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Date : 20090616

Dossier : T-2168-07

Référence : 2009 CF 634

Montréal (Québec), le 16 juin 2009

En présence de l'honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

diane bEgin, lucie bergeron, serge bernier,

joanne bilodeau, France bonneville-hebert,

ginette brasseur, carmelo fortunato, pierre hurtubise,

diane ogleman, France riendeau, christiane saulnier,

francine saumure, françois sauvageau

demandeurs

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du délégué de l’administrateur général en matière de classification (AGMC), par laquelle il a retenu la recommandation d’un Comité de griefs de classification (Comité) de rejet des griefs des demandeurs et de maintien de la classification de leurs postes au groupe et niveau PM-04.

 

II.         Faits

 

[2]               En février et mars 2004, les demandeurs déposent des griefs contestant la classification de leur poste au niveau PM-04.

 

[3]               Un Comité entend leurs plaidoiries le 10 septembre 2007 et recommande le 8 novembre  2007, le maintien de la classification de leurs postes au groupe et niveau PM-04. Les demandeurs contestent la décision de l’AGMC par laquelle il a retenu la recommandation du Comité.

 

[4]               Lors de l’audition des griefs, le président du Comité informe les demandeurs « que suite à leur présentation, le Comité pourrait juger bon de consulter la gestion dans le but de clarifier certains points et que dans l’éventualité où l’information obtenue de celle-ci contredirait les faits mis en preuve, elle leur serait transmise pour fins de réplique ».

 

[5]               La totalité des documents produits par les demandeurs devant le Comité a été examinée par lui; il a même accepté que les demandeurs produisent après l’audition cinq descriptions de tâches supplémentaires, lesquelles ont été aussi prises en compte dans sa recommandation.

 

[6]               Le Comité a cru bon de vérifier subséquemment auprès de la gestion la date d’entrée en vigueur des descriptions de tâches et certaines informations faisant déjà  partie de la description de tâches des demandeurs; toutefois, les renseignements obtenus de la gestion ne contredisaient pas ceux des demandeurs; c’est pourquoi le Comité n’a pas jugé bon de les transmettre à ceux-ci.

 

[7]               Les demandeurs soutiennent que le Comité aurait dû leur transmettre les informations obtenues de la gestion et qu’en ne le faisant pas, malgré son engagement, le Comité a enfreint ainsi le principe d’équité procédurale puisqu’ils n’ont pas pu faire valoir leurs arguments au sujet d’éléments, lesquels, selon eux, font obstacle à leurs prétentions. Ils soutiennent en outre qu’ils n’ont pas eu la possibilité de faire valoir pleinement leurs moyens, vu le refus du Comité de recevoir toute la preuve documentaire et d’entendre leurs arguments par suite de contraintes de temps et du comportement du président du Comité.

 

III.       Questions en litige

 

a.       La décision de l’AGMC a-t-elle été prise en violation des principes d’équité procédurale et de justice naturelle?

 

b.      Le maintien des postes des demandeurs au niveau PM-04 est-il raisonnable?

 

IV.       Analyse

Norme de contrôle

[8]               Le Comité de griefs de classification assume des fonctions hautement spécialisées et possède une expertise en matière de classification que la Cour a reconnue dans plusieurs décisions. Vu la nature des questions en litige, la Cour est appelée à accorder à la décision du Comité un  haut degré de déférence (Trépanier c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 1601, par. 22; Beauchemin c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), [2008] A.C.F. no  238, par. 20; Adamidis c. Canada (Conseil du Trésor), [2006] A.C.F. no  305 par. 24) et à retenir comme norme de contrôle celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9). Et ce, à condition bien entendu qu’il n’y ait pas eu violation de l’équité procédurale comme le prétendent  les demandeurs.

 

Équité procédurale

[9]               La jurisprudence reconnaît la nature administrative du processus suivi devant un Comité de griefs de classification; ce processus ne comporte pas forcément un débat contradictoire. « Ce qui est en cause, c’est une décision administrative et non pas judiciaire ou quasi judiciaire; de ce fait les (demandeurs) n’ont droit qu’au minimum d’équité » (Chong c. Canada (Procureur général), [1995] A.C.F. no 1600, par. 39). Le processus  est conforme à l’équité procédurale si  les plaignants ont eu la possibilité d’exposer leurs moyens relatifs à  la classification de leurs postes, de se faire entendre et que leur participation n’a été soumise à aucune restriction.

 

[10]           Or, bien qu’ils aient eu la possibilité de se présenter devant le Comité, les demandeurs soutiennent qu’ils n’ont pas eu la possibilité pleine et entière d’exposer tous leurs arguments sur la classification de leur poste en raison de la manière dont l’audience aurait été menée.

 

[11]           En effet, les demandeurs soutiennent que le Comité aurait refusé de recevoir des documents lors de leur présentation, et aurait prétexté des contraintes de temps; en outre, le président du Comité aurait eu une attitude hostile à leur égard.

 

[12]           Les membres du Comité avaient le droit de s’enquérir du temps requis par les demandeurs pour compléter leur présentation sans pour autant se faire reprocher aujourd’hui d’avoir restreint indûment le temps alloué à ceux-ci pour compléter leur présentation. Les membres du Comité ont le droit de gérer le processus d’audition, donc notamment de s’enquérir du temps requis pour les présentations et de décider du moment de suspendre celle-ci, de l’ajourner ou la poursuivre.

