborde pas la question sous le bon angle ».

 

Interprétation erronée du risque et conclusion viciée quant à la protection de l’État

 

[42]           Les demandeurs prétendent également qu’il est important de bien évaluer les risques dont l’existence est alléguée dans une demande donnée avant de procéder à l’analyse de la protection de l’État, sans quoi le décideur pourrait bien court‑circuiter l’examen complet de la demande. Voir : Lopez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F no 1733, au paragraphe 21 et Medina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 728, aux paragraphes 15 et 16.

 

[43]           Les demandeurs font remarquer que l’analyse relative à la protection de l’État ne peut consister en de simples énoncés ayant trait à des mécanismes législatifs et procéduraux dans un certain pays, mais doit en fait avoir un certain rapport avec les risques soulevés dans la demande. Voir : Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 79, et Villalva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 314.

 

[44]           L’agente analyse les garanties d’application régulière de la loi qui n’empêcheraient pas Kimberly d’être choisie comme cible de poursuites en raison de ses opinions politiques. Le droit à un avocat civil ou militaire, le droit à l’enregistrement de l’audience, le droit de produire des éléments de preuve pour étayer sa défense, et le droit d’interjeter appel d’une décision de la cour martiale n’empêchent pas l’exercice discriminatoire du pouvoir discrétionnaire de poursuivre fondé sur des opinions politiques. L’agente énumère les protections d’ordre général qu’offre le système de justice militaire, sans toutefois traiter des protections contre le risque de traitement différent soulevé par les demandeurs.

 

[45]           Les demandeurs concluent sur ce point en déclarant que la décision de l’agente est déraisonnable puisqu’elle découle d’une mauvaise interprétation et d’une appréciation erronée de la nature du risque soulevé par eux. Le fait que l’agente n’ait pas correctement apprécié le risque de traitement différent en matière de poursuite et de peine vicie la conclusion déterminante à laquelle elle est arrivée – à savoir que les demandeurs pourraient bénéficier d’une protection de l’État aux États-Unis – puisque aucune conclusion n’a été tirée quant à l’existence d’une protection contre le fait d’être choisi comme cible de poursuites au départ.

 

Preuve concernant le risque de traitement différent

 

[46]           Les demandeurs soutiennent également que non seulement l’agente a mal interprété le risque de traitement différent, mais qu’elle n’a pas non plus tenu compte d’éléments de preuve importants qui lui avaient été soumis à cet égard. Le décideur doit mentionner et analyser les éléments de preuve importants qui contredisent directement les conclusions tirées. Cela est d’autant plus important si la preuve est liée à la conclusion contestée. Le fait pour un décideur de ne pas procéder à une évaluation de la preuve contradictoire rend sa décision déraisonnable. Voir : Hassaballa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 658 (C.F.), aux paragraphes 23 à 27; Nyoka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 720 (C.F.), au paragraphe 21; Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.); et Ranji c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), [2008] A.C.F. no 675 (C.F.).

 

[47]           Même si l’agente fait une allusion générale à la preuve, et plus particulièrement à deux documents concernant les poursuites engagées par les forces américaines contre deux personnes en situation semblable et l’emprisonnement de ces dernières, elle ne tient pas vraiment compte des nombreux autres éléments de preuve démontrant que ceux qui se sont prononcés publiquement contre la guerre en Iraq ont fait l’objet de traitement, en particulier des renseignements sur les poursuites engagées contre James Burmeister, Robin Long et le Lt. Watada devant la cour martiale.

 

[48]           Les demandeurs soulignent que la preuve soumise à l’agente en ce qui a trait à James Burmeister, à Robin Long et au Lt. Watada contredit directement et carrément la conclusion selon laquelle Kimberly ne ferait pas l’objet d’un traitement différent en raison de ses opinions politiques. La preuve démontre que l’armée américaine choisit certaines personnes comme cibles de poursuites parce qu’elles ont exprimé publiquement leurs opinions politiques, et que dans certains cas, elle a soutenu ouvertement devant la cour martiale que ces déclarations publiques devraient être considérées comme des facteurs aggravants. L’agente n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve.

 

[49]           Les demandeurs soutiennent également que l’agente ne fait pas directement allusion à l’affidavit de Stephen Funk ni à la lettre de Monica Bendermen, et qu’elle a donc écarté ou omis de mentionner les extraits de ces documents qui contredisent directement ses conclusions sur le traitement différent en matière de peine.

 

[50]           Selon les demandeurs, l’agente a écarté plusieurs éléments de preuve dont elle a été saisie et qui contredisaient directement sa conclusion selon laquelle Kimberly ne ferait pas l’objet d’une peine différente, ce qui rend la décision déraisonnable.

 

Conclusions déraisonnables relatives à la protection de l’État : statut d’objecteur de conscience

 

[51]           Sur ce point, les demandeurs soutiennent que la conclusion de l’agente selon laquelle ils n’ont pas réfuté la présomption relative à la protection adéquate de l’État avait été tirée sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. La conclusion de l’agente selon laquelle Kimberly pouvait bénéficier de la protection que procure le statut d’objecteur de conscience est déraisonnable.

 

[52]           Le fait que rien n’empêche Kimberly de demander le statut d’objecteur de conscience ne signifie pas que, si elle le fait, elle sera protégée contre les risques qu’elle invoque dans sa demande. Voir : Key c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 838; Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 79, et Villalva.

 

[53]           Les demandeurs se fondent sur Eler c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 334, au paragraphe 8 :

8     Lorsque la Commission se fonde sur l’existence d’une loi protectrice et que, selon les éléments de preuve dont elle dispose, la loi en question ne s’applique pas à la demande d’asile sur laquelle elle doit statuer, les motifs de la Commission ne sont pas raisonnables parce qu’ils ne sont pas suffisamment justifiés.

