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Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale

Date : 20090618

Dossier : IMM‑5014‑08

Référence : 2009 CF 643

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

PARVEEN KUMAR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               Dans la présente affaire, les contradictions sont au cœur de la demande du demandeur. Elles étaient suffisamment importantes pour que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) conclue que le demandeur n’était pas crédible.

 

[2]               Un degré élevé de retenue doit être accordé à de telles décisions :

[17]      […] La Cour doit faire preuve d’une grande retenue puisqu’il appartient à la Commission d’apprécier le témoignage des demandeurs et d’évaluer la crédibilité de leurs affirmations. Si les conclusions de la Commission sont raisonnables, il n’y a pas lieu d’intervenir. Toutefois, la décision de la Commission doit s’appuyer sur la preuve; elle ne doit pas être prise arbitrairement en se fondant sur des conclusions de faits erronées ou en ignorant des éléments de preuve présentés. […]

 

(Bunema c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 774, 160 A.C.W.S. (3d) 865; voir également : Navarro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 358, 169 A.C.W.S. (3d) 626, aux paragraphes 12 à 14).

 

[3]               Il est de droit constant que la Commission peut choisir, en contexte, les éléments de preuve qui correspondent le mieux aux particularités de chaque affaire. Il n’appartient ni au demandeur ni à la Cour (Starcevic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1370, au paragraphe 18) de soupeser à nouveau ou d’autrement décider à quels éléments de preuve la Commission aurait dû attribuer plus de poids :

[21]      Il incombe à la SPR, à titre de tribunal spécialisé, d’apprécier la preuve soumise et d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

 

[22]      Pour ce faire, la SPR peut choisir parmi la preuve celle qui représente le mieux la réalité et ce choix fait partie de son rôle et de son expertise. […]

 

(Del Real c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 140, 168 A.C.W.S. (3d) 368; voir également : Alba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1116, au paragraphe 5; Mohimani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 41 A.C.W.S. (3d) 556, [1993] A.C.F. no 564 (QL) (C.A.F.), au paragraphe 2).

 

II.  La procédure judiciaire

[4]               Il s’agit de la demande de contrôle judiciaire présentée contre la décision de la Commission rendue le 17 octobre 2008 et signée le 22 octobre 2008, par laquelle la Commission a décidé que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

 

[5]               La décision de la Commission est basée sur l’absence de crédibilité du demandeur.

 

III.  Les faits

[6]               Le demandeur, M. Parveen Kumar, est un citoyen de l’Inde.

 

[7]               M. Parveen Kumar allègue que ses problèmes sont dus à son frère, Ravinder Kumar, faussement accusé d’avoir aidé des militants et un bandit nommé Umesh Yadav.

 

[8]               Aux dires de M. Parveen Kumar, son frère Ravinder a été arrêté, détenu et torturé deux fois. Il a fini par quitter l’Inde pour l’Italie, où il aurait vécu en situation illégale pendant quelques années avant d’y présenter une demande d’asile.

 

[9]               Le 24 janvier 2005, après le départ de Ravinder, la police s’est rendue à la maison de M. Parveen Kumar, à la recherche de son frère. Comme son frère ne s’y trouvait pas, la police a arrêté M. Parveen Kumar à sa place.

 

[10]           M. Parveen Kumar allègue que les policiers lui ont dit qu’ils avaient trouvé son nom dans un journal qui le liait aux militants. Il allègue qu’il a été remis en liberté le 25 janvier 2005, après avoir été torturé.

 

[11]           M. Parveen Kumar affirme qu’il est allé voir un avocat peu de temps après sa libération, mais que les forces policières ont été mises au courant de sa volonté d’intenter des poursuites contre elles.

 

[12]           Par conséquent, la police a effectué une descente à la maison de M. Parveen Kumar une deuxième fois en mai 2006. Comme il était absent, son père a accepté de l’amener au poste de police à son retour.

 

[13]           Lorsque M. Parveen Kumar s’est présenté aux autorités, il a été arrêté, détenu et torturé pour qu’il révèle où se trouvait Umesh Yadav. Finalement, il a été remis en liberté à condition de se présenter au poste de police une fois par mois.

 

[14]           M. Parveen Kumar a décidé d’aller à New Delhi. Le 8 octobre 2006, après quelques mois passés à New Delhi, il est parti pour le Canada où il est arrivé le 9 octobre 2006.