 

[13]           S’il est vrai en l’occurrence qu’un membre du Comité avait indiqué qu’il était impossible de prolonger l’audience du matin au-delà d’une certaine heure, les demandeurs avaient néanmoins été informés par la même occasion que, si nécessaire leur présentation pouvait se poursuivre l’après-midi même. Si les demandeurs n’ont pas saisi la proposition que leur a faite le Comité, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

 

[14]           Comme l’audition devant le Comité n’a pas fait l’objet d’un enregistrement et qu’aucune transcription n’est disponible, la Cour doit s’en remettre aux affidavits contradictoires des parties quant à leurs prétentions sur le déroulement de l’audition, le processus alors suivi, et les remarques des membres du Comité. La Cour ne peut, sur la foi seulement des affidavits produits par les parties, donner raison aux demandeurs ni conclure qu’ils ont été indûment interrompus ou bousculés lors de leur présentation. La version du Comité vaut tout aussi bien celle des demandeurs sur ce point. Les demandeurs avaient le fardeau de convaincre la Cour de leurs prétentions mais elle ne peut retenir leurs allégations.

 

[15]           Chose certaine, les demandeurs ont pu faire valoir tous leurs moyens et arguments à l’appui  de leurs prétentions. Ils ont même fait parvenir des informations additionnelles au Comité, après l’audition, lequel les a  reçues et examinées.   

 

[16]           En bref, les demandeurs n’ont pas su démontrer à la Cour de quelle manière le Comité a pu enfreindre l’équité procédurale ou toute autre règle de procédure qu’il était légalement tenu de respecter.

 

Droit de réplique

[17]           Les demandeurs soutiennent que, contrairement à ce qu’énonce le rapport, les renseignements fournis par la gestion au Comité, après l’audition, contredisent leurs thèses, de sorte que le Comité aurait dû leur accorder un droit de réplique.

 

[18]           Les demandeurs ont eu toute latitude pour faire valoir leurs moyens et arguments. Le Comité les a entendus et en a pris bonne note. On peut alors se demander quelle aurait bien pu être l’utilité d’une réplique? Ils n’auraient alors que pu reprendre devant le Comité les arguments déjà avancés. La Cour ne voit pas en quoi le refus du Comité d’accorder un droit de réplique aux demandeurs peut constituer en l’occurrence une violation du principe d’équité procédurale. Ne pas retenir les arguments des demandeurs ou ne pas leur permettre de revenir sur les mêmes arguments ne constitue pas une violation du principe de justice naturelle et encore moins une violation du principe d’équité procédurale.

 

[19]           Cette conclusion vaut d’autant plus que les renseignements subséquents fournis par la gestion n’étaient pas nouveaux, et que les demandeurs avaient eu toute latitude pour formuler leurs observations sur ceux-ci lors de leur présentation. En effet, la représentante de la gestion n’a fait que confirmer après l’audition certaines informations déjà produites par les demandeurs et figurant dans leur description de tâches; il s’agissait des éléments suivants: la confirmation de la date d’entrée en vigueur de leur description de tâches; leur obligation de rester en contact avec différents intervenants, comme les médias, ce qui faisait déjà partie de leur description de tâches; le fait que les demandeurs étaient toujours chargés du bon cheminement de leurs dossiers du début à la fin; le fait que la nature des décisions prises par les demandeurs était conforme à leur présentation devant le Comité.

 

[20]           Bref, la gestion n’a fourni aucune information au Comité que les demandeurs ignoraient ou ne pouvaient prévoir. Sans compter de plus que, aux fins de son analyse, le Comité devait se fier au contenu de la description de tâches, et ne devait pas tenir compte d’éléments externes divergents ou contradictoires.

 

[21]           Le processus de grief relatif à la classification de postes ne comporte pas impérativement un débat contradictoire (Utovac c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 643, par. 16), même si  le Comité est tenu d'agir avec équité et de donner à l'auteur du grief pleine possibilité de s’exprimer sur les questions  qui sont cruciales. Cependant, même en supposant que les demandeurs avaient droit à un débat contradictoire, leur droit de réplique devait se limiter aux faits nouveaux soulevés par la partie adverse. Or, il n’existait en l’espèce aucune information ou renseignement que les demandeurs ignoraient ou ne pouvaient prévoir anticiper et qui aurait pu justifier un droit de réplique.

 

[22]           Les demandeurs n’ont pas établi à la satisfaction de la Cour que la procédure suivie par le Comité constituait une violation du principe d’équité procédurale. Le Comité a, par conséquent, exercé son pouvoir discrétionnaire correctement.

 

Raisonnabilité de la décision

[23]           Les demandeurs n’ont formulé  aucune observation susceptible de convaincre la Cour que la  décision de maintien de leurs postes au niveau PM-04 est déraisonnable;  ils ont opté de contester la procédure suivie plutôt que le fond de la décision. Il n’y a donc pas matière à intervention.

 

V.        Conclusion

 

[24]           Pour tous ces motifs, la Cour conclut que les demandeurs n’ont pas démontré que  la décision arbitrale contestée était déraisonnable. Leur demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée avec dépens.

 


JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

REJETTE la demande de contrôle judiciaire, le tout avec dépens.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2168-07

 

INTITULÉ :                                       DIANE BEGIN ET AL

                                                            c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 7 MAI 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LAGACÉ J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      le 16 JUIN 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

James Cameron

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Karl Chemsi

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck,

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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