 

 

[54]           Les demandeurs affirment que la conclusion de l’agente selon laquelle Kimberly pouvait se prévaloir de la protection que confère le statut d’objecteur de conscience était déraisonnable compte tenu des multiples éléments de preuve qui lui ont été soumis et qui démontraient qu’en demandant ce statut, Kimberly ne serait d’aucune façon à l’abri des risques soulevés dans sa demande. En fait, une telle demande ferait augmenter les risques auxquels Kimberly est exposée.

 

[55]           Même si l’agente fait brièvement allusion à l’affidavit d’Eric Seitz, un expert en droit militaire américain, elle n’en tient pas compte lorsqu’elle traite du statut d’objecteur de conscience. Selon l’affidavit d’Eric Seitz, les personnes qui demandent le statut d’objecteur de conscience ne sont pas protégées contre les sanctions judiciaires, mais [traduction] « s’exposent à des peines sévères, y compris de longues périodes d’incarcération », et les objecteurs de conscience subissent [traduction] « la persécution, le châtiment, la vengeance et l’intimidation » des collectivités militaire et civile. L’agente ne motive pas sa conclusion selon laquelle, malgré une preuve d’expert à l’effet contraire, Kimberly jouirait d’une protection si elle demandait le statut d’objecteur de conscience, et elle n’explique pas pourquoi elle rejette le témoignage d’expert qui contredit directement cette conclusion.

 

[56]           La preuve démontre que certaines personnes qui avaient demandé le statut d’objecteur de conscience n’avaient bénéficié d’aucune protection contre des risques semblables à ceux soulevés par les demandeurs. L’une d’entre elles a été déployée deux fois plutôt qu’une en zone de combat même si sa demande de statut d’objecteur de conscience était toujours pendante, ce qui démontre l’accroissement du risque auquel ces personnes étaient exposées.

 

[57]           Les demandeurs citent un communiqué d’Amnistie Internationale en date du 18 juin 2008 dont a été saisie l’agente :

Des soldats américains ayant refusé d’être envoyés en Afghanistan ou en Iraq pour des raisons d’objection à la politique et aux pratiques des États‑Unis dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » ont été incarcérés sur la base de leurs seules convictions. Amnistie Internationale en considère certains comme des prisonniers d’opinion, qu’il convient de libérer immédiatement et sans condition. Quelques‑uns de ces prisonniers d’opinion ont été déférés devant un tribunal militaire et condamnés, bien que leur demande d’obtention du statut d’objecteur de conscience ait été en cours de traitement; d’autres ont été placés en détention après que leur demande eut été rejetée, au motif qu’ils étaient opposés à des conflits spécifiques plutôt qu’à la guerre en général.

 

 

[58]           Les demandeurs affirment que la preuve dont disposait l’agente démontre que si Kimberly avait présenté une demande de statut d’objecteur de conscience, cette demande ne lui aurait offert aucune protection contre les risques qu’ils avaient soulevés et  aurait peut-être même amplifié ces risques. Le fait de ne pas tenir compte de certains éléments de preuve pertinents à cet égard rend la décision déraisonnable parce qu’elle ne satisfait pas au critère de « justification », de « transparence » et d’« intelligibilité » énoncé dans Dunsmuir, au paragraphe 47.

 

[59]           Les demandeurs concluent que l’agente a vraiment mal interprété le risque principal qu’ils ont fait valoir et qu’elle n’a pas procédé à l’analyse de la protection de l’État que commandaient les risques soulevés dans leur demande. L’agente n’a pas tenu compte de plusieurs éléments de preuve dont elle disposait et qui contredisaient directement ses conclusions initiales, et elle a fait allusion à certains recours possibles aux États‑Unis qui n’offrent aucune protection contre les risques exposés par les demandeurs. Compte tenu de ces erreurs, la décision est déraisonnable et devrait être renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Défendeur

Les demandeurs n’ont pas prétendu qu’un procès devant la cour martiale constituait une sanction

 

[60]           Selon le défendeur, les demandeurs prétendent que l’agente a commis une erreur parce qu’elle a mal interprété le risque de « traitement différent en matière de peine » soulevé par les demandeurs, le définissant comme l’infliction d’une peine plus sévère, et non comme le risque  d’être traduit devant une cour martiale. Les demandeurs utilisent de façon interchangeable les expressions « traitement différent en matière de peine » et « traitement différent en matière de poursuites » alors que l’agente n’emploie pas cette dernière expression dans ses observations. Le défendeur fait remarquer que, [traduction] « suivant sa définition habituelle, le mot “peine” ne s’entend pas des poursuites judiciaires engagées contre une personne; il ne s’entend que des sanctions infligées à cette étape de l’instance qui porte sur la détermination de la peine ». Le défendeur s’appuie sur R. c. Rodgers, 2006 CSC 15, au paragraphe 62, qui précise que « [s]uivant son sens ordinaire, “peine” s’entend des sanctions dont est passible l’accusé déclaré coupable d’une infraction ». Selon le défendeur, les demandeurs n’ont jamais demandé à l’agente de donner au mot « peine » un autre sens, de sorte que l’agente devait interpréter les termes employés dans leurs observations selon leur sens ordinaire.

