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Date : 20090417

Dossier : IMM-4196-08

Référence : 2009 CF 386

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

MOHABIR DUDHNATH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) qui a rejeté l’appel interjeté par le demandeur contre la décision d’un agent des visas, par laquelle celui-ci a estimé que le demandeur ne s’était pas conformé aux obligations de résidence en sa qualité de résident permanent, telles qu’elles sont prévues par l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).

[2]               La principale difficulté pour le demandeur, c’est qu’il n’a pas contesté la décision de 1997 du bureau canadien des visas en charge de la Guyana, qui lui refusait un permis de retour pour résident permanent.

 

II.         LE CONTEXTE

[3]               Au mois de mai 1995, M. Dudhnath, un citoyen de la Guyana parrainé par sa sœur, est devenu résident permanent.

 

[4]               Le demandeur, à cette époque, vivait en union de fait avec une femme en Guyana et avait deux enfants, qui sont aussi en Guyana, tel que cela a été porté à la connaissance des autorités de l’immigration canadienne.

 

[5]               Du mois de juillet 1995 au mois d’août 1996, époque à laquelle il a quitté le Canada pour retourner en Guyana, le demandeur travaillait comme machiniste.

 

[6]               M. Dudhnath était retourné en Guyana pour épouser sa conjointe de fait et comptait revenir au Canada trois semaines plus tard. Une fois en Guyana, il est tombé malade, et le mariage aussi bien que le retour au Canada ont été ajournés. D’après les conseils d’un consultant en immigration, il lui était permis de séjourner en dehors du Canada pendant six mois. Le demandeur s’est finalement marié au début du mois de février 1997.

 

[7]               Le 21 février 1997, le demandeur a tenté de revenir au Canada. Cependant, au moment de l’embarquement, sa fiche canadienne relative au droit d’établissement faisait défaut. Lorsque, le même jour, le demandeur a déclaré la perte auprès du haut-commissariat du Canada, on lui a conseillé de présenter une demande pour l’obtention d’un permis de retour pour résident permanent. Ce qu’il fit.

 

[8]               Le haut-commissariat, dans une lettre datée du 10 mars 1997, a demandé des informations supplémentaires. Le permis de retour pour résident permanent a été refusé au demandeur le jour suivant, au motif que ce dernier avait cessé de résider en permanence au Canada. La lettre de refus mentionnait que les autorités de l’immigration le soupçonnaient d’avoir vendu sa fiche relative au droit d’établissement à un immigrant éventuel. On l’informait par la même occasion que seul un arbitre au point d’entrée au Canada pouvait rendre une décision finale concernant son statut de résident permanent. Le demandeur n’a engagé aucune procédure judiciaire contre la décision qui lui refusait un permis de retour pour résident permanent.

 

[9]               Le demandeur a depuis lors fait des tentatives sporadiques pour régulariser sa situation. En fait, pas grand chose n’a été accompli jusqu’en 2007, lorsqu’il a introduit une demande pour l’obtention d’un titre de voyage de retour, par l’entremise d’un autre consultant engagé par ses parents, des résidents permanents.

 

[10]           Avant l’année 2007, les tentatives pour régler le statut du demandeur – lesquelles tentatives montraient, à son avis, qu’il avait constamment l’intention de retourner au Canada – ont été d’engager, d’une part, les services d’un avocat afin d’obtenir une copie certifiée conforme de la fiche relative au droit d’établissement (au moyen de laquelle le demandeur avait tenté d’embarquer à bord d’un avion en Guyana pour revenir au Canada) et, d’autre part, les services d’un consultant en immigration pour intenter une procédure contre le gouvernement canadien (ce qui ne s’est pas produit).

 

[11]           Concernant la tentative actuelle d’obtenir un titre de voyage de retour, le haut-commissariat du Canada a rejeté la demande parce que le demandeur n’avait pas été effectivement présent au Canada pendant le nombre de jours requis, tel que le prévoit l’alinéa 28(2)a) de la LIPR, et parce qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire (CH) avancés pour justifier son omission de remplir cette condition.