 

[15]           Il a présenté sa demande d’asile le 27 octobre 2006.

 

[16]           Son audience devant la Commission s’est tenue le 20 août 2008. M. Parveen Kumar était représenté par un avocat.

 

IV.  La question en litige

[17]           La Commission a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a décidé que le demandeur n’était pas crédible?

 

V.  Analyse

            Le manque de crédibilité

[18]           Dans la présente affaire, la Commission a conclu que le récit de M. Parveen Kumar n’était pas digne de foi pour les raisons suivantes :

a)      d’après le témoignage du demandeur, il aurait été torturé en mai 2006 pour qu’il révèle l’endroit où se trouvait Umesh Yadav, même si la preuve documentaire établissait que ce dernier avait été tué huit mois plus tôt, en juillet 2005. Lorsqu’on l’informa de cela, le demandeur a nié ce fait et il a ajouté qu’il était possible que deux personnes portent le même nom. Toutefois, il n’a jamais apporté de preuves supplémentaires étayant l’existence d’un « deuxième Yadav » (Dossier du tribunal (DT), aux pages 336 et 337);

b)      lorsqu’on l’a interrogé sur l’emploi de son frère depuis son retour en Inde, le demandeur a témoigné que son frère travaillait dans un atelier avec son père, et qu’il n’avait pas eu de problèmes avec les autorités. Étant donné que le demandeur avait témoigné que son frère était recherché, et que les autorités voyaient en lui un bandit et un terroriste, la Commission a conclu qu’il était invraisemblable qu’il ait pu retourner en Inde après qu’il se fut enfui pour l’Italie pour présenter une demande du statut de réfugié, et qu’ensuite il travaille avec son père dans un atelier sans avoir de problème (DT, aux pages 344 à 345);

c)      le demandeur a précisé que non seulement la police le soupçonnait d’avoir personnellement des liens avec des militants, mais que son nom avait été trouvé sur une liste de terroristes. La Commission a estimé que, dans de telles circonstances, il était étrange que la police ait été d’accord pour la remise en liberté du demandeur, même contre le versement d’un pot‑de‑vin. Le demandeur a expliqué que des personnes du conseil du village étaient allées au poste de police pour expliquer qu’il « n’avait rien à voir avec les terroristes ». Toutefois, le demandeur n’a pas été en mesure d’expliquer ce qui avait convaincu les policiers de changer complètement d’avis à son sujet et d’ordonner sa remise en liberté (DT, aux pages 317 et 318);

d)      le demandeur n’a produit aucune preuve corroborante pour établir que son frère avait demandé le statut de réfugié en Italie (DT, à la page 6);

e)      le demandeur a contredit son Formulaire de renseignements personnels (FRP) sur un élément fondamental de sa demande :

                                                               i.            d’après le témoignage du demandeur, sa famille avait montré aux policiers une preuve selon laquelle son frère était en Italie; depuis lors, ils n’étaient plus venus chercher son frère, mais seulement le demandeur. Toutefois, son FRP disait que les policiers n’avaient pas cru que son frère était en Italie, qu’ils étaient venus chercher le demandeur le 24 janvier 2005 et qu’il avait été arrêté parce que son frère était absent.

                                                             ii.            lorsqu’on lui a fait remarquer ces contradictions apparentes, le demandeur s’est de nouveau contredit : il a déclaré que la preuve du départ de son frère avait été montrée à la police le jour où il avait été remis en liberté, soit le 25 janvier 2005, tandis que son FRP mentionnait que cette preuve avait été montrée à la police avant l’incarcération du demandeur, c’est‑à‑dire avant le 24 janvier 2005 (DT à la page 7).

 

[19]           Il est de droit constant que le poids accordé à la preuve et l’évaluation de la crédibilité du demandeur sont le fondement même de la compétence de la Commission (Bunema, précité, au paragraphe 1; voir également : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 62, 159 A.C.W.S. (3d) 568; Encinas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 61, 152 A.C.W.S. (3d) 497; Kengkarasa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 714, 158 A.C.W.S. (3d) 973).

 

La première question du demandeur : les règles de preuve applicables à la Commission

[20]           M. Parveen Kumar allègue que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a conclu que la présence de son nom sur une liste de terroristes rendait fortement improbable le fait qu’il ait été remis en liberté. Selon lui, une telle conclusion est conjecturale.