 

[61]           Le défendeur soutient également que les demandeurs n’ont jamais explicitement prétendu que le simple fait d’être traduit devant une cour martiale constituait une sanction. L’agente ne peut être blâmée pour avoir évalué le risque auquel les demandeurs prétendent qu’ils seraient exposés. Le défendeur attire l’attention de la Cour sur les observations que les demandeurs ont présentées à l’agente :

[traduction]

·                          Que toute autre peine d’incarcération infligée à Mme Rivera en raison de ses opinions politiques et religieuses, ne serait‑ce qu’une journée de plus, signifie que l’application de cette loi d’application générale équivaut à de la persécution;

·                          La preuve présentée au soutien de la cause de Mme Rivera indique que la cour martiale punit expressément pour leur participation médiatique ceux qui dénoncent la guerre, c’est-à-dire qu’elle leur inflige des peines d’emprisonnement plus longues;

·                          M. Mejia souligne, au paragraphe 14 de son affidavit, qu’il s’est vu infliger la peine maximale pour désertion par une cour martiale spéciale;

·                          Kevin Benderman, qui ne s’est pas absenté sans permission (ASP), a été condamné à une peine d’emprisonnement de 15 mois, à une perte de sa solde et de ses indemnités, à une rétrogradation et à une exclusion pour cause d’indignité;

·                          Malgré qu’il se soit lui‑même livré aux autorités militaires, Ivan a été condamné à une peine d’emprisonnement de 8 mois dans une prison réservée aux Marines et à une démobilisation pour mauvaise conduite.

 

 

[62]           Le défendeur fait remarquer que, dans leurs observations, les demandeurs [traduction] « ne font que vaguement allusion à la possibilité que la demanderesse principale puisse être irrégulièrement choisie comme cible de poursuites ». Cette mention ne figure pas dans la section des observations qui décrit comment les lois d’application générale sont appliquées aux déserteurs; elle est plutôt enfouie dans les commentaires des demandeurs sur l’expérience personnelle de Robin Long, et ne précise pas que le fait d’être choisi comme cible de poursuites ne constitue pas une sanction. Le défendeur fait aussi remarquer qu’[traduction] « aucun élément de preuve n’a été produit pour démontrer qu’un nombre anormalement élevé de personnes qui se sont prononcées publiquement contre la guerre ont fait l’objet de poursuites ».

 

[63]           Le défendeur fait remarquer que selon certaines statistiques figurant dans les documents produits par les demandeurs, seulement 6 % des déserteurs sont traduits devant la cour martiale. Cependant, les demandeurs soutiennent que l’agente n’a pas déterminé si ce pourcentage était constitué de personnes qui s’étaient prononcées contre la guerre. Selon le défendeur, on n’a jamais demandé à l’agente de trancher cette question et les demandeurs n’ont fourni aucune preuve à l’appui de cette prétention. La preuve produite était essentiellement constituée des affidavits de plusieurs personnes qui s’étaient prononcées contre la guerre et qui avaient été traduites devant une cour martiale, et qui expliquaient la situation personnelle de chacun. Pour établir l’existence d’un traitement différent, les demandeurs auraient dû indiquer quelle portion du 6 % s’était prononcée publiquement contre la guerre et quelle portion ne l’avait pas fait. Cette distinction n’a jamais été faite.

 

[64]           Le défendeur soutient que l’agente a mentionné expressément qu’aucune accusation ne peut être portée devant une cour martiale générale avant que l’affaire n’ait fait l’objet d’une enquête approfondie et impartiale, et que l’accusé a le droit d’être représenté par un avocat au cours de cette enquête. Après avoir examiné la preuve produite par les demandeurs, l’agente a conclu que rien n’indiquait que le UCMJ serait appliqué avec une sévérité disproportionnée à Kimberly. Les conclusions de l’agente vont manifestement au-delà de l’analyse des peines qui peuvent être infligées par suite d’une condamnation.

 

L’agente a procédé à une analyse raisonnable et n’a écarté aucun élément de preuve

 

[65]           L’argument des demandeurs, qui citent les conclusions tirées par la Cour dans le cadre de requêtes en sursis ayant trait à d’autres déserteurs afin de démontrer que les conclusions de l’agente relativement au risque étaient déraisonnables, ne tient pas compte du fait que chaque cas doit être jugé individuellement et qu’une requête en sursis suppose une analyse différente de l’analyse que commande une décision d’ERAR. Les demandeurs ont présenté à la Cour les mêmes éléments de preuve que ceux qu’ils ont présentés à l’agente pour démontrer l’existence d’un préjudice irréparable fondé sur le risque.

 

[66]           Le défendeur souligne également que dans la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qu’ils ont présentée à l’égard de la décision rejetant leur demande CH, les demandeurs prétendent qu’il n’était pas déraisonnable pour l’agente de conclure que Kimberly ne serait pas condamnée à une peine d’une sévérité disproportionnée du fait qu’elle s’est prononcée contre la guerre. Les demandeurs ont invoqué les mêmes arguments en ce qui a trait à cette question dans les deux demandes et le 12 mars 2009, le juge Kelen a conclu qu’aucune question sérieuse n’avait été soulevée au regard de la décision CH et il a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Le défendeur rappelle à la Cour que le critère préliminaire servant à établir l’existence d’un risque est moins rigoureux dans le cas d’une demande CH qu’il ne l’est dans le cas d’une demande d’ERAR.

 

[67]           Le défendeur fait remarquer que l’agente a déclaré qu’aucune accusation ne peut être portée devant une cour martiale générale avant que l’affaire n’ait fait l’objet d’une enquête approfondie et impartiale. En conséquence, la prétention des demandeurs selon laquelle l’agente ne s’est pas demandé s’il existe une protection de l’État contre la possibilité d’être choisi comme cible de poursuites est inexacte. L’agente a aussi signalé que le défendeur a droit à un avocat pendant tout le processus, que l’instance est enregistrée et que les droits sont nombreux en matière d’appel. En conséquence, l’agente a procédé à une analyse raisonnable de l’équité de cette procédure.

