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Federal Court

 

Cour fédérale


 

Date : 20090716

Dossier : IMM-433-09

Référence : 2009 CF 729

Vancouver (Colombie-Britannique), le 16 juillet 2009

En présence de monsieur le juge Harrington

 

 

ENTRE :

JAGPAL SINGH DHANOA

Demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Dhanoa, un citoyen indien, s’est fait offrir un poste d’une durée de deux ans au sein de Paradise Roofing Ltd., une entreprise située à Surrey, en Colombie-Britannique. Le travail consistait à charger, décharger et transporter des matériaux de construction, à assister dans la construction de toitures, à niveler le sol, à enlever les débris des lieux de construction, ainsi qu’à surveiller et alimenter la machinerie utilisée dans la construction de toitures. Sa demande de visa de résident temporaire et de permis de travail au Canada a été refusée au motif qu’il n’avait pas réussi à convaincre l’agent des visas qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Au printemps de l’année dernière, le gouvernement à mis en place un projet pilote pour les postes ne nécessitant pas un haut niveau de formation régulière. Selon le « FW 1 – Procédures des travailleurs étrangers temporaires »,

[…] Le projet pilote des travailleurs peu spécialisés est une stratégie de gestion du risque sous l’impulsion du marché du travail visant à combler ce vide par l’embauche de travailleurs peu spécialisés d’outre-mer. Lors de l’évaluation des demandes de TPQ les agents des visas doivent avoir à l’esprit les objectifs de la politique de ce projet pilote ainsi que l’équilibre à atteindre entre les risques potentiels et les bénéfices pour l’économie canadienne.

 

 

 

[3]               M. Dhanoa a 37 ans, est marié et a deux enfants. Il travaille à la ferme familiale, qui est évaluée à 150 000$. Éventuellement, la moitié de celle-ci pourrait lui être dévolue.

 

[4]               Son éventuel emploi lui permettrait de toucher un salaire de 18 $ l’heure, ainsi qu’une prime d’heures supplémentaires au-delà de la 40e heure par semaine. Il espère gagner suffisamment d’argent pour pouvoir, avec l’aide d’un prêt de l’un de ses amis, consigner une somme suffisante sur une ferme laitière afin d’obtenir une hypothèque.

 

[5]               Un avis relatif au marché du travail au Canada a été établi.

 

[6]               L’agent des visas n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada au terme de son emploi de deux ans parce qu’il n’avait pas démontré qu’il était suffisamment bien installé en Inde et parce qu’il n’était pas un travailleur étranger authentique et utiliserait plutôt le programme dans le but de faciliter son entrée au Canada.

 

[7]               Les notes de l’agent contiennent ce qui suit :

[traduction]

Le DP n’a pas voyagé auparavant. Selon les informations contenues dans le formulaire de sa demande, son revenu en Inde est faible. Il travaille comme agriculteur en Inde. Je remarque que l’emploi qui lui est proposé au Canada ne correspond pas à son expérience de travail. Compte tenu de la possibilité pour le DP d’avoir un revenu plus élevé au Canada qu’en l’Inde, combiné aux meilleures conditions de vie et de travail au Canada, je conclus que le DP aurait un fort incitatif socio-économique à rester au Canada par tous les moyens après la fin de son séjour autorisé. Je sais que le DP a une femme et des enfants en Inde. Cependant, selon la prépondérance de la preuve, je ne suis pas convaincu que le DP serait incapable de supporter l’épreuve d’être séparé de sa famille, afin de profiter des meilleures possibilités socio-économiques du Canada. Je ne suis pas convaincu que le DP satisfait aux exigences de l’alinéa 200(1)b).

 

Refusé.

 

 

 

[8]               L’agent renvoie à l’alinéa 200(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Cet alinéa prévoit que l’agent délivre un permis de travail s’il est établi que l’étranger quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisé.