 

[21]           Contrairement aux allégations de M. Parveen Kumar, la Commission n’a pas fait de conjecture sur cette question. La conclusion de la Commission est basée sur le témoignage de M. Parveen Kumar (DT, aux pages 317 à 318).

 

[22]           M. Parveen Kumar déclare que la Commission a commis une erreur parce qu’elle ne lui a pas donné l’occasion de fournir des explications complètes des raisons pour lesquelles la police l’avait accusé d’association avec des militants et avec Umesh Yadav.

 

[23]           Il ressort de la transcription que la Commission a interrogé M. Parveen Kumar sur les motifs que la police lui aurait donnés pour sa détention illicite et sur la vraisemblance de cette partie de son récit.

 

[24]           Certes, M. Parveen Kumar a déclaré qu’on lui avait dit qu’il était soupçonné d’être lié aux militants et que son nom se trouvait dans un journal qui avait été saisi entre les mains des militants. M. Parveen Kumar a aussi déclaré qu’il était soupçonné d’être un terroriste.

 

[25]           La Commission a placé M. Parveen Kumar devant la preuve documentaire et l’incohérence de cette partie de son récit; elle a conclu qu’il était fortement improbable qu’il aurait été remis en liberté après le versement d’un pot‑de‑vin s’il avait été soupçonné d’être un terroriste ou un militant (DT, à la page 318).

 

[26]           L’avocat de M. Parveen Kumar s’est opposé à cette façon de procéder parce qu’il a estimé que la Commission demandait au demandeur de donner son avis. La Commission a rejeté l’objection; elle a donné à M. Parveen Kumar la possibilité d’expliquer son récit dans son ensemble parce que c’était le seul moyen par lequel elle pouvait évaluer la véracité de ses allégations.

 

[27]           La Commission avait le droit de procéder de cette manière.

 

[28]           En fait, le législateur a choisi un modèle de procédure inquisitoire lorsqu’il s’agit pour la Commission d’attribuer le statut de réfugié et de conduire ses audiences de manière informelle (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, [2008] 1 R.C.F. 385, au paragraphe 35).

 

[29]           La Commission n’est donc pas liée par les règles de preuve habituelles. Elle peut accueillir les éléments de preuve qu’elle considère fiables et baser sur eux sa décision (Kalangestani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1528, 154 A.C.W.S. (3d) 452; Waldman, L. Immigration Law and Practice, vol. 1, Butterworths, 2e éd., aux paragraphes 9.15 à 9.16 et 9.196 à 9.197).

 

[30]           Le paragraphe 162(2) et les alinéas 170g) et h) de la LIPR sont libellés de la façon suivante :

162.      [...]

 

(2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

 

162.      …

 

(2) Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit.

 

[...]

 

 

170.      Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

 

170.      The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

 

a) procède à tous les actes qu’elle juge utiles à la manifestation du bien-fondé de la demande;

 

(a) may inquire into any matter that it considers relevant to establishing whether a claim is well-founded;

 

b) dispose de celle‑ci par la tenue d’une audience;

 

(b) must hold a hearing;

 

c) convoque la personne en cause et le ministre;

 

(c) must notify the person who is the subject of the proceeding and the Minister of the hearing;

 

d) transmet au ministre, sur demande, les renseignements et documents fournis au titre du paragraphe 100(4);

 

(d) must provide the Minister, on request, with the documents and information referred to in subsection 100(4);

 

e) donne à la personne en cause et au ministre la possibilité de produire des éléments de preuve, d’interroger des témoins et de présenter des observations;

 

(e) must give the person and the Minister a reasonable opportunity to present evidence, question witnesses and make representations;

 

f) peut accueillir la demande d’asile sans qu’une audience soit tenue si le ministre ne lui a pas, dans le délai prévu par les règles, donné avis de son intention d’intervenir;

 

(f) may, despite paragraph

(b), allow a claim for refugee protection without a hearing, if the Minister has not notified the Division, within the period set out in the rules of the Board, of the Minister’s intention to intervene;

 

g) n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

 

(g) is not bound by any legal or technical rules of evidence;

 

h) peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision;

 

(h) may receive and base a decision on evidence that is adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances; and

 

[31]           La directive no 6 – Mise au rôle et changement de la date ou de l’heure d’une procédure à la Section de la protection des réfugiés, et la directive no 7 – Directives concernant la préparation et la tenue des audiences à la Section de la protection des réfugiés, confirment toutes les deux ce principe :

DIRECTIVES NO 6

 

MISE AU RÔLE ET CHANGEMENT DE LA DATE OU DE L’HEURE D’UNE PROCÉDURE À LA SECTION DE LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS

 

INTRODUCTION

 

[...]