 

[68]           Le défendeur fait remarquer que les questions de fait relèvent de la compétence et de l’expertise de l’agente et que la Cour doit faire preuve d’une déférence considérable à cet égard. La Cour ne peut substituer sa décision à celle d’un agente si le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la décision était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont l’agent disposait. Voir : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 45‑46 et 59; Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.); Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1983] A.C.F. no 129 (C.A.F.); R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 7 et 8 et Kanyai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 1124, au paragraphe 9.

 

[69]           Le défendeur conteste aussi la prétention des demandeurs selon laquelle l’agente a écarté des éléments de preuve importants, et il affirme qu’il ne pourrait être plus clair qu’elle était au courant de tous les éléments de preuve produits par les demandeurs et qu’elle en a tenu compte. Le défendeur cite l’agente comme suit :

[traduction]

·                          J’ai lu au complet les demandes d’ERAR, les observations et la preuve documentaire. J’ai aussi lu les motifs de la décision de la SPR et en ai tenu compte.

 

·                          Compte tenu de l’ampleur des observations, je signale que chaque élément de preuve ne sera pas apprécié individuellement dans le cadre du présent examen […] Néanmoins, toute preuve qui satisfait aux exigences de l’article de la LIPR précité a été considérée.

 

 

[70]           Le défendeur soutient que l’agente a examiné les affidavits des autres déserteurs produits par les demandeurs et qu’elle a fait remarquer que ces déserteurs avaient été condamnés pour différentes infractions, notamment pour absence non autorisée, désertion et non‑participation à un mouvement. De plus, des peines telles que l’emprisonnement, de six à quinze mois, la rétrogradation, la confiscation de solde, la mise à l’amende et la destitution pour mauvaise conduite leur ont été infligées. L’agente a reconnu que ces documents font état des expériences personnelles vécues par certains membres de l’armée américaine, et que dans certaines circonstances, cette dernière poursuit ses membres pour absence sans permission, désertion et non-participation à un mouvement. L’agente a conclu que la preuve n’avait pas permis d’établir que le UCMJ serait appliqué à Kimberly avec une sévérité disproportionnée.

 

[71]           Le défendeur fait aussi remarquer que l’agente s’est reportée aux témoignages d’Eric Seitz, Stephen Funk, James Glass, Kevin Benderman, Moncia Benderman, Camilo Mejia et Christian Kjar. Elle a déclaré que M. Funk estimait qu’on lui avait infligé une peine d’une sévérité disproportionnée. Le défendeur fait valoir que M. Funk n’avait pas exercé ses droits d’appel et qu’une personne qui croit vraiment qu’elle n’a pas été traitée de façon équitable devrait logiquement chercher à les exercer. L’agente n’a pas écarté la preuve.

 

[72]           Le défendeur s’appuie sur Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 331, aux paragraphes 9 et 10, où la Cour d’appel fédérale a conclu que l’agent n’est pas tenu d’expliquer pourquoi il n’a pas accepté chaque élément de preuve dont il dispose. L’agent doit apprécier la preuve selon son importance et sa valeur probante. L’analyse de l’agente en l’espèce était complète et plus que suffisante.

 

[73]           Le défendeur soutient que, lorsqu’il apprécie la preuve documentaire, l’agent dispose d’un large pouvoir discrétionnaire et peut accorder à certains documents plus de poids qu’à d’autres. L’omission de mentionner certains éléments de preuve documentaire ne vicie pas sa décision puisqu’il est présumé avoir apprécié et examiné toute la preuve qui lui a été soumise jusqu’à preuve du contraire. Voir : Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.), au paragraphe 1.

 

L’analyse de l’agente quant au statut d’objecteur de conscience est raisonnable

 

[74]           Le défendeur soutient que l’agente a examiné la preuve produite par les demandeurs et a conclu que la question de savoir si la demande de statut d’objecteur de conscience présentée par Kimberly serait rejetée était théorique. Une telle demande n’a jamais été présentée à l’armée américaine. L’arrêt Hinzman (C.A.F.) nous enseigne qu’un demandeur d’asile en provenance des États‑Unis doit épuiser tous les recours disponibles dans ce pays en matière de protection de l’État sans avoir obtenu gain de cause avant de demander la protection du Canada. Le défendeur cite le paragraphe 46 de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Hinzman :

46     Les États‑Unis sont un pays démocratique où les pouvoirs des trois branches du gouvernement sont limités par un système de freins et contrepoids, ce qui comprend un appareil judiciaire indépendant et des protections constitutionnelles assurant l’équité du processus. Les appelants ont donc le lourd fardeau de devoir réfuter la présomption selon laquelle les États‑Unis sont en mesure de les protéger et, pour ce, ils doivent prouver qu’ils ont épuisé tous les recours disponibles aux États‑Unis sans avoir obtenu gain de cause avant de demander l’asile au Canada. […]

 

 

Réplique des demandeurs

 

[75]           En réplique, les demandeurs prétendent qu’ils ont soulevé des arguments tout à fait distincts en ce qui a trait à la décision d’ERAR de ceux soulevés à l’égard de la décision CH. Par exemple, ils n’ont pas déclaré dans leur mémoire des arguments et du droit relatif à la décision CH que l’agente avait mal interprété la nature du risque de traitement différent en matière de peine et que ses conclusions relativement à la protection de l’État étaient entachées d’un vice fatal.

