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Date : 20090630

Dossier : IMM-5172-08

Référence : 2009 CF 682

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2009

En présence de madame la juge Snider

 

ENTRE :

MOYA MECKESHA CAMPBELL

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          LE CONTEXTE

 

[1]               La demanderesse est une citoyenne de la Jamaïque qui est entrée au Canada en 2004 et qui a présenté une demande d’asile en 2006. Elle a allégué craindre avec raison d’être persécutée par son ancien petit ami en Jamaïque. Dans une décision datée du 7 août 2007, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande au motif que la demanderesse n’était pas crédible. La SPR a conclu que la demanderesse avait [traduction] « créé le récit afin d’obtenir le statut de réfugiée au Canada ». En mai 2008, la demanderesse a demandé un examen des risques avant renvoi (ERAR). Dans une décision datée du 2 octobre 2008, un agent d’immigration (l’agent d’ERAR) a rejeté sa demande. La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’ERAR.

 

II.        Les questions en litige

 

[2]               La demanderesse soulève les questions suivantes :

 

1.                  L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en tenant compte d’un affidavit invalide?

 

2.                  L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en tenant compte d’un risque présumé tiré d’une demande distincte de la demanderesse?

 

3.                  L’agent d’ERAR a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de certaines preuves documentaires au sujet de l’incapacité de l’État de protéger les femmes qui sont victimes de violence conjugale?

 

III.       LA NORME DE CONTRÔLE

 

[3]               La décision de l’agent d’ERAR doit être révisée en fonction de la norme de la raisonnabilité, ce qui signifie que je ne peux pas annuler la décision si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

IV.       La décision de l’agent d’ERAR

 

[4]               La décision de l’agent d’ERAR comprend deux parties. La première action de l’agent a été d’examiner si la demanderesse avait présenté une preuve suffisante pour réfuter la conclusion de la SPR selon laquelle elle ne serait pas victime de violence conjugale si elle retournait en Jamaïque. Comme il a conclu que la demanderesse ne s’était pas déchargée de ce fardeau, il a ensuite examiné les autres risques auxquels la demanderesse serait exposée.

 

[5]               La décision de l’agent d’ERAR montre qu’il a tenu compte de toute la preuve qui a été présentée à l’appui de la demande. Une partie de la preuve a été rejetée parce qu’elle n’était pas « nouvelle » au sens de l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Les autres documents et observations ont été examinés. L’agent d’ERAR n’a pas omis de tenir compte de certaines preuves.

 

V.        L’AFFIDAVIT DE JOAN REGIS

 

[6]               La demanderesse a présenté, à l’appui de sa demande, un document intitulé [traduction] « Affidavit de Joan Regis ». Contrairement aux allégations de la demanderesse, je suis convaincue que l’agent pouvait considérer qu’il s’agissait d’un affidavit valide de la demanderesse. Il est évident que le document était mal intitulé. Cependant, le document contient clairement des faits liés à la demande de la demanderesse et le document a été signé et assermenté par la demanderesse. Rien ne donne à penser qu’il ne s’agissait que d’une ébauche de document ou que la demanderesse ne prévoyait pas le présenter comme affidavit. Malgré le titre erroné, l’agent d’ERAR a correctement conclu qu’il s’agissait d’un affidavit valide de la demanderesse et en a bien décrit le contenu dans ses motifs. Il n’y a eu aucune erreur.

 

VI.       L’efficacité de la protection de l’État

 

[7]               La demanderesse soutient que l’agent d’ERAR a omis d’examiner la preuve au sujet de la façon dont la Jamaïque peut, en pratique, efficacement protéger les femmes telles que la demanderesse contre les personnes qui menacent de la tuer, comme son ancien petit ami. La demanderesse se fonde sur l’affaire Wisdom-Hall c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 685, dans laquelle le juge Hughes a conclu que la SPR avait commis une erreur en n’effectuant pas cette analyse. Ce qui distingue l’affaire en l’espèce de celle dont était saisi le juge Hughes est qu’il ne s’agit pas ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la SPR. La SPR avait déjà conclu que le récit de la demanderesse n’était pas crédible; en d’autres mots, la SPR a conclu que la demanderesse n’était pas menacée par son ancien petit ami. L’agent d’ERAR a expressément examiné la preuve présentée par la demanderesse au sujet du fait qu’elle craint son ancien petit ami et il a conclu qu’elle n’était pas suffisante pour réfuter les conclusions de la SPR. À mon avis, l’agent pouvait tirer cette conclusion au vu de la preuve.

 

[8]               Comme il a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté des preuves suffisantes pour réfuter la conclusion de la SPR selon laquelle sa crainte de son ancien petit ami n’était pas fondée, l’agent d’ERAR devait examiner seulement les risques auxquels les femmes font généralement face en Jamaïque. Bien que l’agent n’ait pas mentionné de façon exhaustive la preuve documentaire, je suis convaincue qu’il a tenu compte des problèmes auxquels les femmes sont confrontées lorsqu’elles veulent obtenir une protection de l’État adéquate. Sa conclusion n’est pas déraisonnable.

 

VII.     LE RISQUE PRÉSUMÉ DIVULGUÉ DANS LA DEMANDE CH

 

[9]               L’agent d’ERAR a examiné si la demanderesse serait exposée à un risque en raison du fait que [traduction] « les personnes qui retournent en Jamaïque sont souvent ciblées parce qu’on croit qu’elles ramènent beaucoup d’argent ». L’agent a conclu que la preuve documentaire ne mentionnait pas de telle difficulté. La demanderesse n’a pas soulevé ce risque dans sa demande d’ERAR (bien qu’on se demande pourquoi); elle a plutôt soulevé ce risque dans sa demande de traitement au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (demande CH). La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur en « important » ce risque dans sa demande d’ERAR sans lui donner la possibilité de présenter des observations à ce sujet. La demanderesse croit vraisemblablement qu’elle pourrait présenter des observations supplémentaires au sujet des risques auxquels les personnes riches font face à leur retour en Jamaïque, bien qu’elle n’ait pas fourni d’autres précisions dans sa demande CH. Il s’agit d’un argument des plus inusités. L’agent d’ERAR tentait évidemment de traiter tous les risques possibles auxquels la demanderesse pourrait être exposée. Je reconnais qu’il est inhabituel pour un agent d’ERAR d’examiner des documents qui ne font pas partie de la demande en question, sauf en ce qui a trait à l’examen des documents sur la situation générale dans le pays. Cependant, je ne relève aucune erreur susceptible de révision puisque la demanderesse elle-même a soulevé l’allégation de risque dans sa demande CH. Il ne s’agit pas d’un cas où l’agent d’ERAR s’est fondé sur une preuve extrinsèque. En fait, si je ne tiens pas compte de la partie des motifs qui porte sur cet argument, la décision de l’agent d’ERAR n’aurait pas été différente. Par conséquent, même s’il y a eu erreur dans cette « importation » d’allégation de risque à partir de la demande CH, l’erreur est sans conséquence.

 

VIII.    Conclusion

 

[10]           Pour les motifs exposés ci-dessus, je rejette la demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                        IMM-5172-08

 

INTITULÉ :                                       MOYA MECKESHA CAMPBELL

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 JUIN 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Stella Anaele

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stella Anaele

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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