 

La SPR est maître de sa procédure, mais doit respecter les principes de justice naturelle et d’équité. [...]

 

GUIDELINE 6

 

SCHEDULING AND CHANGING THE DATE OR TIME OF A PROCEEDING IN THE REFUGEE PROTECTION DIVISION

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

The RPD has the authority to set its own procedures, as long as the principles of natural justice and fairness are followed.

 

[...]

 

 

DIRECTIVES NO 7

 

DIRECTIVES CONCERNANT LA PRÉPARATION ET LA TENUE DES AUDIENCES À LA SECTION DE LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS

 

INTRODUCTION

[...]

 

[...] Les tribunaux administratifs s’acquittent de leurs fonctions de façon moins formelle et selon une procédure plus expéditive que les cours de justice. Ainsi, la CISR est tenue, par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), de fonctionner sans formalisme et avec célérité et équité. [...]

 

GUIDELINE 7

 

CONCERNING PREPARATION AND CONDUCT OF A HEARING IN THE REFUGEE PROTECTION DIVISION

 

 

 

INTRODUCTION

 

… Administrative tribunals operate less formally and more expeditiously than courts of law. Accordingly, the Immigration and Refugee Protection Act (IRPA) requires the IRB to deal with proceedings before it informally, quickly and fairly…

 

RÔLES DES COMMISSAIRES, DES APR ET DES CONSEILS

 

[...]

 

[...] La jurisprudence montre clairement que la SPR est maître de sa propre procédure. Elle décide du déroulement de l’audience et donne les instructions à cet égard [...]

 

THE ROLES OF MEMBERS, RPOS AND COUNSEL

 

 

… Case law 4 has clearly established that the RPD has control of its own procedures. It decides and gives directions as to how a hearing is to proceed…

 

[...]

 

 

3. AUDIENCE

 

La participation active des commissaires à la tenue des audiences fait partie intégrante de leur rôle inquisitoire. Le commissaire dirige l’enquête et donne des directives pour favoriser l’efficacité de la procédure. [...]

 

3. HEARING

 

It is an essential part of the members’ inquisitorial role to be actively involved in the conduct of hearings. The member is in charge of the inquiry and issues directions to make the proceedings more efficient…

 

[...]

 

 

24. [...] L’interrogatoire doit servir à obtenir l’information pertinente qui aidera le commissaire à rendre une décision éclairée. Les questions invitant le demandeur d’asile à simplement réciter l’exposé circonstancié du FRP n’aident pas le commissaire. [...]

24. … Questioning must bring out relevant information that will help the member make an informed decision. Questions that are answered by the claimant just repeating what is written in the PIF do not help the member.

 

 

            La deuxième question du demandeur : l’absence de preuve corroborante

[32]           M. Parveen Kumar affirme que la Commission ne pouvait pas demander des preuves corroborantes relativement à la demande d’asile de son frère en Italie, puisque son témoignage n’était pas contesté.

 

[33]           Les allégations de M. Parveen Kumar étaient contraires à un courriel confirmant que les autorités italiennes n’avaient aucune trace de la présence de Ravinder dans ce pays (DT, à la page 110).

 

[34]           Par conséquent, la preuve était contradictoire et la Commission devait exiger des explications de M. Parveen Kumar à cet égard et le mettre devant l’absence de preuve corroborante.

 

[35]           En fait, la Commission pouvait demander à M. Parveen Kumar de produire une preuve documentaire puisque son témoignage n’était pas crédible, et elle pouvait tirer une conclusion défavorable d’une telle absence de preuve :

[28]      Il est de jurisprudence constante que la Commission peut tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité de M. Singh lorsque son récit est invraisemblable et que ce dernier ne présente aucune preuve pour corroborer ces allégations. En effet, dans l’affaire Encinas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 61, [2006] A.C.F. no 85 (QL), le juge Simon Noël écrit ce qui suit :

 

[21] J’ajoute qu’il est évident à la lecture des notes sténographiques de l’audience que les demandeurs n’ont pas assumé leur fardeau de preuve pour amener la SPR à conclure positivement à l’égard de leur demande. En effet, à plusieurs reprises, la SPR les a informés que certains faits auraient dû être mis en preuve (le lien d’emploi en 2003 par exemple...). En conséquence, la SPR, n’ayant pas entre les mains la preuve qu’elle aurait voulu obtenir, a conclu que la version des faits de la demande n’était pas crédible. La SPR pouvait certainement conclure ainsi [...]. [Non souligné dans l’original.]