 

[76]           Les demandeurs affirment que l’agente d’ERAR a mis l’accent sur les peines que la demanderesse principale pourrait se voir infliger si elle était condamnée par une cour martiale. Or, dans leurs observations, les demandeurs affirment clairement que le traitement différent en matière de peine dont la demanderesse principale ferait l’objet aux États‑Unis tient au fait qu’elle serait traduite devant une cour martiale et emprisonnée plutôt que renvoyée de l’armée par mesure administrative. Tout comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale, 94 % des déserteurs font l’objet d’un renvoi par mesure administrative. Ceux qui se sont prononcés contre la guerre en Iraq ne font pas l’objet d’un renvoi par mesure administrative, mais sont plutôt choisis comme cibles de poursuites, traduits devant la cour martiale et condamnés à une peine d’emprisonnement.

 

[77]           Les demandeurs conviennent avec le défendeur qu’ils n’ont proposé aucune autre définition du mot peine dans leurs observations concernant la décision d’ERAR. Cependant, il n’était pas nécessaire de fournir une autre définition en l’espèce. En aucun moment les demandeurs n’ont affirmé qu’une poursuite en cour martiale constituait une sanction. Ce recours est le moyen utilisé par les procureurs militaires qui cherchent à obtenir une sanction plus sévère, comme l’emprisonnement, plutôt qu’un renvoi par mesure administrative à l’égard des déserteurs qui se sont opposés politiquement à la guerre en Iraq.

 

[78]           Les demandeurs affirment que l’agente a simplement indiqué que la preuve dont elle avait été saisie visait à démontrer que la cour martiale traitait différemment ceux qui s’opposaient à la guerre pour des raisons politiques et les condamnait à l’emprisonnement, contrairement à la majorité qui se voyait plutôt infliger la peine habituelle du renvoi par mesure administrative. Dans leurs observations, les demandeurs n’ont pas mis l’accent sur les écarts dans la durée des peines d’emprisonnement auxquelles s’expose la demanderesse principale si elle est renvoyée, mais ont plutôt fait valoir que le fait d’être choisie comme cible de poursuites devant une cour martiale, plutôt que de faire l’objet d’un renvoi par mesure administrative, constitue une peine différente et plus sévère.

 

[79]           Les demandeurs soutiennent que le risque de se voir infliger une peine différente repose essentiellement sur le fait que les procureurs militaires décident s’ils traduiront les déserteurs devant la cour martiale selon qu’ils ont manifesté ou non une opposition politique ou morale à la guerre en Iraq. La peine différente tient au fait d’être traduit devant la cour martiale, qui représente le moyen nécessaire pour obtenir une peine d’emprisonnement. En fait, ce n’est pas la cour martiale en soi qui constitue la peine. L’agente a mal interprété la nature du risque de différence dans les peines infligées, en présumant que la différence tenait à l’écart dans la durée des peines d’emprisonnement, plutôt qu’à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de décider au départ de tenter d’obtenir une peine d’emprisonnement en passant par la cour martiale.

 

[80]           Les demandeurs font également valoir que l’agente cite à tort l’article 38 plutôt que l’article 32 relativement à l’audience tenue sous le régime de l’UCMJ. Cette erreur ne prouve pas que l’analyse de l’agente va au‑delà de l’appréciation de l’écart qui existe entre les peines infligées par la cour martiale. Lorsqu’elle analyse l’article 32, l’agente traite de nouveau, d’un point de vue théorique, de l’instance devant la cour martiale et oublie la décision initiale concernant l’opportunité de poursuivre le contrevenant. L’audience prévue à l’article 32 n’est manifestement pas une garantie contre l’exercice irrégulier du pouvoir discrétionnaire de poursuivre puisqu’elle n’a aucune incidence sur la décision de choisir quelqu’un comme cible de poursuites devant la cour martiale.

 

[81]           Les demandeurs soutiennent qu’une peine pour désertion serait injustifiée. Kimberly a présenté une demande d’asile au Canada et elle l’a fait très publiquement dans le but évident de démontrer qu’elle avait l’intention de ne plus jamais rejoindre son unité. Elle n’a pas affirmé qu’elle ne devait pas être punie pour désertion; elle a affirmé qu’elle risque de recevoir une peine différente en raison de ses croyances politiques et morales.

 

[82]           Les demandeurs soutiennent que la conclusion de l’agente a été reproduite dans deux décisions distinctes qui ne permettent pas d’établir si elle a vraiment tenu compte, ou pris connaissance, de l’ensemble de la preuve qu’ils lui ont soumise. Le fait que l’agente reproduise les mêmes énoncés dans des décisions distinctes indique qu’elle utilisait un modèle et n’a pas examiné tous les éléments de preuve. Étant donné que l’analyse de la preuve effectuée par l’agente n’est qu’une simple reproduction de l’analyse faite par un autre agent dans le cadre de décisions rendues des mois auparavant, à une époque où certains éléments de preuve n’étaient pas disponibles, il est tout à fait raisonnable de conclure que le fait que l’agente n’ait pas mentionné ces nouveaux éléments de preuve signifie qu’elle n’en a pas tenu compte. Voir : Hassaballa, aux paragraphes 23 à 26; Nyoka, au paragraphe 21; Cepeda‑Gutierrez et Ranji.

 

[83]           Les demandeurs soutiennent que même si sa demande de statut d’objecteur de conscience était accueillie, Kimberly n’échapperait pas aux conséquences juridiques de sa désertion de l’armée américaine. Une telle demande n’a aucun effet rétroactif et n’aurait aucune incidence sur la procédure devant la cour martiale à laquelle Kimberly est exposée.