L’alinéa 28(2)a) est rédigé comme suit :

28. (2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

 

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

 

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

 

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

 

 

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

 

28. (2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

 

(i) physically present in Canada,

 

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

 

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

 

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

 

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

 

[12]           Le demandeur a interjeté appel contre la décision de la SAI. L’appel ainsi formé est concentré sur le pouvoir discrétionnaire dont dispose la SAI en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR :

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 

[…]

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

[13]           La SAI a énuméré les facteurs pris en compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire :

a.                   l’étendue de l’inobservation, par le demandeur, de l’obligation de résidence ;

b.                  le temps que le demandeur a passé au Canada avant son départ;

c.                   le degré d’établissement au Canada qui subsiste pour le demandeur;

d.                  les raisons qu’il avait eues de quitter le Canada et de demeurer à l’extérieur du Canada;

e.                   le degré de difficultés que les membres de sa famille résidents au Canada éprouveraient;

f.                    l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

[14]           En appliquant ces facteurs, la SAI a tiré les conclusions clés suivantes :

a.                   que le demandeur n’est ni retourné au Canada ni n’a tenté de le faire dans les cinq ans précédent sa demande d’un permis de retour pour résident permanent;

b.                  que la SAI ne pouvait pas reconsidérer la décision du haut-commissariat de 1997 mais qu’elle pouvait noter que l’incident de 1997 démontrait une tentative d’entrer au Canada;

c.                   que le demandeur n’était resté au Canada que pendant 13 mois;

d.                  que le demandeur n’était pas établi au Canada et qu’il n’avait pas fourni la preuve qu’il avait un emploi;

e.                   que les parents et la fratrie du demandeur vivaient déjà au Canada mais qu’ils ne lui ont jamais rendu visite en Guyana (la Cour note que tous les efforts déployés pour régler la situation du demandeur ont été fournis par ses parents dévoués, y compris leur présence à la Cour);

f.                    qu’il n’était pas dans l’intérêt supérieur des enfants de les laisser en Guyana pour un temps indéterminé en attendant qu’il les parraine. En outre, que le demandeur n’avait pas fait le nécessaire pour leur entretien, qu’ils ne seraient pas exposés à des difficultés si eux et le demandeur restaient en Guyana et qu’ils continueraient à avoir accès à leur mère (qui est maintenant séparée du demandeur) en Guyana.

 

III.       ANALYSE

A.        La norme de contrôle

[15]           J’adopte la conclusion de Barm c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 893, selon laquelle dans ce genre d’affaire, la norme de contrôle est la norme de la décision raisonnable et on doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions de fait dans le contexte d’une décision hautement discrétionnaire.

 

[16]           L'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, rendu peu de temps après l’audition de la présente affaire, n’a en rien altéré l’analyse relative à la norme de contrôle, en ce qui concerne les contrôles judiciaires à la Cour fédérale, que commande l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. L’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, continue de fixer la norme de contrôle de la décision raisonnable pour les décisions CH.

 

[17]           La question est de savoir si la décision appartient aux issues raisonnablement acceptables dans le contexte d’une demande CH.

 

B.         La Décision

[18]           Le demandeur s’est beaucoup trop fié à l’intention comme principe applicable, mais aussi quant à son application à la présente cause.

 

[19]           L’intention peut être un facteur pertinent au regard des motifs CH de l’article 67, mais elle ne domine pas l’analyse des facteurs.

 

[20]           La SAI a procédé à une analyse approfondie des facteurs pertinents. La décision de 1997 de rejeter la demande d’un permis de retour pour résident permanent était un facteur essentiel. Cette décision, basée sur les allégations selon lesquelles le demandeur avait vendu sa fiche relative au droit d’établissement, comportait comme conclusion que ce dernier avait cessé de résider en permanence au Canada.

 

[21]           En l’absence de toute contestation de la décision de 1997, le haut-commissariat et la SAI devaient accepter cette conclusion. Par conséquent, les efforts sporadiques et inefficaces pour revenir au Canada ne constituent pas une preuve suffisante de l’intention de demeurer un résident ou d’obtenir la résidence.

 

[22]           L’examen par la SAI des facteurs CH était suffisant et complet. Bien que l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants aurait pu soulever des questions, il n’appartient pas à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve.

 

[23]           En résumé, les efforts du demandeur pour réfuter toute conclusion d’abandon ou pour établir le bien-fondé des motifs CH permettant le retour au Canada, c’était trop peu, trop tard. L’option qui subsiste pour le demandeur est de présenter une demande d’autorisation d’entrer au Canada de la même façon que la plupart des autres personnes doivent le faire.

 

IV.       CONCLUSION

[24]           Pour ces motifs, et bien que l’avocate du demandeur ait fait de son mieux, le présent contrôle judiciaire sera rejeté. Aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4196-08

 

INTITULÉ :                                       MOHABIR DUDHNATH c. LE MINISTRE DE LA 

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS 

ET DU JUGEMENT :                       Le 17 avril 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alesha A. Green

 

POUR LE DEMANDEUR

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green, Willard LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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