 

(Singh, précité; Encinas, précité).

 

[36]           En l’espèce, M. Parveen Kumar n’a pas produit de documents appuyant les allégations qui étaient au cœur de sa demande, et il a omis de donner des explications satisfaisantes pour l’absence de preuve corroborante.

 

[37]           En fait, M. Parveen Kumar a déclaré qu’il n’avait pas pensé à demander les documents et que l’interprète qui l’a aidé à présenter sa demande n’avait jamais rien demandé de plus (DT, à la page 6, aux paragraphes 14 et 15).

 

[38]           La Commission n’a pas été convaincue par cette réponse, puisque M. Parveen Kumar était représenté par un avocat pour le dépôt de sa demande et de son FRP, et que donc il avait du temps avant l’audience pour demander des documents supplémentaires et compléter son dossier.

 

[39]           L’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 dispose ce qui suit :

7.      Le demandeur d’asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s’en procurer.

7.      The claimant must provide acceptable documents establishing identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they were not provided and what steps were taken to obtain them.

 

[40]           Dans Dundar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1026, 161 A.C.W.S. (3d) 137, la Cour a décidé ce qui suit :

[18]      Il revient au demandeur d’établir les éléments de sa demande d’asile (Gill c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 1498, [2004] A.C.F. no 1828, au paragraphe 25). Dans la décision Samseen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 542, [2006] A.C.F. no 727 (QL), au paragraphe 14, la Cour a statué que ce principe comportait l’obligation de « répondre de façon sincère, cohérente et non évasive à des questions de base au sujet d’incidents qui lui seraient arrivés et qui servent de fondement à sa demande. […] ».

 

[19]      De plus, au moment d’évaluer le bien‑fondé d’une revendication du statut de réfugié, « […] la Commission [a] le droit de tenir compte du peu d’efforts que le demandeur [a] déployés pour obtenir une preuve corroborant [les éléments de sa demande] et de tirer une conclusion défavorable au sujet de sa crédibilité pour cette raison » (décision Samseen, susmentionnée, au paragraphe 30). Par conséquent, bien qu’une preuve corroborante ne soit pas déterminante en ce qui concerne une revendication du statut de réfugié, la Commission a le droit de se demander pourquoi aucune preuve n’a été fournie.

 

[20]      À vrai dire, ce principe provient directement de l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés […]

 

[…]

 

[22]      […] Lorsqu’il existe des motifs valables de douter de la crédibilité d’un demandeur, la Commission peut tirer des conclusions défavorables quant à sa crédibilité s’il ne présente pas de documents corroborants. Cependant, à mon avis, ces conclusions peuvent seulement être tirées lorsque le demandeur n’a également pas été en mesure d’expliquer pourquoi il n’a pas fourni de documents corroborants. [Non souligné dans l’original.]

 

(Voir également : Chikukwa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1191, 75 Imm. L.R. (3d) 144, aux paragraphes 56 à 57).

 

            Les troisième, quatrième et cinquième questions du demandeur : soupeser la preuve à nouveau

[41]           M. Parveen Kumar s’est donné beaucoup de mal pour contester chacune des conclusions de la Commission relatives à sa crédibilité.

 

[42]           Il est évident que M. Parveen Kumar essaie d’amener la Cour à soupeser à nouveau la preuve dans l’espoir que la Cour parvienne à une conclusion autre.

 

[43]           La Commission a accordé une valeur probante minime à certaines pièces telles que P‑7 et P‑8, parce qu’elle a conclu que le récit de M. Parveen Kumar n’était pas crédible (Hamid c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 58 A.C.W.S. (3d) 469, [1995] A.C.F. no 1293 (QL); Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 756, 150 A.C.W.S. (3d) 199, au paragraphe 17).

 

VI.  Conclusion

[44]           Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur sera rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              IMM‑5014‑08

 

INTITULÉ :                                             PARVEEN KUMAR

                                                                  c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     le 9 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    le juge SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                            le 18 juin 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean‑François Bertrand

 

POUR LE DEMANDEUR

Émilie Tremblay

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bertrand, Deslauriers

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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