 

[84]           Les demandeurs affirment également que l’arrêt Hinzman de la Cour d’appel fédérale ne modifie aucunement le principe fondamental énoncé dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, qui établit que les témoignages de personnes qui sont dans une situation semblable et qui ont tenté sans succès d’obtenir la protection de l’État peuvent, de façon claire et convaincante, servir à réfuter la présomption de la protection de l’État. L’arrêt Hinzman ne dispensait pas l’agente d’examiner les divers éléments de preuve qui démontraient que le dépôt d’une demande de statut d’objecteur de conscience n’offrirait aucune protection à Kimberly et ferait vraisemblablement augmenter les risques auxquels elle est exposée. Les demandeurs citent la décision Key, aux paragraphes 34 et 35 :

34 […] Si des éléments de preuve clairs et convaincants sont présentés qui démontrent que M. Key était exposé à un risque sérieux d’être poursuivi et d’incarcération malgré la possibilité qu’il soit éventuellement assujetti à un traitement moins sévère et qui ne constituerait pas de la persécution, M. Key a le droit de faire cette démonstration et de soumettre ce risque à un examen complet. Après tout, l’importance du défaut d’épuiser les recours en vue d’une protection dans le pays d’origine ne s’apprécie pas dans le vide. Il faut que de telles protections soient effectivement disponibles et ne soient pas illusoires. Au surplus, le fait d’invoquer l’existence de garanties quant à l’application régulière de la loi ne vide pas complètement la question que soulèvent les cas comme celui‑ci (bien que cela constitue un des aspects de l’analyse).

 

35     Bien que l’arrêt Hinzman (C.A.F.) ait certainement fixé la barre très haut pour les déserteurs de l’armée des États‑Unis qui demandent l’asile au Canada, la Cour d’appel a reconnu dans cette affaire l’affirmation formulée dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, selon laquelle le défaut d’un individu d’épuiser tous les recours en vue d’obtenir la protection de son État n’emportera pas toujours forcément le rejet de sa demande d’asile. Des éléments de preuve clairs et convaincants au sujet d’individus se trouvant dans une situation similaire et qui ont tenté sans succès d’être relevés de fonctions de combat ou qui ont été poursuivis et emprisonnés au titre d’un refus de servir pourraient être suffisants pour réfuter la présomption de protection de l’État aux États‑Unis. J’ajouterais qu’étant donné que le soldat Key aurait été redéployé en Irak deux semaines après son arrivée aux États‑Unis, la possibilité de tenter d’obtenir une libération ou une mutation n’aurait peut‑être pas été réaliste […]

 

 

Mémoire additionnel des demandeurs

 

[85]           Afin de présenter à la Cour la jurisprudence la plus récente, les demandeurs signalent que quatre décisions récemment rendues portent sur le risque de se voir infliger une peine différente auquel étaient exposées certaines personnes qui étaient dans une situation semblable à celle de Kimberly : Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 415; Walcott c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 IMM‑5527‑08; Walcott c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 IMM‑5528‑08 et Landry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 594.

 

[86]           Les demandeurs citent la décision Hinzman, rendue le 2 juin 2009, aux paragraphes 95 et 96 :

95     Les demandeurs ont produit des éléments de preuve tendant à établir que, s’il est vrai que le demandeur principal tombera sous le coup de lois d’application générale aux États‑Unis, il subira, du fait de la médiatisation de sa situation et de sa critique virulente de la politique américaine en Iraq, un traitement différent des autres, qui pourrait bien entrer dans la catégorie des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives, et qui exclurait les sanctions auxquelles il est exposé du champ de ce qui est considéré comme acceptable en droit international des droits de la personne.

 

96     J’ai examiné les éléments de preuve en cause et la manière dont l’agente les a envisagés dans sa décision. À mon sens, bien qu’il soit certainement possible de se trouver en désaccord avec l’agente sur ses conclusions relatives à cette question, on ne peut dire qu’elle ait négligé des éléments de preuve pertinents ni que ces conclusions soient déraisonnables au sens de l’arrêt Dunsmuir. Il ne m’est pas permis de réévaluer ces éléments de preuve ni de substituer ma propre opinion à celle de l’agent dans ce contexte.

 

[87]           Les demandeurs affirment que le dossier soumis à l’agente d’ERAR dans la présente affaire contenait une preuve cruciale concernant le risque de peine différente, laquelle n’avait pas été présentée à l’agent qui avait statué sur la demande CH de la famille Hinzman. Lorsqu’elle a statué sur la demande de contrôle judiciaire de la décision Hinzman, la Cour ne disposait pas non plus de cette preuve. La décision concernant la demande CH présentée par la famille Hinzman a été rendue en juillet 2008 et les observations finales ont été présentées le 7 juillet 2008. Les éléments de preuve portant sur les poursuites en cour martiale engagées contre M. James Burmeister et M. Robin Long (analysés dans l’exposé du droit et des arguments des demandeurs et dans le mémoire en réplique) n’étaient pas au dossier dans l’affaire Hinzman. Selon les demandeurs, mes conclusions dans la récente décision Hinzman ne s’appliquent pas à la présente demande puisque la preuve soumise à l’agente était totalement différente.