 

[9]               Bien qu’il soit vrai qu’une personne venant au Canada est d’abord présumée être un immigrant, que cette personne a par conséquent le fardeau de convaincre l’agent du contraire et que la décision qui fait l’objet du contrôle judiciaire en est une hautement discrétionnaire, il doit être gardé à l’esprit, comme il est mentionné dans l’arrêt Roncarelli c. Duplessis, [1959] S.C.R. 121 qu’« […] il n'y a rien de tel qu’une “discrétion” absolue et sans entraves […] Une loi doit toujours s'entendre comme s'appliquant dans une certaine optique […] ».

 

[10]           Les procédures, qui ne sont que des lignes directrices, sont néanmoins utiles. Elles énoncent que l’évaluation exige la réponse à ces deux questions simples : le demandeur fera-t-il le travail et peut-il le faire? Même si certains risques sont en jeu, le décideur se doit de garder à l’esprit les besoins économiques du Canada.

 

[11]           La norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, 304 D.L.R. (4th) 1. La décision ne satisfait pas à cette norme.

 

[12]           L’absence de voyages antérieurs peut, au plus, constituer un facteur neutre. Si une personne a voyagé, et est toujours revenue chez elle, les doutes de l’agent peuvent être atténués. Si une personne entre au Canada, demande l’asile pour des motifs humanitaires, mais ne reçoit pas la permission de rester ici, une demande de permis de travail temporaire éveillerait évidemment les soupçons.

 

[13]           La remarque voulant que l’emploi ne soit pas lié à l’expériences de travail de M. Dhanoa en tant qu’agriculteur n’indiquait pas qu’il était incapable d’accomplir le travail, puisque cette case n’était pas cochée dans le formulaire de la décision. Je ne vois pas en quoi cela pourrait indiquer son intention de ne pas accomplir son travail et de ne pas quitter le Canada au terme de son emploi.

 

[14]           Les mentions du revenu plus élevé au Canada, ainsi que des meilleures conditions de vie et de travail sont quelque peu inutiles, puisqu’aucune analyse de ses conditions de vie en Inde n’a été conduite, à savoir si son projet déclaré d’acheter une ferme était réaliste, et quel serait son niveau de vie en Inde si on le compare avec celui au Canada, après qu’il ait gagné un peu d’argent ici.

 

[15]           En effet, l’idée même derrière le projet pilote est que ces travailleurs n’entreront ici que s’ils sont mieux payés que dans leur pays d’origine.

 

[16]           La simple pensée qu’il puisse abandonner femme et enfants afin de profiter de meilleures possibilités socio-économiques au Canada est de mauvais goût. Il est plutôt moralisateur de laisser entendre que notre société est plus attrayante pour lui que l’Inde, où il serait au sein de sa famille, simplement parce qu’il aurait 30 pièces d’argent de plus dans ses poches. Comme le disait Timothée 6:10, « Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. »

 

[17]           Comme l’a fait remarquer la juge Tremblay-Lamer dans Minhas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 696, au paragraphe 16, « la majorité des demandeurs ont un avantage économique à venir travailler au Canada et cet avantage ne peut donc pas être si facilement lié à un séjour indûment prolongé étant donné que cette prolongation ne cadre pas avec le régime de permis de travail ». Elle a aussi fait remarquer qu’une analyse du coût de la vie était importante.

 

[18]           La décision était déraisonnable non seulement parce qu’elle se fondait sur des stéréotypes, mais aussi parce qu’elle reposait, comme raison principale pour le refus d’accepter cette personne, sur le facteur qui pourrait induire une personne à venir ici de façon temporaire.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour une nouvelle décision. Il n’y a pas de question à certifier.

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-433-09

 

INTITULÉ :                                       JAGPAL SINGH DHANOA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 juillet 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Harrington

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 16 juillet 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Deepak Gautam

 

POUR LE DEMANDEUR

Edward Burnet

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Murchison, Thomson & Clarke LLP

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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