 

 

ANALYSE

 

[88]           Dans leur demande d’ERAR, les demandeurs ont présenté des éléments de preuve et des arguments visant à démontrer que les autorités militaires américaines ont modifié leur position et appliquent des mesures plus sévères contre les déserteurs qui se sont prononcés publiquement contre la guerre en Iraq. Selon eux, l’État, ou tout au moins l’aile militaire de l’État, réserve maintenant un traitement spécial à ceux qui se sont absentés sans permission (ASP) et qui ont exprimé publiquement leur opposition à la guerre en Iraq. Cela signifie que les autorités ont décidé de les traduire devant la cour martiale, plutôt que de les renvoyer par mesure administrative, et de les punir plus sévèrement afin d’en faire des exemples et d’empêcher que d’autres commettent des actes similaires. Les demandeurs affirment que les lois relatives à la désertion aux États‑Unis sont maintenant appliquées de façon différente parce que les déserteurs sont considérés comme des personnes n’ayant pas peur de critiquer les efforts de guerre déployés par les États‑Unis en Iraq. Cela signifie qu’une loi d’application générale a cessé d’être neutre et qu’elle est appliquée d’une manière discriminatoire qui peut équivaloir à de la persécution ou à une peine cruelle et inusitée puisqu’elle vise et punit de façon disproportionnée les déserteurs en raison de leurs opinions politiques.

 

[89]           La demanderesse principale a toujours craint d’être l’objet d’un traitement différent de celui réservé aux autres déserteurs pour avoir simplement exprimé ses opinions politiques sur la guerre en Iraq. Les nouveaux éléments de preuve qu’elle a présentés devaient démontrer que certaines personnes se trouvant dans une situation semblable ont été, à leur retour aux États‑Unis, traduites devant la cour martiale – plutôt que d’être l’objet d’un renvoi par mesure administrative – et que tout au long du procès, elles ont été traitées plus sévèrement, et qu’on leur a donc infligé des sanctions disproportionnées. Elle soutient qu’une loi d’application générale cesse d’être une loi d’application générale si on s’en sert d’une manière qui n’est pas neutre dans le but de punir des soldats en raison de leurs opinions politiques.

 

[90]           L’agente semble assurément accepter l’existence des risques invoqués par les demandeurs lorsqu’elle énonce deux éléments des risques auxquels la demanderesse principale affirme être exposée :

[traduction]

1.                  « La demanderesse principale croit que, en tant que membre de l’armée américaine, compte tenu de ses opinions politiques et de son engagement public contre la guerre en Iraq, elle sera accusée d’absence sans permission (ASP) ou de désertion, et sera traduite devant la cour martiale. »

2.                  « Elle ne croit pas qu’elle aura droit à un procès équitable. De plus, elle déclare qu’elle sera condamnée à une peine extrajudiciaire disproportionnée en raison de son opposition à la guerre en Iraq. »

 

[91]           L’agente reconnaît donc que les risques soulevés par les demandeurs sont le risque d’être poursuivis au départ, et de ce fait, le risque que représente ce qui s’ensuivra sur le plan de l’application régulière de la loi et de la sanction.

 

[92]           L’agente a traité de ces risques lorsqu’elle a invoqué les garanties procédurales offertes à la demanderesse et précisé que le pouvoir discrétionnaire conféré aux juges en matière de détermination de la peine est inhérent à l’indépendance judiciaire, à moins qu’il puisse être démontré que ce pouvoir discrétionnaire est exercé en contravention des principes de justice naturelle, ou au mépris des normes internationales :

 

 

[traduction]

La preuve dont je suis saisie ne permet pas de conclure que les peines infligées aux personnes mentionnées dans les observations de la demanderesse principale étaient d’une sévérité disproportionnée parce qu’elles s’étaient opposées publiquement à la guerre en Iraq. De même, la preuve ne permet pas de conclure que le UCMJ sera appliqué avec une sévérité disproportionnée à la demanderesse principale du fait de sa situation personnelle.

 

 

[93]           À propos du risque de persécution à proprement parler, l’agente a dit ce qui suit :

[traduction]

La possibilité qu’une poursuite soit intentée en vertu d’une loi d’application générale ne constitue pas en soi une preuve suffisante qu’un demandeur risque la persécution ou un préjudice au sens des articles 96 ou 97 de la LIPR. La demanderesse principale était membre de l’armée des États‑Unis et est, conséquemment, assujettie aux lois d’application générale de ce pays. La preuve dont je suis saisie n’indique pas que la demanderesse principale a été inculpée aux États‑Unis. Néanmoins, même si je retiens les arguments de la demanderesse principale selon lesquels elle sera inculpée et poursuivie à son retour aux États‑Unis, la preuve documentaire indique qu’elle y bénéficiera de l’application régulière de la loi et de la protection de l’État.

 

 

[94]           Cette approche adoptée par l’agente soulève plusieurs questions importantes :

a.                   Si la demanderesse principale est choisie pour être traduite devant la cour martiale aux États‑Unis en raison de ses opinions politiques contre la guerre en Iraq, est‑elle tout de même assujettie à une loi d’application générale?

b.                   Le fait qu’une personne bénéficie de l’application régulière de la loi et ait accès à la protection de l’État après que la décision de la poursuivre a été prise sanctionne‑t‑il l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de poursuivre en raison des opinions politiques de la personne visée?

c.                   La demanderesse a‑t‑elle produit des éléments de preuve visant à démontrer qu’elle sera choisie comme cible de poursuites (selon la norme de preuve applicable) en raison de ses opinions politiques?

d.                   Le fait pour la demanderesse d’être choisie comme cible de poursuites en raison de ses opinions politiques contre la guerre équivaut‑il à de la persécution au sens de l’article 96 de la LIPR ou à un préjudice au sens de l’article 97?

 

[95]           De manière générale, les motifs pour lesquels l’agente n’a pas reconnu les risques invoqués sont les suivants :

a.         La preuve documentaire démontre que les règlements militaires aux États‑Unis autorisent les demandes de statut d’objecteur de conscience. La demanderesse principale n’a pas demandé le statut d’objecteur de conscience, mais pouvait le faire;

b.         Même si la demanderesse principale choisit de ne pas demander le statut d’objecteur de conscience, la preuve démontre qu’elle bénéficiera tout de même l’application régulière de la loi au sein du système de justice militaire parce que la protection de l’État existe aux États‑Unis et que la demanderesse principale dispose de recours si les autorités ne respectent pas leur mandat.

 

[96]           Ce dont l’analyse de l’agente ne tient pas compte, c’est de la question de savoir si le fait de cibler des soldats et de les traduire devant la cour martiale en raison de leurs opinions politiques est une application neutre d’une loi d’application générale et, dans la négative, si cette façon d’agir de l’État peut constituer de la persécution au sens de l’article 96 ou un préjudice fondé sur l’article 97.

 

[97]           Autrement dit, l’agente reconnaît que l’action d’engager une poursuite est un risque déterminé, mais elle n’analyse pas cet aspect du dossier de la demanderesse. Elle se concentre sur ce qui se produit une fois que la décision de poursuivre a été prise. Cette approche nuit à l’ensemble de son analyse parce que, lors de son examen de la question de la protection de l’État, elle ne se demande pas si l’État peut protéger la demanderesse principale contre le ciblage, dans la mesure où le ciblage peut être considéré comme de la persécution au sens de l’article 96 ou un préjudice fondé sur l’article 97.

 

[98]           Dans la présente demande, le ministre affirme qu’en soi, l’action de poursuivre n’a jamais été clairement désignée par les demandeurs comme étant un nouveau risque, et que s’ils l’ont fait, la décision porte sur le système des cours martiales dans son ensemble et non pas simplement sur l’application régulière de la loi et la sanction. Je suis d’accord avec le défendeur que la distinction entre la poursuite en soi et la sanction pour désertion n’est pas aussi clairement établie qu’elle le devrait dans les observations. C’est pourquoi j’ai craint au départ que l’agente n’ait pas abordé la question du ciblage parce que les observations écrites semblent mettre l’accent sur la procédure et sur la sanction. Cependant, il semblerait qu’en déterminant elle-même les risques déclarés, l’agente a démontré qu’elle était tout à fait consciente que la demanderesse principale ne craignait pas seulement de subir un procès et de recevoir une sanction, mais aussi d’être accusée de désertion et d’être traduite devant la cour martiale.

 

[99]           En fin de compte, la décision ne comporte aucun examen valable de la question des poursuites engagées contre des déserteurs choisis comme cibles pour s’être prononcés contre la guerre en Iraq. La demanderesse principale a produit de nombreux éléments de preuve sur le ciblage de personnes se trouvant dans une situation semblable, mais ces éléments n’ont jamais été considérés sous cet angle. De plus, l’agente a été saisie d’éléments de preuve démontrant que, pour ce qui concerne les déserteurs qui s’étaient prononcés contre la guerre, des procureurs demandaient à ce qu’ils soient traités plus sévèrement, et des juges leur infligeaient des peines plus sévères. Ce constat soulève à nouveau la question de l’exercice discriminatoire du pouvoir discrétionnaire du poursuivant et des juges à l’égard des soldats qui se sont publiquement exprimés contre la guerre en Iraq. Ce qui, à son tour, soulève des doutes sur les garanties procédurales et la protection de l’État dont bénéficient les personnes ciblées qui font l’objet de poursuites (plutôt que d’être renvoyées par mesure administrative) et qui sont punies sévèrement en raison de leurs opinions politiques. On peut également se demander si cela équivaut à de la persécution au sens de l’article 96 ou à un préjudice au sens de l’article 97. Dans ses observations écrites, la demanderesse principale a soulevé la question, non seulement des peines démesurées, mais également de l’exercice irrégulier du pouvoir discrétionnaire de poursuivre fondé sur le profil du déserteur, considéré comme un détracteur ou comme un opposant aux efforts de guerre des États‑Unis. J’estime que la possibilité pour la demanderesse principale de demander le statut d’objecteur de conscience, ce qui, selon la preuve présentée, ne paraît pas probable, n’est pas pertinente en l’espèce.

 

[100]       L’agente a omis d’examiner un aspect important du dossier des demandeurs. Je ne dis pas que le ciblage fondé sur les opinions politiques doit nécessairement être qualifié de persécution au sens de l’article 96 ou de préjudice au sens de l’article 97. Cette question doit cependant être abordée directement et la preuve produite par la demanderesse doit être examinée et appréciée en conséquence.

 

[101]       De plus, il faut reprendre l’ensemble de l’analyse relative à la protection de l’État en tenant compte du risque allégué, et de la preuve à l’appui, à savoir que les autorités américaines n’appliqueront pas une loi d’application générale de façon neutre, mais qu’elles choisiront la demanderesse principale comme cible de poursuites et de sanctions simplement du simple fait de ses opinions politiques, alors que d’autres déserteurs, qui ne se sont pas prononcés contre la guerre en Iraq, ont fait l’objet de renvoi par mesure administrative.

 

[102]       J’estime que le fait que l’agente n’a pas examiné en profondeur la question du ciblage, et la preuve étayant la thèse des demandeurs, rend la décision déraisonnable et l’affaire doit être renvoyée pour faire l’objet d’un nouvel examen.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

 

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour un nouvel examen.

 

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Judes Basque, B. Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑215‑09

 

INTITULÉ :                                                   KIMBERLY ELAINE RIVERA ET AL. c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 8 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 août 2009

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Alyssa Manning

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Stephen H. Gold

POUR LE DÉFENDEUR

Neal Samson

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alyssa Manning

POUR LES DEMANDEURS

Avocate

 

Toronto (Ontario)

 

 

 

John H. Sims, c.r.

POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.